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dimanche, 27 décembre 2015

Philippe Baillet: Des portraits drapés de blanc

Archives 2011

Philippe Baillet: Des portraits drapés de blanc

par Louis Montarnal

Ex: http://www.actionfrancaise.net

Rassemblant des articles publiés dans Le Choc du mois, La Nouvelle Revue d'histoire ou La Nef, Philippe Baillet brosse autant de portraits nourrissant l'étude de la radicalisation du conservatisme américain. Aperçu.

C'est un ami alors directeur de collection aux éditions de l'Âge d'Homme qui, voilà quelques années, m'a présenté Philippe Baillet. Nous nous étions rencontrés dans un café près de la cathédrale de Rodez avant d'aller dîner dans un petit restaurant situé dans une venelle de la vieille ville. Nous avions parlé de cet immense écrivain occitan qu'est Jean Boudou mais, aussi, de la revue Totalité dont Baillet avait été l'un des fondateurs en 1977 ainsi que des Deux Étendards, Documents et acteurs de l'antimodernité, autre revue au titre "rebatien" qu'il animait naguère. Traducteur de l'italien, spécialiste de Julius Evola et d'Augusto Del Noce, collaborateur de Nouvelle École comme de Catholica, Baillet connaît bien la plupart des mouvances de la "droite radicale" – dont il est d'ailleurs lui-même l'une des figures intellectuelles les plus emblématiques.

artaudarton1070.jpgAntonin Artaud
En l'occurrence, les lecteurs auraient tort d'être déconcertés par le titre de son dernier essai récemment paru aux éditions Akribeia, Pour la contre-révolution blanche, lequel renvoie moins à une vision "racialiste" du monde qu'à l'étude centrale qui le constitue et qui est consacrée à la radicalisation du conservatisme américain. Ce recueil d'articles reprend donc des textes publiés dans les années quatre-vingt dix essentiellement dans Le Choc du mois mais, également, au cours de la décennie suivante, dans La Nouvelle Revue d'histoire ou La Nef. Dédiées à Augustin Barruel, Donoso Cortès, Henri Rollin, Boris Souvarine, Samuel Huntington, Ernst Kantorowicz, Nietzsche, Del Noce ou Artaud, ils témoignent non seulement d'une lecture probe des œuvres et des pensées mais ils sont exemplaires de cette limpidité stylistique caractéristique du classicisme le plus français et des esprits clairs.

C'est ainsi qu'il démontre, par exemple, qu'un esprit qui lui ne l'était guère (clair), Antonin Artaud, n'en demeure pas moins – contre ses exégètes pressés et intéressés – l'un des plus admirables « contempteur de la modernité » au XXe siècle. Ainsi le Mômo rejette-t-il le « répugnant » théâtre moderne et écrit-il le 21 février 1925 à l'administrateur de la Comédie-Française : « Vous êtes nommément des cons. Votre existence même est un défi à l'esprit. [...] Pas de levée en masse de la crétinisation nationale qui ne trouve chez vous un exutoire ou un tremplin. [...] Théâtre française, dites-vous ? Vous n'êtes pas plus de France que de la terre des Cafres, vous êtes tout au plus du 14 juillet. Le théâtre, c'est la Terre de Feu, les langues du Ciel, la bataille des Rêves. Le théâtre, c'est la Solennité. Au pied de la Solennité, vous déposez vos cacas comme l'Arabe au pied des pyramides. »

Proche, un temps, des surréalistes et de leur pape, Artaud s'en éloigne lorsque le mouvement se met au service de la révolution. Dans la veine scatologique qui lui est familière, il interpelle ainsi Breton : « Dis-leur que je chie sur la république, la démocratie, le socialisme, le communisme, le marxisme, l'idéalisme, le matérialisme, dialectique ou non, car je chie aussi sur la dialectique. » Finalement, en défense de René Guénon, le traditionaliste assure : « Je crois, moi, au Surnaturel. »

Donoso Cortès
Tel était également le cas de Donoso Cortès, hélas moins connu que Joseph de Maistre ou Louis de Bonald mais dont l'influence n'en fut pas moins déterminante au sein de l'école contre-révolutionnaire. L'homme des négations radicales et des affirmations souveraines, le pourfendeur de la classe discutante, le héraut de la dictature salué par Carl Schmitt – avec René Girard, l'un de ses rares lecteurs modernes – avait perçu dès 1848, en visionnaire, l'effondrement de l'Europe et insisté sur « la dépendance dans laquelle se trouvent toutes les erreurs politiques et sociales vis-à-vis des erreurs religieuses » dont, en particulier, la négation du péché originel ainsi que de la Providence divine. Guetteur de l'Apocalypse, il avait pressenti la nécessité d'un pouvoir fort afin d'éviter ou de retarder (la notion paulinienne et schmittienne de katechon relève de la même logique) la chute vers les abîmes de la démagogie et de la tyrannie.

Deux civilisations
Après avoir opposé les civilisations catholique et philosophique, Donoso Cortès écrivait à Montalembert le 26 mai 1849 : « De ces deux civilisations, laquelle remportera la victoire dans le cours du temps ? Je réponds, sans que ma plume hésite : la victoire appartiendra incontestablement à la civilisation philosophique. [...] Quant à moi, je tiens pour prouvé et évident qu'ici-bas le mal finit toujours par triompher du bien, et que le triomphe sur le mal est réservé, si l'on peut s'exprimer ainsi, à Dieu personnellement. »
Les vainqueurs temporels et temporaires ont donc leur récompense. Les arrhes de la nôtre consisteront à déguster ces « portraits fidèles et lectures sans entraves » proposés par Philippe Baillet en attendant les Cosaques et le Saint-Esprit.

Louis Montarnal - AF 2000
Philippe Baillet : Pour la contre-révolution blanche, éditions Akribeia, 191 p., 18 euros.

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