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vendredi, 26 février 2016

L'Orange mécanique d'Anthony Burgess

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L'Orange mécanique d'Anthony Burgess

Ex: http://www.juanasensio.com

«Excusé comme une inévitable erreur d'un parcours dont la direction reste la bonne, déclenché pour hâter la venue d'un monde nouveau grâce à l'intensification implacable d'une sélection naturelle d'ordre racial ou économique, le Mal n'est plus l'enfant de la passion déchaînée, il est devenu l'instrument salvateur d'une raison calculatrice qui le sacralise en affirmant que seule une myopie intellectuelle peut qualifier de Mal ce grain et ivraie définis et distingués par les agronomes et les cultivateurs des champs de l'histoire où se construisent des univers concentrationnaires mais donnés pour radieux.»
Jean Brun, Le Mal suivi de Sombres Lumières (Artège, 2013), p. 26.


Bon, alors, ça sera quoi, hein ? Il n'y avait que moi, comme toujours, face au malinfrat qu'est l'écrivain chaque fois qu'il se bidonske de celles et ceux qui le lisent, et qu'il vous frappe le gulliver avec ses textes, à condition bien sûr qu'ils ne soient pas seulement des igras sortant de rotes pourries, tout juste bonnes à lâcher des golosses faiblardes, parce que leur yachzick sont zoum zoum avariées et qu'il n'y a aucune différence entre elles et des broukos ouverts sous le ciel, beurk.

Il n'y avait que moi puisque, chaque fois que je lis un malenky ou beaucoup (beaucoup, plutôt, m'est avis, je lis même trop), je suis seul, seul avec mon nodz, et je n'ai plus aucun droug, ô mes frères, exquis cucuses usées, c'est comme ça, comme est seul le viokcho qui écrit, et écrit, quand même, pour donner un sens à sa douleur, et pour chercher une lumière dans la notché où il ouvre grands ses glazes, histoire de nous fourguer son raskass, et il s'en balance de nous faire platcher, comme des molodoï ptitsas. Lui, ce qui l'intéresse, c'est d'avancer, qu'on suive ou pas, tant mieux si on suit, au lieu de zaznouter, tant pis si on ne le suit pas.

Il n'y avait que moi, donc, puisque je m'étais débarrassé des toutes mes dévotchkas qui platchaient, les pauvres petites souris blanches, parce qu'elles me disaient ou me croyaient ou feignaient de me croire bézoumni et que j'en avais franchement assez de nos petits dedans-dehors, préférant à leurs malenkis critches plonger dans la dratse avec le texte, et pas besoin d'itter à l'escoliose pour comprendre la grosse golosse du veck Burgess, dont la tchina a été baisée par un groupa de cinq déserteurs de l'armée américaine, une notché comme une autre, une notché où Alex et ses drougs varitent leurs petits plans, tout casser sur leur passage, vreder et oubivater sans débat, sans remords ni regrets, alors pas de doute comme qui dirait que les livres d'un tel veck, c'est une autre vesche que du vin sladky, du moloko pour ptitsa ou petit enfant gazouillant gou gou gou.

Il n'y avait que moi, sans shaïka ni shlaga, razedraze après une telle lecture, le rassoudok pouglé par tant de mots tout droits sortis des kishkas de Burgess l'écrivain, le vrai, pas celui qu'il met en scène, dirait-on pour s'en moquer (voir la description d'un livre intitulé... L'Orange mécanique), dans son propre livre, et qui s'appelle F. Alexander, ce qui n'est pas sans étonner Alex. Le mien, de gulliver, encore rempli par les mots pourris du gloupide Youssouf, des critches d'Halimi, l'innocent yahoudi et le bratchni mélangés dans une bitva d'où le krovvi, à gros bouillons rouges rouges rouges, dégoulinait du plott supplicié.

C'est qu'on s'ennuie sec, à drinker sans avenir, tous qu'ils sont à baisser le froc, genre embrasse-moi les charrières; aussi simple que ça. N'empêche, la nuit était encore jeune mais en fait elle ne l'est plus, la notché, jeune, si jeune que ça, et la musique, faut se dépêcher de l'écouter, sublime, qui vous met les larmes aux glazes, car, ô mes frères, c'est comme si un grand oiseau était entré à tire d'ailes dans le milkbar et j'ai senti chaque malenky petit poil de mon plott se hérisser tout debout et des frissons me courir dans le dos comme qui dirait des malenkys lézards et me redescendre dans les reins, car la la musique m'a comme qui dirait affûté, ô mes frères, nous dit encore Alex, et donné le sentiment de ressembler à ce vieux Gogre soi-même, prêt à y aller comme lui de son vieux Donner teutonnant et de ses vieux blitzen des familles et à tenir en mon hâ-hâ pouvoir des vecks et des ptitsas critchant à tout va.

Car la violence, comme la musique, pour Alex, confèrent un sentiment de plénitude, de radostie, l'une et l'autre, d'ailleurs, violence et musique, étant inexplicables : Ce veck instruit répétait les vesches habituelles sur le manque de discipline parentale, comme il appelait ça, et la pénurie d'enseignants du genre vraiment tzarrible, capables de dérouiller d'innocents chiards jusqu'au sang histoire de leur faire bramer misère et bouhouhou pitié. Tout ça c'était de la gloupitude et ça m'a fait bidonsker, mais c'était genre chouette de continuer à savoir qu'on était ceux qui faisaient tout le temps les gros titres de l'actualité, l'une et l'autre, musique et violence, indissociablement liées par une mystérieuse racine commune, Dieu, pardon, le vieux Gogre ou Dieu des familles qui a fabriqué le soi, l'un, le toi et le moi soli solo, et dans ce soi se niche la musique, mais aussi le mal, et c'est ce mal que ne peut justement admettre le non-soi, autrement dit les mecs du gouvernement et de la justice et de l'école, vu qu'ils ne permettent pas le soi, et ne permettent sans doute pas davantage la musique, et alors, oui, il n'est pas faux de prétendre que toute l'histoire de notre temps, mes frères, [est] le récit des vaillantes luttes de malenkys petits soi contre ces énormes machines, violence et mal étant en fin de compte, peut-être, les dernières traces de liberté permises, qui vous obligent à comprendre que vous vivez dans une prison gardée par des chassos, Et à écouter le J. S Bach j'ai commencé à mieux pommer le sens, et je me suis dit, tout en slouchant toutes ouïes les splendeurs brunes du viokcho maître allemand, que je regrettais de ne pas avoir toltchocké plus fort ces deux-là et de ne pas en avoir fait de la charpie sur leur foutu plancher.

Orange_1.jpgCes dvié-là ont leur importance, surtout le viokcho, qui n'est autre qu'un de ceusses qui sont capables d'écrire des livres, et ce livre porte un titre étrange, qui est L'Orange mécanique, et, oui, en fait de titre, c'est plutôt gloupp. Qui est-ce qui a jamais entendu parler d'une orange mécanique ?, le livre se mirant dans le livre, le livre ittant dans le livre, façon de skaziter, sans doute, que nul, pas même celui qui a écrit un livre sur la violence, n'est à l'abri de la violence, et qu'il est bien évidemment ridicule et faux par-dessus le marché, ô mes frères, l'espoir de mâter celle-ci sur une base purement thérapeutique ou béhavioriste (tiens, Laurent Obertone serait intéressé), par d'aussi pauvres moyens que ceux imaginés par Burgess à l'époque où il écrivit son roman pour vider un oum, le tout étant de tuer le réflexe criminel. Éradication totale en un an [puisqu'il] est clair que le châtiment n'a aucun sens pour cette sorte d'individus, cette sorte de vecks comme Alex le vicieux et ses drougs vonnant la méchanceté, bratchnis de peu de foi qui du reste le trahiront, avant qu'il ne soit enfermé dans une prison, puis quand, excédé par les avances d'un nouveau plenni, il tuera ce dernier, ce qui lui vaudra de goûter aux joies d'un traitement spécial, censé le dégoûter à tout jamais de la violence, fouailler jusqu'au plus profond de ses kishkas pour y ouster chercher les racines du mal.

Anthony Burgess est-il parvenu à les mettre à nu ? Non, car son livre interroge moins le mystère du Mal que celui de la liberté ou plutôt, il ne distingue pas l'un de l'autre : l'homme qui n'est pas libre ne commettra plus le Mal mais, en tant que prisonnier, il ne méritera pas d'être appelé homme. Si la liberté de faire ou de refuser de faire le Mal est ce qui distingue, plus que tout autre caractéristique, l'homme, dont l'entrée dans l'âge adulte consiste moins à refuser de faire le Mal que de comprendre quel formidable pouvoir le vieux malinfrat divin l'a fait le maître, alors la seule façon de l'empêcher de commettre l'irréparable est de lui rendre plus que pénible, dégoûtante et odieuse, la carrière du vice et de la violence..

Éradiquer le Mal nagoï, comme qui dirait mis à nu, est une impossibilité, une absurdité, un raskass popov et prétendre y parvenir constitue peut-être même un blasphème, comme n'est pas loin de le penser le charlot qui semble avoir pris en amitié le dobby Alex : Que veut Dieu ? Le Bien ? Ou que l'on choisisse le Bien ? L'homme qui choisit le Mal est-il peut-être, en un sens, meilleur que celui à qui on impose le Bien ? Questions ardues et qui vont loin, mon petit 6655321, le matricule d'Alex à la Prita ou Prison d'État, de laquelle il finira par sortir, après avoir été le premier cobaye de la méthode Ludovico qui le rendra malade à la vue de la violence et qui l'empêchera d'écouter sans vomir cette musique classique qu'il aime tant puisque les activités les plus exquises et les plus divines ressortissent pour une part à la violence, méthode révolutionnaire censée éradiquer la violence qui fera de lui un être incapable, comme par le passé, d'être violent mais qui le lessivera et le transformera en légume sans capacité de choisir, comme tout homme, le Bien ou le Mal : S'il cesse d'être malfaisant, il cesse également d'être une créature capable de choix moral, transformé qu'il a été en une orange mécanique, alors même que Burgess va beaucoup moins loin que Kierkegaard en matière de choix, qui se pose, selon le philosophe, non pas entre le Bien et le Mal, puisque choisir l'un revient zoum zoum à reconnaître l'autre, mais entre deux conceptions du monde : ou bien reconnaître que le Bien et le Mal existent et que l'un n'est pas identique à l'autre, ou bien admettre que ni le Bien ni le Mal n'existent et qu'alors, bien sûr, absolument tout est permis.

Pourtant, l'histoire d'Alex est bien celle comme qui dirait d'une rédemption, qui semble débuter à la sortie de prison du bratchni veck, après qu'il a expérimenté une sorte de vision, puis il y a eu un choum genre dégringolade et dégrabolade et Gogre et les Anges et les Saints ont plus ou moins secoué le gulliver en me regardant, comme pour govoriter que le temps manquait maintenant mais qu'il faudrait que j'essaie encore, les choses sont claires, même pour Alex : Le passé est mort et bien mort. On m'a puni pour ce que j'avais fait dans le passé. On m'a guéri, ce qui n'est pas tout à fait vrai mais qui permettra quand même à une poignée d'opposants au régime (dont l'auteur de L'Orange mécanique dont Alex a violé la femme qui en mourra, et que l'inconsolable veuf finira par reconnaître et vouloir tuer à son tour, pour se venger), de s'emparer du cas d'Alex pour dénoncer les odieuses méthodes du Ministère de l'Intérieur ou de l'Inférieur, comme il dit, lequel, en privant un homme de sa faculté de juger et de choisir, a exercé contre lui une violence infiniment plus dangereuse et intolérable que celle que les drougs sans foi ni loi faisaient régner dans la notché, à l'abri des milichiens : Bien sûr, vous avez fait le mal, mais le châtiment était démesuré. On vous a changé et vous n'êtes plus un être humain. Vous avez perdu la faculté de choisir. Vous êtes condamné à des actes admissibles aux yeux de la société, changé en petite machine uniquement capable de faire le bien puisqu'il est certain, selon l'auteur F. Alexander qui finira par se souvenir d'avoir déjà rencontré Alex qu'il a recueilli alors qu'il errait dans la nuit, que quiconque est incapable de choisir cesse d'être un homme.
 

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Le constat est donc implacable : Changer un bon jeune homme en petit morceau de mécanique, ce n'est pas un exploit dont un gouvernement, quel qu'il soit, ait de quoi se glorifier, sauf s'il met sa gloire dans la répression, sauf, et Burgess n'a pu qu'être, comme nous tous ô mes frères, influencé par ces innombrables théories de la mort du sujet, sauf si L'Orange mécanique est moins un livre sur la violence que sur la disparition, à notre époque, de la personne, du sujet, et sa reconquête fragile, la recherche d'une intériorité qui ne soit pas strictement le tas (bundle) de sensations dont parlait Hume, qui lui aussi se moqua des notions dépassées et granchement réactionnaires d'identité, d'intériorité, de sujet et, ô mes frères, l'horrible slovo, de personne. Les théories de la mort du sujet, partant de la relativisation de sa place au sein d'une Création comprise comme un théâtre de marionnettes folles, eurent pour corollaire immédiat la récusation de toute morale, remplacée selon Lévy-Bruhl ou Durkheim par une plate science des mœurs, les valeurs humaines étant elle-mêmes salement toltchockées et remplacées par des valeurs d'usage ou d'échange, Marx ayant déjà affirmé que les idéaux éthiques n'étaient que des superstructures d'infrastructures économico-sociales, hommes c'est-à-dire personne, valeurs, Bien et Mal étant devenus des variables d'ajustement au sein d'un matérialisme vulgaire, celui par lequel Claude Lévi-Strauss symbolisait ses croyances les plus profondes, les hommes n'étant après tout à ses yeux, comme ils l'étaient à ceux de Sartre, rien de plus que des fourmis qu'il faudrait donc étudier comme des fourmis, les hommes n'étant rien d'autre pour Lévi-Strauss que des êtres autonomes se déployant dans un temps vide d'une Histoire sans histoire.

158507-004-E5E2FD70.jpgAlex, rien de plus qu'un malenky animal vicieux amateur de langues anciennes, redeviendra-t-il un homme ? Alex, ses dix-huit ans juste passés, changera, oui, après avoir tenté de se suicider en se jetant du haut d'une fenêtre, après que l'État, qui a prétendu le rendre inoffensif en l'abreuvant d'horreurs filmées et de methcath, l'a soigné et lui a offert un emploi. Il recroisera certains de ses vieux amis, dont l'un est devenu flic, un autre encore de ses anciens drougs, Pierrot, accompagné de sa femme, et soli solo, avec son tché au lait presque froid maintenant, à réfléchir et à se poser comme qui dirait des questions, il se dira que, à son âge, décidément, ce vieux Wolfgang Amadeus avait composé des concertos, des symphonies, des opéras, des oratorios et tout le gouspin – non, pas gouspin mais toute une céleste musique, et il se dira que, à son âge encore, avant l'âge de ses quinze ans même, Arthur, de son petit nom avait écrit toute sa meilleure poésie, alors que lui n'a rien fait de sa jeunesse, sinon insulter, voler, violer et tuer, et se dire qu'il n'est rien de plus qu'une orange vonneuse et grassouse dans les énormes roukes du vieux Gogre, le roman de Burgess mimant ce perpétuel recommencement sans aucune direction (et ce n'est pas le dernier chapitre, classique à souhait, qui nous présente un Alex en mal de tchina, de domie, de famille et d'enfant, qui infléchira cette impression, puisqu'il est assez peu convaincant, comme avait raison de le penser Stanley Kubrick), la langue que parle Alex, le parler nadsat composé de bribes et bouts de vieilles rengaines argotiques ainsi que d'un rien de parler manouche aussi bien que toutes les racines soient slaves, cette langue étant peut-être, plus qu'une visible déformation due à la violence, la seule preuve qu'une création est encore possible dans un monde si visiblement pourri qu'il n'en finit pas de tourner en rond, répétant Bon alors, ce sera quoi ? dans la notché sans fin, cornant sans relâche, mais aucune réponse ne vient, même si ce n'est pas par la langue reconquise qu'Alex se sauvera, ce qui eût été une magnifique conclusion pour L'Orange mécanique, le parler nadsat étant peu à peu abandonné pour un langage d'homme qui eût enfin signifié que le bratchni crasteur fût devenu un homme capable de parler correctement, le langage qui n'est un critche que chez les animaux, devenu, lui aussi, adulte, mais cette fin-là n'est pas celle qu'a choisie Anthony Burgess, qui nous laisse confrontés à une violence sans origine, purement machinale et immotivée, seulement réduite (et encore, pour un temps) par les traitements appropriés, le Mal, lui, étant décidément sans litso, perdu dans la banda bolchoï, se contentant d'investir, pour un temps, tel ou tel veck qu'il empêchera de zaznouter trop longtemps, parce que, dans le roman de Burgess (tout comme dans le livre d'Obertone qui en singe le sujet), l'homme n'est plus un homme mais une fourmi sartrienne, une chose, un pantin réifié. Amen. Et tout le gouspin.

Les extraits en italiques proviennent du texte français remarquablement traduit par Hortense Chabrier et Georges Belmont pour l'édition Robert Laffont publiée en 1972 et reprise en collection de poche par Presses Pocket.

Quelques mots de nadsat.

Banda : bande de jeunes.
Bézoumni : fou.
Bidonske (v. bidonsker) : rigolade.
Bolchoï : énorme, grand gros.
Bratchni : fumier, salopard.
Brouko : ventre.
Charlot : chapelain, aumônier.
Charrières : fesses.
Chasso : gardien de prison, maton.
Choum : bruit.
Corner : appeler.
Craste (v. craster) : vol accompagné de violence.
Critche (v. critcher) : cri.
Dedans-dehors : copulation.
Dévotchka : jeune fille.
Dobby : bon.
Domie : maison.
Dratse, dratsarre : bagarre.
Drinker : boire.
Droug : ami.
Dvié : deux.
Escoliose : école.
Exquis cucuses usées : excuses.
Glaze : œil.
Gloupp, gloupide, gloupitude : idiot, stupide, stupidité.
Golosse : voix.
Goulatier : marcher.
Gouspin (adj. gouspineux) : merde.
Govoritt (v. govoriter) : parole, discours.
Grassou : sale.
Groupa : bande de jeunes.
Gulliver : crâne, gueule.
Igra : jeu.
Itter : aller.
Kishkas : tripes.
Kleb : pain.
Koupter : acheter.
Krovvi : sang.
Litso : visage.
Malenky : petit, peu.
Malinfrat : voyou.
Methcath : drogue.
Milichien : flic.
Molodoï : jeune.
Moloko : lait.
Nadsat : jeune de moins de vingt ans.
Nagoï : nu.
Nodz : couteau.
Notché : nuit.
Oubivater : tuer.
Oum : cerveau, cervelle.
Ouster : sortir, s'en aller.
Platcher : pleurer.
Plenni : prisonnier.
Plott : corps.
Pommer : comprendre.
Popov : idiot, clownesque.
Ptitsa : fille.
Radostie : joie.
Raskass : histoire, récit.
Rassoudok : crâne, esprit.
Razedraze : bouleversé, furieux.
Rote : bouche.
Rouke : main.
Shaïka : gang.
Skaziter : dire.
Sladky : doux, sucré.
Sloucher : écouter.
Slovo : mot, parole.
Tché : thé.
Tchina : femme.
Toltchocke (v. toltchocker) : gifle, coup.
Tzarrible : terrible.
Variter : mijoter.
Veck : mec.
Vesche : chose.
Viokcho/a : vieux, vieille.
Von (adj. vonneux) : odeur, mauvaise de préférence.
Vreder : faire du tort, du mal.
Yachzick : langue.
Yahoudi : juif.
Zaznouter : dormir.
Zoum : vite.

Nicolás Gómez Dávila, Unknown Reactionary

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Nicolás Gómez Dávila, Unknown Reactionary

There are two purposes for this article. The first is to introduce the ideas of Nicolás Gómez Dávila to the English-speaking American and European Right. The second is to motivate a more profound approach to his works, in their original Spanish editions and in Italian and German translations. (Sadly, the English translation is deficient.)

His Life

Colombia, like most South American countries, is a state with a high level of miscegenation; we can safely say that less than 15% of the total population could be considered white. This group includes mostly descendants of white Spaniards and descendants of other Europeans, like Italians and Germans, who chose to settle in Colombia instead of migrating to countries with more European population like Argentina or Chile.

This small white population usually — but not always — occupies the upper economic and social levels of Colombian society. The ones who don’t belong to these levels can be found in Colombia’s southwest and central small towns. Needless to say, this white population is not racially conscious, and they are marrying and procreating with non-whites prolifically.

Nicolás Gómez Dávila was born on May 18, 1913, in the city of Bogota, into a white family that belonged to the upper socio-economic levels of the city. He was a descendant of Antonio Nariño, one of the white leaders of the independence movement in Colombia (then known as Nueva Granada). When he was six years old his family moved to Paris, where he studied in a Benedictine school until a severe case of pneumonia forced him to be home schooled with private tutors. He obtained a solid classic education by learning classic languages (Latin and Greek) and modern languages (English, French, and German). When he was 23 years old he came back to Bogota, married, and never left the country again (with the exception of a six months stay in Europe), until his death in May 17, 1994.

He spent his whole life in a voluntary seclusion inside his home library, surrounded by a collection of more than 30,000 volumes, where he employed his time reading and writing. The Italian Franco Volpi, one of the most devout promoters of Gómez Dávila’s thought in Europe, condensed his life in this sentence: “Nació, escribió, murió”[1] (Born, Wrote, Died).

His Works

reaccion.pngAlmost all of Gómez Dávila’s writings are collections of aphorisms called — in Spanish — Escolios. Escolios comes from the Greek scholión, which literally means commentary. This term was used in old manuscripts for commentaries made between the lines by someone other than the original author of the text. These escolios have been compiled into his main works: Escolios a un Texto Implícito I, Escolios a un Texto Implícito II, Nuevos Escolios a un Texto Implícito I, Nuevos Escolios a un Texto Implícito II, and Sucesivos Escolios a un Texto Implícito.

Gómez Dávila himself gives us two reasons for this type of writing. The first is a quote used as a kind of warning on the first page of his complete works:

“A hand, a foot, a leg, a head,
Stood for the whole to be imagined”
— William Shakespeare, The Rape of Lucrece

The intention of this quote is clear. Gómez Dávila gives the reader fragments and pieces, and it’s the reader’s job to assemble them into a coherent body of thought.

We can find the second reason in Escolios I, in which he affirms “Escribir corto para concluir antes de hastíar”[2] (write curtly to conclude before weariness). This type of writing might be short in length but it is deep in content. An educated reader inevitably recalls Nietzsche’s aphorisms while reading Dávila’s Escolios.

His Thought

The influences on Gómez Dávila’s thought are easy to trace from the books in his library, the most notorious being Niccoló Machiavelli, Friedrich Nietzsche, Justus Möser, Konstatin Leontiev, Joseph de Maistre, Donoso Cortés, Maurice Barrès, and Charles Maurras.

Nicolás Gómez Dávila describes his own position as reactionary. Reaction could be described as a Weltanschaaung because it encompasses attitudes about every aspect of the world and human life. Gómez Dávila describes it in a certain number of escolios, but the most beautiful definition is given with a highly poetical twist: “El reaccionario neto no es soñador de pasados abolidos, sino cazador de sombras sagradas sobre colinas eternas”[3]: “The pure reactionary is not a dreamer of abolished pasts, but a hunter of holy shadows upon eternal hills.”

Is the reactionary a man of the Right? Gómez Dávila gives us the answer: “Aún la derecha de cualquier derecha me parece siempre demasiado a la izquierda”[4]: “Even the Right of any Right looks to me always too far on the Left.” From this Escolio we can see that he believed in the traditional Right/Left political dichotomy, wherein the Right represents order, hierarchy, and aristocracy, and the Left chaos, equality, and democracy.

Franco Volpi describes the Reactionary as “. . . aquel que está en contra de todo porque no existe nada que merezca ser conservado”[5]: “. . . he who’s against everything because there is nothing that deserves to be preserved.” We partially agree with this definition because, while the reactionary is indeed against everything, he’s not a nihilist because everything that he’s against comes from the modern world. The modern world, in all his forms, is the reactionary’s number 1 enemy. Democracy, humanism, equality, atheism, socialism, Marxism, Capitalism, vulgarity, and decadence are the tangible manifestations of this world.

The modern world is a cesspool of vices and decadence, which wants to establish them as the norm: “. . . el mundo moderno nos exigue que aprobemos lo que ni siquiera debería atreverse a pedir que toleraramos”[6]: “. . . the modern world requires us that we approve what it shouldn’t ask us to tolerate.” This escolio, written sometime before 1977, has become truer with every passing day, as every form of depravity and corruption is promoted by the modern world and those who are behind it . . . and the final goal of this agenda is very clear [5].

Modern man is a vulgar being who lacks all virtue and heroism. He is the mass-man, using the term of José Ortega y Gasset. He’s the Untermensch: “Los antiguos veían en el héroe histórico o mítico, en Alejandro o en Aquiles, el módulo de la vida humana. El gran hombre era paradigmático, su existencia ejemplar. El patrón del demócrata, al contrario, es el hombre vulgar. El modelo democrático debe rigurosamente carecer de todo atributo admirable”[7]: “The ancients saw in the historical or mythical hero, in Alexander or Achilles, the center module of human life. The great man was a paradigm and his existence exemplary. On the contrary, the democratic pattern is the vulgar man. The democratic model must rigorously lack of any admirable attribute.”

Modernity and its golem, modern man, are literally the destroyers of worlds: “El moderno destruye más cuando construye que cuando destruye”[8]: “The modern [man] destroys more when [he] builds than when [he] destroys.” We can see in this escolio that the agenda and final goal of the modern world were clear in Nicolás Gómez Dávila’s mind.

Of course, modernity’s favorite form of government is democracy, which is “. . . el regimen politico donde el ciudadano confía los intereses públicos a quienes no confiaría jamás sus intereses privados”[9]: “. . . the political regime where the citizen trusts the public interest to those who he will never trust his private interests”; and in the eyes of Gómez Dávila, Democracy is even “a metaphysical perversion.”[10]

But, what is the ultimate goal of the Reactionary in this world that he despises? Gómez Dávila couldn’t be more clear about it: “. . . izquierdistas y derechistas meramente se disputan la posesión de la sociedad industrial. El reaccionario anhela su muerte”[11]: “. . . leftists and rightists only argue about the ownership of the industrial society. The Reactionary yearns for its death.” The reactionary wants nothing less than the destruction of the modern world.

gomez-davila.jpgNicolás Gómez Dávila, being a devout Catholic, was also highly critical of modern atheism by affirming that “todo fin diferente de Dios nos deshonra”[12]: “every goal different from God dishonors us” and that we must “Creer en Dios, confiar en Cristo”[13]: “Believe in God, trust in Christ.” This spiritual aspect of life is what provides an adequate interpretation of it: “si no heredamos una tradicion espiritual que la interprete, la experiencia de la vida nada enseña”[14]: “if we do not inherit a spiritual tradition which interprets it, life experience teaches nothing.”

Also on the subject of religion, there is a highly suggestive escolio that says “Más que cristiano, soy un Pagano que cree en Cristo[15]: “Rather than a Christian, I am a Pagan who believes in Christ.” This immediately brings to mind Julius Evola’s “Catholic paganism” and James C. Russell’s writings about Germanized Christianity [6], which present something very different from the creed of universalism, equality, tolerance, and love.

Was Nicolás Gómez Dávila racially conscious or aware of the Jewish problem? The only escolio that could hint at an answer is: “El antropólogo actual, bajo la mirada severa de los demócratas, trota rápidamente sobre las diferencias étnicas como sobre ascuas”[16]: “The modern anthropologist, under the severe gaze of democrats, scampers quickly over ethnic differences as over hot coals.” The first aspect of this escolio to keep in mind is that he uses the term ethnic instead of the real term, race. Ethnic is the usual euphemism used for people when they don’t want to upset those who are not of our race. We can only speculate that Gómez Dávila didn’t want to hurt the feelings of some cafe au lait acquaintance, because he lived in a highly mongrelized country, and it is plausible that there was even some miscegenation in his own family.

Conclusions

The reactionary is different from modern humanity; he is strong, spiritual, religious, and aristocratic. He stands above and looks down upon the common beliefs, thoughts, wishes, and desires of modern man. He hates the modern world and wants its destruction. Despite not being explicitly aware of race or the Jewish problem, Gómez Dávila’s writings are valuable and insightful. He is obligatory reading for every man of the Right. 

Bibliography

In Spanish:

Nicolás Gómez Dávila, Escolios a un Texto Implícito, Selección (Bogotá, Colombia: Villegas Editores, 2002).

___________, Escolios a un Texto Implícito, Obra Completa , 4 vols. (Bogotá, Colombia: Villegas Editores, 2005). This includes the following works: Escolios a un Texto Implícito I, Escolios a un Texto Implícito II, Nuevos Escolios a un Texto Implícito I, Nuevos Escolios a un Texto Implícito II and Sucesivos Escolios a un Texto Implícito.

___________, Textos 1 (Bogotá, Colombia: Villegas Editores, 2002).

In German:

___________, Einsamkeiten. Glosen und Text in einem (Vienna: Karolinger Verlag, 1987).

___________, Auf verlorenen Posten. Neue Scholioen zu einem inbegriffenen Text (Vienna: Karolinger Verlag, 1992).

___________, Aufzeichnungen des Besiegten. Fortgesetzte Scholien zu einem inbegriffenen Text (Vienna-Leipzig: Karolinger Verlag, 1994).

In Italian:

___________, In Margine a un Testo Implicito (Milan: Adelphi Edizioni S.P.A, 2001).

Notes

1. Franco Volpi, El Solitario de Dios (Bogotá, Colombia, Villegas Editores, 2005), 19. This is a little book in which the author write a short biography and a short introduction for the ideas of Gómez Davila; and was published together with Davila’s complete works.

2. Nicolás Gómez Dávila, Escolios a un Texto Implícito I (Bogotá, Colombia, Villegas Editores, 2005), 42.

3. Escolios a un Texto Implícito I, 73.

4. Nicolás Gómez Dávila, Escolios a un Texto Implícito II (Bogotá, Colombia, Villegas Editores, 2005), 221.

5. Franco Volpi, Un Ángel Cautivo en el Tiempo (Bogotá, Colombia, Villegas Editores, 2002), 489.

This short text is the epilogue of Gómez Davila’s Escolios a un Texto Implícito Selección, a short (400 pages) selection of some Escolios.

6. Escolios a un Texto Implícito II, 102.

7. Escolios a un Texto Implícito I, 237.

8. Escolios a un Texto Implícito I, 204.

9. Escolios a un Texto Implícito II, 164.

10. Escolios a un Texto Implícito II, 336.

11. Nicolás Gómez Dávila, Nuevos Escolios a un Texto Implícito I (Bogotá, Colombia, Villegas Editores, 2005), 189.

12. Escolios a un Texto Implícito I, 82.

13. Escolios a un Texto Implícito I, 25.

14. Escolios a un Texto Implícito II, 333.

15. Escolios a un Texto Implícito I, 201

16. Escolios a un Texto Implícito I, 372.

Thanks to R.H for the proofreading.

Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

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[5] clear: http://www.counter-currents.com/2015/09/white-genocide/

[6] Germanized Christianity: http://www.toqonline.com/archives/v1n1/TOQv1n1Francis.pdf

« A Bagdad, il y a un régime de pompiers pyromanes… »

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« A Bagdad, il y a un régime de pompiers pyromanes… »

Entretien avec Gilles Munier, par Cherif Abdedaïm (La Nouvelle République – Algérie – 25/2/16)

Ex: http://www.leblancetlenoir.com

28_photo_31195_61969.jpgRécemment, le ministre Jaafari a estimé que le soutien international et régional n’est pas à la hauteur des défis auxquels fait face l’Irak. D’une part, quels seraient ces défis dont par le ministre irakien ; et d’autre part, quelles seraient les attentes du gouvernement irakien en matière de soutien international ?

Gilles Munier : En Irak, quand un dirigeant prend position, il faut commencer par se demander qui il est. Ibrahim al-Jaafari, actuel ministre des Affaires étrangères - de son vrai nom al-Eshaiker, une famille originaire d’Arabie - représentait le parti Al-Dawa à Londres du temps de Saddam Hussein. Il a été choisi par les Américains et les Britanniques – donc aussi par la CIA et le MI6 - pour présider le Conseil de gouvernement mis en place dès la chute de Bagdad en 2003. La coalition l’a ensuite nommé vice-président du Gouvernement intérimaire, puis Premier ministre. Un homme de confiance donc, jusqu’à ce que George W. Bush qui ne supportait pas ses timides récriminations le remplace en 2007 par Nouri al-Maliki, jugé – à tort - plus arrangeant. Afin de se rester dans la course au pouvoir, Jaafari a alors créé un parti concurrençant Al-Dawa. Pour lui, le principal défi de l’Irak est – cela va de soi - le maintien de son intégrité territoriale. Mais, y croit-il vraiment ? Est-ce bien son but ? Il est bien placé pour savoir ce que son ami Joe Biden attend de lui. Le vice-président des Etats-Unis, ordonnateur de sa carrière, est un des artisans du projet de démembrement de l’Irak.

Autre défi – cela va aussi de soi - la stabilité du pays. Mais Jaafari est aussi bien placé pour savoir que le confessionnalisme a totalement déstabilisé l’Irak… puisqu’il y contribue depuis 2003 !

L’Irak, par la faute de Jaafari et consort, est à feu et à sang. Ce sont des pompiers-pyromanes. Le mur de sécurité qu’ils construisent autour de Bagdad symbolise leur échec, d’où leurs « attentes »: un accroissement du soutien étranger - occidental, russe et iranien – à leur régime toujours plus d’armes, la formation de miliciens chiites camouflés en militaires ; le bombardement des zones sous contrôle de l’Etat islamique.

L’éclatement de l’Irak a été le plus grand bouleversement stratégique au Moyen-Orient, dans la deuxième moitié du XXe siècle. Il a déstructuré la politique régionale et internationale au Moyen-Orient. D’un Etat que les Américains considéraient comme Etat-voyou, nous nous trouvons maintenant avec un Etat défaillant. Ce que souhaitent nombre de puissances régionales et notamment la Turquie et même une partie des leaders politiques américains, le dépeçage de l’Irak et sa division en trois entités chiites, sunnites et Kurdes. D’après-vous, y -aurait-il une possibilité pour les Irakiens de déjouer ce plan ?

Je crains que la situation soit irrattrapable. Le régime de Bagdad n’a rien fait pour déjouer le plan de partition du pays. Il en fait partie. Les Américains - et les Britanniques qui ont une grande expérience en matière de manipulation des ethnies et des communautés religieuses - savaient ce qu’ils faisaient en portant au pouvoir des individus connus pour leur sectarisme. Nouri al-Maliki a fait le lit de l’Etat islamique en refusant de partager le pouvoir avec les sunnites de la région d’Al-Anbar, en les réprimant sauvagement et en ordonnant la retraite de l’armée gouvernementale stationnée à Mossoul. Son successeur Haïdar al –Abadi, qui vient de Manchester, n’arrive pas à ses faire obéir dans son propre camp. En janvier dernier, il a dû envoyer des troupes et des chars à Bassora pour rétablir un semblant d’ordre. Il parle de reconquérir Mossoul d’ici l’été. On verra. Mais cela signifie détruire la ville – comme cela a été le cas pour Tikrit et Ramadi – et peupler les camps du Kurdistan et de Turquie de centaines de milliers de nouveaux réfugiés.

Pendant ce temps, Massoud Barzani annonce d’ici la présidentielle américaine un referendum sur l’indépendance du Kurdistan irakien, un projet soutenu officiellement par Israël. S’y opposer déclencherait une nouvelle guerre arabo-kurde…

Pour déjouer les manœuvres visant à partitionner l’Irak, il faudra d’abord que les chiites parlent d’une seule voix, celle d’un homme à poigne. Je ne vois que Hadi al-Amiri, chef de la Brigade Badr, qui puisse remplir ce rôle.

Entre ceux qui instrumentalisaient un chaos contrôlé et ceux qui prêchaient les vertus d’un chaos constructif, on se trouve actuellement devant un chaos chronique en Irak dont les répercussions dangereuses dépassaient les frontières de ce qui était un Etat fort. Si jamais le plan de partition préconisé par certains réussissait, quelles seraient ses répercussions sur le plan régional, et notamment la Syrie ?

Sans les interventions militaires russe et iranienne, Damas serait tombée. Il n’est pas dit que Bachar al-Assad arrive à reconquérir le nord de son pays. Mais s’il y parvient : qui reconstruira les villes, villages et infrastructures détruits ? Avec quels moyens ? Quelle sera l’attitude des millions de réfugiés à l’égard du régime ? Trop de questions demeurent en suspens. Rien n’est joué car la Turquie – et donc l’Otan – ne laisseront pas l’influence russe se développer aux portes de l’Europe.

Qui sait si le projet de reconfiguration du Proche et Moyen-Orient ne comprend pas aussi la « dé-saoudisation » de l’Arabie, la partition de la Turquie et de l’Iran ? L’ayatollah Khamenei a raison de dire que les Gardiens de la Révolution combattent en Irak et en Syrie pour ne pas avoir à le faire un jour en Iran.

En l’absence d’acteurs politiques transcommunautaires éliminés ou affaiblis par la politique américaine, le champ est resté entièrement libre aux partis et aux mouvements communautaires de tous genres. Pensez-vous que ces forces politiques arriveraient un jour à un consensus qui pourrait « replâtrer » l’Irak ? Dans ce cas précis, quelles sont les options pour l’Irak pour sortir de cette logique de l’unilatéralisme américain ?

Un consensus permettant de « replâtrer » l’Irak ? Un jour, peut-être, dans deux ou trois générations. Il n’y a rien espérer des hommes politiques irakiens actuels.

Pour sortir de la logique de l’unilatéralisme américain, les peuples de la région n’ont pas d’autre choix que de se tourner vers Moscou. L’Europe est un nain politique et la Chine prudente. Mais, attention danger ! Si la confrontation USA-Russie dérape en Syrie ou en Irak, il faut s’attendre au pire, y compris une guerre mondiale. Ce n’est pas moi qui le dit, mais Dimitri Medvedev, Premier ministre russe, il y a quelques jours…

La guerre froide à laquelle nous assistons entre Ryad et Téhéran ne risque-t-elle pas de se répercuter sur la scène irakienne avec notamment un regain de violence entre chiite et sunnites ?

Elle se répercute sur la scène irakienne depuis 2003. Des centaines de milliers d’Irakiens sont morts ou ont été déplacés parce qu’ils étaient sunnites ou chiites. La violence sectaire a débordée en Syrie, au Liban, au Yémen, et même au Pakistan et au Nigéria. A qui la faute ? Aux Etats-Unis qui ont envahi l’Irak.

Les Saoudiens obsédés par le « croissant chiite » et la « menace chiite safavide » jettent de l’huile sur le feu en permanence, tandis que l’Iran temporise. Le Proche et le Moyen-Orient semblent entraînés - contre le gré de ses peuples - dans une guerre sunnite/chiite. Si elle éclate – comme cela a été le cas de la guerre Iran-Irak - personne n’en sortira vraiment vainqueur.

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Quelle nouvelle configuration pour l’Irak pourrait-on envisager dans la période de l’après- Daech ?

En juin 2014, le parti Baas clandestin envisageait de déclarer à Mossoul la formation d’un « Gouvernement provisoire de la République irakienne » auquel auraient participé des représentants des organisations de la résistance anti-américaine, des tribus et des minorités religieuses et ethnies du pays. Daech l’en a empêché. Depuis, l’Etat islamique s’est structuré et fonctionne comme un véritable Etat.

L’après- Daech n’est donc pas pour demain. Certes, les armées locales et étrangères stationnées dans la région et leurs aviations ont les moyens de raser la province d’Al Anbar, d’éliminer Abou Bakr Al-Baghdadi, mais pas celui de « reconquérir les cœurs et les esprits », faute de projet alternatif viable. C’est pourtant ce qui risque de se passer. Mais, l’occupation de la région de Ninive - comme elle l’était par l’armée gouvernementale avant la prise de Mossoul par Daech - déboucherait sur un Daech II, avec la réactivation de toutes les organisations islamiques lui ayant prêté allégeance. Au Proche-Orient et dans le monde par voie de conséquence, le terrorisme a malheureusement encore de « beaux jours » devant lui. Pauvre Irak…

http://www.france-irak-actualite.com/2016/02/a-bagdad-il-...

« Afrique : le cauchemar démographique »

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« Afrique : le cauchemar démographique » présenté par Yves-Marie Laulan et « Africanistan » de Serge Michaïlof

Ex: http://www.polemia.com

Yves-Marie Laulan, essayiste, démographe, économiste et géopoliticien

Le 15 mai 2015, l’Institut de géopolitique des populations organisait un colloque sur le thème « Afrique : le cauchemar démographique ». Les actes en ont été publiés aux éditions L’Æncre dans un opuscule qui mérite de retenir l’attention.

A la question qui constituait le sous-titre de la manifestation : Les 4,2 milliards d’Africains pourront-ils submerger l’Europe ? les intervenants ont apporté une réponse qui n’est certes pas exempte de motifs d’espérance, mais qui n’est finalement pas très encourageante.


I-Grande-21524-afrique-le-cauchemar-demographique-les-4-2-milliards-d-africains-pourraient-ils-submerger-l-europe.net.jpgLa plupart des orateurs sont connus pour leur expertise des questions relatives à l’Afrique et à la démographie. A tout seigneur tout honneur, Yves-Marie Laulan, en sa qualité de président de l’IGP, situe en introduction, avec son talent habituel, les certitudes mais aussi les incertitudes et les enjeux du problème de l’explosion démographique de l’Afrique Noire : baisse continue de la mortalité, poids croissant de la population jeune, montée de l’islamisme radical, rôle encore insuffisant des diasporas.

Philippe de Parseval, qui intervient sur les diagnostics et les remèdes au mal africain, partage avec Yves-Marie Laulan la conviction que la solution au problème de l’Afrique réside dans la mise en place d’un partenariat entre des fondations privées et les structures locales pour favoriser l’investissement sur place, plutôt que leur recours aux organisations internationales et aux Etats trop souvent corrompus. Tous les deux se réfèrent au « plan Marshall Borloo », qui reposait précisément sur cette orientation.

Mais on ne manquera pas de relever que Jean-Paul Gourévitch, grand spécialiste s’il en est des questions de migration, est loin de communier dans cet optimisme, puisqu’il va jusqu’à qualifier le plan Borloo de « rêve »… Avec Denis Garnier, président de Démographie responsable, c’est un tableau nettement moins engageant qui se dessine, données statistiques précises à l’appui.

Parmi les autres interventions, deux autres méritent d’être signalées, bien qu’elles ne soient pas directement des analyses démographiques, car elles apportent des compléments utiles et très documentés au thème central du colloque :

– la première est celle de Bernard Lugan, qui dans une intervention intitulée « Osons dire la vérité à l’Afrique », souligne que toute analyse de ce continent doit reposer sur une approche ethno-historique, et qui rejoint Laulan et Gourévitch sur l’importance des diasporas, même si tous sont convaincus qu’il reste beaucoup de chemin à parcourir ;

 – la seconde émane d’Aristide Leucate, qui présente un tableau très documenté de la situation de « l’islam en Afrique ». On comprendra, bien sûr, que cette intervention n’est qu’en apparence hors sujet, tant le facteur de la montée de l’islam dans les pays d’Afrique subsaharienne contribue de toute évidence à l’exacerbation des tensions au sein même du continent et, bien entendu, à la pression croissante des flux migratoires vers l’Europe.

***

Michailof_une_bat.jpgUn autre ouvrage, Africanistan, de Serge Michaïlof, apporte un autre éclairage sur la question des rapports avec le continent africain. Beaucoup plus développé et technique que le petit livre cité précédemment, et axé essentiellement sur les problèmes du Sahel, il se définit comme un cri d’alarme, et son sous-titre, L’Afrique en crise va-t-elle se retrouver dans nos banlieues ?, rejoint celui du précédent. Il pourrait tout aussi bien s’intituler : « Demain, un nouveau Camp des Saints ? »

Mais l’auteur, ancien expert de haut niveau auprès de l’Agence française de développement, n’a pas voulu écrire pour faire peur. Il analyse de façon très circonstanciée, mais sans approche technocratique, les atouts et les risques qui pèsent sur l’Afrique subsaharienne, et dresse la liste des conditions d’un possible redressement, en tirant notamment les leçons, a contrario, de l’échec des politiques menées par l’Occident en Afghanistan.

Il considère en effet, à l’instar des orateurs de l’Institut de géopolitique des populations, que les faiblesses inhérentes aux spécificités ethno-historiques du continent africain (corruption des régimes, désintérêt pour le secteur rural, cannibalisation des budgets par les besoins de financement du secteur militaire, pour faire face aux nombreux conflits interethniques, économiques et désormais politico-religieux, etc.) sont renforcées par la méconnaissance de ces spécificités par les pays occidentaux.

Quelques succès ayant été enregistrés dans certains pays, il est de bon ton, depuis quelques années, d’afficher un « afro-optimisme » après avoir pendant des décennies vécu dans l’idée reçue que « l’Afrique Noire est mal partie », pour reprendre le titre de l’emblématique ouvrage de René Dumont de 1962.

Serge Michaïlof montre bien que ces succès sont le plus souvent des trompe-l’œil : il en va ainsi de la Côte d’Ivoire, dont le boom économique appartient au passé, du Nigeria, ou d’autres Etats dont l’économie repose sur une ressource dominante, généralement le pétrole, et qui démontrent rapidement leur extrême fragilité. Au total, nous dit l’auteur, « les défis pour l’Afrique sont tout à fait spécifiques et proviennent de ce que la transformation structurelle de son économie est en retard par rapport aux autres régions du monde ».

Mais, là où on s’attend à un énième pensum sur la faute du colonialisme ou sur les méfaits de la « Françafrique » et des multinationales pétrolières – à cet égard, le bandeau annonçant qu’Eric Orsenna a vu dans le livre « un portrait qui fascine et dérange » n’incite guère à en entreprendre la lecture – on est au contraire frappé par le caractère objectif et équilibré de l’analyse.

En effet, à aucun moment l’auteur ne laisse entendre que la solution serait de mener une politique de « portes ouvertes » forcenée, telle que la préconisent les Merkel et les Juncker. S’il refuse les incantations simplistes du type « Ils repartiront » ou « Boutons-les hors de nos frontières », les conclusions de son chapitre XIV « Intégrer tous les migrants ? » sont claires : non, l’immigration venue d’Afrique (mais cela vaut tout autant pour celle du Moyen-Orient), compte tenu de l’écart économique, n’est pas une chance pour la France ; oui, la société multiculturelle, compte tenu précisément des écarts culturels, est un germe de désagrégation de nos sociétés. Cela rejoint l’idée qui nous est familière, parce que confirmée quotidiennement par la réalité, que les sociétés multiculturelles sont multiconflictuelles.

Serge Michaïlof conserve malgré tout l’espoir que les atouts incontestables dont dispose l’Afrique subsaharienne – abondance des ressources minières et agricoles, main-d’œuvre disponible, accès largement répandu aux nouvelles technologies, progrès technologiques, etc. – puissent être mis en valeur à la fois par des réformes internes, et surtout par une modification radicale de la posture des pays les plus favorisés : cela signifie, par exemple, la remise en valeur de l’économie agricole, la fin du pillage des ressources énergétiques, et l’augmentation de l’aide à des investissements réalisés sur place et utilisant la main-d’œuvre locale.

Il est inutile de préciser que de telles orientations supposent la mise en place de procédures et de contrôles qui ne plairont ni aux « élites » des pays concernés, ni aux entreprises transnationales dont la seule règle de conduite est la maximisation du profit, et dont les dirigeants – la superclasse mondiale – ne sont guère sensibilisés aux désagréments provoqués par l’irruption de migrants dans leur banlieue sécurisée.

Par ailleurs, Serge Michaïlof ne s’étend guère sur la dimension démographique de la situation, sinon pour constater son importance. Or, la prégnance dans la mentalité des peuples africains de l’idée qu’il n’est de richesse que d’hommes, qui leur vient du fond des âges, mais qui est renforcée tant par l’influence du christianisme (catholique ou « évangéliste ») que par celle de l’islam, freine considérablement toute possibilité de politique de maîtrise de la natalité. On rejoint ici les réflexions du colloque de l’Institut de géopolitique des populations.

Malgré ses limites, lisez Africanistan, car ce sont des ouvrages comme celui-là qui esquissent des pistes de réflexion et d’action dans un domaine où la bien-pensance et les idées reçues se donnent généralement libre cours.

Bernard Mazin
23/02/2016

Yves-Marie Laulan (Présenté par), Afrique : le cauchemar démographique, Ed. L’Æncre 2015, 135 p.

Serge Michaïlof, Africanistan, Ed. Fayard 10/2015, 365 p.

Correspondance Polémia – 26/02/2016