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mercredi, 21 mars 2018

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EURASISME & TRADITION - La pensée d'Alexandre Douguine

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EURASISME & TRADITION
La pensée d'Alexandre Douguine

Samedi 31 mars 2018 – Conférence de Christian Bouchet

A l’occasion de la sortie du nouveau livre de l’intellectuel russe Alexandre Douguine, l’équipe d’E&R Lille accueillera son éditeur, Christian Bouchet,  le samedi 31 mars 2018 à 15h00 pour une conférence intitulée « Eurasisme et tradition, la pensée d’Alexandre Douguine ».

Réservations : reservation.erlille@outlook.fr

Poutine : la force est avec lui. Un nouveau régime plébiscitaire défie les démocraties

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Poutine : la force est avec lui. Un nouveau régime plébiscitaire défie les démocraties

Journaliste

Ex: https://metamag.fr

Avec un score proche de 77 % des voix, supérieur de 14 % au scrutin de 2012, Vladimir Poutine a obtenu un quasi-plébiscite de ses concitoyens.

Trois jours après avoir été désigné par le ministre des Affaires étrangères britannique Boris Johnson, comme le commanditaire de l’empoisonnement de l’ex espion russe, Sergueï Skripal, l’homme fort de la Russie peut se targuer d’avoir pris sa revanche à la maison, se faisant sacrer par les urnes pour la quatrième fois de sa carrière.

Selon les résultats quasi définitifs de la commission électorale, il obtient 76,6 % des suffrages, devançant de très loin ses challengers. Pour sa part, le taux de participation, s’établissant à 67%, est supérieur de deux points à celui de 2012. C’est la force qui fait sa force. La force est une ­valeur historiquement respectée en Russie, que Poutine cultive, sous ses diverses formes, avec une constance remarquable. La tension avec l’Occident qui a entouré la dernière semaine de la campagne a été pour lui l’occasion de montrer que la Russie était une puissance redoutée.

Face à Vladimir Poutine,  l’opposition était réduite au silence médiatique et à l’insignifiance. Sur les sept candidats (deux communistes, deux ultranationalistes et trois libéraux), un seul a obtenu un score notable, le communiste Pavel Groudinine, avec 12 % des voix. L’ultra nationaliste Jirinovski a fait 6 % comme d’ habitude.  Ksenia Sobtchak , idole des médias occidentaux et figure libérale aux positions proches des européens  et par ailleurs fille du mentor de Poutine, est créditée de moins de 2 % voix..

La question la plus importante, cependant, n’est pas de savoir comment Vladimir Poutine a été réélu, mais ce qu’il compte faire de ce nouveau mandat, qui doit le maintenir au pouvoir jusqu’à 2024.

Curieusement, il en a peu parlé pendant la campagne électorale. Le 1er mars, le maître de la Russie a promis à ses concitoyens des missiles « comme personne d’autre n’en possède actuellement ». Il s’est également engagé à réduire de moitié un taux de pauvreté « inacceptable », sans pour autant dire comment. Mais l’équilibre international est en train de changer au détriment de l’idéologie libérale démocratique de Bruxelles contesté de Washington à Pékin en passant par Ankara Téhéran, et Moscou.

La relation entre la Chine et la Russie « est à son meilleur niveau historique, ce qui constitue un exemple pour l’édification d’un nouveau type de relations internationales fondées sur le respect mutuel, l’équité et la justice », a déclaré dans un message le président chinois, lui-même réélu samedi à l’unanimité à la tête de l’État par le Parlement chinois.

« La Chine se tient prête à travailler avec la Russie pour continuer à faire progresser encore les relations sino-russes [et promouvoir] la paix mondiale », a estimé le président chinois. Moscou et Pékin, tous deux membres permanents du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies, se tiennent fréquemment sur la même ligne face aux pays occidentaux dans des dossiers comme la Syrie ou la Corée du Nord.

Vladimir Poutine va pouvoir s’attaquer à… sa succession dans six ans.

Le “tsar”, qui aura 72 ans à sa sortie, en 2024, a l’intention de lâcher un pouvoir qu’il détient sans discontinuer depuis 2000. C’est en tout cas ce qu’il laisse entendre à son entourage, et cela n’est pas sans poser question. Une bataille d’héritage se profile donc si Vladimir Poutine quitte le Kremlin en 2024.

Mais le problème majeur, c’est ce que l’observatrice de la politique russe Alla Chevelkina appelle le “Poutine Collectiv”. “Cela représente Poutine et son entourage très proche. Ces gens-là n’existeront plus à la seconde où ils quitteront leur poste”, détaille la spécialiste. «Ce sont des gens qui aujourd’hui sont très puissants puisqu’ils dirigent les richesses de notre pays. Mais sans Poutine ils ne sont rien», analyse-t-elle.

Ils risquent donc de faire pression sur le maître du Kremlin pour qu’il s’accroche au pouvoir. Pourquoi pas en créant une nouvelle institution, taillée sur mesure, et faisant de lui une sorte de Guide suprême… à la chinoise ? Fils du ciel – sultan – tsar- heureusement qu’il nous reste Merkel et Macron.

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Hannah Arendt and Richard Weaver on the Crisis of Western Education

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Hannah Arendt and Richard Weaver on the Crisis of Western Education

In writing not so long ago about my appropriation of the “smart classroom” (that obtrusion of entertainment-technology into the solemnity of the academic space) so as to introduce students in a “Modern Drama” course to the mid-Nineteenth Century operatic theater of Richard Wagner, I concluded with the following thought concerning today’s collegians: “Their education, even in college, once they get there, leaves them bereft of high-cultural experience. That is a pity because taste tends to become fixed in late adolescence.” I remarked that contemporary freshmen, coming from a culturally jejune public-school curriculum, hover as though on a verge, intellectually speaking. “They will never respond to esthetic greatness unless they have an opportunity to experience it”; and yet, “those opportunities shrink away to fewer and fewer every year.”

In writing about the struggles that students experienced, first in understanding and then in articulating their responses, to two challenging novels by H. G. Wells, I ended with this meditation: “Like any healthy person, the specimen college student welcomes the chance to see things from a higher perspective, but the system as it stands is designed precisely to deprive students of any higher perspective. What passes for education is a mental diet of infant pabulum and an entrenched infantilism is one of its noticeable results.”

HAtot.jpgWagner was born in 1813, two centuries ago last year; he died in 1883, more than one hundred and thirty years ago. Wells was born in 1866; he died in 1946, nearly seventy years ago. To most college students, dates such as 1813, 1883, 1866, and 1946 are so many meaningless references, number-conglomerations about as significant from their perspective as the number-designations before the course-descriptions in the college catalogue. I was born in 1954. I can report accurately that I first read Wells, his War of the Worlds, in 1965, when I was a fourth-grader at Toland Way Elementary in Highland Park, California. I believe it was my brother, sixteen years my elder from my father’s first marriage, who recommended it. My father needed to check out the Wells omnibus from the Colorado Street branch of the Los Angeles Public Library because the institution shelved it in the adult section and I held borrowing privileges only in the children’s section. I first heard music by Wagner in 1970 or 71, when a quirky, German-born English teacher at Santa Monica High School, who went by the name of Gary Johnston, decided to enliven his summer “Myth and Folklore” course, or lighten the burden of his instruction, by providing us with mimeographed sheets of the libretto and playing for us on a portable stereo in the classroom excerpts from The Ring of the Nibelung.

The encounter with The War of the Worlds made a reader. A doctoral degree in Comparative Literature from UCLA (1990) and teaching career, such as it is, are late effects of the cause. The encounter with The Ring awakened a passionate interest in the Edda and the sagas, a curiosity for serious music, and an inclination to investigate into my mother’s Swedish ancestry, which (the last) eventuated in my first degree, a baccalaureate in Germanic and Scandinavian Languages, also from UCLA.

Other keynote events give articulation to my intellectual journey to adulthood. I omit to mention them, wishing not to bore my readers, except to say that they all have something in common with the two that I have just mentioned: Breaking into the immature consciousness, they put the child, or the adolescent, suddenly in touch with the past, with a tradition – and that bridging of temporal loci entailed the complementary experience that it lifted the initiate out of the present and thus also out of himself. The War of the Worlds is noticeably Edwardian; people take the train, ride in horse-carts, or walk; they read newspapers. Wagner’s Ring takes place in the time-before-time of myth, but its story has connections to events in the Fifth Century AD. Either way, the experience is foreign to someone whose milieu was the mid-Twentieth Century or is, as today, the incipient Twenty-First Century.

In both cases also, an older agent of transmission recommended to the younger person something that he regarded as meaningful and valuable – that the recommender implicitly (in the case of my brother) or explicitly (in the case of the eccentric English teacher) wished to preserve or conserve or pass along by making the representative of a new cohort amenably aware of it. Wells and Wagner made good gifts, intellectually; they proved themselves investments whose value has steadily increased over the years. Without such charitable gestures, every generation would begin again at the degree-zero of culture and history. Viewed in that light, contemporary education is not merely uncharitable; it is stingy and mean – its gift to the present is invariably the present, and when it mentions the past, it does so in language haughty and derisive.

I recently ran across a previous formulation of the same insight, to whose precedence and superior clarity I humbly defer. “It seems to me,” wrote philosopher Hannah Arendt (1906 - 1975) in her chapter on “The Crisis in Education” (included in her book Between Past and Present, 1961), “that conservatism, in the sense of conservation, is of the essence of the educational activity, whose task is always to cherish and protect something – the child against the world, the world against the child, the new against the old, the old against the new.” Arendt argues in a corollary to her “conservation” thesis that education functions “to preserve the world against the mortality of its creators and inhabitants,” an idea with a good Platonic pedigree. Arendt defines the teacher’s mission as the responsibility “to mediate between the old and the new, so that his very profession requires of him an extraordinary respect for the past.” At the same time, education must constitute itself as something more than “simple, unreflective perseverance.” Otherwise education becomes indoctrination, the production-line of Mandarins for the staffing of the managerial class, or mere rote learning.

HAvita.jpgA good deal of contemporary education at all levels resembles just what Arendt describes, as indoctrinators prod students to internalize the correct opinions concerning the limited range of topics while guarding them against contamination by actual knowledge and rendering them incapable of independent judgment. The mandarins receive their training in the Ivy League while the rest receive instruction in the state colleges in how to defer to the righteous decrees of the mandarinate. Ideally, as Arendt urges, education should stand aloof from politics and social pressure rather than serving them. Politics and social pressure are corrupting forces, always totalitarian in their direction, always trying to crowd out everything else that constitutes the human world, so that nothing else constitutive of that world might compete with them. Politics and social pressure, belonging as they do to the isolated present, must stand in a hostile relation to history and tradition; respecting only themselves, they invariably revolt against “respect for the past.”

When Arendt writes of “the world” she means the continuum of tradition, that lore of human trial-and-error from which wisdom derives, that forms the object of the conscious curatorship that goes by the name of high culture. It is in this sense of “the world,” as the high-cultural image-of-existence, that the most oft-quoted passage from Arendt’s essay should be understood: “Education is the point at which we decide whether we love the world enough to assume responsibility for it, and by the same token save it from that ruin which except for renewal, except for the coming of the new and the young, would be inevitable. And education, too, is where we decide whether we love our children enough not to expel them from our world and leave them to their own devices, nor to strike from their hands their chance of undertaking something new, something unforeseen by us, but to prepare them in advance for the task of renewing a common world.”

One phrase in particular, the one concerning the question whether the current adult cohort will leave the members of current child-cohort “to their own devices,” has only increased in poignancy in the decades since “The Crisis of Education” first appeared. Politics and social pressure are now fully digitized and they make themselves universal through the ubiquitous “devices.” The necessary first reflection of the philosopher might well be the Cartesian formula, “I think therefore I am,” which indicates his reflective character. What then is the character of the person whose defining mental activity is not thinking, but tweeting? His character is assimilated to what I have elsewhere named post-literacy. He has become detached from the high-cultural continuum, detached also from history, whose medium is literature, and detached therefore from the possibilities of meaningful growth beyond the paltriness of youth-oriented popular entertainment. He might acquire vocational knowledge and skills, which he can apply to a job, but he will remain in his state of limitation and deprivation through the phase his merely chronological adulthood. He will suffer from a low level of verbal competency, from a restricted ability to reason, and from a concomitant vulnerability of manipulation through political propaganda and advertising.

Arendt writes of assuming responsibility for the inherited world, as the conservative or curatorial heart of education. A strikingly complementary notion occurs in the work of one of Arendt’s contemporaries who also wrote about the perils threatening education in the period of the Cold War. This writer saw in the self-styled progressive pedagogy of his day, which in his view had already begun to subvert traditional education, an essential “irresponsibility to the past and to the structure of reality in the present.” Indeed, he saw that the assumptions of this revolutionary coup-d’état in the classroom could never “serve as the foundations of culture because [they] are out of line with what is.” It was the case that “where [these assumptions] are allowed to provide foundations,” or to allege to provide foundations, “they imperil the whole structure.”

The other writer is Richard Weaver (1910 - 1963) and the lines quoted above come from the chapter on “The Gnostics of Education” in his book Visions of Order: The Cultural Crisis of Our Time (published posthumously, 1964). Arendt was a woman of the Left; Weaver was a man of the Right. That their separate and independent commentaries on the same topic, appearing in book form within three years of one another, should be so convergent and complementary is striking. What explains it? A commitment to civilization, shared across the political frontier, might be the best answer to the question. Both Arendt and Weaver, in contrast to the advocates of avant-garde pedagogy whom they criticize, see education in its conservative or curatorial role as a civilizational, rather than as a social, institution. When the high-school English teacher in Santa Monica brought his portable stereo to the classroom and invited his students to listen to Wagner, he appealed to them in the name of civilization, not in the name of society. At the time, society’s idea of music was The Beach Boys and The Rolling Stones. When I challenge students to read and appreciate Tono-Bungay by Wells, I do so in the name of civilization, not of society, whose notion of literary challenge is non-existent.

HAhuman.jpgWhereas Arendt expresses concern for the direction that education takes in a world, that of the late 1950s, dominated by technocratic convictions, Weaver frankly condemns “the progressive movement in education” for being a type of “apostasy,” and its advocates and practitioners for being “attackers and saboteurs” of actual education. Beginning with the same conception of education, Weaver departs from Arendt in his diagnosis of existing educational arrangements. Among their important traits, these progressives are epistemological nihilists who “do not have faith in the existence of knowledge” and whose real aim is “the educationally illicit one of conditioning the young for political purposes.” The revolutionary educational regime is also, in Weaver’s scrutiny of it, utopian and therefore totalitarian. It proposes “to substitute a subjective wishfulness for an historical reality.” Weaver omits to quote directly from the prescriptions of the radical educators, preferring to distill them in the form of his own summary. It is easy, however, to find textual support for that summary. In John Dewey’s seminal “Pedagogic Creed” (1909), with its bizarre imitation of the Nicene Creed (Dewey [1859 - 1952] was self-declaredly atheist), the anti-intellectualism of the School of the Radiant Future becomes immediately evident.

According to Weaver, the object of progressive education “is not to teach knowledge”; it is rather, as the slogan says, to “teach students.” Dewey’s “Creed” fully supports Weaver’s characterization of progressive education just as it inaugurates the American chapter of Twentieth-Century pseudo-pedagogy. “I believe,” Dewey writes, “that we violate the child’s nature and render difficult the best ethical results, by introducing the child too abruptly to a number of special studies, of reading, writing, geography, etc., out of relation to this social life.” Never mind that “reading, writing, geography” and all that the etcetera also covers constitute Arendt’s “world,” that arduously accumulated representation of reality to which civilized people constantly refer in their negotiations in the market and in private. The world in its pre-existence must stand out of the way. Elsewhere, writes Dewey: “I believe, therefore, that the true center of correlation on the school subjects is not science, nor literature, nor history, nor geography, but the child’s own social activities.” The anti-literacy implicit in these formulas is quite astonishing; it is also at the root of the post-literate condition prevailing a century later.

In another formula, Dewey anticipates and justifies Twentieth-Century political indoctrination: “I believe that the image is the great instrument of instruction. What a child gets out of any subject presented to him is simply the images which he himself forms with regard to it.” Like good Chinese-Communist re-education leader, Dewey sees consciousness as “essentially motor or impulsive” and as “passive,” waiting to be remolded or, in Dewey’s unkillable phrase, “socialized.” Notice how the two formulas contradict one another. On the one hand, the child is supposed, creatively and originally, to produce the “images” through which he will learn. On the other hand, the child must submit willy-nilly to a regime of “socialization,” which implies external agency acting on a pliable object. One last quotation from the “Creed” will aid in understanding why Weaver refers to modern educators as “Gnostics,” which at first blanch is a rather odd attribution. While recalling his atheism, we let Dewey speak: “I believe that in this way the teacher always is the prophet of the true God and the usherer in of the true kingdom of God.”

Yes, Dewey invoked “the prophet of the true God” and “the true kingdom of God.” How to explain such hyperboles and grotesqueries? When Weaver sought the origins of the counter-intuitive propositions that education-reformers propound, the result of his search startled him. The rhetorical temerity with which he introduces his discovery attests his surprise. Weaver’s sense that “progressive education is a wholesale apostasy, involving the abandonment of fundamental and long-held beliefs about man and the world” directed him to the examination of historical apostasies. Among these he found only one that seemed to him “of a nature and magnitude to warrant comparison” modern pedagogic Messianism: “The Gnosticism of the first and second centuries A.D.”

Weaver gleaned the basic facts about Gnosticism from various Patristic texts and from the relevant chapters of Eric Voegelin’s New Science of Politics (1952), which he footnotes. Pedagogic Messianism, like ancient Gnosis, regards Creation as botched and imperfect, with the duty falling to man, who is more Godlike than the Creator, to fulfill it. The world, as either Pedagogic Messianism or ancient Gnosis sees it, including the entire human or cultural achievement, is an affront to man from which, bearing the spark of true divinity within him, man must escape; either that or destroy it so as to create again, this time perfectly. The Gnostics’ view of “the natural blessedness of man” and their rejection of any requirement for man to be redeemed by external agency made them, as Weaver writes, “antiauthoritarian.” Weaver remarks that such a notion “has a parallel in the attempts of our ‘progressive’ educationists to base everything on psychology,” quite as Dewey did. Weaver concludes that “the progressive educationists of our time, while not Gnostics in the sense of historical descent, are Gnostics in their thinking.” Furthermore, “their gnosticism exhibits the same kind of delusion, fantasy, unreality, and unacceptable metaphysics which the Church Fathers… challenged and put an end to.”

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It is possible to add to Weaver’s description of the Gnostic attitude. Gnosticism, wherever it manifests itself, is only antiauthoritarian as a starting gesture; it invariably presents itself, once it has gained lodgment in an institution, as absolutely and incontrovertibly authoritative in status. It knows what it knows (the Greek gnosis means access to knowledge not vouchsafed to others) and it tolerates as a claim to knowledge only its own claim; it regards all other claims with implacable hostility. The original Gnosticism founded itself parasitically in received tradition, which it declared false while nominating itself as true; that resentment is the substructure of all Gnosis, whether of the ancient or modern varieties, is abundantly evident. A totally antithetic resentment is moreover totally dependent on what it anathematizes or resents; it produces nothing original. By way of compensation, as St. Augustine already observed of the Manichaeans, Gnosticism orders itself in a mockery of the hierarchy that it rejects, endows itself with ranks and distinctions, and congratulates itself on its dazzling achievements. It invents a special language, impermeable to outsiders, which it marks its users as an elect – all of which describes the innumerable contemporary Schools of Education to the proverbial “T.”

The specific crisis of education that Arendt and Weaver saw in common from their noticeably different perspectives is merely an instance of a larger crisis, a crisis of civilization as a whole through which the West has been passing perhaps since the Reformation but at least since the Eighteenth Century. This crisis is a revolt of those for whom the pressure of civilization is too great to bear, for whom therefore civilization is an unbearable burden. For the ego-in-revolt even so benign a thing as literacy is unbearable so that to it (the ego) and for it, literacy (and along with it literature) must together be sacrificed. Pictures please these people so pictures they shall retain; they are pretty and the mental challenge in them disturbs no one. Only through such sacrifices, and through such recursions to culturally primitive forms, will what Dewey brazenly called “the kingdom of God” be realized. It is best to have a clear view of the phenomenon, as grim as the prospect is.

D’Annunzio le magnifique

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D’Annunzio le magnifique

par E. Francovich

Ex: http://rebellion-sre.fr

12 septembre 1919. Onze heures quarante-cinq. Une colonne de deux mille hommes entre triomphalement dans la ville de Fiume, port dalmate occupé par une force interalliée. Les négociations entourant les traités de paix vont certainement refuser l’ancien port hongrois à l’Italie et le donner à la nouvelle Yougoslavie, décision que tous ces hommes — grenadiers, aviateurs, arditi et autres survivants italiens des tranchées, arborant tous chemises noires et poignards — ne se résignent pas à accepter. Audessus d’eux, sur un drapeau rouge, lové sur lui-même, le Serpent Ourobouros transforme l’expression latine de Saint-Paul1 et siffle : « Si spiritus pro nobis, quis contra nos ? » (Si l’esprit est avec nous, qui est contre nous ?) Les hommes, électrisés, répondent en choeur par un chant de combat : « Giovinezza, Giovinezza, Primavera di bellezza / per la vita, nell’asprezza il tuo canto squilla e va ! » (Jeunesse, jeunesse, Printemps de beauté / dans la vie âpre ton chant résonne et s’en va). Débute alors une aventure-épopée unique en son genre, cinq cents jours d’une contre-société expérimentale 2 dont le principe fondamental proclamé est la musique, cinq cents jours d’une cité de vie où se conjuguent fête et discipline, cinq cents jours d’une pratique collective et archéofuturiste de la révolte. A la tête de cette colonne et de la future Régence italienne du Carnaro qui va gouverner la ville, un homme d’un mètre soixante-quatre, chauve, peau couverte de décorations, monoclé et mains gantées, il approche de la soixantaine, il est poète célèbre, soldat de la Grande Guerre, « barde du peuple » et bientôt… Roi. Il s’appelle Gabriele D’Annunzio. A travers le récit des épisodes de son existence, baroque et agitée, c’est le mystère de cet homme étrange, « tout poivre et nerfs », aux allures de Napoléon un peu sauvage, que le livre de Maurizio Serra se propose de pénétrer. D’un côté, la tâche pourrait sembler aisée tant le personnage n’a jamais rien caché et orgueilleux omnivore, a voulu monter sur toutes les scènes et conquérir tous les théâtres sans jamais dissimuler ses intentions. Mais cette profusion de pièces à conviction ne garantie pas une preuve absolue : l’homme se dérobe toujours quelque peu car, selon le mot de Suarès qui a donné le titre au livre de Maurizio Serra : « D’Annunzio est le plus magnifique de ses personnages. » Alors que s’est-il passé sous ce crâne dégarni qu’il surnommait sa « clarté frontale » pour qu’âgé de cinquante six ans son corps se lance dans une folle équipée qui le fera Roi ? L’auteur le confesse : aucune biographie de parviendra à épuiser le « sujet D’Annunzio ». Alors il faut néanmoins rassembler, détailler, examiner toutes les actions, les discours et les gestes, les collisions sensuelles et les étincelles spirituelles, se baigner dans les œuvres, dresser les décors et les personnages qui entourent le poète — la haute société, les femmes virevoltantes, les soldats fascinés, les dramaturgies de volupté et de mort. Et trois grands flambeaux se dressent alors comme des aiguillons brûlants dans cette existence qui ne veut jamais se reposer : la poésie, les femmes, la guerre.

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Aujourd’hui, pour un jeune européen de l’ouest, épargné par la guerre, bercé de discours bêtifiants et béatement humanistes sur la violence et à qui sont proposés, comme héros et hérauts du moment, des saltimbanques millionnaires, des aventuriers de plateaux télé ou des startupers transhumanistes, un caractère rebelle et aventureux comme celui de D’Annunzio suscite des interrogations et semble appartenir à un type d’homme révolu ou, en tous cas, anachronique par rapport aux modèles promus et normalisés par notre époque. Comme si le goût du danger et l’instinct belliqueux chez l’homme pouvaient être éradiqués à coup de longues périodes de paix, d’environnement « climatisé » et de slogans publicitaires. On ne peut supprimer cette part d’ombre. Dans une optique d’harmonisation individuelle et collective, on peut, tout au plus, négocier avec elle et lui laisser la place qui lui revient car le désordre qu’elle porte est aussi source de vie. L’ombre refoulée par une rationalité aseptique fait généralement retour d’une manière extrême, cruelle et avec une intensité décuplée. Ceux qui éconduisent le discours dit progressiste, taxant tout comportement non conforme à son évangile désincarné de modèle dépassé, ont bien saisi le message de Zarathoustra : « Je vous le dis : il faut porter encore en soi un chaos, pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante. » C’est le chaos de ce type d’homme différencié que D’Annunzio le Magnifique veut nous faire percevoir. Le poète confie qu’il « adore la guerre » et il ajoute : « Ce fut pour moi un second étincellement de jeunesse. Ne fût le sang d’autrui qui coule, je serai tenté de considérer avec effroi la fin de la guerre ». Ce qui ressort dans les parties du livre consacrées aux expériences guerrières de notre personnage est parfaitement résumé dans leurs titres respectifs : Le Conquérant et Le Commandant. Désir de conquête donc. Conquête du verbe, des femmes, du monde. Désir de conduire également, d’assumer sa nature de « condotierre de la Renaissance », d’être héraut, d’être Roi. Conserver l’énergie pure et première de la jeunesse qui ne veut pas se résigner au statu quo. Être fidèle à sa nature d’ « homme-animal », prendre la guerre comme expérience intérieure, pour reprendre le titre d’un essai d’un autre écrivain-soldat, allemand cette fois, ayant combattu en 14-18. Ainsi, en dépit de leurs réticences, D’Annunzio, alors âgé de 52 ans en 1915, parviendra, à force d’insistance, à convaincre les autorités militaires italiennes de l’enrôler.

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Certes, il n’a pas connu les tranchées, mais aucun doute n’est permis quant au caractère risqué des opérations qu’il a menées, aussi bien dans l’infanterie, la marine ou en tant qu’aviateur, ni sur une certaine bravoure dont il a fait preuve. Selon Maurizio Serra, il serait malhonnête d’en faire un dilettante qui aurait joué à la guerre et se serait préservé de tout danger dans un conflit qui fut d’une violence extrême. Il perd d’ailleurs son œil droit dans un accident dont les circonstances ne sont pas vraiment élucidées3. Cette blessure obligera ce désormais « borgne voyant » à, une fois encore, devoir insister auprès des autorités pour reprendre du service. De cette période de guerre naîtra son dernier chef-d’œuvre, Nocturne, confession dans laquelle il se dévoile plus intimement. L’ouvrage, qui ne sortira qu’en 1921, est décrit par Serra comme « un des documents les plus humains, fraternels, mystiques inspirés par le conflit », « un journal de l’âme par la guerre, plutôt qu’un journal de guerre ».

C’est durant cette même guerre que les italiens créèrent des unités de choc sur le modèle des Stosstruppen allemandes : les arditi. Nombre de ces « hardis » qu’il recruta lui-même l’accompagneront, plus tard, lors de l’épopée de Fiume. Baroudeurs, soldats aguerris, garçons dévoyés et aussi bien aristocrates et intellectuels composeront ces troupes. Cette biographie mentionne également un autre personnage tout aussi fascinant que notre poète-guerrier italien, un japonais membre des arditi et intime de D’Annunzio : le poète japonais Harukichi Shimoi, surnommé plus tard le « samouraï de Fiume » et avec lequel D’Annunzio projettera un raid aérien Rome-Tokyo. A propos de Fiume, nous apprenons que ce coup de force ne fut pas impulsif et improvisé mais préparé de manière pragmatique. Nous pouvons également déceler dans les démarches effectuées auprès de Mussolini en vue d’obtenir son appui, la méfiance de D’Annunzio vis-à-vis du Duce (la suite des événements montrera qu’elle était justifiée). Quant à l’aventure elle-même, l’occupation de la ville qui dura 16 mois, elle est principalement envisagée d’un point de vue politique4 et elle fait pièce aux exégèses visant à réduire cette expérimentation, riche et complexe, à un proto-fascisme de carnaval. A l’appui de cette thèse, plus nuancée et moins idéologisée, viennent quelques faits : Lénine et Gramsci s’intéresseront de près à cette expérience politique avant-gardiste ; la Régence du Carnaro fut le premier État à reconnaître l’URSS ; D’Annunzio reconnaîtra le parti indépendantiste irlandais du Sinn Féin ; plus globalement Fiume portera un message international de droit à l’auto-détermination des peuples ; enfin, à la différence de certaines options fascistes ultérieures, la sédition fiumaine ne s’attira pas la sympathie des Alliés ni des autorités italiennes. Avec le même souci de restituer les événements dans toute leur diversité et leur complexité, l’auteur passe également en revue les différents acteurs de cette entreprise unique. Dans cette galerie de personnages et de tendances dont l’union reposait, pour grande part, sur la personnalité même du Comandante D’Annunzio, on trouvait ainsi des nationalistes ou patriotes, des expansionnistes ou impérialistes, des internationalistes dont le syndicaliste révolutionnaire Alceste De Ambris, bras droit de D’Annunzio qui s’opposera plus tard au fascisme au sein des Arditi del Popolo5. Mais se rencontraient aussi des futuristes et des personnages singuliers tels l’as de l’aviation Guido Keller ou le poète et musicien Léon Kochnitzky. Cet exemple d’imagination au pouvoir s’achèvera en décembre 1920, après une longue période de siège et avec l’intervention de l’armée régulière, dans un épisode portant un nom qui parle de lui-même : « Le Noël de sang ».

gda-canne.jpgC’est encore le langage de la guerre et du combat qui prévaut lorsque D’Annunzio parle de la femme. Pour lui, elle est « l’ennemie nécessaire ». Nous verrons plus loin ce que recouvre plus exactement cette expression ambiguë. Toutefois, décrire D’Annunzio comme un Casanova de bazar ne correspondrait pas à la réalité du personnage. Ce qui ressort du livre de Serra, c’est indéniablement une sensualité exacerbée mais le personnage n’est pas, à proprement dit, un obsédé sexuel. Serra parle plutôt d’ « obsédé sensuel » car c’est bien, avant tout, de l’âme des femmes convoitées dont il veut s’emparer. Le magnétisme qu’il exerce auprès d’elles relève certainement de ce « priapisme physique et cérébral » qui émane de sa personne. Fanatiser la femme comme fanatiser la foule — la foule étant femme — semble être la finalité de l’énergie déployée pour ses conquêtes. Sa période romaine fût le théâtre de relations multiples dans lesquelles cet « homme-animal » considérait les femmes comme des proies à posséder intégralement. Cette période marqua également le début de sa carrière d’ « endetté permanent » qui ne finira qu’à sa mort, ses conquêtes et liaisons ne faisant pas l’économie d’une profusion de cadeaux et de dépenses diverses. Quelques éléments témoignent de ce rapport aux femmes qui apparaît aujourd’hui d’autant plus singulier qu’il contrevient aux nouveaux crédos que notre époque tente d’imposer. Il épouse, par exemple, à vingt ans, en 1883, une « petite duchesse inoffensive » dont il ne divorcera jamais pour ne pas être obligé d’épouser les autres compagnes qui jalonneront immanquablement et régulièrement toute son existence. Dans ce rapport aux femmes, nous retrouvons un élément typique de sa personnalité, un mélange de calcul, de contrôle de soi et d’exaltation. Belliciste et esthète à la sensibilité élevée, il est par ailleurs extrêmement attentif aux détails physiques, caractéristique qui nourrira bien entendu sa littérature. Sur le terrain des femmes, c’est donc encore sa prédilection pour la conquête et la possession qui s’exprime. La plus rétive à cette disposition toute totalitaire et à ce machisme vampirique fut Eleonora Duse, une tragédienne surnommé la Divina qui s’emploiera à ne pas abandonner ses velléités d’indépendance ainsi que son goût pour les femmes. La résistance de cette primadonna de laquelle « émane un halo sexuellement trouble » et qu’il rencontra en 1895, alors qu’elle avait entamé la trentaine, laissera d’ailleurs notre héros quelque peu dépité. Elle fut toutefois une vraie muse et nourrira la production de D’Annunzio jusqu’en 1905 quand, mû par sa logique vampirique de possession et de rejet (« ce qui a été n’est plus »), il se tournera alors vers une nouvelle proie, Alessandra di Rudini Carlotti del Garda, qu’il surnommera Niké en hommage à la divinité de la victoire. Sur l’importance de la Divina, nous pouvons lire la chose suivante : « On a calculé qu’en six ou sept ans à peine, entre 1898 et 1905, D’Annunzio a écrit vingt mille vers sous forme de poèmes et douze mille vers pour ses drames (…). Cette productivité phénoménale, même pour lui, n’a pas été toujours inspirée par la Duse, mais aurait atteint difficilement ce record sans elle. » Cette aventure passionnée irriguera également son grand roman intitulé Le Feu dont le personnage principal sera Eleonora.

Deux autres figures féminines émanent de cette myriade de rencontres et de liaisons, du moins pour ce qu’elles révèlent de la psychologie de D’Annunzio, c’est-à-dire de cette oscillation entre mépris utilitariste et exaltation démesurée : une première, antérieure à la Duse, Barbarella Leoni en 1887 et une autre, postérieure, Nathalie-Donatella en 1908. La rencontre avec la première fut un véritable choc pour Gabriele. Cette « lionne barbare », cette « espèce de sauvageonne », cette « pulpeuse fille du peuple » trouvera avec lui cette volupté de laquelle un traumatisme subi dans le lit nuptial — un mariage malheureux avec comme cadeau de noces une maladie vénérienne — l’avait séparée. La secousse sismique subie par Gabriele eut des répercussions pendant cinq ans et s’estompa après avoir provoqué une avalanche de milliers de lettres, de télégrammes et de billets doux. Serra ajoute : « Il est amoureux de l’amour, pas de cette créature de rêve, qu’il veut dévorer jusqu’au bout, pour assouvir la faim qu’elle lui inspire. » Concernant Nathalie-Donatella, Maurizio Serra donne également les raisons de l’intérêt qu’elle suscite chez D’Annunzio et en quoi cette liaison révèle un ressort psychologique du Magnifique : « Elle l’intrigue par son charme slave, son allure de panthère, son insatiable lubricité, bref tout le paquet. Sans compter le mystère de ses origines : est-elle fille d’un petit marchand juif, ou d’un officier de la garde impériale ? Cette nouvelle incarnation de la Femme fatale aux multiples attraits (…) n’ajoutera pas grand-chose au sérail d’annunzien. Elle est pour lui le prototype de ces « pauvres folles » (Roland), ou cinglées de luxe (…). A une ou deux exceptions près, ces vestales n’ont rien signifié pour lui, rien ajouté à son œuvre, rien perçu de l’exigence qui l’habitait. Elles n’auront finalement représenté qu’un divertissement ou un décor qui servait (…) à meubler ses baisses d’inspiration et sa virilité déclinante. » Nous saisissons donc mieux au travers de ces exemples ce que recouvre l’expression « l’ennemie nécessaire » par laquelle nous avions introduit cette partie consacrée aux femmes.

gdaavia.jpgD’Annunzio, ce sont donc des grandes lignes de force qui s’activent. Se détachent d’abord ce goût pour l’aventure et un sens aigu de la dramaturgie, dispositions qui verseront indéniablement dans l’emphase mais qui se contenteront de flirter incidemment avec le cliché sans jamais toutefois y succomber. Prend forme également au fil de la lecture de D’Annunzio le Magnifique, une silhouette nietzschéenne qui refuse la vie tiède et bourgeoise et prend le parti de la vie, mobilisant pour cela une énergie toute dionysiaque. Ce qui frappe c’est cette volonté de ne pas s’endormir, ne pas céder à la satisfaction, au confort. Lorsque le guette le dannunzisme, lorsqu’il atteint une sorte de maîtrise à la fois de son art et de son personnage, il cherche dans la vie même le danger, le feu régénérateur qui lui évitera d’être simplement lui-même, achevé dans un contentement de soi de ruminant. C’est ce caractère faustien qui le poussera à 56 ans à se lancer dans l’aventure de Fiume. Pour lui, s’endormir c’est se rendre vulnérable. Il est animé d’un vitalisme nourri par ce proverbe local qu’il n’oubliera jamais : « Qui se fait brebis, trouve le loup qui le dévore. » Pour ce faire, il doit créer avec frénésie, créer sa propre vie et la créer la plus extraordinaire qui soit dans un royaume à son image. Si l’on devait résumer ce qu’il est, on pourrait dire : D’Annunzio c’est Fiume, Fiume c’est D’Annunzio. Et Fiume, c’est un radical et nietzschéen oui à la vie. Et d’ailleurs, pour se définir lui-même, on l’entendrait bien dire, amusé : D’Annunzio c’est moi !

D’Annunzio, ce sont aussi les opposés qui s’accordent : préciosité et violence, la volupté et le raffinement avec la sauvagerie la plus primitive6 ; l’ascétisme et le calcul avec la démesure la plus fantasque (il avait pour projet fou de faire construire un amphithéâtre gigantesque en plein air) ; enfin l’Antiquité comme bain spirituel avec la modernité la plus excessive (il était un amateur de vitesse, de technique, cela l’amènera d’ailleurs à s’intéresser au cinéma naissant). En résumé, il est « impulsif à la surface » et « calculateur dans le fond », la chair contre l’esprit. Laisser agir ses instincts et ses pulsions tout en contrôlant son destin, tel semble avoir été l’enjeu. L’amour sous la volonté. Du livre de Maurizio Serra, se dégage enfin la figure d’un individu absolu désireux de se mettre au service d’un ordre supérieur. Il veut avoir un rôle à jouer et incarner, dans cette modernité asphyxiante qui tue dans l’œuf les légendes et les mythes, un type d’homme intemporel.

L’enjeu était de taille et c’est avec un D’Annunzio mis à l’écart (par Mussolini) et quelque peu épuisé que se conclue cette biographie. Cloîtré dans son Vittoriale degli italiani, supplanté dans le monde par de nouvelles forces et de nouvelles figures, on l’imagine mal cependant en train de savourer une sorte de devoir accompli et de se dire que, voilà, il a joué son rôle et il a fait de son mieux. Ceux pour lesquels il est encore aujourd’hui une figure agissante se représentent plutôt le héraut au seuil de la mort dans une posture toute olympienne, en train de lancer par delà les générations un radical et tonitruant : « En avant, par delà les tombeaux ! »7.

E. Frankovich

Sauf mention contraire, les expressions entre guillemets sont tirées du livre de Maurizio Serra.

A lire : Maurizio Serra, D’Annunzio le Magnifique, Grasset, 14 février 2018. 

Note

1. Lettre de saint Paul apôtre aux Romains (8, 31b-39) : « Si Deus pro nobis, quis contra nos » (Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?)

2. « contre-société expérimentale », l’expression est de Claudia Salaris dans son ouvrage A la fête de la révolution, Editions du Rocher, 2006.

3. Maurizio Serra fait cette remarque à propos de la perception de la réalité : « D’ailleurs ce qui est vrai pour d’Annunzio est ce qu’il sent, croit imagine comme tel. »

4. Dans la présentation des différents groupes présents sur place, Maurizio Serra distingue entre « fiumains, centrés sur l’agenda politique » et « fiumistes, plus sensibles aux aspects de caractère social, existentiel et intellectuel ». Ce versant plus intellectuel et artistique a été magnifiquement traité dans l’ouvrage A la fête de la révolution, Artistes et libertaires avec D’Annunzio à Fiume de Claudia Salaris.

5. C’est une organisation née de la scission des Arditi et qui optera pour la lutte contre les fascistes.

6. Cette fougue lui vient de la terre abruzzaise de ses origines, fonds dont il ne se séparera jamais. Ce loup des Abruzzes conservera cette dimension primitive et sauvage, forme de saine vulgarité provinciale qui ne fera pas de lui un dandy éthéré et caricatural assimilé à une bourgeoisie gangrenée par l’argent.

7. Cité dans Un Prince de l’Esprit, Raymonde Lefèvre, Nouvelles éditions latines, 1951.