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vendredi, 18 décembre 2020

La Chine est en constante évolution mais reste toujours une

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La Chine est en constante évolution mais reste toujours une

Alejandro Linconao

Ex : https://grupominerva.com.ar

Si nous cherchons à comprendre l'histoire comme le fit Spengler qui la voyait en tant qu'organisme vivant et changeant, nous pouvons comprendre le dynamisme des civilisations, avec leurs périodes de paix et de chaos, un dynamisme d'une logique toujours inattendue. Du point de vue du visionnaire allemand, l'histoire, comme tout ce qui est cosmique, "porte l'empreinte de la périodicité" (Spengler, 1966). Cette périodicité, cette alternance, est clairement perceptible dans la vaste histoire chinoise.

L'histoire de l'homme semble répéter des cycles similaires à ceux de la nature. Une période d'instabilité est suivie d'un changement qui établit une nouvelle stabilité, puis cette même stabilité est renouvelée à son tour. Lorsqu'une forme primitive devient plus complexe, il devient nécessaire d'avoir de nouvelles formes d'organisation qui puissent l’englober. Ainsi, partant de clans isolés, le processus va créer des villages, puis transformer les villages en villes-État, puis enx royaumes et, dans certains cas, il est nécessaire d’établir un empire. L'histoire de la Chine est un bon exemple d’un tel processus.

La longue existence de la Chine en tant qu'unité se reflète dans le fait qu'elle connaît des cycles différents mais similaires. Son groupe humain, bien que diversifié, en est venu à former une identité qui occupera les mêmes coordonnées géographiques pendant des milliers d'années. Le peuple chinois a connu cinq dynasties et de multiples guerres, invasions et révolutions jusqu'à l'arrivée des temps modernes. Les Chinois d'aujourd'hui pourraient bien tourner leur regard et s'identifier aux Chinois d'il y a deux millénaires et même à ceux d'il y a 4000 ans. Ils peuvent remonter à des époques lointaines et trouver des formes, des particularités qui leur sont communes, ils peuvent constater que ceux d'hier et ceux d'aujourd'hui partagent une identité.

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Chine : identité et changement

La Chine a traversé les millénaires en actualisant toujours son visage, il est toujours le même mais différent. Tout au long de son histoire, elle a conservé des caractéristiques identifiantes qui la rendent unique. Divers groupes ethniques ont développé des axes qui ont commencé à dominer les différences linguistiques et ethniques.

La dynastie des Zhou (1046 av. J.-C. - 256 av. J.-C.) est la plus ancienne des dynasties mentionnées dans la littérature chinoise. Parmi les œuvres littéraires de cette époque figure le célèbre I Ching.  Dans cette longue période, Confucius émerge avec sa doctrine morale qui coexiste avec des conceptions plus anciennes et est liée à des pratiques magiques. Ces croyances moyennement uniformes ont été fusionnées sous le nom de taoïsme. La Chine, dans des mouvements pendulaires, se concentrera davantage sur l'une ou l'autre école, mais il ne fait aucun doute que les deux constituent partiellement le noyau de « l'être chinois ». La dynastie des Zhou, au sein de laquelle ces doctrines ont pris une forme achevée, a été la dernière avant l'arrivée des empires. Durant cette dynastie, une façon de penser les relations humaines et le pouvoir a été cultivée. Cet intérêt pour la bonne gouvernance et la conscience sociale déterminera un lien fort entre l'intelligentsia et la classe dirigeante qui prendra une importance particulière dans la prochaine dynastie (Pletcher, 2010).

Sous la dynastie Zhou, les gouvernements féodaux tomberont et l'empire chinois naîtra avec la dynastie Qin. Au temps de l'empereur Qin Shi Huang (247 av. J.-C. - 221 av. J.-C.), les différentes cultures locales ont commencé à s'unir en une civilisation commune, la Chine a ainsi acquis son visage définitif. Ainsi, un autre élément essentiel de l'identité chinoise verra le jour : l'empereur, quelqu'un qui détient un pouvoir absolu. Sa figure est l'emblème de l'unité du pays.

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La bureaucratie, autre élément caractéristique de l'État chinois, naîtra également à cette époque. On cherchait un système administratif stable qui établisse une bureaucratie centralisée. Pour avoir accès à la bureaucratie, il fallait passer des examens pour prouver la connaissance des classiques confucéens. Après deux millénaires, le système d'examen de la fonction publique chinoise a été aboli en 1905 par la dynastie Qing dans une tentative maladroite de modernisation. Le système lui-même a finalement été démantelé avec l'avènement de la révolution communiste (Pletcher, 2010).

L'échec de la rupture provoquée par la modernité

La figure de Mao a été un séisme dans l'histoire chinoise, mais même ses apparentes nouveautés ont répété l'histoire de ce pays ancien. C'était un révolutionnaire, oui, mais avec une grande empreinte chinoise.

Le communisme avec Mao a changé les institutions et a cherché, inutilement, à détruire leur milieu culturel. Cependant, les anciennes institutions, telles que les clans familiaux, ainsi que la pensée, les pratiques et les croyances populaires resteront latentes dans le cœur des gens.

Le gouvernement communiste maintiendra et même renforcera la bureaucratie, bien qu'elle soit dissociée de sa tradition. De même, le gouvernement communiste égalitaire établirait Mao comme le chef suprême et inattaquable, ce qui, sans le dire, fit de lui l’équivalent d’un empereur. Il revenait une fois de plus à l'une des coordonnées de l'idiosyncrasie chinoise.

La présence de l'absolutisme est une figure commune dans l'histoire chinoise. Sous la dynastie Ming, en 1380, la fonction de Premier ministre a été abolie, l'empereur exerçant directement le pouvoir. Toutes les décisions importantes sont venues directement de lui. Les classes moyennes sont devenues les véhicules des désirs impériaux. Au niveau communautaire, les villages étaient organisés de façon autonome et régis par la morale confucéenne plutôt que par le droit civil. Les communautés fonctionnaient indépendamment du pouvoir central, même le premier empereur Ming a opposé son veto à l'entrée des fonctionnaires dans les zones rurales (Huang, 1998). Le système politique atomisé a compensé leur manque de force par des appels moraux et des punitions brutales. Le pouvoir impérial et ses décisions ont été renforcés, bien que les communautés aient conservé leurs propres particularités.

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La révolution culturelle chinoise sanglante (1966-1976), qui a persécuté les traditions millénaires, n'était pas quelque chose de nouveau. L'histoire de la Chine enregistre de nombreuses persécutions comme celles qui ont privilégié les taoïstes contre les bouddhistes et les néo-confucéens. À bien des égards, la pensée de Mao a un prédécesseur dans la rébellion de Hong Xiuquan. Le Hong messianique s'opposerait à la fois à l'influence étrangère et aux traditions chinoises et, après de violentes luttes, deviendra empereur. Cependant, il ne peut échapper à son histoire et inscrit des idées dans la tradition confucéenne (Pletcher, 2010). Le régime des rebelles de Hong, un siècle avant celui de Mao, a dicté des mesures révolutionnaires et radicales parmi lesquelles la collectivisation de la propriété foncière. Cependant, ces idées collectivistes, ainsi que les idées confucéennes qu'il détenait, remontent à deux mille ans.

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L'idée d'une organisation communautaire forte remonte au moins au savant Mancio ou Mencius (370 av. J.-C. - 289 av. J.-C.) et à d'autres écrivains de la fin de la période Chou et du début de la période Han. Ils décrivent un système idéal dont on peut supposer qu'il s'inspire du I Ching. Le système appelé Ching t'ien (Bodde, 2008) impliquait la division des terres en une grille de neuf secteurs distribués à huit familles. Chaque famille occupe un secteur, laissant le neuvième pour la culture communale, par laquelle elle rend hommage au seigneur du lieu (Legge, 1875). Les paysans ont dû privilégier le travail du secteur commun avant celui de leur propre secteur. Cette image commune est restée ancrée dans certaines connotations idylliques en Chine et on peut supposer que ces récits ont encouragé les aspirations socialistes.

Le "Grand Bond en avant" proposé par Mao, qui visait à industrialiser le pays, n'était pas non plus sans précédent. Des mesures similaires avaient déjà été prises, par exemple, sous la dynastie Song (960-1279) avec l'industrie sidérurgique, il y a mille ans.

La répétition historique dans l’orbite du géant asiatique est une évidence historique. C'est un signe de renouvellement dans ce qui est similaire, sa forte identité le fait se renouveler, changer mais à sa manière.

Sa forte identité l'amène à se concevoir comme le centre du monde. Depuis la dynastie des Zhou, ce que nous, Occidentaux, désignons comme la Chine s'appelle Zhōngguó, le pays du centre. Cette pensée a animé sans doute l'histoire du pays pendant des millénaires, apportant parfois sa propre inertie.

L'arrivée du communisme a été un événement perturbateur mais, en même temps, la répétition de constantes historiques. L'intervention de Mao dans l’histoire chinoise a été l'une de ces tempêtes qui balaient cycliquement la Chine et les nations en général. Cependant, elle ressemblait à une tempête dévastatrice qui frappe des régions entière et fait apparaître les anciennes fondations sur lesquelles l’histoire et la vie du peuple se sont déroulées.

Bien que les conséquences de la désastreuse Révolution culturelle ne soient pas encore guéries, la sève de la Chine coule toujours dans son corps ancien. Aujourd'hui, les pratiques d'inspiration taoïste se mêlent à la pensée confucéenne ; la médecine traditionnelle à la science occidentale, les rituels sont maintenus et récupérés tout en s'adaptant au contexte mondial. La Chine allie la tradition à une modernité qui ne parvient pas à étouffer ses valeurs consubstantielles. Le géant restera debout tant qu'il conservera ses coordonnées fondatrices, les mâts de son existence, son ancienne identité.

L'histoire chinoise est un exemple particulier de cycles historiques qui ne sont autres que des cycles humains. L'histoire humaine est imprévisible et changeante, cette imprévisibilité et ces changements relevant du particulier, mais elle prend une forme cyclique, ce qui est une règle générale. Comme le mythique Zhang Guo Lao chevauchant son âne à l'envers, lorsque nous avançons, nous le faisons en regardant en arrière.

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Références :

Bodde, D. (1986) The State and Empire of Chin in Fairbank, J. K., & Twitchett, D. C. (Eds.). The Cambridge History of China: Volume I, The Ch’in and Han Empires, 221 B.C.-A.D. 220. Cambridge University Press.

Huang, R. (1998) The Ming Fiscal Administration in The Cambridge History of China. Volume 8. The Ming Dynasty, 1368 – 1644, Part 2. Cambridge University Press.

Legge, J. (1875) The Chinese Classics: Vol. 2. The Life and words of Mencius.

London: Trübner & CO. & Ludgate Hill

Pletcher, K. (Ed.). (2010). The history of China. Britannica Educational Publishing.

Spengler, O. (1966) La decadencia de Occidente, Tomo II, trad. Morente, M. G.. Madrid: Espasa-Calpe, S.A.

 

00:44 Publié dans Actualité, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : chine, actualité, asie, affaires asiatiques, histoire | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

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