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lundi, 29 mars 2021

Joe l’Endormi s’est réveillé : Syrie, Russie et Chine. Qu’est-ce qui va suivre?

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Joe l’Endormi s’est réveillé : Syrie, Russie et Chine. Qu’est-ce qui va suivre?

Par Giorgio Spagnol

Ex: http://ieri.be

Joe Biden a été surnommé "l’endormi" par Donald Trump. Quoi qu'il en soit, après seulement 30 jours de présidence, il s'est réveillé et a bombardé la Syrie. Le 25 février, Biden a ordonné de frapper la Syrie en réponse à des attaques à la roquette contre les forces américaines dans la région, suscitant l'inquiétude des législateurs démocrates car il n'avait pas demandé l'autorisation nécessaire au Congrès.

Le 16 mars, M. Biden a accusé Poutine d'être un "tueur" et l'a averti qu'il "paierait le prix fort" pour l'ingérence présumée des services russes dans les élections américaines.

Le 18 mars, la première réunion de haut niveau entre les États-Unis et la Chine sous la présidence de M. Biden s'est ouverte à Anchorage, en Alaska, les deux parties s'échangeant des injures dès le début.

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L'état des lieux

La frappe contre la Syrie a suscité des critiques de la part des députés, qui ont reproché à la Maison-Blanche de ne pas les avoir informés à l'avance. Le site bombardé n'était pas spécifiquement lié aux tirs de roquettes contre les Américains, mais était simplement censé être utilisé par les milices chiites soutenues par l'Iran qui ciblent les forces américaines en Irak. Reuters a cité des rapports locaux selon lesquels au moins 17 personnes avaient été tuées dans le bombardement, tandis que l'Observatoire syrien des droits de l'homme a fait état de 22 morts.

La Russie a nié les allégations d'ingérence, formulées de longue date. Les Russes ont dit qu’elles étaient sans fondement et ont déclaré que leur ambassadeur quittait les États-Unis et qu'il discuterait des "moyens de rectifier les liens entre la Russie et les États-Unis, qui sont en crise" à son arrivée à Moscou. Il a ajouté que "certaines déclarations irréfléchies de hauts responsables américains ont mis les relations, déjà excessivement conflictuelles, sous la menace d'un effondrement".

Le 18 mars, Poutine a répondu au commentaire de Biden, qui le posait comme un ‘’tueur’’, en disant "il en faut être un pour en connaître un autre", ajoutant qu'il souhaitait à Biden une ‘’bonne santé’’ (il convient de mentionner que Biden a survécu à deux anévrismes cérébraux à la fin des années 1980 et que son état s'est ensuite compliqué d'une thrombose veineuse profonde et d'une embolie pulmonaire). Quoi qu'il en soit, Poutine a mis Biden au défi de tester ses facultés dans un débat en ligne.

Poutine a fait remarquer que la Russie continuerait à coopérer avec les États-Unis lorsqu'ils soutiennent les intérêts de Moscou, ajoutant que "beaucoup de personnes honnêtes et décentes aux États-Unis souhaitent la paix et l'amitié avec la Russie." Mais après ce tac au tac, les relations entre les États-Unis et la Russie ont été en chute libre. En adoptant une position ferme à l'égard de la Russie, M. Biden a déclaré que l'époque où les États-Unis se pliaient à Poutine était révolue.

La réunion entre les hauts fonctionnaires américains et chinois a été entachée d’une série de réparties mordantes entre les deux superpuissances, les envoyés des deux pays échangeant des critiques acerbes sur la gouvernance et les défauts de l'autre.

Le début des discussions de deux jours à Anchorage, en Alaska, a été marqué par les propos du secrétaire d'État américain Antony Blinken, qui a déclaré à ses homologues chinois que les États-Unis allaient faire part de leurs "profondes préoccupations" concernant les politiques de la Chine au Xinjiang, à Hong Kong et à Taiwan.

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La Chine, représentée par le ministre des affaires étrangères Wang Yi, a répliqué que les États-Unis et la Chine avaient chacun leur propre style de démocratie et que Pékin s'opposait fermement à l'ingérence de Washington dans ses affaires intérieures, ajoutant que les relations avec la Chine devaient être fondées sur le respect mutuel.

Les États-Unis ont ensuite publié une déclaration accusant la Chine de faire de la figuration et de prononcer un discours d'ouverture qui a largement dépassé les deux minutes initialement convenues.

Plus tard, lors d'un briefing suivant la réunion, des responsables chinois ont déclaré que les États-Unis avaient lancé des attaques déraisonnables contre les politiques intérieure et extérieure de la Chine en ajoutant : "Ce n'est pas une manière d’agir car elle n’est pas conforme à l'étiquette diplomatique".

Biden et la Russie

En janvier dernier, le vice-ministre russe des affaires étrangères, M. Ryabkov, avait accusé l'administration du président Joe Biden de "russophobie", déclarant qu'il s'attendait à ce que les relations avec les États-Unis aillent "de mal en pis".

Les relations entre Moscou et Washington se sont détériorées ces dernières années sur des questions telles que la saisie par la Russie de la région ukrainienne de la Crimée en 2014, son rôle dans les guerres dans l'est de l'Ukraine, en Syrie et en Libye, son ingérence présumée dans les élections aux États-Unis , et une série de cyberattaques majeures imputées aux Russes.

La Russie, bien qu'incapable d'agir comme une grande puissance mondiale, est la quantité qui, en jetant son poids sur la balance, peut être décisive, grâce à son formidable arsenal nucléaire, dans le match entre les États-Unis et la Chine.

La Russie existe et résiste en tant qu'empire depuis au moins six siècles. C'est un État puissant armé jusqu'aux dents, dirigé par un leader charismatique sans opposition, mais bien conscient qu'il ne peut pas se précipiter seul dans des aventures militaires contre des voisins comme les États-Unis ou l'OTAN.

L'espace, la culture et l'ambition impériale permettent à Moscou de disposer d'une élite russe dotée d'une ambition géopolitique. En raison de sa position géographique, la Russie est un élément central de la sécurité en Eurasie, son territoire étant contigu à toutes les grandes zones de crise dans le monde.

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Biden et la Chine

Les liens économiques, géopolitiques et sécuritaires entre les régions du Pacifique occidental et de l'océan Indien ont créé un système stratégique dans lequel l'océan Indien a remplacé l'Atlantique en tant que corridor commercial le plus fréquenté et le plus important sur le plan stratégique, transportant deux tiers des expéditions mondiales de pétrole et un tiers des marchandises en vrac.

Environ 80 % des importations de pétrole de la Chine sont acheminées du Moyen-Orient et/ou de l'Afrique via l'océan Indien. L'Indo-Pacifique devient ainsi le centre de gravité économique et stratégique du monde. Les intérêts, les capacités et les vulnérabilités de la Chine s'étendent à l'ensemble de l'océan Indien et c'est pourquoi la Chine a établi en 2017 une énorme base navale militaire à Djibouti, dans la Corne de l'Afrique.

Les liens stratégiques entre la Chine et la Russie

La Chine et la Russie entretiennent actuellement des relations difficiles avec les États-Unis suite à l'imposition de droits de douane à la Chine et aux sanctions infligées à la Russie. Pour la première fois, les deux grandes puissances sont considérées comme "révisionnistes, concurrentes stratégiques et rivales" dans la série des documents stratégiques américains de 2017 et 2018.

La Chine et la Russie ont récemment envoyé des messages forts par le biais de mesures telles que des patrouilles stratégiques aériennes conjointes et la critique commune de l'unilatéralisme américain.

Il convient de mentionner que lors de deux événements distincts, la Russie et la Chine ont publiquement annoncé une nouvelle ère de diplomatie entre les deux pays: avec l'exercice Vostok 2018 et l'exercice Joint Sea 2019, la Russie et la Chine ont signalé à l'Occident qu'elles travaillent plus étroitement ensemble pour faire contrepoids à l'"impérialisme" américain.

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En particulier, Vostok 2018, un exercice militaire russo-chinois de grande envergure, a impliqué plus de 300.000 soldats, 1.000 avions et plusieurs navires de guerre, tandis que Joint Sea 2019 a impliqué de nombreux sous-marins, navires, avions, hélicoptères et marines des deux pays.

Ce qui lie ces puissances entre elles, c'est leur accord sur la nécessité de réviser le statu quo. La Russie essaie tant bien que mal de reconstituer son aire d’influence du temps de l'Union soviétique. La Chine n'a pas l'intention de se contenter d'un rôle secondaire dans les affaires mondiales, pas plus qu'elle n'acceptera le degré actuel d'influence des États-Unis en Asie et le statu quo territorial qui y règne.

Les dirigeants des deux pays sont également d'accord pour dire que la puissance américaine est le principal obstacle à la réalisation de leurs objectifs révisionnistes. Leur hostilité à l'égard de Washington et de son ordre est à la fois offensive et défensive: non seulement ils espèrent que le déclin de la puissance américaine facilitera la réorganisation de leurs régions, mais ils craignent également que Washington ne tente de les renverser en cas de discordes durables au sein de leurs pays.

C'est pourquoi ils tiennent dûment compte de la devise divide et impera (diviser pour régner) qui est née de besoins pratiques: Rome, matériellement, ne pouvait pas faire face à son ennemi lorsqu'il était uni.

Biden pousse-t-il la Chine et la Russie à se rapprocher ?

Les relations sino-russes sont principalement façonnées par la pression exercée par les États-Unis sur ces deux États.

L'évolution de la politique américaine à l'égard de la Chine - qui s'éloigne de tout engagement pour se rapprocher de la stratégie du néo-contrôle - a survalorisé la coopération potentielle plus étroite entre Moscou et Pékin, devenu l’ennemi principal. Les relations sino-russes se sont particulièrement épanouies dans des domaines tels que l'opposition politique et normative envers l'Occident, l'énergie, la sécurité, le nucléaire et l'espace.

Parallèlement, la rhétorique anti-américaine de Xi Jinping a commencé à ressembler à celle de Vladimir Poutine. La Russie et la Chine ont également amélioré leur position au sein du système des Nations unies, notamment en se faisant élire au Conseil des droits de l'homme.

Biden avait prévu de tendre la main à l'Union européenne afin d'apprivoiser l'influence de la Chine au niveau régional et mondial. Ces plans ont été compliqués par la décision de l'UE d'aller de l'avant avec un nouvel accord d'investissement avec la Chine quelques semaines seulement avant que Biden n’entre en fonction.

Actuellement, la politique intérieure russe offre un terrain fertile pour des relations plus étroites avec Pékin: le Kremlin ne considère pas que la puissance croissante de la Chine sape sa légitimité intérieure ou menace la survie du régime, tandis que la Chine apprécie également le soutien de la Russie.

C'est cet alignement normatif qui illustre le plus clairement leur position anti-occidentale. Il est certain que la Chine et la Russie considèrent que les problèmes internes de l'Occident (Brexit, manifestations de Black Lives Matter, etc.) légitiment davantage leurs propres régimes.

Considérations

Si vous êtes président des États-Unis, vous ne pouvez pas dire "Poutine est un tueur". Vous ne pouvez pas le dire, vous n'êtes pas obligé de le dire. Trump, le président des excès, ne l'avait pas dit non plus. L'attaque vise aussi à faire barrage à tout achat du vaccin russe Spoutnik V. Est-ce aussi une façon détournée d'imposer subrepticement des sanctions contre toutes les entreprises de l'UE qui participent à l'achèvement du gazoduc Nord Stream 2 reliant la Russie à l'Allemagne?

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Les relations des États-Unis avec la Chine ont plongé à leur point le plus bas depuis la visite de Nixon dans l'État communiste dans les années 1970. Les liens entre les États-Unis et la Russie sont, quant à eux, à leur point le plus difficile depuis la chute de l'Union soviétique.

Toute tentative de faire ouvertement fléchir le pouvoir au sein de deux puissances nucléaires constitue une action extrêmement dangereuse. C'est dangereux lorsque les hommes les plus puissants du monde, dont les doigts peuvent presser les boutons déclenchant le feu nucléaire, se retranchent dans des impasses rhétoriques et risquent ainsi une épreuve de force entre superpuissances.

Malgré la fanfaronnade de Biden, "L'Amérique est de retour", les États-Unis sont affaiblis par deux décennies d’offensives et de retraits au Moyen-Orient, par leurs divisions politiques paralysantes et par les pires réponses apportées à une pandémie mondiale.

Et la Chine s'est hérissée d'une déclaration conjointe des États-Unis et du Japon cette semaine, qui fait partie d'un effort de l'administration Biden pour créer un front uni d'alliés afin de contrer la puissance économique, stratégique et militaire de la Chine et de forcer Pékin à accepter des règles internationales que la Chine rejette comme étant une tentative de limiter son pouvoir.

Conclusion

Après qu'une foule a pris d'assaut le Capitole américain, Xi et Poutine se demandent probablement: "Est-ce là la nation dont nous devons avoir peur ? Est-ce là la nation qui veut être l'exemple paradigmatique de la démocratie et qui veut exporter sa démocratie dans le monde entier ?".

Biden aura sûrement du mal à convaincre la Chine et la Russie qu'il s'agissait d'un événement isolé, passager, et que la démocratie américaine est plus forte que jamais. Il aura encore plus de mal à les convaincre qu'une Amérique aussi divisée est, malgré tout, consensuelle, cohérente et unie, prête à faire face à toute menace extérieure possible et à diriger le monde.

Biden devrait définir une stratégie d'équilibrage avec la Chine avant que les deux nations ne dépassent les limites de ce que les cercles stratégiques appellent la "nouvelle guerre froide" pour entrer dans un véritable conflit direct, faisant ainsi entrer dans la réalité le fameux "piège de Thucydide".

Nous ne pouvons qu'espérer que la situation fortement concurrentielle entre les États-Unis et la Chine se retrouvera très vite entre des mains plus sereines. Après tout, ce qui met réellement en danger la paix et la stabilité mondiales, ainsi que l'avenir des relations entre les États-Unis et la Chine, ce n'est pas une "concurrence stratégique" entre les deux grandes puissances, mais l'incertitude résultant d'une concurrence dans laquelle aucune des deux puissances ne suit les règles du jeu traditionnelles, mais se comporte arbitrairement en fonction de son seul intérêt personnel, lequel est très étroitement défini.

En résumé, la Chine peut aujourd'hui compter sur la Russie, le plus grand pays du monde qui s'étend sur la masse continentale eurasienne. Les deux principaux acteurs ‘’orientaux’’ sont à bien des égards complémentaires: la Russie possède des ressources naturelles, des sciences fondamentales et des armes; la Chine possède des capitaux, des technologies commerciales et des industries lourdes. La Russie a un problème de sous-population, la Chine le contraire. Un principe ancien "l'ennemi de mon ennemi est mon ami" lie Pékin et Moscou.

L'une des leçons de la politique étrangère américaine de ces dernières décennies est que les plans élaborés à Washington ne survivent souvent pas au contact avec le monde extérieur. Et il n'est pas certain que les alliés des États-Unis adhèrent à la stratégie Biden: comme je viens de le souligner, ils ont envoyé un signal en concluant un accord commercial avec la Chine juste avant que Biden ne prenne ses fonctions.

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Le canal, l'Égypte et l'Italie - Le plan (réel) d’Enrico Mattei

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Le canal, l'Égypte et l'Italie

Le plan (réel) d’Enrico Mattei

Par Marco Valle

Nous publions, avec l'aimable autorisation de l'éditeur, un extrait du livre de Marco Valle, Suez. Le canal, l'Egypte et l'Italie (Historica)

51Kavy22snL.jpgÀ partir de 1954, grâce aux bons offices du colonel Younes, le groupe Eni  -avec Agip Mineraria, Snam et Nuovo Pignone-  s'engage dans une série d'opérations importantes : la recherche de pétrole, le forage, la distribution de pétrole et de GPL et les projets autour du barrage d'Assouan. Une collaboration fructueuse à laquelle s'ajoutent la construction d'un oléoduc entre Suez et la capitale égyptienne ainsi que la mise en oeuvre d'une raffinerie. C'est lors de l'inauguration de l'usine, qui a lieu le 24 juillet 1956 en présence d'Enrico Mattei, que Nasser communique à Younes sa décision de nationaliser le Canal trois jours plus tard. Bien que les archives de l'Eni relatives à cet événement soient étrangement (ou délibérément ?) incomplètes, il est difficile d'imaginer que Mattei, invité d'honneur ce jour-là, n'avait aucune idée de la crise qui s’annonçait, imminente ; plus que probablement, il n'avait pas été averti de manière confidentielle. Ce brillant entrepreneur de la région des Marches n'avait certainement aucun doute sur l’issue des événements. Lorsque la crise éclate, il tente de convaincre Gronchi et le Premier ministre Segni de promouvoir une médiation italienne entre les parties, tandis qu'Il Giorno, le quotidien de l'Eni, rassure l'opinion publique et les milieux économiques sur les intentions des Égyptiens. Non content de cela, l'homme de Matelica s'est immédiatement mobilisé pour venir en aide à son précieux ami Younes qui avait été catapulté par Nasser à la direction de la toute nouvelle Autorité du Canal de Suez. Mattei savait que le principal problème des Égyptiens était d'assurer la navigation le long de la voie d'eau, une tâche techniquement exigeante qui, jusqu'alors, était assurée par les pilotes de la Compagnie. Selon les calculs d'Eden et de Mollet, sans la contribution des 323 techniciens étrangers, le trafic aurait été réduit de moitié, provoquant des embouteillages, des retards et, finalement, le chaos. Une excellente excuse pour intervenir et reprendre le contrôle de la voie navigable.

marco-valle-resize.jpgAfin d'accélérer la paralysie, les gouvernements de Londres et de Paris ordonnent à la Compagnie de rappeler tout le personnel non égyptien encore présent sur l'Isthme avant le 15 septembre. Mais en ce jour fatidique: "Les autorités égyptiennes ont réussi à faire face au départ de 212 opérateurs, dont 90 pilotes, sans affecter le trafic maritime. Vingt-cinq pilotes étrangers qui avaient répondu à la campagne de recrutement lancée par les autorités égyptiennes ont contribué à ce premier succès: quinze Russes, quatre Yougoslaves, trois Italiens et trois Allemands de l'Ouest se sont joints aux quarante pilotes grecs qui n'avaient pas accepté l'invitation de la compagnie à quitter leurs postes. À la recherche de personnel spécialisé capable d'opérer à bord des navires en transit, les Égyptiens avaient pu compter sur une formidable agence de recrutement: depuis la fin du mois de juillet, Enrico Mattei et ses collaborateurs s'étaient affairés dans les ports italiens, offrant des engagements somptueux, pour trouver des spécialistes disposés à poursuivre leur expérience professionnelle à Suez. En outre, le président de l'ENI était retourné au Caire dans les journées du 15 au 17 septembre, au moment même où le retrait redouté des pilotes étrangers avait lieu" (10). Inévitablement, la crise égyptienne a eu des répercussions sur la scène politique italienne, radicalisant l'affrontement entre les "néo-atlantistes" Gronchi, Fanfani, Taviani et Tambroni et les atlantistes "orthodoxes" comme Segni, Pacciardi, le vice-président du Conseil des ministres, Saragat et le ministre des Affaires étrangères, Gaetano Martino. Face à l'activisme du président de l'ENI et de ses amis, le Conseil des ministres opte d'abord pour une solidarité totale avec les Anglo-Français, mais l'intervention directe du Quirinal impose un changement de cap drastique et Segni, avec de nombreuses incertitudes, opte pour une attitude de "compréhension" et de modération envers l'Egypte, et les raisons qu’elle invoquait, dans l'espoir d'une solution internationale qui garantirait la liberté de navigation.

Mettre l'Ego à l’épreuve - Evola et la philosophie

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Mettre l'Ego à l’épreuve - Evola et la philosophie

Par Giovanni Sessa

Ex : https://www.ereticamente.net/

Les études les plus sérieuses et les plus significatives consacrées à la pensée d'Evola partent ou, en tout cas, ont comme thème central de discussion, ses œuvres spéculatives. Pensez au travail pionnier de Roberto Melchionda, brave exégète d’Evola récemment décédé, qui a mis en évidence la puissance théorique de l'idéalisme magique, ou à l'étude d'Antimo Negri, critique à l’égard des résultats atteints par la philosophie du traditionaliste italien. Depuis plus d'une décennie, dans le travail d'analyse de ce système de pensée, se distinguent des auteurs comme Giovanni Damiano, Massimo Donà et Romano Gasparotti, dont les essais sont motivés par une authentique vocation exégétique et loin des conclusions hâtives ou motivées par des jugements politiques, qu'ils soient positifs ou négatifs.

9788855291293_0_0_626_75.jpgUn élève de Donà, le jeune Michele Ricciotti, a récemment publié une monographie consacrée au philosophe, qui s'impose comme un livre important dans la littérature critique sur le sujet. Nous nous référons à "Prouver l'ego". Julius Evola et la philosophie, paru dans le catalogue de l'éditeur InSchibboleth (pour les commandes : info@inschibbolethedizioni.com , pp. 217, euro 20.00).

L'auteur parcourt et discute, avec une évidente compétence théorique et historico-philosophique, l'itinéraire d'Evola, en utilisant une bibliographie des plus actuelles, mû par la conviction, rappelée par Donà dans la préface, que: « le vrai philosophe, pour Evola, ne peut se limiter à "démontrer". Mais il doit d'abord faire l'expérience, sur sa propre peau, de la véracité des acquis qui, en vérité, ne peuvent jamais être simplement ‘’théoriques’’ » (pp. 11-12). Il ressort clairement des pages du livre qu'Evola est resté fidèle à cette hypothèse tout au long de sa vie. Naturellement, son parcours n'a pas été linéaire, mais caractérisé, en particulier, à partir de la fin des années 20, par le "tournant" traditionaliste imposé par sa rencontre avec René Guénon.

Afin de présenter au lecteur la complexité d'une pensée très articulée, Ricciotti a divisé le texte en trois chapitres. Dans le premier chapitre, il affronte, avec des accents et des arguments convaincants, l'expérience dadaïste d'Evola, au cours de laquelle se dessine le "problème" théorique, central pour lui, lié à l'Ego : "de son affirmation et de sa "preuve"", mais: "non sans avoir brièvement thématisé la signification spirituelle que l'Art de la Règle" (p. 17) tient dans la réalisation d'une telle tâche. Oui, l'idéalisme d'Evola était "magique", capable d'intégrer, en termes de praxis, le besoin de certitude propre à l'idéalisme classique et l'actualisme gentilien, considéré comme le sommet de la pensée moderne.

Dans le deuxième chapitre, ce n'est pas un hasard, le rapport d'Evola avec l'idéalisme est abordé, en particulier avec sa déclinaison actualiste. Le lecteur doit savoir que les pages consacrées par Ricciotti au dépassement par Evola du gentilisme (c’est-à-dire du corpus philosophique de Gentile) sont parmi les plus profondes de celles écrites jusqu'à présent: "L'actualisme se configure à notre avis comme une station qui doit nécessairement être franchie par l'Ego pour devenir - de transcendantal qu'il est - "magique"" (p. 18). La philosophie et la magie, en effet, comme Donà l'a bien illustré, ont historiquement partagé le même horizon, dans lequel la pensée et l'action correspondaient. L'individu absolu est celui: "qui est certain du monde grâce au fait qu'il se rend identique à lui, en vertu de sa capacité à en faire une image dont le pouvoir magique s'identifie à la même volonté inconditionnelle du Moi" (p. 19). Le troisième chapitre traite du thème de la descente de l'individu absolu dans l'histoire, suivi de la tentative du philosophe de construire un symbolisme du processus historique. Pour ce faire, le penseur s'est servi des apports théoriques de Bachofen, synthétisés dans la méthode empathique-‘’antiquiste’’, ainsi que de Guénon et de la "méthode traditionnelle". Une courte phrase peut bien clarifier ce que Ricciotti pense du processus de la pensée évolienne: "de l'image magique du monde au symbole", où le premier terme détient une valeur positive et le second représente une diminutio, une dé-potentialisation théorique. Cette torsion des acquisitions magico-dadaïstes initiales se manifeste, explique Ricciotti, à partir des pages d’Impérialisme païen, une œuvre au centre de laquelle se trouve: "un sujet souverain capable d'établir la loi en se plaçant en dehors et au-dessus d'elle, se faisant le représentant d'une liberté inconditionnelle " (p. 27).

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L'individu souverain a des caractéristiques similaires à celles de l'individu absolu, car en tant que sage taoïste, il le sait: "Avoir besoin de pouvoir est une impuissance [...] exprime une privation d'être " (p. 29). D'autre part, le sujet souverain, identifié au Rex de la Tradition, est ici placé dans un contexte historico-chronologique et, par conséquent, est dépourvu de pouvoir par l'"absoluité" du sujet magique. La même situation se retrouve dans les pages de La Tradition hermétique. D'une part, la transmutation alchimique y fait allusion à la " reconstitution du royaume de Saturne [...] et au comblement de la privation dont la matière est le symbole" (p. 37); d'autre part, dès l'organisation du volume, se manifeste l'adhésion du penseur à la méthode traditionnelle. Elle consiste, d'un point de vue général, à tenter de retrouver dans l'histoire le patrimoine symbolique commun à toutes les civilisations traditionnelles, mais aussi à retracer les interférences avec la suprahistoire et la souveraineté. De cette manière, le dualisme réapparaît fortement chez Evola. Elle animera le contraste entre Tradition et Modernité dans les pages de Révolte contre le monde moderne et dans les œuvres de la période "traditionaliste".

Dans cette voie, affirme Ricciotti, Evola arrive à la définition d'une métaphysique de l'histoire centrée "sur une théorie spécifique du symbole compris [...] comme facteur opératoire de l'histoire elle-même" (p. 177). Le traditionaliste y incorpore l'idée guénonienne centrée sur la valeur supra-historique du symbole, à l'idée bachofénienne qui soulignait, au contraire, son historicité. Pour cette raison, le philosophe ne pourra pas "sauver" in toto, même en faisant référence à un éventuel "cycle héroïque", le dynamisme de l'arché. La tradition, paradoxalement, placée dans un passé ancestral, finit par pouvoir être récupérée dans une projection utopique, dans le futur. L'auteur rappelle que seule la réflexion sur les thèses de Jünger, sur le retour de l'élémentaire et du pouvoir négatif dans le monde contemporain, a permis à Evola de retrouver la Nouvelle Essence, l'horizon existentiel et cosmique de l'individu absolu. Les pages de Chevaucher le Tigre en témoigneraient.

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C'est la structure générale du volume. Nous ne pouvons manquer de signaler quelques plexus théoriques pertinents, explicités dans ses pages: tout d'abord, le concept de "valeur" dans l'idéalisme magique. Il indique la résolution de ce qui est matière dans ce qui est forme. Dans toute expérience, le Moi doit s'élever de la forme de l'expérience:  à la forme de toute forme [...] il faudra rendre la forme coextensive au réel, la valeur coextensive à l'être" (p. 96). Cela explique le titre du livre, Provare l’Ego. En effet, "rendre raison de l'Ego signifiera rendre raison de toute la réalité, à partir de l'identité de l'Ego avec la déterminité empirique" (pp. 99-100).

Le livre de Ricciotti remet sous les projecteurs du débat philosophique une pensée puissante et trop longtemps négligée.

Giovanni Sessa.

Maurice Barrès, le Prince de la Jeunesse!

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Présentation d'écrivain

Maurice Barrès, le Prince de la Jeunesse!

NOUVEAU FORMAT : 1 épisode sur 2 dans Vive l'Europe, l'autre dans Super Danny Live, ici : https://superdannylive.com
 
Dans cette vidéo, nous parlerons de Maurice Barrès, un écrivain trop peu lu aujourd’hui mais dont l’influence politique et littéraire était immense. Il a été le premier à utiliser le mot "nationalisme" en politique, et était un des plus grands littérateurs de la fin du XIXème et du début du XXème siècle. Si vous voulez en savoir plus sur Barrès, je vous conseille l’excellente biographie de Yves Chiron : Maurice Barrès, le Prince de la Jeunesse. Et bien évidemment la lecture de ses deux grandes trilogies : Le Culte du Moi et le Roman de l’énergie nationale.
 
 
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