vendredi, 23 avril 2021
Il n’y avait pas un bon et un mauvais Céline: il y avait Céline, un point c’est tout!
Il n’y avait pas un bon et un mauvais Céline : il y avait Céline, un point c’est tout!
Par Francesco Subiaco
SOURCE: https://culturaidentita.it/non-cera-un-celine-buono-e-uno...
"La postérité est surtout exigeante pour son hypocrisie." Une hypocrisie qui, comme l'écrit Pol Vandromme, les conduit à mesurer les artistes avec la lentille du moralisme, à la myopie qui regarde le passé, ou pire l'art, avec les yeux du présent. Laisser de côté la grande littérature pour des raisons politiques, sans se soucier du style, de l'œuvre, voilà de quoi il retourne. Même si, trop souvent, une mauvaise écriture a été pardonnée au nom d'une mauvaise politique. Cependant, Vandromme, critique belge et cosmopolite, n'était pas affecté par ces myopies et consacrait son activité à la diffusion d'auteurs gênants, dont les grandes œuvres ne pouvaient être éclipsées par des moralismes. Parmi eux, Louis Ferdinand Céline, raconté dans un splendide essai du même nom publié par ITALIA STORICA, sous la direction d'Andrea Lombardi. Un essai nécessaire pour connaître ce maudit auteur capable d'écrire les grands chefs-d'œuvre du vingtième siècle, comme Voyage ou Nord. Un auteur réadmis trop tard, et partiellement seulement, au Panthéon des Lettres, tiraillé entre la thèse du bon Céline des premiers romans et du mauvais Céline des pamphlets et de la trilogie allemande.
Vandromme parvient à mettre en évidence comment, cependant, cette différence n'est qu'apparente, comment les pamphlets, inexcusables et déplorables par leur contenu, ne peuvent être séparés de la personnalité et du style de cet Ezéchiel parisien, puisque "les romans racontent la peur, les pamphlets cherchent à la détruire", mais les uns comme les autres sont les enfants de la même atmosphère et du même monde. Un monde dont le thème fondamental est la peur, qui est exacerbée, déformée, créant des monstres, créant des rêves d'obsessions. Des obsessions qui sont le lent présage de la mort, de la dissolution. D'une condition de putréfaction et de fin dont Céline s'illusionne pour s'en sortir grâce aux exorcismes de ses pages. Une peur que l'on retrouve dans tous les textes de Céline et qui se manifeste par la "dénonciation de l'imposture contemporaine, du long combat victorieux que la décadence menait contre l'instinct de l'espèce". Une dénonciation qui devient un réquisitoire contre la guerre, comme la prophétie de la mort. Une mort qui est "la seule vérité de la vie", pour laquelle la guerre est une tragédie, un crime humanitaire sans "si" ni "mais". Une description de la condition existentielle amplifiée par un langage expressionniste et déformant, qui plonge dans les abîmes de l'âme humaine, voyant ses monstruosités, ses petitesses. La création de personnages parmi les plus vrais de la littérature et un style qui parvient à devenir porteur d'un nouveau naturel. Un naturel qui bouleverse le langage et en fait le grand mégaphone des émotions. En le transformant en un discours artificiel et vrai. De la petite musique qui fait bouger l'âme des ténèbres et de la nuit. La couleur des fantasmagories absurdes de Guignol’s Band et de Mort à crédit, de la liquéfaction du mot, de la fragmentation et du délire. Qui raconte la foule solitaire, le crépuscule halluciné du colonialisme, le désert de la guerre, la rage du bombardement, de Voyage a Nord. Vandromme vivisectionne le langage, les thèmes et les masques de l'œuvre de Céline, entre l'imminence de la peur, la destruction de la guerre et l'innovation linguistique. Récit de ce chroniqueur et styliste de la décadence, entre l'ironie de Swift et le cynisme de La Rochefoucauld. Réaliser l'exégèse de romans et de pamphlets, évalués à la lumière de leur validité stylistique, en considérant toujours l'horreur de son contenu. En nous disant que "nous ne devons pas avoir peur de ses livres". La société littéraire doit être capable de supporter tous les scandales et toutes les folies, d'avaler ses œuvres et de digérer ses mesquineries." D'autre part, comme le disait Arbasino, "l'œuvre d'art s'écrit elle-même". Et il parle le langage du style et de l'émotion".
Francesco Subiaco.
11:44 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : louis-ferdinand céline, littérature, lettres, littérature française, lettres françaises | | del.icio.us | | Digg | Facebook
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