lundi, 26 juin 2023
L'homme, la nature, la technologie: le nouveau livre de Giovanni Sessa éclaire les questions décisives de notre temps
L'homme, la nature, la technologie: le nouveau livre de Giovanni Sessa éclaire les questions décisives de notre temps
Par Giovanni Damiano
Source: https://www.ilprimatonazionale.it/cultura/uomo-natura-tecnica-libro-giovanni-sessa-icone-possibile-265250/
Rome, 25 juin - Avant-propos : le nouveau livre de Giovanni Sessa, très important et intitulé Icone del possibile: giardino, bosque, montagna (Oaks, 2023), se distingue par son originalité et la richesse de son argumentation. Plutôt qu'un compte-rendu, je tenterai ici d'indiquer, sous forme de notes, une série d'aspects qualificatifs du texte de Sessa, en y ajoutant quelques réflexions supplémentaires.
1) Tout d'abord, le livre de Giovanni Sessa aborde le sujet dans une perspective anti-dualiste très claire, à ne pas lire cependant dans le sens de l'et-et, bien sûr, où l'et-et se prête au malentendu de la synthèse conciliatrice. D'un autre côté, il ne faut pas non plus craindre l'aut-aut, à condition de ne pas l'interpréter comme une opposition rigide, ou pire, essentialisée, mais plutôt comme l'une des voies par lesquelles la physis se manifeste. L'et-et lui-même peut donc être admis, précisément comme l'un des modes de la physis. Mais il est tout aussi important de ne pas tomber dans le monisme, dont le risque suprême, traditionnellement, est le triomphe de l'indéterminé, de la dissolution des différences. En bref, il faut comprendre la physis comme un champ de tension dans lequel tout peut entrer en relation, mais de manière tensionnelle, ce qui est précisément aussi la position de Sessa.
Giovanni Sessa et la redécouverte de la grécité archaïque
2) Parler de physis, plutôt que de nature, comme le fait Sessa, c'est vouloir récupérer la pensée grecque archaïque, en vue d'une tentative de donner naissance à un nouveau commencement d'origine. Une tentative de regarder la nature précisément à partir de la perspective originelle de la pensée grecque archaïque, en essayant donc, et en même temps, de la rendre à nouveau pensable dans le présent. Une physis qui ne doit donc pas être comprise comme une relique érudite d'époques irréversiblement révolues ou comme une référence stérilement "cultivée" ou intellectualiste, mais plutôt comme une mémoire vivante dans le présent.
3) Sessa lit à juste titre physis comme dynamis, faisant ainsi allusion à l'extraordinaire puissance de la nature, à son immense réservoir de possibles. D'où précisément le titre du livre de Sessa, placé entièrement sous le signe du possible. L'icône, en revanche, renvoie à l'œuvre louable de Ludwig Klages qui, à propos de l'objet, dans lequel la vie se raidit, perdant sa mutation continue, voyait précisément dans l'image ce qui perpétue le devenir de la physis. Les icônes du possible sont donc les images toujours changeantes de la puissance de la physis, autre aussi de l'écologie, dans laquelle, dès son nom, le logos résonne comme une puissance qui divise de façon dualiste l'essence (la réduction de la physis à un simple concept) de l'existence (la manifestation concrète de la physis), finissant ainsi par commettre un physiocide (voir la préface de Romano Gasparotti à l'ouvrage de Sessa).
4) Dans le sous-titre de son livre, comme un nouveau rejet de tout dualisme rigide, qui nierait le dynamisme, le renouvellement de la nature dans son immanence, Sessa juxtapose la forêt et la montagne au jardin, ou plutôt à l'artificialité technique. Nature et culture, nature et technique sont ainsi placées dans un rapport qui n'est pas seulement contrastif, qui ne s'exclut pas mutuellement, aussi parce que nature et culture, certes pas de manière harmonieuse et pacifiée, mais plutôt souvent problématique, "coexistent" néanmoins, cohabitent. On pense à Arnold Gehlen, qui notait que la culture était précisément un concept anthropo-biologique, selon lequel la culture de l'homme n'est pas détachée de la nature, elle n'est pas une sphère autonome, complètement détachée de la nature, mais elle est structurellement imbriquée avec elle. L'homme est donc un être en devenir, pleinement impliqué dans le devenir de la physis. Si ce lien était rompu, nous serions confrontés à un tournant ontologique radical, c'est-à-dire à la naissance d'une nouvelle ontologie, d'un nouveau statut ontologique de la nature et de l'homme.
Socrate, Platon et Aristote
5) Pour la pensée originelle de la physis, l'homme en faisait pleinement partie. En reconstituant, de manière évidemment très sommaire, cette généalogie, on peut commencer par Anaximandre, qui pensait que les hommes provenaient de poissons ou d'autres animaux ressemblant à des poissons (voir DK 12 A 11 et 30). Et en effet, chez tous les autres soi-disant présocratiques, l'homme est toujours immergé dans la physis, sans occuper une place particulièrement privilégiée par rapport à elle.
Et même le soi-disant "tournant anthropocentrique" des Sophistes est plus un lieu commun historiographique qu'autre chose; par exemple, Mauro Bonazzi note qu'avec les Sophistes, c'est la perspective qui change, et non les sujets traités, en ce sens que l'homme n'est pas, pour ainsi dire, retiré de la physis pour être étudié en toute autonomie, à tel point que Bonazzi va jusqu'à affirmer que "la physis en tant que telle demeure, c'est le point de départ de toute recherche".
Socrate lui-même, on le sait, s'est intéressé à la philosophie d'Anaxagore ; outre les célèbres passages dans les Nuées d'Aristophane, où les nuages semblent se référer - comme le note Maria Michela Sassi - aux "implications athées de l'étude des phénomènes naturels", il y a les non moins célèbres passages du Phédon (96a-99c), où Socrate rappelle s'être intéressé dans sa jeunesse aux "recherches sur la nature" (historia perì physeos) et en particulier, précisément, à la philosophie d'Anaxagore.
Il en va tout autrement avec Platon. Les idées platoniciennes, selon Mario Vegetti, naissent principalement dans la sphère des "valeurs éthiques" (beau, juste, bon) ou dans la sphère épistémique des mathématiques (égal, etc.). Il est donc très difficile d'étendre la relation idée-chose au monde des objets naturels, y compris l'homme. Cela expliquerait le recours au programme cosmogonique exposé dans le Timée, avec l'intervention, non fortuite, d'un véritable artisan (le Démiurge) qui, s'il ne crée pas à partir de rien, donne néanmoins lieu, précisément parce qu'il est artisan, à un artificialisme technique évident. Et c'est pourquoi le Platon médiéval, grâce au célèbre Commentaire sur le Timée de Chalcis, était surtout celui du Timée, qui se prêtait facilement à une relecture - Vegetti ne cesse de l'affirmer - dans le cadre de la théologie chrétienne créationniste.
Au contraire, il ne me semble pas exagéré de rappeler comment la pensée biologique d'Aristote s'enracine dans la tradition naturaliste présocratique, dont le Timée tire la conception de la physis comme une réalité dotée d'un ordre et d'une existence autonomes. Ce n'est pas un hasard si la définition de l'homme chez Aristote se réfère au zoologique et non à l'anthropologique. L'être humain est traité comme l'un des animaux; en bref, il n'est pas au centre du processus naturel, mais simplement l'une de ses parties. L'homme naît dans la zoosphère et s'en distingue ensuite, mais à la base se trouve, comme chez Anaximandre, l'idée d'une continuité entre l'homme et l'animal. Si bien que l'homme, même en tant qu'animal politique, partage précisément la politisation avec les autres animaux, comme l'explique un passage fondamental de l'Historia animalium (I 1, 488a), où il est dit qu'il y a des animaux qui vivent seuls et d'autres en communauté, et d'autres qui peuvent vivre les deux à la fois. L'homme peut vivre les deux, et dans son aspect communautaire, il est comparé aux abeilles, aux guêpes, aux fourmis, aux grues. Par conséquent, puisque seul le logos est ce qui différencie réellement l'homme de tous les autres animaux, la véritable anthropogenèse est donc le logos lui-même (voir Politique, 1253a 9-18). Seul le logos représente le facteur véritablement dirimant/discriminant qui marque le "détachement" décisif de l'homme de la zoosphère.
L'ambiguïté de Prométhée et le dilemme de la technologie
6) Je termine ces brèves notes par un addendum, tout aussi schématique, sur le Prométhée platonicien, en partant toutefois de l'hypothèse, partagée par Sessa, que le Titan ne doit pas être isolé, ni valorisé unilatéralement, du moins si l'on veut rester fidèle à sa matrice grecque d'origine, mais plutôt inscrit dans une perspective beaucoup plus large dans laquelle, par exemple, il entrerait dans une relation, certes jamais linéaire et pacifiée, même avec Orphée, à l'encontre des thèses bien connues de Pierre Hadot. Et cela parce que le monde grec, dans son clair-obscur, laisse la place aux contraires, dans leur relation toujours précaire, fragile.
Or, en rappelant au passage qu'en réalité même le mythe de l'Androgyne, raconté par Aristophane dans le Symposium, raconte la condition, je dirais ontologique et en même temps existentielle, de l'homme, ou plutôt sa parabole d'une plénitude et d'une unité perdues, au manque et au désir actuels (impossibles?) de revenir à cette plénitude originelle, sur Prométhée, il faut dire tout de suite, dans le sillage de Jean-Pierre Vernant, qu'il y a une ambiguïté, une duplicité constitutive du Titan déjà mise en évidence par Hésiode, où Prométhée est à la fois le "vaillant fils de Japet", bienfaiteur de l'humanité, et l'être "aux pensées rusées", à l'origine des malheurs de l'homme. Il faut d'ailleurs rappeler que Pandore est aussi un produit technique, l'œuvre d'un démiurge qui la fabrique à partir de la terre et qui, dans les variantes, est tantôt Héphaïstos, tantôt Epiménide, tantôt Prométhée lui-même. Pandore est également inséparable de Prométhée, dans le sens où - comme le dit Umberto Curi - ce n'est pas l'inconscience de l'insipide Epiméthée qui est la cause des maux de l'homme, mais la philanthropie de Prométhée, car sans le sacrilège de ce dernier, l'humanité n'aurait jamais connu les "afflictions douloureuses" dont Pandore a été l'intermédiaire.
Pour en revenir à Platon, Prométhée apparaît dans les passages du Polyptyque 274c-d, où, le règne de Kronos ayant pris fin, ce qui leur permettait de mener une vie bienheureuse, exempte de douleur et de chagrin, les hommes, restés faibles et en proie aux animaux, privés de moyens et d'art (techne), sont aidés précisément par Prométhée, Héphaïstos, Athéna et "d'autres". Cela signifie que A) la techne est l'enfant d'un état d'indigence, de faiblesse chronique, de manque, et B) qu'en effet les technai de Prométhée (le feu), d'Héphaïstos et d'Athéna (la métallurgie) et des "autres" (les techniques de l'agriculture) ne suffisent pas, car l'art vraiment nécessaire, vraiment fondamental, la techne basilikè, l'art de la royauté, c'est la politique. Par conséquent, même le don de Prométhée est non seulement insuffisant en soi, minimisant ainsi clairement la capacité "sotériologique" supposée du feu, mais aussi subordonné à l'art de la royauté.
Dans le Protagoras, l'histoire est bien connue: les dieux confient aux deux frères la distribution des biens aux vivants; les deux frères se mettent d'accord pour qu'Epiméthée soit chargé de la distribution, qui, cependant, échoue, laissant l'homme dépourvu de tout moyen propre à sa survie, de sorte que Prométhée est conduit à voler le feu pour le donner aux hommes, avec une singulière inversion des rôles, de l'exécuteur des ordres de Zeus à son violateur. De là, comme le note Curi, émerge "une sorte de théorie du progrès", avec le passage de l'homme de la condition dans laquelle il se trouvait avec Épiméthée à celle dans laquelle il se trouve avec Prométhée, renversant ainsi le cadre régressif hésiodique, dans lequel c'est Épiméthée qui succède à son frère.
Mais le fait est que les dons des dieux ne suffisent pas à l'homme qui, une fois de plus, a besoin de l'art de la politique, de la politikè techne, pour laquelle Zeus envoie Hermès avec la tâche d'apporter à l'homme la modestie et la justice aptes à fonctionner comme poleis kosmoi, comme l'ordonnancement des cités des hommes (Protagoras 322b-c). Ainsi, une fois encore, les dons de la technologie ne suffisent pas à sauver une humanité intrinsèquement déficiente et manquante. Au contraire, c'est précisément la technologie qui nous fait prendre conscience de cette inaptitude de l'homme à survivre. Et comme le souligne encore Curi, dans cette version du mythe prométhéen, c'est donc Zeus qui apparaît véritablement philanthropos, dans la mesure où ce sont ses dons qui permettent la survie de l'homme.
Enfin, le rôle et la fonction des techniques, toujours dans ce cas, en sortent drastiquement réduits, car d'une part elles sont inférieures à la physis, dont elles ne peuvent égaler le potentiel, et d'autre part elles sont complètement subordonnées à la politique. En somme, la technique se révèle être un doron-dolon, un don trompeur, annonciateur de maux, car elle nous fait croire à un salut qu'elle ne peut finalement pas nous accorder. En synthèse extrême, nous avons d'un côté la nécessité de la technique, de l'autre le désenchantement lucide de celle-ci; de cette relation, pourtant difficile à démêler et peut-être même contradictoire, il est indispensable de partir, sous peine de se réfugier soit dans des archéologies anhistoriques, soit dans des aventurismes utopiques " futuristes ".
13:37 Publié dans Livre, Livre, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : giovanni sessa, philosophie, grèce antique, humanités gréco-latines, livre | | del.icio.us | | Digg | Facebook
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