Parution du numéro 478 du Bulletin célinien
Sommaire :
La descendance obtient gain de cause
Dans la bibliothèque de Céline (2)
Londres : le milieu londonien dans l’actualité
Entre Céline et Robert Poulet [1965]
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Par Iure Rosca
Les élections présidentielles en Roumanie ont suscité un intérêt particulier de la presse internationale. Et la presse alternative semble avoir eu une bonne occasion de tester sa capacité à discerner entre vérité et simulacre. Mais comme «les nôtres» préfèrent souvent être trompés par la séduction et impressionnés par les apparences, ils font partie des partisans et promoteurs d’imposteurs comme Donald Trump ou de ses clones comme Calin Georgescu.
Beaucoup de ceux qui sont dans notre camp s’imaginent qu’il pourrait encore y avoir un pays où quelqu’un qui n’est pas contrôlé par le Système, peut avoir un résultat électoral majeur. Autrement dit, ceux qui prétendent critiquer le Système deviennent ses victimes par excès de crédulité et par «wishful thinking». Nous n’aimons pas penser que le coup d’état à l’échelle mondiale est un fait accompli. Il s’est pleinement manifesté en 2020 avec la fausse pandémie. À cet égard, le livre de notre ami suédois Jacob Nordangard «The Global Coup d’Etat: The Fourth Industrial Revolution and the Great Reset» est très utile.
Notre obsession électoraliste, la religion du républicanisme, les mythes de la «souveraineté populaire» et du suffrage universel nous empêchent d’accepter le fait que, dans les conditions de la démocratie de masse, on ne peut pas obtenir un renversement de situation en faveur des intérêts nationaux.
Calin Georgescu est un exemple classique d’ingénierie sociale, mis en œuvre depuis longtemps. Il s’agit d’un franc-maçon notoire, membre du Club de Rome, qu’il a loué jusqu’à aujourd’hui, mais qui prétend l’avoir abandonné il y a un an, parce que le club serait détourné de «ses idéaux lumineux». Il a longtemps travaillé à l’ONU, étant un expert en «développement durable», qui, comme on le sait, est la stratégie de l’élite mondiale visant la destruction et l’asservissement de l’humanité. Georgescu a travaillé pendant de nombreuses années au sein du gouvernement roumain, notamment en tant que responsable des programmes des Nations unies pour la mise en œuvre de la stratégie de développement durable.
En outre, Calin Georgescu n’est pas gêné de louer publiquement et à plusieurs reprises la franc-maçonnerie alors qu'il a raconté qu’il n'était pas un maçon. Il dit que c’est la maçonnerie qui a le mérite historique d’avoir créé l’Etat roumain moderne. En plus, dit-il, Mozart était maçon, et cela ne le rend pas moins brillant.
La Roumanie a traversé de nombreux moments tragiques après la chute du communisme. Mais ce carriériste et initié n’a jamais pris une attitude publique envers la tragédie de son propre peuple. Il a été activé il y a quelques années et lancé dans la vie publique roumaine après son départ de l’ONU. Et il a été parasiter d'une manière très réussie le discours nationaliste. Son discours grandiloquent, plein de références aux symboles sacrés de l'histoire et de la culture roumaine, a réussi à impressionner de nombreuses personnes. Et pour le rendre encore plus crédible, il s’est déclaré très tôt comme un sympathisant du mouvement des légionnaires et de son chef Corneliu Codreanu, ainsi que du maréchal Antonescu.
Calin Georgescu représente un cas classique d’opposition contrôlée, un simulacre, une poupée de mondialistes bon pour séduire le public crédule. Il lui a été assigné le rôle de Sauveur tout comme dans le cas de Trump. C’est pourquoi, à l’aide de techniques de manipulation utilisées par les services spéciaux roumains affiliés aux mondialistes, il a été promu au second tour des élections présidentielles.
Le truc a été couronnée de succès, étant soutenue par les milieux sionistes en Roumanie tels que l’Institut Wiesel et les réseaux Soros en contestant avec véhémence sa candidature, en le taguant de fasciste, de nazi, d'extrémiste, etc. Et pour rendre la légende encore plus crédible, Calin Georgescu a été promu au deuxième tour avec une dame, Elena Lasconi (photo), une progressiste qui représente un parti politique produit par le réseau Soros, USR, pro-LGBTQ, pro-OTAN et pro-UE etc. Autrement dit, les Roumains doivent choisir entre un outil des globalistes avec le masque d’un grand patriote et un autre outil de globalistes sans masque. L’équation pour le second tour des élections présidentielles en Roumanie imite le tandem Trump-Harris, faisant ainsi voter pour le faux patriote ou au moins pour le moindre mal.
La manœuvre des mondialistes a réussi à manipuler les cercles de dissidence antimondialiste à la fois à cause du discours anti-Système de Calin Georgescu et parce que la presse dominante dans le monde l’avait critiqué pour son discours nationaliste. Je voudrais ici mentionner la formule extrêmement pertinente de notre ami Youssef Hindi qui, en caractérisant ces apparences fulminantes de prétendus souverainistes, dit qu’il s’agit d’un «nationalisme israëlo-conforme». Marine Le Pen, Viktor Orban, Mario Salvini seraient précisément de cette facture. Soit dit en passant, les deux derniers ont déjà fait preuve de solidarité avec Benjamin Satanyahu après que la Cour pénale internationale ait émis un mandat d’arrêt pour crimes de génocide. Orban et Salvini invitent le leader sioniste coupable de crimes inimaginables à visiter respectivement la Hongrie et l’Italie.
Calin Georgescu doit être placé dans la même «famille politique». Maintenant, évoquons un autre détail important à cet égard. La presse de Bucarest annonce avec faste que l’envoyé du grand vainqueur Trump, Robert Kennedy Jr., vient soutenir Calin Georgescu dans les élections. Je crois personnellement que cet ancien démocrate a été accepté dans le camp de Trump non pas pour sa position anti-vaccin, mais pour son soutien total et ardent à Israël. Donc, nous avons toujours encore un nationaliste israëlo-conforme. Il est également intéressant de noter ici que la garniture entière des futurs membres du cabinet Trump se compose exclusivement de sionistes fanatiques ou de leurs serviteurs. Leur devise est «Israël first!».
À l'ère de la haute technologie et de la manipulation généralisée, après avoir appris la leçon historique sur les prêteurs d'argent et les commerçants qui ont produit la république et les élections pour contrôler la politique, il est tout à fait regrettable de constater qu'autant de gens dans notre camp se laissent encore tromper par les apparences. Dans des situations aussi embarrassantes, on ne sait même pas faire la distinction entre les naïfs de bonne foi et ceux qui nous ont infiltrés pour nous manipuler. S'il vous plaît, admirez le sauveur de la Roumanie sur un cheval blanc et dans l'armure de Superman. Ce ne sont pas de fausses photos, elles font partie de la campagne de promotion de Călin Georgescu.
D'ailleurs, Călin Georgescu pratique aussi le judo comme Poutine et se baigne dans le lac en plein hiver. Un bon candidat pour lequel il faut voter.
La société du spectacle fonctionne à coup sûr. Et le public est très impressionné par ce théâtre sans fin.
16:41 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roumanie, europe, affaires européennes, politique internationale, calin georgescu | |
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Parution du numéro 478 du Bulletin célinien
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La descendance obtient gain de cause
Dans la bibliothèque de Céline (2)
Londres : le milieu londonien dans l’actualité
Entre Céline et Robert Poulet [1965]
Évoquant dans un entretien télévisé la désastreuse réception critique de Féerie pour une autre fois, Céline raconte qu’on lui a reproché de “danser dans une assiette”. À l’époque, la majorité des lecteurs fut désorientée par le fait que le récit se limite au 4 de la rue Girardon, voire à un bombardement pour le second tome (écrit, comme on sait, avant le premier). J’ignore quel critique littéraire eut recours à cette expression. Je l’apprendrai peut-être en lisant le livre de Maxim Görke, La réception critique de Féerie pour une autre fois et de Normance, qui vient de paraître.
Curieux de lire cet ouvrage car, dans les deux cas, le dossier de presse est mince. Ainsi compte-t-on sur les doigts des deux mains les critiques qui, à l’été 1952, commentèrent le premier volet. Citons dans le désordre Roger Grenier, Albert Paraz, Roger Nimier, Robert Kemp, Théophile Briant, André Brissaud, Robert Poulet,… – la plupart d’entre eux étant des amis de l’auteur.
Ce n’était assurément pas le cas de Pierre Lœwel qui qualifia le livre d’« éructation informe, de borborygme, de déboulage de délirant dans lequel les vociférations de la grossièreté prennent un aspect démentiel et une odeur d’égout [sic] »¹.
Dans cet entretien, Céline confiait que les livres qu’il avait écrits depuis son retour d’exil ne s’étaient guère vendus. Avec Féerie, il s’était, en quelque sorte, mis dans les pas de Flaubert: « Ce qui me semble beau, ce que je voudrais faire, c’est un livre sur rien, un livre sans attache extérieure, qui se tiendrait de lui-même par la force interne de son style, comme la terre sans être soutenue se tient en l’air, un livre qui n’aurait presque pas de sujet ou du moins où le sujet serait presque invisible, si cela se peut. Les œuvres les plus belles sont celles où il y a le moins de matière². »
Féerie demeure un chef-d’œuvre méconnu, y compris des lecteurs de Céline. Exception notable : Jean-Pierre Dauphin (†) qui, à la fin des années 70, consacra deux numéros de la revue qu’il dirigeait à ce diptyque³. Céline détestait l’insuccès : plus question de promener les lecteurs dans une assiette. Il s’agissait maintenant de les faire voyager, ce qui sera le cas avec D’un château l’autre qui le vit renouer avec le succès.
Dans un autre entretien, Céline justifie l’intérêt du livre par le fait qu’il traite d’une partie de l’histoire de France dont on parlera un jour, disait-il, dans les écoles. Si tel n’est pas le cas pour une raison évidente, plusieurs auteurs ont fait de Sigmaringen le sujet d’un de leurs livres. Céline aurait sans doute été étonné que tant d’ouvrages soient consacrés à la fuite des “collabos”.
Certains historiens sont même devenus des spécialistes de l’épuration. Tel celui d’un livre récent dont Céline n’est pas le sujet principal mais dont la photo figure en couverture, marketing oblige. Le coup de pied de l’âne n’en est pas absent : il y est relevé que « toute honte bue, Céline compare volontiers son sort à celui des grands écrivains exilés ». Ces deux adjectifs ne se justifient-ils pas dans son cas ?!
• Marc BERGÈRE, Lignes de fuite (L’exil des collaborateurs français après 1945), Presses Universitaires de France, 2024, 376 p. (21 €). Sur le même thème, voir Yves POURCHER, L’exil des collabos (1944-1989), Éditions du Cerf, 2023, 330 p. (24 €)
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Friedrich Nietzsche, Gilles Deleuze et l'éternel retour
Troy Southgate
Source: https://troysouthgate.substack.com/p/friedrich-nietzsche-...
Dans son ouvrage complexe de 1962, Nietzsche et la philosophie, le postmoderniste français Gilles Deleuze (1925-1995) cherche si désespérément à faire concorder les idées de Nietzsche avec sa propre vision matérialiste du monde que certains aspects de l'œuvre du penseur allemand sont complètement relégués à l'arrière-plan. Ainsi, lorsque Deleuze aborde la notion d'éternel retour, à laquelle Nietzsche fait allusion dans Le Gai Savoir (1882) et dans Ainsi parlait Zarathoustra (1883-1891), il est dit que ce concept contient « les parties les plus obscures de la philosophie de Nietzsche et constitue un élément presque ésotérique de la doctrine » (p.69).
Ailleurs, Deleuze suggère que la Généalogie de la morale (1887) de Nietzsche est une tentative flagrante de réécrire la Critique de la raison pure (1781) d'Emmanuel Kant, bien que Nietzsche s'abstienne de discuter des questions relatives à l'épistémologie dans cet ouvrage particulier et qu'à aucun moment il ne mentionne Kant lui-même.
Deleuze, comme Emma Goldman (1869-1940) avant lui, admire beaucoup l'attitude intransigeante de Nietzsche et tente d'améliorer ses propres références révolutionnaires en créant une forme de nietzschéisme de gauche. On peut se demander s'il y est parvenu, mais pour en revenir - comme on le fait - à sa discussion sur l'Éternel Retour, je suis d'accord avec Deleuze pour dire que certaines des remarques de Nietzsche sur la nature des tendances réactives s'expliquent par la relation entre la volonté de néant et l'Éternel Retour lui-même.
La volonté de néant, rappelons-le, est le nom que Nietzsche donne à la philosophie pessimiste d'Arthur Schopenhauer (1788-1860) et qui implique que la vie se détourne d'elle-même parce qu'elle ne trouve aucune valeur réelle dans le monde. Cette philosophie s'apparente, à bien des égards, au bouddhisme. Cette tendance est bien sûr présentée comme la voie du nihiliste, décrite à titre posthume par Nietzsche dans La volonté de puissance (1901) comme « un homme qui juge du monde tel qu'il est qu'il ne devrait pas être, et du monde tel qu'il devrait être qu'il n'existe pas ».
La volonté de néant est donc d'une importance vitale dans le schéma philosophique car, comme le note Deleuze, en entrant en contact avec l'Éternel Retour « elle rompt son alliance avec les forces réactives » et donc « l'Éternel Retour peut achever le nihilisme parce qu'il fait de la négation une négation des forces réactives elles-mêmes » (p.70).
En d'autres termes, alors que le nihilisme est généralement perçu comme l'apanage des faibles, il devient ici l'instrument de leur propre autodestruction. Avant cette association ironique entre la volonté de néant et l'Éternel Retour, la première était toujours présentée comme quelque chose qui s'alliait aux forces réactives et, par conséquent, cherchait inévitablement à nier ou à étouffer la force active. Nietzsche, en 1901, avait déjà observé que la « loi de conservation de l'énergie exige l'éternel retour ». La volonté de néant, quant à elle, n'est qu'une forme incomplète de nihilisme et, comme le note Deleuze : « La négation active ou destruction active est l'état des esprits forts qui détruisent le réactif en eux-mêmes, le soumettant à l'épreuve de l'Éternel Retour et se soumettant à cette épreuve même s'il s'agit de vouloir sa propre déchéance » (Ibid.).
La négation est donc radicalement transformée en un état d'affirmation dans ce qui peut finalement être interprété comme une métamorphose dionysiaque.
13:41 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philosophie, gilles deleuze, friedrich nietzsche | |
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Franco Milanesi : La révolution conservatrice est basée sur la révolution contre le capitalisme et contre la "forme bourgeoise" et pour les racines communautaires et humaines de la tradition nationale
Propos recueillis par Eren Yeşilyurt
Source: https://erenyesilyurt.com/index.php/2024/11/04/franco-mil...
Nous avons eu un bel entretien introductif avec Franco Milanesi sur la philosophie politique, la biographie et surtout les idées d'Ernst Niekisch. Nous avons abordé de nombreux sujets, notamment la manière dont Niekisch a combiné les concepts de révolutionnarisme conservateur et de bolchevisme national, ainsi que sa relation avec Ernst Jünger.
Pouvez-vous vous présenter brièvement ?
Je suis né à Turin le 5 juillet 1956 et j'ai obtenu mon diplôme à l'université de Turin avec une thèse sur la dissidence au sein du Pcd'I (PC d'Italie). J'ai enseigné à Pinerolo et, en 2010, j'ai obtenu un doctorat à l'université de Turin et, en 2014, un second doctorat à l'université de Gênes. Je publie des articles dans diverses revues. En 2008, j'ai publié Dietro la lavagna (Derrière le tableau noir), basé sur mon expérience dans les écoles, et en 2010 est paru Militanti pour les éditions Punto Rosso. En 2011, j'ai publié Rebelli e borghesi. Nazionalbolshevismo e rivoluzione conservatrice chez Aracne, puis Nel Novecento chez Mimesis, un ouvrage consacré au parcours politique de Mario Tronti. En 2022, j'ai publié Il tempo inquieto. Per un uso politico della temporalità chez "Ombre corte". J'ai écrit la préface de Das Reich der niederen Dämonen. Ein deutsches Verhängnis d'Ernst Niekisch en 2018 pour Nova Europa. Je participe en tant qu'orateur à des conférences et des réunions publiques dans plusieurs villes italiennes. J'ai été secrétaire de Rifondazione Comunista auprès de la cellule de Pinerolo et j'ai aussi fait du travail administratif dans la même ville.
Ernst Niekisch occupe une position unique au sein de la révolution conservatrice en tant que "bolchevik national". Quelles sont les idées fondamentales de Niekisch? Comment est-il parvenu à combiner le fait d'être à la fois un révolutionnaire conservateur et un bolchevik national?
La philosophie politique de Niekisch est étroitement liée à son anthropologie politique. En effet, c'est la Gestalt bourgeoise, la forme bourgeoise, qui est le centre théorique de son travail. Cette Figur s'est imposée dans la modernité et c'est elle qui « gouverne » la dynamique capitaliste. La critique du capital devient une critique du « type d'homme » qui l'incarne et le propage. Le bourgeois combine deux caractéristiques: l'individualisme du soi et l'universalisme. Contre le premier, Niekisch affirme l'instance communautaire et socialiste. Le sujet individuel ne trouve son « sens » que dans la communauté sociale, une communauté d'égaux dans laquelle l'État est l'institution concrète qui réalise et promeut le socialisme. Cependant, cette société a besoin d'une identité et l'élément national remplit cette fonction. C'est là la double racine de lapensée de Niekisch, elle est tout à la fois nationaliste (anti-universaliste) et bolchevique (anticapitaliste). La révolution conservatrice repose sur des hypothèses similaires. Révolution contre le capital et la forme bourgeoise. Préservation et réactivation de la tradition nationale et des racines communautaires de l'être humain.
Pouvez-vous expliquer la "forme bourgeoise" à laquelle ils s'opposent ?
La forme bourgeoise (Gestalt) est un mode d'être de l'homme que nous pouvons considérer abstraitement. Exactement, comme une forme. Le bourgeois place la sécurité personnelle, le décorum, l'argent, la famille, l'individu au centre de son existence. Tout cela s'oppose aux caractéristiques tout aussi universelles incarnées par l'esprit prussien: sacrifice, esprit militaire, sens de la communauté. Pour Niekisch, le prolétaire qui émerge dans le monde soviétique, l'homo sovieticus, incarne certains de ces caractères, ceux-là même qui sont présents non seulement chez les Prussiens mais aussi chez les Slaves.
Quelle était la position de Niekisch à l'égard des nationaux-socialistes? Comment s'est-il heurté à l'idéologie nazie et comment ce conflit a-t-il influencé sa vie politique?
Le conflit avec le nazisme a été très dur. Niekisch avait déjà passé deux ans en prison après son expérience dans la République soviétique de Bavière. Tout en s'intéressant à l'expérience des frères Strasser, il avait déjà publié en 1932 l'un de ses ouvrages les plus importants, Hitler, un destin allemand (Hitler, ein deutsches Verhängnis), un texte historico-théorique dans lequel il attaquait le national-socialisme comme une expression de l'esprit méridional, bourgeois et catholique. La victoire du nazisme impliquerait la latinisation complète de l'esprit allemand et l'introduction des « valeurs » mercantiles du capitalisme. Les nazis lancent une violente campagne contre le livre. En janvier 1939, Niekisch est condamné par un tribunal spécial à la prison à vie, à la confiscation de tous ses biens et à l'interdiction des droits civiques. Il est libéré, presque complètement aveugle et paralysé, par l'Armée rouge le 27 avril 1945.
Que signifie chez lui la « latinisation de l'allemand » ?
La latinisation signifie précisément l'abandon aux valeurs « du Sud », en particulier aux valeurs catholiques qui, pour Niekisch, sont les mêmes que celles des sociétés marchandes dominées par la figure de proue du bourgeois.
Quel type de structure géopolitique Ernst Niekisch envisageait-il pour établir une alliance entre l'Union soviétique et l'Allemagne? Quel rôle les concepts eurasiatiques ont-ils joué dans cette structure?
Pour Niekisch, l'Europe de l'Est est le barrage contre la dérive « américaine » de l'Occident. L'Est est synonyme de bolchevisme. Comme toujours, il interprète le phénomène politique d'un point de vue anthropologique. Le bolchevisme a fait apparaître une figure dominante sur la scène de l'histoire: celle du militant communiste. Une minorité capable de décider, d'imposer et de mettre en œuvre une politique dans laquelle l'État, la classe dirigeante et les masses sont littéralement unifiés, c'est-à-dire unifiés sous une forme unique. La révolution bolchevique a fait fructifier le même caractère slave, essentiellement collectiviste, anti-individualiste et militaire. Ce sont ces caractères qui, dans une fusion idéale Est-Ouest, c'est-à-dire dans la bolchevisation de l'Ouest et de l'Allemagne, pourront arrêter la dérive bourgeoise et matérialiste de l'Ouest. La lecture de l'histoire par Niekisch est toujours imprégnée d'éléments métaphysiques et spirituels. D'où sa critique du marxisme qui, au contraire, réduit l'histoire à un conflit économique et matériel.
Quels sont les éléments métaphysiques et spirituels dans la lecture de l'histoire de Niekisch ? Comment les utilise-t-il ?
Les contrastes marqués Nord/Sud, protestantisme prussien/catholicisme latin, esprit guerrier/pacifisme, État absolu/société de libre marché, communisme/libéralisme individualiste, représentent des cristallisations métaphysiques qui n'ont pas grand-chose à voir avec la complexité des peuples dans leur existence concrète. Dans l'historiographie moderne, les « phases » fixées dans des schémas chronologiques rigides sont accueillies avec beaucoup de prudence. Niekisch va même jusqu'à parler du « Juif éternel », du « Latin éternel », du « Barbare éternel » non pas comme des modèles purement abstraits mais, à la manière hégélienne, comme des universaux concrets qui s'objectivent au cours de l'histoire. Certes, tous les "Latins" ne présentent pas ces caractéristiques. Mais le pouvoir de la forme marque entièrement l'histoire et ses phases.
Son amitié avec Ernst Jünger est un détail très intéressant. Comment les deux penseurs se sont-ils influencés mutuellement ? Quels échanges d'idées ont émergé de cette relation intellectuelle ?
Ce sont deux penseurs « forts » qui développent leurs idées à partir de lignes culturelles et de textes différents. La Première Guerre mondiale comme « période de selle » pour la formation d'un « type » révolutionnaire, anti-bourgeois et radicalement mobilisé pour changer l'état des choses. Le concept de « mobilisation totale » (die totale Mobilmachung) a profondément influencé Niekisch. Ernst Jünger, à son tour, a reconnu le nationalisme de classe de Niekisch comme un puissant stimulant et a écrit de nombreux articles dans Widerstand, l'une des revues patronnées par Niekisch. L'Arbeiter de Jünger n'est autre que le prolétaire national de Niekisch, l'«éternel barbare» qui dominera le monde occidental à la lumière des valeurs prussiennes, spirituelles et populaires. Les deux hommes sont restés en contact dès 1927. Après cette date, la position de Jünger à l'égard du régime est très prudente, au point qu'il travaille comme officier dans le Paris occupé par les nazis. Participant actif à la tentative d'assassinat de juillet 1944, Jünger n'a pas été poursuivi en raison de l'appréciation par Hitler de ses écrits sur la guerre. Ils partageaient une conception métaphysique de l'histoire, fondée sur la succession des époques et le concept de forme ou Figur anthropologico-politique. Niekisch, dit Jünger, fut « l'un des rares à comprendre immédiatement le sens que je voulais donner à la figure du Travailleur. Je tiens à le reconnaître, car même des esprits très vifs comme Spengler et Carl Schmitt ne m'avaient pas compris, voire avaient mal compris mes intentions ». Des divergences sont apparues quant à l'attitude à l'égard de l'URSS, à l'égard de laquelle Jünger a toujours manifesté une profonde hostilité.
La pensée d'Ernst Niekisch a-t-elle des adeptes aujourd'hui ? Que dit-elle au monde d'aujourd'hui ?
Les courants « rouge-brun » sont nombreux dans les différents États européens. Ils naissent de la convergence de revendications nationales et d'un radicalisme social anticapitaliste et anti-bourgeois. Les idées de Niekisch, bien que profondément transformées, sont très répandues en tant que revendication eurasienne (pensez à son Ostorientirung), en tant que critique de l'américanisme et d'une Europe unifiée par le flux des marchés.
12:11 Publié dans Entretiens, Révolution conservatrice | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : entretien, révolution conservatrice, ernst niekisch, national-bolchevisme | |
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