De nos jours, et cela depuis un long moment, il faut bien avouer que l’on nous présente la Monarchie comme un système politique tantôt archaïque, tantôt tyrannique, dirigé par des monarques totalitaires, sanguinaires et qui martyrisent les peuples. Les rois sont montrés comme étant des obscurantistes rétrogrades, qui méprisent le Progrès, des personnages qui n’ont pas «la sagesse des Lumières», des brutes qui n’ont que la soif de pouvoir à l’esprit et s’enrichissent au détriment de leurs sujets. A l’inverse, les régimes dits «démocratiques», républicains, sont présentés comme étant la panacée prodiguant le bonheur par intraveineuses à ses citoyens, lesquels sont déclarés suffisamment éclairés – grâce aux Évangiles des Droits de l’Homme et de la nouvelle divinité Raison – libérés de Dieu, pouvant s’élever vers les sommets himalayens du sacro-saint Progrès.
Il faut déjà corriger une chose, les rois, mêmes absolus et de Droit Divin, ne sont pas opposés aux progrès. Je mets ici bien en évidence la pluralité des progrès : le «Progrès» seul, tout comme la «Liberté» seule, sont des concepts très flous, filandreux. le Roi n’est pas contre les libertés individuelles, il n’est pas contre les progrès, qu’ils soient humains (médecine), techniques, technologiques, philosophiques, énergétiques… Tout comme il garantit par son autorité les libertés individuelles de ses sujets, servant d’arbitre, établissant des cadres permettant leur application concrète dans la vie de tous les jours, il utilise exactement le même mandat en ce qui concerne les différents progrès dans des domaines variés et éclectiques. Si l’un de ces progrès entrave le Bien Commun, il sera là pour trancher, dire non, à l’inverse il appuiera s’il juge nécessaire certaines initiatives et pourra même en être l’instigateur. C’est ce que nous allons voir ici avec Louis XVI et l’explorateur Jean-François Galaup de Lapérouse, dit Lapérouse.
C’est le Roi de France Louis XVI, en personne, qui décida de mettre sur pieds une expédition à travers le globe. Projet exceptionnel par son ambition et ses moyens, le Roi n’hésita pas à débloquer des fonds importants, à mobiliser le capitaine de vaisseaux Lapérouse, réputé comme l’un des meilleurs navigateurs français, à l’époque. Ce projet lui tiens à cœur, Louis XVI était tout sauf un obscurantiste, un ignare, il était passionné par l’astronomie, la géométrie, les mathématiques, les sciences en général. Il était polyglotte, parlant en effet parfaitement le Latin, parlait l’Allemand et l’Espagnol, et excellait en Anglais. Il était féru d’Histoire, de géographie et maîtrisait très bien l’économie. Excellent cavalier, il était aussi passionné par l’horlogerie et la serrurerie. Un roi Catholique, beaucoup plus intrigué par le monde qui l’entoure, par les sciences, par le bien-être de ses peuples que ne peut l’être les différents présidents de toutes les républiques françaises.
Le Voyage de Lapérouse est quasiment l’œuvre de sa vie, celle qu’il souhaite laisser à la postérité. C’est le plus « marin » de tous les rois de France, Louis XVI comprit très tôt l’importance de posséder une marine puissante, bien équipée, pour titiller celle de l’Empire Britannique, qui avait à l’époque la suprématie maritime sur toutes les mers du monde. L’Armada du royaume de France brilla lors de la Guerre d’Indépendance Américaine, notamment la flotte de De Grasse qui humilia celle des Anglais lors de la fameuse bataille navale de la Baie de Chesapeake. Louis XVI, souvent montré comme un faible et un homme peu futé, était très concerné par la géostratégie. Bien avant le départ de l’expédition, il établira un cahier des charges très copieux, avec toutes ses consignes, ses désirs, les domaines dans lesquels ils souhaitaient des progrès tangibles.
Voici les mots du roi adressés au navigateur Lapérouse dans les «Instructions de Louis XVI et des académies» – Mémoires du roi, pour servir d’instruction particulière au sieur de la Pérouse, capitaine de ses vaisseaux, commandant les frégates « La Boussole » et « L’Astrolabe »- 26 juin 1785.
«Sa Majesté ayant fait armer au port de Brest les frégates « La Boussole », commandée par le sieur de Lapérouse, et « L’Astrolabe », par le sieur de Langle, capitaines de ses vaisseaux, pour être employées dans un voyage de découvertes ; elle va faire connaitre au sieur de Lapérouse, à qui elle a donné le commandement en chef de ces deux bâtiments, le service qu’il aura a remplir dans l’expédition importante dont elle lui a confié la conduite. Les différents objets que Sa Majesté a eus en vue en ordonnant ce voyage, ont exigé que la présente Instruction fut divisée en plusieurs parties, afin qu’elle put en expliquer plus clairement au sieur de Lapérouse, les intentions particulières de Sa Majesté sur chacun des objets dont il devra s’occuper.
La première partie contiendra son itinéraire ou le projet de sa navigation suivant l’ordre des découvertes qu’il s’agit de faire ou de perfectionner ; et il y sera joint un recueil de notes géographiques et historiques, qui pourront le guider dans les diverses recherches auxquelles il doit se livrer.
La seconde partie traitera des objets relatifs à la politique et au commerce.
La troisième exposera les opérations relatives à l’astronomie, à la géographie, à la navigation, à la physique, et aux différentes branches de l’histoire naturelle, et réglera les fonctions des astronomes, physiciens, naturalistes, savants et artistes employés dans l’expédition.
La quatrième partie prescrira au sieur de Lapérouse la conduite qu’il devra tenir avec les peuples sauvages et les naturels des divers pays qu’il aura occasion de découvrir ou de reconnaitre.
La cinquième partie enfin lui indiquera les précautions qu’il devra prendre pour conserver la santé de ses équipages.»
Louis XVI expose avec la précision du détail chaque partie, ce serait terriblement long de tout détailler ici, mais voici, en substance, tout ce qu’il demande : pour la première partie, Lapérouse doit suivre des coordonnées précises, perfectionner les explorations de précédents illustres navigateurs tels que : Cook, Bougainville, Kerguelen de Trémarec… et établir un journal très précis avec des notes historiques-géographiques.
Dans la deuxième, Lapérouse est quasiment en mission diplomatique, il devra améliorer des relations avec différentes Nations, mettre en place des nouvelles routes commerciales, faire du troc. Il devra faire rayonner la France dans tout son périple.
La troisième partie, la partie charpentière, est celle qui nécessitera la corrélation des talents de tous les spécialistes délégués pour cette expédition (ingénieurs, savants, artistes, astronomes, botanistes, docteurs, chirurgiens, physiciens, paysagistes, horlogers…). La diversité des talents mis en commun est impressionnante et variée. Il y a même des chanoines pour évangéliser les sauvages.
Dans la quatrième partie, il s’agira de donner des conseils de savoir vivre avec les peuples croisés, de ne pas s’imposer et ne pas modifier les cultures ancestrales : les français en mission doivent se faire le plus discret possible.
La dernière partie est un condensé de mesures à appliquer afin de garantir aux équipages une bonne santé mentale et physiologique , des repas nutritifs, une bonne hygiène, des vêtements bien entretenus …
Le roi de France n’a rien laissé au hasard, il met a la disposition des capitaines et des équipages du matériel de pointe. Les navires «La Boussole» et «L’Astrolabe», appelées frégates, sont en réalité des flutes, des vaisseaux de guerre démilitarisés (l’artillerie est retirée), afin de gagner en capacité de tonnage et d’éviter d’avoir à embarquer des canonniers. Les deux bâtiments mesurent chacun 41 mètres de long, ils reçoivent des techniques de protection de coques très perfectionnées, elles sont doublés par un revêtement de sapin clouté avec des clous très larges afin d’éviter la fixation de mollusques. Lapérouse bénéficiera d’instruments de mesure (longitudes, calculs astronomiques, distances lunaires…) d’une qualité unique au monde pour l’époque. Des nouveaux sextants à double réflexion, un « cercle de Borda » système récent qui réfléchissait des images, garantissaient une précision ultime dans le calcul de distances angulaires entre deux astres, et éliminait les risques d’erreurs lors de travaux cartographiques dues au magnétisme.
Quant aux moyens humains déployés, il s’agissait à l’époque de l’élite, les meilleurs spécialistes dans leurs domaines respectifs.
Le choix du navigateur pour cette grande expédition n’est pas anodin non plus, Jean François Galaup de Lapérouse est à l’époque, déjà, un marin de génie. Depuis son plus jeune âge, le jeune Lapérouse se rêvait en grand navigateur, il admirait son oncle Clément Taffanel de la Jonquière, commandant d’un vaisseau du roi Louis XV. A l’âge de quinze ans, il s’engage dans le corps des gardes de la Marine, étape nécessaire pour devenir officier, selon la tradition de la Marine, il se voit attribuer un tuteur, le chevalier d’Arsac de Ternay. Il sera sous les ordres de son oncle lors de ses premières missions, avant de passer ensuite sous le commandement d’un autre tuteur qu’il gardera tout le long d’une brillante carrière. Il participa à la guerre d’indépendance Américaine, à bord de « l’Amazone ». Il naviguera au Canada, en 1759, à bord du «Formidable» et connait son baptême du feu. La France est en guerre depuis trois années dans la Guerre de Sept Ans, quand les 20 et 21 novembre, une escadre anglaise attaque la flotte française sous le commandement de l’amiral Conflans dans les parages de l’ile de Houat et de l’estuaire de la Vilaine. Les bâtiments français, surpris, tentent de se réfugier dans la baie de Quiberon ; ils seront pris dans de furieuses canonnades, abordages et échouages. Ce sera la bataille des Cardinaux, un massacre qui réduira énormément, et pour longtemps, les moyens de la Marine française.
Suite a cette effroyable bataille, Lapérouse embarque sur le «Robuste» pour partir à l’assaut de Terre Neuve. La suite de sa carrière sera riche en événements, il enchaîne campagne sur campagne, au Canada, Terre Neuve, aux Antilles, Ile Bourbon, Inde, Madagascar…
De toutes ces missions, la plus délicate est celle qu’il accomplit en 1782 dans la baie d’Hudson. Le ministre de la Marine, le marquis de Castries, lui a donné l’ordre de détruire plusieurs établissements anglais isolés sur ces rivages lointains. L’officier obéit, mais il laisse des vivres aux vaincus, des armes et de l’équipement nécessaire pour qu’ils puissent rejoindre la civilisation. A ce geste admirable, il en ajoute un autre, et qui préfigure les principes qui présideront à son grand départ. Dans le fort d’York, il a découvert un trésor : les journaux d’exploration du gouverneur, un certain Samuel Hearne, qui a cartographié la cote septentrionale du continent américain. En ces temps où on recherche le fameux passage du Nord-Ouest, qui permettrait de relier l’Atlantique au Pacifique par le Nord de l’Amérique, ces documents présentent un intérêt géographique et politique majeur. Pourtant, la réaction de Lapérouse est celle d’un homme de science ; il rend les cartes et rapports à leur auteur, à la condition que celui-ci les publie une fois de retour à Londres. Informé du raid commandé par son ministre, Louis XVI fait savoir sa désapprobation pour cette opération aussi coûteuse qu’inutile, et commande un rapport circonstancié. C’est ainsi qu’il apprend le comportement de Lapérouse. Il ne l’oubliera pas lorsque le moment sera venu de choisir un chef pour commander sa grande expédition autour du monde.
Tous les éléments sont parfaitement réunis pour le Grand Départ.
Le 1er août 1785, le comte d’Hector, commandant de la Marine à Brest, annonce à Versailles que la « Boussole » et « l’Astrolabe » ont quitté Brest au petit matin. Depuis un mois, les deux bateaux, mouillés en rade, attendaient un vent favorable afin de mettre les voiles et débuter l’expédition soigneusement préparée à Versailles et à Brest depuis des mois.
L’expédition royale démarre officiellement son épopée, qui connaîtra un destin tragique, et sera oubliée des français à cause de la Révolution de 1789.
Après avoir sillonné les mers et océans, en passant par les îles Hawaï, faisant une escale sur l’île de Pâques sur laquelle il donna son nom à une baie, voguant le long des cotes de l’Alaska et du Canada, longeant la Cote Ouest Californienne, traversant le Pacifique pour aller en Chine, Japon, Kamtchatka… le voyage se termine dramatiquement, lorsque les deux frégates navigueront vers le Pacifique central, en approchant les îles Samoa et Tonga, pour se rendre en Australie. Lapérouse fait une halte à « Botany Bay » d’environ deux mois pour retaper les navires, redonner des forces aux équipages. Lorsqu’ils repartiront, ils seront surpris par un cyclone qui détruira la « Boussole » et « l’Astrolabe », et emmènera les débris vers les îles Santa Cruz, en juin 1788. Les bateaux sombrèrent, les hommes périrent, certains ont peut être réussis à s’en tirer, mais il n’existe aucune preuves. Jusqu’à aujourd’hui, nous ignorons toujours le lieu exact du naufrage, si il eu des rescapés, et cela malgré les nombreuses missions de recherches lancées afin de résoudre ce que tout le monde nommera « La Malédiction de Lapérouse ». La Révolution française eu lieu un an après cette tragédie, si bien que la disparition de l’expédition de Louis XVI sera oubliée, notamment lorsque le roi fut assassiné, la légende dit que quelques temps avant sa mort, Louis XVI demandera : « A-t-on des nouvelles du sieur Lapérouse et de ses équipages ? « .
Aujourd’hui une zone de recherche crédible a été révélée, elle se situe sur l’archipel de Vanikoro, au milieu de l’Océan Pacifique, au nord-est de l’Australie. Le mystère demeure entier, et c’est l’un des buts ultime de tout les chercheurs d’épaves, trouver les restes de « La Boussole » et de l’Astrolabe ».
Est-ce que ce genre d’expédition, de projet ambitieux serait possible dans le cadre d’une démocratie, d’un république ?
Oui, sans doute ; d’ailleurs il serait stupide de tirer à boulets rouges sur la république bêtement sur ce sujet, car il me vient a l’esprit l’aboutissement deux projets fantastiques : le fabuleux avion supersonique Concorde et le TGV. Il y en a surement bien d’autres. Néanmoins je pense que la monarchie offre la stabilité, la pérennité permettant d’entrevoir des œuvres pharaoniques sur le long terme permettant de faire rayonner la France et de satisfaire les français.
Qui sait, avec un roi avide de connaissances comme Louis XVI aujourd’hui pour gouverner la France, nous irions coloniser la planète Mars en y créant une Nouvelle-France, planter un drapeau à fleur de lys avant que les Américains plantent leur Star-Spangled Banner !
Il nous faut un Lapérouse pour la Conquête Spatiale !
Notre jour viendra.
Mathieu Corvaisier