lundi, 09 février 2009
Dietrich Georg Kieser (1779-1862)
SYNERGIES EUROPÉENNES - DÉCEMBRE 1992
Robert STEUCKERS:
Dietrich Georg Kieser (1779-1862)
Né à Harburg/Elbe le 24 août 1779, Kieser entame des études de médecine à Göttingen en 1801, qui le conduiront à ouvrir plusieurs cabinets avant d'être nommé professeur à Iéna en 1812. Volontaire de guerre en 1814/15, il dirigea deux hôpitaux de campagne à Liège et à Versailles. Il poursuivit ensuite ses activités médicales en dirigeant des cliniques privées d'orthopédie puis de psychiatrie (1847-58). Il est considéré comme le principal représentant de la médecine romantique, dérivée de la Naturphilosophie et étayée par la philosophie de Schelling. Ses travaux scientifiques procèdent par empirisme. Kieser défendit, dans le cadre de ses activités de psychiatre, le principe du conditionnement somatique des troubles psychiques. Mais sa médecine et sa psychiatrie ne se bornent pas à rencenser des faits empiriques: Kieser tente de confronter et de mélanger ses observations aux interprétations spéculatives du cercle formé par Blumenbach, Himly, Goethe, Schelling et Oken. Cette fertilisation croisée de deux domaines, généralement posés comme indépendants l'un de l'autre, a été féconde dans les domaines de la phytotomie et de la psychiatrie. Influencé par le mesmérisme dans sa jeunesse, Kieser affirme que toute maladie survenant dans un organisme sain est en fait un processus de régression qui contrarie le déploiement de la vie, sa marche ascensionnelle de bas en haut. L'objet de la médecine, dans cette perspective, n'est plus de parfaire un ensemble de techniques thérapeutiques mais de restaurer un rapport optimal entre la personne, le monde et Dieu. Ce qui induit le philosophe à parler d'une médecine de l'identité humaine, où la maladie reçoit un statut ontologique, dans le sens où elle affecte la subjectivité de l'homme et est, dès lors, composante incontournable de l'humanité de l'homme. La médecine doit dès lors soigner et guérir des personnes précises, inaliénables de par leur spécificité.
Quant à la philosophie du tellurisme de Kieser, elle démonte le système des Lumières, dans le sens où elle lui reproche de n'explorer que le pôle diurne/solaire de la nature en négligeant les potentialités du pôle nocturne/tellurique. En ce sens, la science romantique de Kieser dédouble la perspective de la connaissance et tourne le dos à l'unilatéralisme des Lumières.
Kieser, après une vie vouée à l'université et à la science médicale, meurt à Iéna, le 11 octobre 1862.
Système du tellurisme ou du magnétisme animal. Un manuel pour naturalistes et médecins (System des Tellurismus oder thierischen Magnetismus. Ein Handbuch für Naturforscher und Aertze), 2 vol., 1821-1822
Ouvrage qui définit, à la suite du mesmérisme et de l'intérêt romantique pour les composantes nocturnes de l'âme humaine, les notions de magnétisme, de somnambulisme et de sidérisme (magnétisme animal). La vie oscille entre deux pôles de potentialités magnétiques (magnetische Potenzen), les potentialités magnétiques/telluriques et les potentialités antimagnétiques/solaires/anti-telluriques, entre des potentialités dynamiques (étudiées par la chimie) et des potentialités mécaniques (définies par les lois de la pesanteur). Cette oscillation est déterminée par les rythmes du jour et de la nuit, entre lesquels l'homme doit trouver l'équilibre. Sur le plan de la psychiatrie, Kieser explique, dans son System des Tellurismus, que les guérisons "miraculeuses" sont en réalité des guérisons conscientes, déterminées par le magnétisme, la volonté et la force du psychisme. Il analyse ensuite les travaux de ceux qui l'ont précédé dans sa théorie du magnétisme: Henricus C.A. von Nettesheym, Petrus Pomponatius, Julius Vanninus, J.B. van Helmont, William Maxwell, Athanasius Kircher et Sebastian Wirdig. Sans oublier Friedrich Anton Mesmer et son De influxu planetarum in corpus humanum. Il poursuit son exposé en brossant l'histoire philosophique du tellurisme et du magnétisme, force émanant de la terre, non captable par simple empirie et compénétrant tout. Nos comportements et nos actes volontaires sont captateurs de magnétisme. Dans notre vie nocturne, il y a irruption directe dans nos corps des magnétismes issus de la Terre. La théorie du magnétisme de Kieser permet de repérer les premières manifestations scientifiques de l'opposition intellectuelle aux Lumières, avec l'attention aux rythmes biologiques et aux études psychologiques et psychiques que cela implique.
(Robert Steuckers).
- Bibliographie:
De anamorphosi oculi/Über die Metamorphose des Thierauges, 1804 (thèse de doctorat); Aphorismen aus der Physiologie der Pflanzen, 1808; Über die Natur, Ursachen, Kennzeichen und Heilung des schwarzen Staars, 1810; Ursprung des Darmcanals aus der vesicula umbilicalis dargestellt, im menschlichen Embryo, 1810; Entwurf einer Geschichte und Beschreibung der Badeanstalt bei Northeim, 1810; Beiträge zur vergleichenden Zoologie, Anatomie und Physiologie (avec Oken), 2 cahiers, 1806, 1807; Über die Metamorphose des Auges des bebrüteten Hühnchens im Eye, s.d.; Grundzüge der Pathologie und Therapie des Menschen, 1812; Mémoire sur l'organisation des plantes, 1812 (version allemande: Grundzüge zur Anatomie der Pflanzen, 1815); Über das Wesen und die Bedeutung der Exantheme, 1813; Vorbeugungs- und Verhaltungsmaßregeln bei ansteckenden faul-Fieberepidemieen, 1813; System der Medizin, 1817-19; System des Tellurismus oder thierischen Magnetismus, 2 vol., 1821-1822; entre 1817 et 1824, Kieser édite, avec Eschenmeyer et Nasse, la revue Archiv für thierischen Magnetismus (12 vol.); ensuite Kieser édite seul Sphinx. Neues Archiv für den thierischen Magnetismus, 1825-26, 2 vol.; De febris puerperarum indole et medendi ratione, 7 cahiers, 1825-29; Klinische Beiträge, revue éditée par Kieser parue en 1834; Disert. med.-pract. exhibens decennium clinicum in Acad. Jenensi inde ab anno 1831 ad annum 1841 auspiciis Dr. Kieseri habitum, 1844; Über der Emancipation des Verbrechers im Kerker, 1845; Von den Leidenschaften und Affecten, 1848; Zur Geschichte der kaiserlichen Leopoldinisch-Carolinischen Akademie der Naturforscher, 1851.
- Sur Kieser: C.G. Carus, in Verhandlungen der Leopoldinischen Akademie, Bd. XXX, Leopoldina, Heft IV, p. 33; Ph. v. Martius, Akad. Denkreden, Leipzig, 1866, p. 500; A. Hirsch, "Dietrich Georg Kieser", in Allgemeine Deutsche Biographie, Bd. 15, 1882; F. Tuczek, in Th. Kirchhoff, Deutsche Irrenärzte, 1921, I, pp. 117-123; W. Brednow, Dietrich Georg Kieser. Sein Leben und Werk, 1970; Hans Sohni, "Dietrich Georg Kieser", in Neue Deutsche Biographie, Bd. 11, Duncker und Humblot, Berlin, 1977; Georges Gusdorf, Le savoir romantique de la nature, Payot, Paris, 1985, pp. 240-241.
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