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dimanche, 07 novembre 2010

Le cochon: porte-bonheur ou véhicule d' "impureté"?

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« Moestasjrik » / «  ‘t Pallieterke » :

 

Le cochon : porte-bonheur ou vecteur d’ « impureté » ?

 

 

Mes lecteurs me posent des questions ? Je réponds ! Un lecteur veut savoir pourquoi le cochon est un animal symbolique positif en Chine, de même qu’en Europe ( « Schwein haben » en allemand signifie « avoir de la chance »), alors qu’au Moyen Orient, on le considère comme un animal impur. De fait, ce lecteur pose là une question bien utile.  Surtout en ces jours où des organisations caritatives distribuent du bouillon de porc et quelques tranches de pain aux sans-abri, ce qui provoque immédiatement un tollé chez les tenants les plus délirants du « politiquement correct ». Un juge parisien vient d’interdire cette générosité culinaire parce qu’elle constituerait une discrimination à l’endroit des musulmans, alors que les dites organisations caritatives n’ont jamais eu la moindre intention d’empêcher un pauvre, quelle que soit sa religion, de recevoir son bol de soupe. Pour brouiller encore les pistes et insinuer qu’il y a de l’antisémitisme dans l’air, certains agents désinformateurs ont même été jusqu’à affirmer que ces distributeurs de soupe discriminaient et les clochards juifs et les clodos musulmans ; les Juifs, que je sache, n’ont jamais cherché, au cours des siècles, à imposer leurs interdits alimentaires aux autres comme le font aujourd’hui les musulmans dans nos écoles et nos prisons. Quoi qu’il en soit, ces manipulations rhétoriques ne s’avèrent possibles que parce qu’à la base le judaïsme et l’islam interdisent effectivement de consommer de la viande de porc, tandis que les religions dominantes en Europe et en Asie orientale s’abstiennent de prononcer un tel interdit.

 

On explique généralement que cette différence provient de ce que les matrices territoriales de ces différentes religions se situent chaque fois en des zones climatiques différentes. Contrairement aux bovins, ovins et caprins, qui sont exclusivement herbivores, les porcs sont omnivores. Les végétariens n’ont pas entièrement tort lorsqu’ils nous disent que la consommation de viande génère de l’impureté. Les moutons possèdent un système intestinal de dimension très longue afin qu’ils puissent tranquillement absorber et épurer les éléments nutritifs de leur alimentation. Les lions en revanche possèdent un système intestinal court pour pouvoir, après une digestion sommaire, se débarrasser aussi rapidement que possible de la viande qu’ils ont absorbée et qui entre en putréfaction dans leur corps. Au départ, le porc, lui aussi, était végétarien, et donc son système intestinal n’est pas parfaitement adapté à une diète faite de viande. Ils deviennent ainsi assez aisément la proie de vers, de parasites et d’autres germes pathologiques. D’autres animaux carnivores, consommés par l’homme, ont souvent transmis des maladies dangereuses pour l’être humain, notamment la volaille qui nous transmet la grippe.

 

Transmission de maladies

 

Ceux qui tabouisent la consommation de viande de porc prétendent dès lors que leur position est rationnelle ; d’autres éléments apportent de l’eau à leur moulin : l’animal aime se vautrer dans la saleté et le rôle qu’il joue dans la transmission de maladies. A cela s’ajoutent l’amour immodéré du porc pour la boue et le fait qu’il ne mange pas d’herbes mais concurrence l’homme dans la manducation de fruits et de graines.

 

Cette carte d’identité biologique du porc entraine plus de problèmes dans certaines zones climatiques que dans d’autres. Un climat froid, avec de longues périodes de gel, procure à intervalles réguliers, une phase de désinfection générale, tandis que dans les climats chauds tous les microbes et bactéries prolifèrent sans arrêt. En Inde, il y a chaque année prolifération de vermines de toutes sortes juste avant la mousson. Pendant la saison torride, même les moustiques estiment qu’il fait trop chaud pour voler mais après les premières pluies, moustiques, cancrelats et scorpions apparaissent par centaines de millions. Les cadavres commencent alors immédiatement à pourrir : c’est la raison pour laquelle on les brûle le jour même de leur décès avant le coucher du soleil (ou qu’on les enterre s’ils sont musulmans). Sous de tels climats, on ne prend aucun risque avec tout ce que l’on considère comme vecteur d’impureté.

 

Ce problème n’existe pas dans le nord. En Chine, qui est une civilisation née dans le bassin du Fleuve Jaune (Huanghe), nous avons affaire à une zone climatique modérément froide, comparable à nos latitudes. Il n’y existe aucun tabou alimentaire. On y mange de tout : des serpents, des singes, des insectes, des tortues et donc aussi du porc. C’est même cet animal-là qui forme l’essentiel de l’élevage en Chine. Le signe chinois, qui signifie tout à la fois « maison », « foyer » et « famille » (jia), est constitué d’un toit, avec, sous lui, un cochon. Les Chinois accueillent l’Année du Cochon avec joie et les jeunes mariés espèrent, au cours de ces douze mois, avoir un enfant.

 

Et qu’en est-il parmi les peuples indo-européens, que l’on a improprement appelés naguère « Aryens », selon le nom que se donnaient les Indo-Iraniens ? L’opposition nord-sud, que nous avons évoquée en début d’article, est aussi d’application dans le monde indo-européen. En Europe et en Russie, le porc est totalement accepté dans les régimes alimentaires. En Asie du Sud, il n’entre pas dans la cuisine, même chez ceux qui ne suivent pas un régime végétarien. Le sanskrit ne connaît d’ailleurs pas de mot pour désigner le « porc domestiqué » ; il ne connaît seulement qu’un mot, « varahaa », pour le « porc sauvage ». Seules les castes « impures », les plus basses dans la hiérarchie indienne, gardent quelque fois des porcs ; il y a souvent des émeutes quand un de leurs porcs s’échappe et s’égare dans un quartier musulman.

 

Et qu’en est-il entre l’Inde et la Russie, en Asie centrale ? Cette région nous réserve une fameuse surprise. Les archéologues savent que s’ils tombent sur un site de 2000 av. J.C. qui ne contient aucun trace de la présence de porcs, ils l’identifient automatiquement comme indo-européen (1). C’est pour eux une règle d’or. Eviter la viande de porc était donc une caractéristique typique des « Aryens », qui les distinguaient des autres peuples de cette vaste région. On ne doit donc pas partir du principe qu’il y a, d’une part, des Sémites hostiles au cochon et, d’autre part, des « Aryens » adorateurs du cochon.

 

boaravatar.jpgVishnou le Sanglier

 

Malgré ce rejet du porc chez leurs ancêtres, les Hindous, qui ne mangent pas davantage de porc que les musulmans, ont réussi tout de même à jeter un trouble sacré parmi les musulmans, en évoquant un suidé. Les adorateurs de Vishnou croient que leur dieu se montre à intervalles réguliers dans le monde par le truchement d’une incarnation. Ces incarnations suivent une sorte de modèle ascendant, comme dans la doctrine de l’évolution de Darwin, raison pour laquelle cette doctrine évolutionniste n’a jamais choqué les Hindous. Bien avant que Vishnou ne viennent sur terre, en tant que Rama, ou que Krishna, il fut successivement poisson, tortue et, ensuite, sanglier, « varaaha ». Les musulmans s’insurgent lorsque les chrétiens présente Dieu sous la forme d’un homme souffrant ou humble, comme Jésus le fils du charpentier, ou Krishna comme conducteur de chariot. Alors quand on représente Dieu sous les formes d’un suidé, on tombe pour eux dans le blasphème suprême !

 

« Moestajrik » / «  ‘t Pallieterke ».

(article paru dans « ‘t Pallieterke », Anvers, 21 février 2007 ; trad. franç. : octobre 2010).

 

Note :

 

(1) (ndt) Les Indo-Européens d’Asie centrale sont nomades. L’élevage du porc est signe de sédentarité, comme l’indique d’ailleurs le signe chinois « jia », évoqué par notre auteur. 

lundi, 09 mars 2009

Les dieux magiciens dans le Rig Veda

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Archives de Synergies Européennes - 1994

 

Les dieux magiciens dans le Rig-Veda

 

Analyse: Patrick MOISSON, Les dieux magiciens dans le Rig-Veda, Préface de Jean Varenne, Arché/Editit, 1993, 512 p., 186 FF.

 

Rédigé à partir d'une thèse, cet ouvrage est parfaitement lisible et accessible et présente, en neuf cha­pitres, le thème de la magie au sein de la religion cosmique des Indo-Européens.

 

Le magicien, qu'il soit homme ou dieu, est celui qui contraint les forces impersonnelles à le servir: il peut le faire pour le bien, c'est la magie blanche; ou pour provoquer le mal, c'est la magie noire. Il agit à titre per­sonnel ou pour la collectivité. Il appartient, la plupart du temps, au groupe des brahman.

 

La magie s'inscrit dans le schème PENSÉE-PAROLE-ACTION. Le rite religieux permet d'établir un contrat avec le monde divin alors que le rite magique assujettit les forces surnaturelles sans l'intermédiaire d'un agent spirituel. L'opération magique est méditée, accompagnée d'incantations et exécutée avec un geste approprié, et est directement efficace. La distinction magie/religion en Inde est parfois floue. Mais les deux forment un ensemble structuré.

 

Le premier chapitre traite de la PAROLE. La Parole fracture l'être mythique “VALA” qui retient prisonniers les éléments de la création: aurores, soleil, feu, eaux primordiales, vie. La parole sacrée est une parole d'énergie. Son maître est Brhaspati, allié du dieu guerrier Indra, briseur de résistances. La parole, comme une flèche, peut tuer à distance en calomniant. Inversément, les dieux font naître des divinités par la louange: Agni (le Feu) et Indra.

 

La Parole se présente sous quatre formes: la parole formulée (la parole sacrée: brahman; la parole inspi­rée; la formule “mantra”; la voix); l'invocation; le cri; le chant. L'auteur met en rapport le “cri” avec les for­mules magiques des Runes. Odhinn est l'équivalent de Brhaspati. Au plan cosmique, la formule indo-eu­ropéenne est de “fendre la montagne par la formule pour délivrer la lumière cachée” (p. 83). Le schéma mythique renvoie à la naissance de la lumière aurorale hors d'une montagne assiégée par le chant. L'équivalent se rencontre chez les Celtes, avec la déesse BRIGIT, aurore liée à la parole et aux phéno­mènes lumineux; à Rome avec MINERVE; en Gaule avec BELISAMA, la très brillante.

 

Le chemin suivi par la Parole est représenté par Hermès et Pusan. Tous deux veillent sur les carrefours et patronnent les chemins: qu'ils soient habituels (la terre), obscurs (les morts), ou ceux de la parole (messagers des Dieux). Ils règnent donc sur la communication. Enfin, un parallèle est établi entre CARMENTA à Rome (Carmen désigne le chant magique) et VAC, la parole personnifiée.

 

Le second chapitre traite de la “parole de feu” et de la lutte contre la sorcellerie. Le symbolisme du Feu évoque, par analogie, la chaleur mystique, l'amour, la parole de feu blessante au niveau profane ou lan­çant la malédiction au niveau sacré. Deux feux coexistent: le feu brillant du jour, le soleil, la flamme du sacrifice; le feu sombre qui rougeoie dans les forges, dans les volcans, qui vit dans les braises. A ce dernier sont liés les sorciers, qui pratiquent l'art du mensonge et de la tromperie. Hommes de la ténèbre, les sorciers disposent de la MAYA. Les haines et le mépris sont le résultat de la parole des sorciers qui brisent l'esprit d'entente unissant le groupe. Le calomniateur hait la Parole sacrée. Ennemis déclarés du culte et de l'ordre social, les sorciers pratiquent la calomnie et l'imprécation. Lutter contre la sorcellerie impose de lutter contre l'individu fourbe qui tient un discours contraire à la vérité. Face à la parole de feu de la calomnie, les dieux guerriers interviennent en ayant recours à la massue. Cela vaut tant pour INDRA que pour THORR.

 

Le chapitre trois traite des médecins divins APOLLON et RUDRA et des confréries initiatiques:

- Tous deux possèdent un arc dont les flèches vont droit au but. Flèches qui désignent la Parole ou les maladies qui frappent ceux qui manquent à leur parole.

- Ils sont médecins et responsables des maladies, car celui qui dispose d'un poison en possède l'antidote.

- Ils sont liés à la lumière malgré leur aspect inquiétant.

- Ils promettent l'immortalité. Apollon règne sur les îles des Bienheureux; Rudra a des enfants “immortels”.

 

Le chapitre quatre étudie le couple MITRA-VARUNA. Tous deux appartiennent aux ADITYA, descendants de la déesse ADITI, la “non liée”, i.e. la LIBERTÉ. A Mitra (contrat) est associée la puissance de l'action menée avec habileté (le DASKA). Ils œuvrent pour le bien et pour refouler le mal. VARUNA est maître de la MAYA, magie des formes, puissance qui permet à la fois de reproduire par mimétisme, et de transformer par imitation.

 

MAYA est à mettre en rapport avec METIS, la première épouse de ZEUS. Zeus a épousé successivement: METIS, prudence, ruse; THEMIS, institution (= Mitra); MNEMOSYNE, mémoire, tradition, c'est-à-dire, Bonne pensée, Bonne parole, Vérité, l'équivalent de l'ordre cosmique hindou, le RTA.

 

L'auteur établit aussi clairement les rapports entre VARUNA et ROMULUS; VARUNA et ODHINN; VARUNA et LUG.

 

Un court chapitre cinq traite des dieux forgerons. TVASTAR est mis en correspondance avec Héphaïstos. Puis un long développement, le chapitre six, est consacré aux RBHU, les êtres qui gagnent l'immortalité. Ils renvoient aux ALFES, dont existent deux catégories: les Alfes clairs, et les Alfes sombres, les nains, qui mettent en œuvre le mensonge. Les Alfes sont liés au soleil. Ils luttent avec les ASES contre les géants et les nains. Les Alfes comme les RBHU jouent un rôle dans le cycle annuel. Leur fête a lieu à l'époque du solstice d'hiver. Et, dans le crépuscule des dieux, le Ragnarökr, les Alfes survivent aux dieux.

 

Les RBHU, comme les Alfes et les Héros grecs se situent à la charnière du monde divin et du monde hu­main.

 

Le chapitre sept est consacré aux ASVIN, exemple de jumeaux divins dont on trouve l'équivalent avec les Dioscures CASTOR et POLLUX. Ils sont aussi à rapprocher de BALDR et HÖDR. Le chapitre huit ras­semble les données concernant INDRA et les puissances magiques.

 

En conclusion (chapitre neuf), le monde indien a reconnu trois catégories de dieux:

- Les dieux garants d'une puissance magique: Varuna, Agni, Brhaspati.

- Les dieux non garants d'une puissance magique: Rudra, Tvastar, les Rbhu, les Asvin.

- Les dieux utilisateurs d'une puissance magique: Indra.

 

Les dieux magiciens sont liés au ciel nocturne (ou sombre) où règnent les Asura, maîtres des esprits. La grandeur et la richesse du polythéisme aparaissent dans l'absence de dualité simpliste. Alors qu'un mo­nothéisme banal oppose aspects religieux et aspects démoniaques, le polythéisme isole les forces malé­fiques, le désordre et le mensonge, mais reconnaît une complémentarité entre magie et religion.

 

Frédéric VALENTIN.