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dimanche, 24 septembre 2023

La métaphysique de combat de Kémi Seba

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La métaphysique de combat de Kémi Seba

par Georges FELTIN-TRACOL

« Et si […] le salut de notre peuple aux quatre coins du monde passait tout simplement par l’éloignement définitif de l’Occident, ce de manière physique, psychique, métaphysique, afin de redevenir nous-mêmes ? » « Et si c’était cela, la décolonisation réelle ? ». Celui qui prône cette rupture radicale s’appelle Kémi Séba dans son nouvel essai, Philosophie de la panafricanité fondamentale (Éditions Fiat Lux, 2023, 198 p., 20 €).

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Né à Strasbourg en 1981, Stellio Capo Chichi s’intéresse très tôt au kémitisme qui exalte la civilisation égyptienne selon un tropisme négrocentré. Il s’inscrit dans une vision du monde ouvertement traditionnelle. Il oppose d’ailleurs le traditionalisme, « ensemble de modalités constituant une voie initiatique menant les êtres qui la suivent à la compréhension de la métaphysique, autrement dit : - la connaissance de l’Être suprême, - la connaissance du monde invisible, - le respect de la hiérarchie spirituelle, - l’homme avec la nature » à la coutume qui en serait son « altération ». « Maladie de l’ère moderne », « la coutume symbolise la quintessence du cérémonialisme (des manifestations clinquantes prétendument spirituelles, surtout réalisées pour nourrir l’ego ethno-culturel) ».

1259958_5.jpgSon interprétation des cycles historiques met en confrontation directe les Noirs qui appartiennent aux « populations primordiales » au monde moderne, manifestation implacable de l’actuel Âge de Fer. Les Blancs en sont le principal vecteur. L’auteur évoque leurs terribles ancêtres, les impitoyables Yamnayas, qui détruisirent de hautes civilisations noires, capables de se rendre en Amérique centrale. En s’établissant dans le monde entier, « les contre-valeurs occidentales sont devenues des valeurs universelles, normatives ». Kémi Séba entend au contraire libérer les siens de cette emprise. Si « le terme “ panafricanité “ […] renvoie à une unité des Africains et afrodescendants qui n’est pas à construire mais qui est, en soi, si l’on revient à la racine de nos êtres, un état de fait partout dans le monde », il adopte un raisonnement global qui concerne aussi bien les Africains et les Afro-Américains que les peuples noirs d’Asie (Aeta des Philippines, Andamanais du golfe du Bengale, Senang de Malaisie, Dravidiens du Sud indien et même Aïnous du Japon) et d’Océanie (les Salomoniens et les Aborigènes d’Australie). Ainsi en appelle-t-il à « l’unité métaphysique des peuples noirs » d’autant que « la matrice de l’humanité était le peuple négro-africain ». Il sait que son point de vue unitaire « fera forcément grincer des dents les ethnistes belliqueux, les tribalistes mentalement miséreux et autres fondamentalistes religieux haineux ». Sa conception du fait africain, voire de sa dimension intrinsèquement noire, ne correspond donc pas aux analyses de Bernard Lugan qui qualifie le panafricanisme d’utopie politique.

lafrique-libre-ou-la-mort.jpgLa métaphysique de l’histoire de Kémi Séba s’inspire de la théorie théosophique de l’histoire. Les théosophes, vilipendés par René Guénon, estiment que chaque cycle historique engendre sa propre « race-racine ». Dans le cadre du New Age des décennies 1990 – 2000, des occultistes occidentaux pensaient que la présence noire était antérieure à l’irruption de l’homme blanc. Ils estimèrent en outre que les Noirs de l’Âge de Bronze traditionnel étaient si violents qu’ils paient maintenant les conséquences (l’esclavage, par exemple) via leur karma collectif au cycle suivant : l’Âge de Fer.

Kémi Séba reprend aussi à son compte la thèse de la psychiatre afrocentriste Frances Cress Welsing (1935 – 2016) qui assure que « les Blancs seraient […] le fruit des populations noires originelles dont la peau aurait connu une maladie provoquant une dépigmentation sévère », d’où leur profonde négrophobie. Élucubrations isolées ? On lisait dans L’Express du 14 octobre 2021 sous la plume d’un certain Bruno D. Cot qu’« il y a encore 10.000 ans, nous étions noirs aux yeux clairs ». L’« Afropéen » serait par conséquent un Noir présent dès l’origine sur le sol européen. Pourquoi alors s’opposer aux migrants venus du Sud de la Méditerranée ? On remarquera que Kémi Séba n’aborde pas les peuples asiatiques jaunes et amérindiens rouges.

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De haut en bas: Frances Cress Welsing, Abdias do Nascimento et son ouvrage principal sur le "quilombismo".

L’auteur promeut le quilombisme du Brésilien Abdias do Nascimento (1914 – 2011) qui, dans sa jeunesse, s’engagea dans le mouvement intégraliste. Le quilombisme désigne « l’organisation communautaire, le redéploiement de la culture afro-brésilienne, en revalorisant l’endogamie communautaire, le solidarisme noir économique, la connaissance de soi ». Chaque groupe noir devrait former son propre quilombo. Ensuite, « tous les quilombos d’Amérique du Nord ou du Sud, d’Europe de l’Ouest ou de l’Est, du Proche-Orient, du Moyen-Orient, du Maghreb, d’Asie, d’Océanie devront être dans la dynamique de la panafricanité fondamentale, reliés au trône de notre peuple sur Terre qu’est le continent africain en vue de former un État fédéral ». En effet, le dessein final « est que puisse, à la place des 54 États et de toutes les diasporas noires, s’instituer un État fédéral de tous les peuples noirs qui s’intitulerait les “ Quilombos-Unis de Kemet “ (Kmt étant le véritable nom de l’homme noir) ».

Conséquent, Kémi Séba ne désire aucun « front de la Tradition ». Il convient en revanche que « nous devons parfois passer des alliances avec des entités pour qui nous pouvons éprouver de l’hostilité mais qui, pour X ou Y raison, ont le même ennemi que nous ». Ethno-différencialiste cohérent, le président de l’ONG Urgences panafricanistes affronte « le Système à tuer les peuples ». Ses objectifs tactiques peuvent se recouper de manière ponctuelle avec les initiatives des Européens identitaires et nationalistes-révolutionnaires les plus radicaux. Contrairement à ce que profèrent ces détracteurs qui le dépeignent en « suprémaciste noir », Kémi Séba est d’abord et avant tout un « primordialiste noir » d’Afrique.  

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 84, mise en ligne le 19 septembre 2023 sur Radio Méridien Zéro.

jeudi, 03 août 2023

Eurasianisme et panafricanisme : des défis civilisationnels communs et des réponses à y apporter

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Eurasianisme et panafricanisme: des défis civilisationnels communs et des réponses à y apporter

Alexander Bovdunov

Source: https://katehon.com/ru/article/evraziystvo-i-panafrikanizm-obshchnost-civilizacionnyh-vyzovov-i-otvetov?fbclid=IwAR0qgkvo2mBVXgdfCohhicNVk1eA8ijLxHNBvEkY8qKBBYuLRNWoOJFg7Hk

Un point de vue russe, suite aux derniers remous qui viennent de secouer l'Afrique sahélienne.

Malgré les différences externes entre les eurasistes et les panafricanistes, il existe de sérieuses similitudes structurelles entre ces idéologies.

L'intégration eurasienne est l'une des principales priorités géopolitiques de la Russie, tandis que l'intégration africaine est une priorité pour les pays africains. Ces deux concepts ont pris forme au sein de leurs courants idéologiques respectifs: l'eurasisme et le panafricanisme. Malgré les différences externes entre les eurasistes et les panafricanistes, il existe de sérieuses similitudes structurelles entre ces idéologies, qui peuvent être résumées dans le schéma "défi-réponse" d'Arnold Toynbee. En substance, nous parlons de problèmes civilisationnels similaires propres à des civilisations non occidentales confrontées aux problèmes de l'occidentalisation, de la modernisation, de la mémoire historique et du projet d'un avenir enraciné dans la tradition.

Le défi de l'Occident. La réponse : une civilisation indépendante

Les eurasistes et les panafricanistes sont des intellectuels qui ont connu l'Occident, qui s'y sont retrouvés en vertu de circonstances différentes, mais qui ont fait un choix différent, en faveur du non-Occident, de la souveraineté civilisationnelle de leur région, en refusant à la civilisation occidentale son universalité.

Les eurasistes sont des intellectuels russes, y compris des aristocrates comme N. S. Troubetskoï, qui, avant la révolution de 1917, avaient des positions libérales ou libérales-nationalistes. En exil à l'Ouest, ils ont considérablement radicalisé leur vision du monde et sont devenus des adeptes convaincus de la tradition slavophile. Cependant, ils ont opposé l'Occident non pas au monde slave, mais à l'Eurasie en tant que lieu de développement, établissant le discours de l'unicité et de l'altérité de la Russie par rapport aux cultures de l'Occident et de l'Orient. L'eurasisme combine deux idées clés : l'unicité de la civilisation eurasienne et la nécessité d'une unité de l'espace géopolitique eurasien (politique et économique).

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Les premiers panafricanistes étaient des intellectuels africains et afro-américains qui ont étudié et grandi en Occident à l'époque de la domination coloniale occidentale en Afrique. Ils comprenaient également des membres de l'aristocratie locale qui étaient directement liés par le sang à l'ancienne tradition de l'État précolonial - par exemple, Tovalu Ouenu, un dandy parisien issu de l'aristocratie du royaume du Dahomey qui a fondé la Ligue générale pour la défense de la race noire (LUDRN) en 1924.

En partie à cause du facteur États-Unis et du Liberia, colonie américaine de facto et point d'entrée des États-Unis sur le continent, certaines idées libérales insérées dans le panafricanisme n'ont pas non plus été immédiatement supprimées. Toutefois, le discours anticolonialiste général était conforme aux positions des eurasistes.  Finalement, les panafricanistes ont également commencé à parler de l'indépendance et de l'unification de l'Afrique, qui est devenue une idée clé chez des auteurs tels que Cheikh Anta Diop, Léopold Senghor et d'autres, et la base des projets politiques de dirigeants tels que Modibo Keita, Sekou Toure, Kwame Nkrumah, Toma Sankara ou Mouammar Kadhafi.

Le défi de la modernité. La réponse est : la tradition

Les Eurasistes de Russie ont été les premiers, parmi l'émigration russe, à prêter attention aux écrits du fondateur du traditionalisme, René Guénon, et à les relire. Ils étaient eux-mêmes favorables à un retour de la Russie aux racines de sa tradition orthodoxe, dans le respect des traditions des autres peuples. Ce courant a trouvé son prolongement le plus adéquat dans le néo-eurasisme d'Alexandre Douguine, qui a développé l'opposition à l'Occident des premiers Eurasistes pour en faire l'opposition paradigmatique entre Modernité et Tradition.

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On peut en dire autant du panafricanisme contemporain, lui aussi affectivement marqué par la philosophie traditionaliste. Il s'agit tout d'abord des idées de Kemi Seba (photo), président de l'ONG Urgences Panafricanistes. Cependant, les idées de la Renaissance africaine, articulées par l'ancien président sud-africain Thabo Mbeki, comportent également une attitude critique à l'égard de la modernité :

"Ce qui est unique dans la Renaissance africaine exprimée dans les écrits de Thabo Mbeki, c'est qu'elle souligne l'importance d'ancrer la pratique quotidienne (y compris la science) dans les réalités et la philosophie africaines. Il reconnaît l'incapacité de la modernité à fonctionner au profit de tous les Africains, comme en témoigne la poursuite de l'asservissement de l'Afrique... Ni le capitalisme, ni le marxisme, ni leurs dérivés n'ont apporté la liberté ou l'unité à l'Afrique. Dans une large mesure, l'invitation à participer à la Renaissance africaine est aussi une invitation à revitaliser l'Afrique à travers ses langues et ses philosophies", écrivent les chercheurs zimbabwéens Mark Malisa et Philippa Nengeze.

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Certains courants de l'eurasisme et les panafricanistes ont longtemps tenté de trouver une voie vers la souveraineté civilisationnelle en faisant appel aux idéologies modernes (libéralisme, communisme, nationalisme), mais ont fini par rejeter le modernisme et son paradigme politique en général.

"Alors que les premiers panafricanistes croyaient initialement que l'avenir de l'Afrique résidait dans l'adoption du capitalisme, du christianisme ou même du marxisme, au début du 21ème siècle, en particulier avec l'appel à une renaissance africaine, il y a eu une reconnaissance implicite et explicite du fait que les instruments et les structures de la modernité n'ont pas réussi à changer radicalement les conditions de vie des Africains pour le mieux", notent les chercheurs africains. 

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Le défi des empires. La réponse : l'intégration continentale

La forme la plus élevée d'organisation politique dans le monde de la Tradition était les empires - les royaumes des royaumes. Les anciennes formations impériales telles que l'Empire du Mali, du Bénin, du Monomotapa (Zimbabwe) constituent une source de fierté pour les Africains et ont inspiré les panafricanistes. La conscience impériale (opposée à l'impérialisme moderne occidental) et les empires, soit en tant que structures fonctionnelles, soit en tant qu'objets de la mémoire collective qui stimulent l'imagination politique, sont une ressource cruciale de l'idéologie souveraine qui mobilise l'opposition au colonialisme.

Par exemple, Modibo Keita, l'un des fondateurs de l'État du Mali, a justifié l'adoption du nom d'un ancien empire pour un nouvel État postcolonial : "Mali est un nom célèbre qui appartient à toute l'Afrique de l'Ouest ; un symbole de puissance, de capacité d'organisation politique, administrative, économique et culturelle de l'homme noir. C'est un mot qui laisse déjà dans les cœurs et les âmes l'empreinte mystique du grand espoir de l'avenir : la Nation africaine...".

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N'étant pas un artefact du passé mais un véritable sujet politique, l'empire africain - l'Éthiopie - a inspiré les premiers panafricanistes en tant qu'exemple de résistance aux colonisateurs. Cependant, les panafricanistes n'ont pas cherché à restaurer les anciens empires dans leur forme antérieure, mais plutôt à construire une nouvelle union qui inclurait l'ensemble du grand espace africain sur la base de la paix et de la fraternité mutuelle plutôt que de l'assujettissement et de l'asservissement.

La pensée politique des Eurasistes s'est organisée dans une attitude similaire à l'image de l'empire révolu. Ils s'inspiraient du passé historique commun et étaient fiers de la construction de l'État par leurs ancêtres, mais ils n'étaient pas favorables à la recréation de l'Empire russe sous ses anciennes formes, mais à la construction d'une nouvelle entité d'intégration étatique sur la base des principes du nationalisme pan-eurasien. Cette position eurasienne peut être exprimée dans les propos du président russe V.V. Poutine sur le défunt empire soviétique. Les mots de Poutine sur l'empire soviétique disparu : "Celui qui ne regrette pas l'effondrement de l'URSS n'a pas de cœur. Et celui qui veut lui redonner sa forme d'antan n'a pas de tête".

La symétrie entre l'eurasisme et le panafricanisme est un argument supplémentaire en faveur du fait que les deux idéologies sont destinées à coopérer et à se soutenir. Confrontés à des défis similaires, les Russes et les Africains suivent des voies similaires pour surmonter l'Occident, la modernité et leur passé en créant de nouvelles formes politiques sur la base de la tradition. L'étude des idées des uns et des autres peut considérablement enrichir le discours eurasien et panafricaniste et stimuler l'imagination politique des deux idéologies.

mardi, 30 juin 2020

La modernité en son principe de Peter - à propos des dernières déclarations de Kémi Seba

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La modernité en son principe de Peter
 
à propos des dernières déclarations de Kémi Seba
 
Ex: http://www.dedefensa.org
 
La crise que nous désignons “Grande-Emeute2020”, à partir de la mort de George Floyd, ou de son assassinat à Minneapolis le 25 mai, n’a cessé d’enfler aux États-Unis, et de se compliquer également, tandis qu’elle touchait divers pays hors des USA, – phénomène très nouveau et important. En même temps, ce qui semblait être l’extrême simplicité de cette crise, comme les aime aujourd’hui notre culture postmoderniste et vertueuse, – il y a des “gentils” contre des “méchants, – s’est remarquablement complexifiée et ne cesse de l’être encore plus chaque jour. Les vedettes de la crise, l’épicentre originel des “gentils” largement et diversement subventionné jusqu’à être couvert de $millions venus des gros bras du Système, c’est BLM, pour Black Livres Matter, à l’échelle mondiale (BFM-GNF) puisque “BLM, [c’est] une affaire qui swingue”. Là aussi, les choses changent ; là aussi, elles se sont complexifiées et se compliquent chaque jour.

L’intervention, lors d’un passage en France le 26 juin, de celui qui est désigné comme “activiste anticolonialiste”, Kémi Seba, est un de ces événements qui symbolisent et illustrent, et mettent en lumière cette complexification. Ce qui nous intéresse et nous paraît bien plus important, c’est que Seba est également un panafricain qui milite pour le “black power”, contre le “victimarisme” pseudo-intégratrice de BLM. Il se place dans la même logique de certaines politiques, comme le “retournisme” du Ghana qui dit aux Noirs américanistes (et en Europe également) : “Puisqu’on ne veut plus de vous, venez vous installer chez nous, revenez et retrouvez vos racines et votre origine ; nous avons besoin de vos qualifications et de vos investissements”. Enfin, la logique de Seba rejoint celle d’un Malcolm X (et d’un King dans sa dernière évolution avant son assassinat), qui prenait comme cible le Système bien plus que le seul “racisme blanc”, et tendait à recommander une sorte de “nation noire” comme objectif idéal, c’est-à-dire une marche vers le séparatisme. Il s’agit bien entendu de la sorte d’arguments jusqu’ici rarissimes et sacrilèges en France, puisqu’il s’agit d’envisager des concepts tels que “communautarisme“ et “séparatisme” qui sont absolument rejetés par l’esprit jacobin de la “Grande Nation”, – comme était perçue la France dans l’Histoire d’“avant”, avant la liquidation des statues. Justement, c’était “avant”, et la décadence française emportée par la décadence du Système, passant par son américanisation la plus complète, a installé les problèmes de l’américanisation en France même, puisqu’on manifeste désormais sur les consignes de BLM. Rien de nouveau : on sème, on récolte...

Voici, par RT-France, le compte-rendu de l’intervention devant la presse de Kémi Seba :

« L'activiste anticolonialiste Kémi Seba a défendu le concept de ‘Black Power’, centré sur l'identité africaine, l'opposant au mouvement ‘victimaire’ Black Lives Matter, qui sert selon lui les intérêts de la gauche néolibérale, et non des Noirs.
» Dans une très rare apparition en France ce 26 juin, l'activiste panafricaniste Kémi Séba a livré son point de vue sur le mouvement Black Lives Matter et les répercussions de celui-ci, notamment dans l'Hexagone.
»
“Un bon nombre d’Afro-descendants ne se sentent pas représentés par cette terminologie de ‘Black Lives Matter’, qui revient à dire ‘Eh les Blancs, la vie des Noirs compte !’”, a-t-il ainsi expliqué lors d'une conférence de presse. “Entre ‘black power’ et ‘Black Lives Matter’, nous préférons le pouvoir noir. Nous prônons l'autodétermination communautaire. Nous ne prônons pas la mendicité vis-à-vis des autres”, a-t-il poursuivi, jugeant ce mot d'ordre du mouvement de contestation parti des Etats-Unis comme étant “victimaire”.»
“Assa Traoré est notre sœur, mais nous disons clairement que le processus d'intégration dans lequel elle s'inscrit, notamment avec La France insoumise, on ne se reconnaît pas dedans”, a-t-il déclaré au sujet de la figure de proue actuelle de la mobilisation antiraciste en France.
ks-li.jpg» L’activiste a ainsi longuement détaillé le danger que fait peser selon lui sur sa cause le fait de s'allier à une gauche qui n'entend que récupérer le combat des Noirs pour ses propres intérêts : “On ne se reconnaît pas dans les forces néolibérales de gauche, ou de prétendue extrême gauche, qui disent vouloir accompagner notre communauté. Nous en avons marre de ce paternalisme exacerbé, de cette gauche qui pendant des années nous a fait croire qu'elle était notre amie, alors qu'en réalité elle était toujours là pour nous manipuler, et pour qu'on soit leurs ‘tirailleurs’ vis-à-vis de leurs intérêts.”
» D’après Kémi Seba, de la même manière qu'aux Etats-Unis “on instrumentalise la souffrance des Noirs pour que le vote des Noirs atterrisse dans les mains de Joe Biden”, La France Insoumise, avec “son mariage quelque peu étrange avec la gauche néolibérale représentée par les Inrockuptibles”, est en train de “créer un cordon sanitaire autour de la prétendue cause noire en France”.

» “L'objectif est de nous pousser dans un processus d'oubli de nous-même, d'intégration, sans que nous puissions revendiquer notre identité”, met en garde l'activiste.
» Son mouvement a annoncé soutenir sous forme de bourses d'éventuelles actions coup de poing en Afrique dans les semaines à venir contre les symboles hérités, selon lui, de la période coloniale. “Nous ne sommes pas obsédés par la volonté de détruire des statues en France, mais sur le continent africain, nous allons chasser tous les symboles qui portent des noms coloniaux”, a fait savoir Kémi Seba.


Cette intéressante intervention attire de nombreuses remarques ; On commencera par deux observations de base :

1) le propos de Seba se rapproche jusqu’au quasi-identique des discours des Noirs US radicaux dans leurs jugements comme héritiers du Black Power des années 1960-1970, mais aussi, de l’autre côté de l’échiquier, du discours des Africains-Américains non seulement intégrés mais américanisés, comme le milliardaire Robert Johnson, et alors comme dans le cas de Seba il y a chez ces Africains-Américains un égal mépris et une très sévère critique des progressistes-sociétaux blancs, qui utilisent la “cause des Noirs” pour leur avantage électoraux. Ce que Seba dit de La France Insoumise (LFI) acoquinée avec Les Inrockuptiblesest particulièrement édifiant et donne une idée du chemin de croix (expression de choix pour lui) qu’a été pour l’esprit et la loyauté l’évolution du Mélenchon 2012-2017 jusqu’au Mélenchon d’aujourd’hui ;

2) si un Seba peut aborder le problème dans ces termes pour la France, c’est bien du fait de l’évolution d’effondrement dans la décadence de la susdite France et de la politique de constante démission de ses dirigeants, permettant à l’américanisation de progresser, notamment dans “les quartiers”, jusqu’à l’introduction sans douleur ni protestation de la problématique typiquement US autour de BLM.

41ifBf8HKgL._SX343_BO1,204,203,200_.jpgLes choses étant donc catastrophiquement ce qu’elles sont, avec un État réduit aux acquêts de son aveuglement et de sa lâcheté, il importe impérativement d’en tenir très-grand compte, par pur souci tactique de la réalité et quoi qu’il en soit de ce qu’on en pense tristement. Dans ce cadre, effectivement, nous répétons que l’intervention de Seba a tout son sens, toute sa logique et même sa sagesse, et elle nous invite à envisager des hypothèses prospectives qui valent pour les pays du bloc-BAO confrontés aux troubles de type-BLM, et la France par conséquent puisqu’elle y est inscrite et membre actif du club comme si elle avait besoin de dépendre d’une identité collective (?).

• Il semble nécessaire de considérer que les tentatives évidemment républicaines et démocratiques, pour ne pas dire postmodernes, d’intégration et d’assimilation pourraient fort bien ne plus avoir leur raison d’être tant elles sont ridiculisées à force d’être hors de propos du fait de l’impuissance des pouvoirs, et de l’adoption par ces pouvoirs de tous les réflexes et postures supranationales et globalistes qui les châtrent de toute capacité et alimentent tout ce qui empêche l’assimilation et l’intégration. De ce fait, il ne resterait que le communautarisme, évidemment honni par les républicains et les patriotes loyaux, mais auquel il faudrait bien s’habituer ; et d’ailleurs, on pourrait s’y habituer d’autant plus aisément que cet état de fait hypothétique (le communautarisme ne serait plus une option mais un état de fait) serait à notre sens promis à se réduire rapidement, très-rapidement selon ce que nous dit l’intervention de Seba, et à se transmuter, à se morphe en séparatisme identitaire.

• On remarquera le dernier qualificatif employé qui doit faire réfléchir ceux qui, parmi “les républicains et les patriotes loyaux” dénoncent radicalement et affreusement cette possible évolution. Toutes les tendances dites “souverainistes” ou “populistes”, hors de toutes les idéologisations complètement obsolètes (fascisme & Cie), s’appuient peu ou prou, d’une façon ou l’autre, sur une tendance identitaire forte, exprimée ou intuitive. Par conséquent, dans cette sorte d’esprit, l’intervention de Seba et l’évolution qu’il représente devraient effectivement être considérées comme “identitaires” et considérées a priori avec une certaine faveur, comme étant antiSystème face au Système globalisant et entropique qui n’a pas de meilleur allié que la tendance progressiste-sociétale absolument ennemie de l’identité. (Cela permet de mesurer où LFI en est arrivé en France, et où se situe les “Blancs” dans le parti démocrate US.)

• Bien entendu cette possible évolution hypothétique poserait d’énormes problèmes géopolitiques et éventuellement psychologiques. Nous entrons alors dans le cadre totalement imprévisible de la Grande Crise d’Effondrement du Système (GCES), qui prendrait en compte, ou serait accélérée par l’évolution hypothétiquement considérée. Bien entendu, dans ce cadre il est impossible d’envisager d’une façon prospective loyale les changements géopolitiques et psychologiques auxquels nous serions confrontés. Le seul point qui semble assez aisé à prévoir pour notre zone-‘bloc’ est l’accélération exponentielle de l’inutilité catastrophique et malfaisante de l’Union Européenne, qui, à son tour accélérerait le processus général de la GCES.

• Mais non ! Il y a bien plus important, et là quasiment prévisible... Il s’agit notamment, et fondamentalement bien entendu, du fait que nous serions (que nous serons) confrontés à l’immense événement que constituera la désintégration des USA concernés en premier par le modèle d’évolution envisagé ; événement inévitable dans les circonstances et les dynamiques en cours, et dont nous avons souvent dit et depuis fort longtemps qu’il représentera quelque chose que nous tenons comme le plus énorme changement de la situation présente jusqu’à conduire à un changement de civilisation (« Nous l’avons déjà écrit et nous le répétons avec force : il ne peut y avoir, aujourd’hui, d’événements plus important pour la situation du monde qu’une dynamique de dislocation des USA. [...] La fin de l’‘American Dream’, qui interviendrait avec un processus de parcellisation de l’Amérique, constituerait un facteur décisif pour débloquer notre perception, à la fois des conditions de la crise, de la gravité ontologique de la crise et de la nécessité de tenter de chercher une autre voie pour la civilisation – ou, plus radicalement, une autre civilisation. »)

• ... Tout cela signalant que la modernité avec toutes ses “valeurs” qu’elle nous faire prendre pour des “principes” a atteint, elle, son “principe de Peter”, lorsqu’on atteint son seuil d’incompétence, confirmant pour ce cas qu’elle est en route et à pleine vitesse sur la voie de l’effondrement.
 

samedi, 12 avril 2014

Entretien avec Kemi Seba à Bruxelles

Le militant panafricain Kemi Seba était à Bruxelles le 28 février dernier pour une conférence sur l’apport de la diaspora au continent africain.

 

 

La conférence était initialement prévue à l’Université Libre (?) de Bruxelles, mais cette dernière a fini par annuler au dernier moment cet événement. La conférence a donc eu lieu à un autre endroit, une salle dans la commune d’Anderlecht où plus de 400 personnes se sont données rendez-vous.

Kemi Seba revient son parcours, ses idées et ses actions concrètes sur le terrain. Nous avons aussi discuté de la place des blancs d’Afrique Australe et d’Afrique du Nord dans cette construction panafricaine.

Kemi Seba a eu la gentillesse de nous consacrer un peu de son temps et de son hospitalité afin de réaliser cet entretien que nous partageons avec vous.

E.I.Anass & Romarin