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mercredi, 14 avril 2021

Romain d'Aspremont: "La droite doit se réapproprier le feu de la technique"

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"La droite doit se réapproprier le feu de la technique"

Entretien accordé par Romain d'Aspremont à Il Primato Nazionale (Rome)

Romain d'Aspremont est l'auteur de “Penser l'Homme nouveau : pourquoi la droite perd la bataille des idées” et de “The Promethean Right”.

Vos livres nous invitent à cultiver un "progressisme de droite", futuriste et faustien. C'est une approche très rare dans les mouvements de droite d'aujourd'hui. Pourquoi, selon vous, la droite a si souvent cultivé une attitude technophobe?

Rien n'est plus naturel que l'aversion des personnes âgées envers les nouvelles technologies. Mais que cette frilosité transpire au sein de notre famille politique est consternant. J'associe le tempérament de droite au goût de l'aventure et à la volonté de repousser les frontières de l'inconnu, y compris sur le plan scientifique et technologique. Hélas, la droite s'est laissé ravir le concept de progrès par la gauche, pour devenir synonyme de conservatisme. Or quoi de plus révolutionnaire que le feu de la technique ? Il est une déclaration de guerre envers tout ce qui se prétend immuable. Au XXIe siècle, ce feu menace jusqu'à la nature humaine. En bons conservateurs, les droitards forment déjà leurs bataillons afin de sauvegarder Homo Sapiens. Mais le scénario est connu d'avance : ils ne parviendront qu'à ralentir la marche vers l'homme nouveau de gauche, vers le transhumain de gauche.

DgcBkd-XkAAmPd9.jpgLes conservateurs assimilent l'avenir (et par conséquent le progrès technique) à un déploiement inéluctable du progressisme de gauche. Ils en viennent à prendre l'objet (l'avenir, la technologie) façonné par le sujet (la gauche) pour le sujet lui-même : “l'avenir/la technique c'est la gauche !”. Le futur étant devenu synonyme d’avancées “progressistes”, l’unique remède ne pourrait être que son contraire, le passé, plutôt qu'un avenir de droite. La droite conservatrice est si profondément convaincue que les nouvelles technologies dissolvent la tradition et l'identité qu'elle concède volontiers à la gauche le monopole du feu prométhéen.

Quelles sont, selon vous, les principales erreurs de la droite dans la bataille des idées?

Si l'histoire de l'Occident n'est qu'un long processus de gauchisation, c'est que la droite offre le monopole de l'homme nouveau et de la société nouvelle à la gauche. L'Occident crève du fait que la droite soit anti-utopiste. Celle-ci se cantonne au rôle de ralentisseur du progressisme de gauche, évitant une trop brutale fuite en avant. C’est une tâche utile mais tout entière au service des gauchistes. Prévenir la réaction suppose de procéder par petits pas : les conservateurs, idiots utiles de la gauche, s’en assurent. Ils sont les agents régulateurs de la révolution libérale permanente.

Les projets d'homme nouveau donnent parfois l'impression d'échouer, que ce soit l'homme nouveau chrétien, l'homme nouveau de la révolution française, l'homme nouveau communiste, ou la chose nouvelle asexuée, végétalienne et antispéciste qui fleurit dans nos métropoles. Mais sur le temps long, l'Occidental s'imbibe toujours davantage des valeurs de gauche.

De Gaulle affirmait que le « courant du mouvement » était tout aussi « nécessaire » que le « courant de l’ordre ». Il illustre le talon d'Achille de la droite, qui peine à comprendre que cet équilibre lui est  intrinsèquement défavorable. Un véritable équilibre voudrait qu'à un progressisme de gauche s'oppose un progressisme de droite. Le conservatisme est utile afin de lutter contre l'hubris de gauche, mais en l'absence d'une droite prométhéenne la gauchisation se poursuivra.

Enfin, la droite doit se libérer du logiciel chrétien, matrice du gauchisme. Je comprends la volonté des droitards de défendre notre héritage chrétien, mais les valeurs chrétiennes sont la principale raison pour laquelle la droite est si sensible aux procès sur le terrain de la morale, notamment concernant l'immigration. Une partie du cerveau de l'homme de droite se dit : “Mon Dieu, ils ont raison, je suis un salaud”. Ce qui signifie : “Si je ne veux pas de ces migrants, c'est que je suis un mauvais chrétien”.

La seule droite décomplexée, c'est celle qui a embrassé l'avenir et la création d'un homme nouveau. C'est celle qui a su se libérer du christianisme et s'emparer du contenant de gauche (le principe d'un homme nouveau) pour y verser un contenu de droite. Je ne souhaite pas un retour au fascisme, qui n'est qu'une des variantes possibles de la droite prométhéenne (ou révolutionnaire), mais sans un réveil de cette famille politique l'Occident ne survivra pas. Les victoires électorales des populistes à la Trump sont bienvenues, mais elles ne sont que des sursauts conjoncturels, qui ne livrent pas le combat de fond : celui de l'évolution de la nature humaine.       

Vous récupérez la définition de «droite révolutionnaire» au sens utilisé par Zeev Sternhell. Mais le prométheisme, en posant des solutions radicalement nouvelles, n'implique-t-il également un dépassement des anciennes catégories, y compris celles de droite et de gauche?

image_1398130_20210121_ob_2c6413_the-promethean-right-2.jpgLes concepts de droite et de gauche ne seront jamais dépassés, car ils recouvrent deux pôles de valeurs éternellement opposés. La droite, c'est la valorisation de la lutte, de l'élitisme, de la hiérarchie et du dépassement. La gauche, c'est le royaume de l'égalitarisme, de la victimisation, du culte de la faiblesse, de l'amour des ennemis et du relativisme. L'opposition à la mondialisation libérale ne saurait réconcilier ces deux pôles idéologiques.

Par ailleurs, il n'est pas impossible d'imaginer un prométhéisme de gauche, comme celui promu par Trotsky. De même, le transhumanisme a pu être présenté comme un dépassement du clivage droite-gauche : Esfandiary, un des premiers transhumanistes, a prophétisé l'avènement d'un clivage haut-bas. Mais la question demeure : en haut vers la gauche ou en haut vers la droite ? Un transhumain de gauche ou un transhumain de droite ? Le clivage droite-gauche prendra des formes nouvelles, mais il ne disparaîtra pas.

Au-delà des questions philosophiques, quel pourrait être le programme politique concret de la droite prométhéenne?

Sur le plan biologique, il faut livrer le combat pour le futur de la nature humaine. L'humanité est à l'aube d'un changement radical de sa nature. Si la droite n'arrive pas à se défaire de son conservatisme, elle se limitera une fois de plus à sa fonction de ralentisseur. Mais cette fois, la gauchisation sera permanente car ancrée dans notre génome. Les gènes de la loyauté envers le groupe, du sens de la hiérarchie, de l'agressivité et du goût de la compétition seront éliminés, au nom de l'anti-racisme et de la théorie du genre.

Sur le plan géopolitique, il faut réunifier l'Occident. Notre idéal ne doit plus être celui de l'Etat nation, mais celui d'une fédération pan-occidentale, de Seattle à Vladivostock. Un nouvel Empire romain peuplé de surhommes de droite : voilà une vision pour le XXIe siècle.

À première vue, vos idées sembleraient similaires à celles de Guillaume Faye. Cependant, vous avez critiqué l'idée de l'archéofuturisme. Qu'est-ce qui ne vous convainc pas de l'idéologie de Faye?

e8595ed6492426397a431482bc1fed2b.jpgL'Archéofuturisme est présenté comme un remède à l'approche trop conservatrice de la droite – une synthèse harmonieuse entre tradition et de technophilie. L'Archéofuturisme est en réalité davantage archaïque que futuriste, comme si le tempérament de droite de Faye le poussait à équilibrer son éloge du progrès technologique par un retour aux valeurs médiévales. L'archéofuturisme reflète fidèlement la psychologie des conservateurs, peu enclins au risque et au changement.

Faye rêve d'un ordre éternel baptisé “archaïsme” qu'il définit comme étant « ce qui crée et demeure immuable ». Or, rien dans l'univers n'est immuable et certainement pas la nature humaine. L'homme a été chasseur-cueilleur vingt fois plus longtemps qu'il n'a été agriculteur. Notre nature a été façonnée au cours de ces millénaires où les humains vivaient en petits groupes, relativement égalitaires, ou en tout cas dépourvus des « castes guerrières » et de l' « organisation sacerdotale » que Faye regrette tant. L'ordre social de l'Antiquité et du Moyen Âge ne reflète pas une harmonie éternelle, mais résulte de la conjonction de la nature humaine (qui elle-même évolue) et de l'état technologique de l'époque. Faye peut marteler que « la modernité est rétrograde, tandis que l'archaïsme est futuriste », cette affirmation n'en sera pas moins fausse.

Selon lui, la combativité des immigrés musulmans proviendrait de leur mentalité archaïque. Or, leur archaïsme n'est une force que dans le contexte de la faiblesse morale européenne. L'erreur est de séparer leur mentalité archaïque de leur irrationalisme : leur archaïsme est indissociable de leur aversion envers la science. De même, le chevalier médiéval bardé de technologies est une antinomie.

Lorsque Faye affirme que nous devrions nous débarrasser et de notre pacifisme et de notre mentalité moderne, il jette le bébé avec l'eau du bain. Au mieux, une société hautement technologisée, mais disposant d'une mentalité traditionaliste stagnerait ; au pire, elle déclinerait. Aussi, une droite prométhéenne est-elle requise, aux antipodes de cette tentative de rafistolage de la tradition au moyen de la technologie. Faye a toutefois le mérite d’affirmer une ligne technophile au sein d’une famille politique minée par la technophobie.

Le futurisme italien pourrait-il être un modèle pour la droite prométhéenne aujourd'hui?

Tout comme la pensée de Nietzsche, le futurisme est une inspiration salutaire, mais il ne saurait être un modèle politique, à défaut d'être suffisamment structuré. Il est un élan vital qui nous rappelle que le mouvement est viril et la conservation sclérosante. Les futuristes nous mettent en garde contre le risque de bureaucratisation de la droite prométhéenne. Eux qui s'élevèrent contre le fascisme institutionnalisé, pragmatique, planiste et technocratique : le fascisme confronté aux réalités du pouvoir. Chronologiquement, les futuristes incarnent le premier fascisme, mystique et romantique. Ils sont la part d'enfance qui invite l'homme de droite à ne pas se prendre trop au sérieux.

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jeudi, 11 mars 2021

Dépasser l’Archéofuturisme

Cet article est extrait du livre de Romain D’Aspremont The Promethean Right (La Droite Prométhéenne) également auteur de Penser l’Homme Nouveau. Nous avions déjà publié un extrait de son premier livre portant sur le transhumanisme ici. Nous vous invitons à lire la première partie de cet article avant d’initier votre lecture.

Les femmes et la Tradition

image_1398130_20210121_ob_2c6413_the-promethean-right-2.jpgFaye aspire à ressusciter certaines institutions, dans la mesure où elles incarnent la Tradition. Or, si certaines de ces institutions méritent effectivement d’être rebâties, c’est moins en raison de leur caractère traditionnel que parce qu’elles renforcent le groupe et l’individu et maximisent leur potentiel. Ainsi, éduquer les garçons dans une perspective d’endurcissement est davantage compatible avec leur tempérament masculin que le fait de récompenser leurs émois. Toutefois, l’éducation devrait moins être adaptée au sexe de l’enfant qu’à son caractère : c’est seulement dans la mesure où les filles sont statistiquement plus féminines que les garçons que leur éducation valorise moins le courage physique et davantage ce que les gauchistes appellent l’intelligence “émotionnelle” (qui est par ailleurs corrélée au QI, comme tous les autres types d’intelligence : les individus à faible quotient intellectuel tendent à être moins sensibles et empathiques).

En revanche, contrairement à la tradition, les femmes devraient se voir offrir les mêmes opportunités de carrière, à condition qu’elles possèdent les compétences requises (à l’inverse du concours de la gendarmerie qui requiert une moindre aptitude physique de leur part). Il en va de même pour les droits politiques. Une société productive et créative nécessite une méritocratie asexuée, libérée de toute discrimination injustifiée, positive comme négative. Au nom de la compétition et de l’excellence.

Faye a raison lorsqu’il écrit que “l’avenir n’est pas la négation de la tradition et de la mémoire historique d’un peuple, mais plutôt sa métamorphose, par laquelle il en sort renforcé et régénéré”. Cette métamorphose est précisément ce qui s’est produit concernant le rôle des femmes dans la société. Le féminisme de la première vague (entre le XIXe siècle et le début du XXe siècle) aspirait à l’égalité des droits. Il s’agissait d’un mouvement à la fois nécessaire (motivé par les changements économiques et technologiques) et positif (car l’égalité des droits permet une authentique concurrence).

Unir la droite autour de la Tradition ?

Le concept d’archéofuturisme est censé unir notre famille politique, en transcendant ses contradictions internes. Faye écrit :

“Notre courant de pensée a toujours été déchiré et affaibli par une distinction artificielle opposant les « traditionalistes » à ceux qui « regardent vers l’avenir ». L’archéofuturisme peut réconcilier ces deux familles via un dépassement dialectique.”

DgcBkd-XkAAmPd9.jpgLa droite peut et doit être unifiée sur le plan électoral : partout, il nous faut nous rallier au principal parti de droite nationaliste (en France, le “Rassemblement national”). En revanche, il serait chimérique de croire que l’unité idéologique peut être atteinte : être attiré par une droite transhumaniste est moins une question de raisonnement qu’une question de tempérament. Les personnalités de droite orientées vers le passé seront naturellement portées vers le conservatisme, et celles orientées vers l’avenir (la minorité) embrasseront la droite prométhéenne. Cette dernière manquera toujours de séduire les conservateurs, mais elle peut toutefois devenir un mouvement de pensée influent.

Faye a raison de nous mettre en garde contre l’orgueil prométhéen :

“[…] Lorsqu’elle est laissée à elle-même – en particulier dans le domaine des sciences technologiques – la mentalité futuriste peut s’avérer suicidaire, notamment en raison de son impact sur l’environnement, étant donné le risque de déifier la technologie comme une solution miracle.”

Mais il ajoute :

“Voilà pourquoi le futurisme doit être tempéré par l’archaïsme…”

Faye soutient, à raison, que les valeurs de droite que sont la hiérarchie, l’amour de la lutte et l’excellence doivent perdurer dans le contexte d’un avenir hautement technologisé. Mais il va plus loin :

“S’agit-il alors d’ “abolir la liberté” ? Paradoxalement, c’est la modernité “émancipatrice” qui a détruit les libertés concrètes en proclamant une Liberté abstraite. […] Face à cet échec, ne vaudrait-il pas mieux rétablir des institutions concrètes et médiévales, telles les franchises, les pactes communautaires locaux et les formes de solidarité organique entre voisins ?”

Pourtant, ce sont précisément les droits de l’individu et cette “liberté abstraite” qui ont, entre autres, permis l’explosion de la croissance économique et technologique. Croire que ces libertés abstraites puissent être découplées du capitalisme et de ses créations est illusoire. C’est cette même illusion qui empêche Faye d’admettre qu’une société technologiquement innovante n’est pas compatible avec une mentalité traditionnelle. Le fait que la révolution industrielle ait eu lieu au siècle des Lumières et non à l’époque médiévale, où “les anciennes institutions telles que les franchises, les pactes communautaires locaux et les formes de solidarité organique” étaient la règle n’est pas une coïncidence.

vanityfinal.JPGLa liberté individuelle (ce que Faye appelle la “liberté abstraite”) peut même être considérée comme un principe de droite. Ce n’est pas la liberté ni l’égalité qui sont de gauche, mais l’égalitarisme. Si l’égalité juridique est de droite, c’est qu’elle permet une véritable concurrence, facteur de progrès. L’égalité des résultats est de gauche, car elle supprime la concurrence et l’allocation des ressources aux plus talentueux, ce qui est facteur de déclin.

On ne peut que partager la lecture de Faye lorsqu’il affirme :

“Les modes de pensée modernes et égalitaires, pris dans le piège culpabilisant de l’éthique des droits de l’homme, sont incapables de faire face aux progrès biotechnologiques et se heurtent à des obstacles moraux qui sont en fait de nature para-religieuse.”

Le libéralisme peut en effet s’opposer, ou du moins entraver, le transhumanisme au nom du caractère sacré de la personne humaine. Cette sacralisation est un vestige du christianisme, le libéralisme en étant une version sécularisée. Un retour à la mentalité païenne, pré-chrétienne, pourrait résoudre ce problème spécifique, mais ruinerait du même coup la mentalité rationaliste et moderne qui a permis le progrès technologique en premier lieu. Certains aspects de la modernité font obstacle au transhumanisme, mais un retour à la tradition serait facteur de déclin technologique.

Quant à la relation entre technologie et tradition, Faye développe cette métaphore :

“Qu’est-ce qu’un sous-marin nucléaire lanceur de missiles balistiques a en commun avec une trirème athénienne ? Rien et tout : l’un représente la métamorphose de l’autre, mais tous deux, à des époques différentes, ont précisément servi le même objectif et incarnent les mêmes valeurs (y compris les mêmes valeurs esthétiques).”

Il signifie par là qu’il serait stupide de revenir à la construction de trirèmes, quand bien même elles incarneraient plus fidèlement la tradition. Le sous-marin à propulsion nucléaire est le bienvenu dans la mesure où il sert les mêmes objectifs tactiques et les mêmes valeurs guerrières. Il y a toutefois une faille dans ce raisonnement. Le jour viendra où la guerre navale changera si radicalement de visage qu’aucune arme ne ressemblera plus à une trirème. La guerre navale n’existera peut-être même plus, rendue obsolète par les essaims de nanorobots et autres armes encore impossibles à envisager. Faye est trop attaché à la continuité, or l’évolution technologique est le plus souvent discontinue. De même, il n’envisage pas la possibilité d’autres valeurs que celles traditionnelles. Son archéofuturisme est essentiellement un archaïsme.

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La nature humaine a évolué afin d’améliorer l’adaptabilité de notre espèce et de résoudre des questions de survie bien spécifiques. Or, du fait de l’évolution de notre environnement, l’humanité n’est plus confrontée aux mêmes défis. Les valeurs traditionnelles sont une réponse à des défis historiquement datés. C’est pourquoi il faut se garder de sanctifier la nature humaine et les valeurs traditionnelles. La valeur “hiérarchie”, qui a toute sa place dans la société médiévale, devient un frein  au progrès dans le contexte d’une société favorisant de plus en plus les structures horizontales et réticulaires, et qui intègre l’intelligence artificielle dans la boucle décisionnelle. Une société transhumaine ne pourrait qu’intensifier l’obsolescence des structures autoritaires.

Enfin, Faye a raison de substituer l’européisme au nationalisme, obsolète. Pourtant, il reproduit la même erreur à une autre échelle en excluant les États-Unis d’Amérique de la Fédération européenne qu’il envisage. Expulser la Russie de la famille occidentale est une folie ; considérer les États-Unis comme membres d’une civilisation non-européenne est une folie plus grande encore. Il nous faut raisonner en terme de “Grande Europe” : l’Occident, de Seattle à Vladivostok, en passant par l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

Vers une droite prométhéenne

La seule valeur qui transcende les époques et les sociétés est le dépassement. Toutes les autres valeurs doivent être adoptées, conservées ou abandonnées, seulement dans la mesure où elles servent cette valeur suprême. La volonté de dépassement est l’essence de la vie et de la conscience ; elle s’oppose aux idéaux égalitaires, régressifs et conservateurs de la gauche.

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Lorsque Prométhée offre la technique aux humains, il leur fournit les moyens de comprendre et de dominer la nature, autant qu’il les confronte au spectre du dysgénisme. Il existe une coévolution entre notre génome et nos techniques : notre capacité à fabriquer des vêtements de fourrure a accéléré la diminution de notre pilosité, dont l’avantage évolutif s’est érodé. Cette coévolution tend à être facteur dysgénisme : la diffusion des techniques réduit la pression sélective jusqu’à annihiler la sélection naturelle. Heureusement, Prométhée nous a façonné à son image : des entités rebelles et créatives, en perpétuelle réinvention, capables de développer de nouvelles techniques tout en conjurant la dégénérescence génétique via le transhumanisme. A ce que la technique engendre en termes de changements négatifs (génétiques, climatiques, environnementaux), la technique fournit également la solution – par le haut.

En s’acharnant à préserver la nature humaine, les bio-conservateurs trahissent l’essence même de l’Homme (et de l’Occidental), ce pont entre la bête et le Surhomme. En cela, ils sont les alliés de Zeus et les ennemis de Prométhée.

Retrouvez Romain D’Aspremont sur twitter @R_Aspremont est son ouvrage d’où cet extrait est tiré à partir du lien ci-dessous.

NB : Toutes les citations de Guillaume Faye ont été traduites par nos soins depuis l’anglais. Par conséquent, il pourrait y avoir quelques inexactitudes par rapport à la version française originale de L’Archéofuturisme.

FRÉQUENCE OCCIDENT

Entretien: Penser l'Homme Nouveau

avec Romain D'Aspremont, D. Conversano & J. Marr...

Pour écouter: https://www.bitchute.com/video/q2Dk_2DHFR4/

Entretien CHOC de Romain d'Aspremont (qui souhaite rester anonyme) avec Daniel Conversano & Joffrey Marrot, sur son livre "Penser l'Homme Nouveau: Pourquoi la droite perd la bataille des idées", disponible sur Amazon : https://amzn.to/2QjsWCd

Téléchargez le MP3 de l'émission ici: http://radio.suavelos.eu/download/32/

Posez vos questions sur :
frequenceoccident@protonmail.com

 

lundi, 01 février 2021

Romain D'Aspremont répond aux questions de la"Nietzsche Académie"

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Romain D'Aspremont répond aux questions de la"Nietzsche Académie"

Romain D'Aspremont est l'auteur de The Promethean Right (La Droite Prométhéenne) et de Penser l'Homme nouveau.

 Quelle importance a Nietzsche pour vous ?

Il est moins le penseur qui m'a le plus influencé que celui dans lequel je me suis le plus retrouvé. Un auteur qui nous influence transforme nos opinions ; Nietzsche les a affinées, perfectionnées.

L'auteur qui a réellement transformé ma vision du monde est le philosophe idéaliste Bernardo Kastrup, pour lequel la matière n'est que la projection, l'apparence de la conscience. Tout comme Nietzsche, Kastrup est influencé par la métaphysique de Schopenhauer (la nature de la réalité est la volonté, non pas rationnelle mais instinctive).

indexbk.jpgKastrup m'a toutefois permis de réaliser que la vision cosmologique de Nietzsche, selon laquelle la nature de la réalité est la volonté de puissance qui gouverne le vivant comme l'inerte, est compatible avec les dernières découvertes dans le domaine de la physique quantique (qui rendent le matérialisme et le dualisme intenables).

Nietzsche est toutefois le seul penseur idéaliste (le “volontarisme métaphysique” de Schopenhauer et de Nietzsche est une forme d'idéalisme) à ne pas sombrer dans une vision de type bouddhiste : le cosmos ne reflète aucun “amour universel” venant apaiser le coeur des êtres maladifs pour lesquels l'existence n'est que souffrance dont il faut se libérer.

Etre nietzschéen qu'est-ce que cela veut dire ?

Viser le dépassement de soi, du groupe, de l'espèce. Ne pas se complaire dans une nostalgie morbide, mais créer les conditions propices à l'éclosion d'une nouvelle espèce, plus énergique et créative qu'Homo Sapiens, délivrée du ressentiment, du nihilisme et de la haine de soi. Nietzsche a compris que l'Homme était une espèce maladive, qui s'est issée trop rapidement au sommet de la chaîne alimentaire, sans avoir eu le temps de développer la confiance en soi propre à tout prédateur. Notre conscience est « notre organe le plus faible et le plus faillible »; y voir un accomplissement de l'évolution darwinienne est une erreur. La nature humaine n'est qu'une ébauche, une construction branlante.

Le plus grand crime contre l'espèce serait de vouloir figer son évolution et, par là même, l'empêcher de prendre le contrôle de son avenir biologique. Voir en Nietzsche un penseur conservateur et anti-transhumaniste est erreur. Nietzsche est l'inverse d'un penseur de l'impuissance et de l'auto-limitation. Il nous intime d'affronter le danger qu'implique toute entreprise de dépassement : « L'homme est une corde tendue entre la bête et le Surhomme, une corde au-dessus d'un abîme.» Ce fil au-dessus au-dessus de l'abîme, c'est le transhumanisme ; c'est précisément la raison pour laquelle il nous faut nous y aventurer. Le dysgénisme est un abîme plus effroyable encore.

Quel livre de Nietzsche recommanderiez-vous ?

Généalogie de la morale est son livre majeur car il dévoile la nature du poison qui ronge l'Occident : le Christianisme, la matrice de la gauche, de l'égalitarisme, du pacifisme, de la haine de soi. Les personnes de droite attachées à la défense du christianisme se doivent de lire ce texte, qui leur permettra de réaliser leur formidable incohérence intellectuelle. La droite se sent l'obligation de tout conserver du passé. Nietzsche souligne l'importance de l'oubli, de la purge – nécessité biologique et civilisationnelle. La mauvaise conscience faite religion ne saurait être conservée. Généalogie de la morale doit toutefois être complété par les Ecrits posthumes dans lesquels Nietzsche esquisse sa vision du Surhomme.

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Le nietzschéisme est-il de droite ou de gauche ? 

Nietzsche est le père de la droite prométhéenne (révolutionnaire ou faustienne). Ses valeurs sont  de droite (hiérarchie, amour de la lutte) mais anti-conservatrices. Il considère les conservateurs comme une version appauvrie de la volonté de puissance : ils se contentent de conserver au lieu de croître. C'est là notre droite : une droite du juste-milieu, de la juste-limite, à taille humaine. Une droite-bonsaï. Tandis que la droite conservatrice s’interroge sur « comment conserver l’homme […], Zarathoustra demande […] comment l’homme sera-t-il surmonté [1]? »

La droite est tellement sclérosée dans son conservatisme que la volonté nietzschéenne de forger un homme nouveau – le Surhomme – est parfois assimilée à une entreprise gauchiste. Depuis la défaite du fascisme, le concept de progrès est tout entier assimilé à la gauche : que l'on ne cherche pas plus loin la cause profonde de la mort de l'Occident et de la suprématie  idéologique de la gauche. Nietzsche nous permet de comprendre, ou plutôt de redécouvrir, que la volonté de dépassement et de progrès (osons nous emparer de ce concept !) est intrinsèquement de droite, car elle est le moteur même du vivant. La gauche est le royaume de l'égalitarisme, de la conservation, c'est-à-dire de la mort. La droite doit être celui du dépassement, de la rupture : « L’homme est le prétexte à quelque chose qui n’est plus l’homme ! C’est la conservation de l’espèce que vous voulez ? Je dis : dépassement de l’espèce[2]. » 

unnamedfnz.jpgPour notre époque, cela signifie embrasser le transhumanisme, au moins dans sa dimension génétique (plutôt que cybernétique). Dans Zarathoustra, la dimension eugéniste est explicite, avec cet appel à améliorer l’espèce : « C’est un corps supérieur que tu dois créer (...) – c’est un créateur que tu dois créer. Mariage : ainsi je nomme de deux être le vouloir de créer un seul être qui soit plus que ses créateurs. »

Quels auteurs sont à vos yeux nietzschéens ?

Trop peu parmi les auteurs majeurs. Spengler s'en approche, mais il demeure hélas trop conservateur. Pour Nietzsche, l'âge d'or est à venir tandis que Spengler demeure désespérement décliniste.

La Doctrine du Fascisme, co-écrit par Giovanni Gentile et Mussolini, est une remarquable tentative de transformer l'individualisme de Nietzsche en une idéologie du dépassement collectif, dans le cadre d'un Etat totalitaire. Si cette oeuvre semble trahir la pensée de Nietzsche (penseur de l'individu, aux antipodes d'un Etat totalitaire), il faut garder à l'esprit qu'il nous exhorte souvent à ne pas concevoir ses écrits comme formant une doctrine.

Pourriez-vous donner une définition du Surhomme ?

 Par-delà le bien et le mal, il est créateur de valeurs nouvelles, c'est pourquoi il est si délicat à définir. Il est un processus de dépassement permanent vers un surplus maîtrisé de vitalité, d'instincts, de sensibilité et de chaos intérieur.

L’élitisme nietzschéen, qui affirme qu’ « un peuple est le détour que prend la nature pour produire six ou sept grands hommes – et ensuite pour s’en dispenser » est individualiste, ce qui le rend difficile à traduire politiquement. Ses surhommes semblent des demi-dieux solitaires et nomades, hermétiques les uns aux autres ; dans ces conditions, la société est à peine possible. Il semble qu’il n’y ait pas un seul type de surhomme, mais une infinité.

Le rapport entre les surhommes et les hommes du troupeau n’est pas non plus hiérarchique. Nulle volonté de gouverner la masse, ni même de l’élever : « Le but n’est absolument pas de comprendre [les Surhommes] comme maîtres des premiers, mais au contraire : il doit y avoir deux espèces qui coexistent : les uns comme les dieux épicuriens, ne se souciant pas des autres ». C’est un élitisme de la frontière, de l’éloignement. Toute relation entre les surhumains et le troupeau est synonyme d’abaissement des premiers.

Si l’homme fasciste se sacrifie pour la communauté, Nietzsche préfère sacrifier la communauté pour qu’advienne le surhumain. Cet individualisme est séduisant pour la jeunesse, mais il est également la raison pour laquelle la pensée de Nietzsche ne saurait, telle quelle, régénérer l'Occident, enferré dans un individualisme jouisseur. Il nous faut penser un juste milieu entre Nietzsche et Mussolini.

Votre citation favorite de Nietzsche ?

« L'homme est une corde tendue entre la bête et le Surhomme, une corde au-dessus d'un abîme.»

Notes:

[1]Zarathoustra, livre IV, « De l'homme supérieur ».

[2]Friedrich Nietzsche, Fragments posthumes, IX, Gallimard. p. 214.