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samedi, 06 novembre 2010

Le principe de milice, un élément important de la démocratie directe

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Le principe de milice, un élément important de la démocratie directe

Ex: http://www.horizons-et-debats.ch/

Un trait caractéristique important du sys­tème politique suisse est le principe de milice. Le principe de milice signifie que les citoyens ne délèguent pas les tâches d’Etat mais les dé­fendent plutôt eux-mêmes. La Suisse n’a pas de Parlement professionnel, à aucun niveau. Le Parlement se réunit quatre fois par an pendant trois semaines, et si nécessaire, encore deux semaines de plus. Entretemps, la chambre parlementaire est vide. Les parlemen­taires exercent tous leur propre profession. Cela signifie qu’ils sont ancrés dans la vie réelle. Ils ont les pieds sur terre et sentent ­l’effet de leurs décisions en tant que parlemen­taires. En raison de ce feed-back par rapport à la réalité de la population, ce principe de milice a la capacité d’élaborer des solutions aux problèmes, capacité qui est supérieure à tout système professionnel. Un Parlement, composé de toutes les couches de professionnels, parvient aux meilleures solutions.
Il en est de même dans l’armée, dans la commission scolaire, dans le système judiciaire (juge non professionnel), partout. Le citoyen, par exemple, ne délègue pas la sécurité à une armée permanente, le citoyen s’occupe lui-même de cette tâche parce qu’il le veut ainsi et que cela constitue une meil­leure armée et aussi un meilleur résultat écono­mique. Cela est prouvé scientifiquement depuis longtemps. (Soit dit en passant: Bien qu’il n’y ait pas d’armée permanente, qui peut être utilisée contre ses propres citoyens, le pays aurait pu mobiliser, au sein de sa population de six millions d’habitants, en deux jours 700 000 soldats, équipés, formés et prêts à se défendre pendant la guerre froide.)
Comme ce modèle suisse peut se renouveler constamment, il n’y a de facto pas eu de révolution en Suisse, mais par contre une grande satisfaction et une identification de la population avec l’Etat. Et il n’y a pas de crises gouvernementales et aucune démission spectaculaire parce que tout ce qui est nécessaire peut être sans cesse renouvelé politiquement et tout ce qui existe est soutenu par les citoyens. La stabilité proverbiale de la Suisse y est ancrée. Le gouvernement n’a pas peur des armes des citoyens, le gouvernement fait ce que veulent les citoyens. Donc, la vio­lence à l’intérieur de l’Etat n’est pas nécessaire. C’est la raison pour laquelle les membres de l’armée ont leurs armes à la maison – depuis des siècles. L’Etat représente le bien commun organisé et non un contrepoint aux citoyens.
Au principe de la liberté, il faut ajouter la responsabilité personnelle. Nous ne nous considérons pas comme des «citoyens dépendant de l’Etat», nous touchons peu d’aide sociale. Cela signifie également que l’Etat reste svelte, ayant moins de dépenses. Nous décidons nous-mêmes par vote sur nos impôts ou sur une augmentation d’impôts. Néanmoins, les Suisses sont solidaires et sociaux. Il y a peu de temps, on est allé aux urnes pour une augmentation des impôts concernant l’assurance d’invalidité, bien qu’il soit notoire qu’il faut en endiguer les abus.
Des études empiriques scientifiques montrent que la démocratie directe rend l’Etat moins onéreux. Nous donnons à l’Etat autant que ce que nous considérons comme nécessaire. Comme nous nous identifions beaucoup plus avec notre Etat, nous payons nos impôts, ainsi l’évasion fiscale et le travail non déclaré ne présentent ni un grand problème ni un crime, mais seulement une question administrative. Dans quel autre Etat les citoyens peuvent-ils se prononcer sur les impôts et où les administrations ont-elles à répondre directement vis-à-vis des citoyens? Il existe des études scientifiques sur le ­bonheur et le bien-être montrant qu’en Suisse, en raison de l’étendue des possibilités de participation politique et de la décentralisation des pouvoirs (l’autonomie locale), on se sent plus heureux et moins impuissant. Par conséquent, les scientifiques viennent à la conclusion qu’«il faut tout essayer pour renforcer la participation directe des citoyens et la décentralisation des pouvoirs de décision en grande partie.»    •

Extrait de «Was heisst Volkssouveränität» («Ce que signifie la souveraineté populaire») par Matthias Erne dans «Erfolgsmodell Schweiz».
(Traduction Horizons et débats)

dimanche, 01 août 2010

La proposition Baettig vue de Flandre

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La proposition Baettig, vue de Flandre

 

 

Le 1 janvier 1979, la Suisse se donnait un nouveau canton. Le Jura, à majorité francophone, fut à l’époque détaché du canton de Berne, majoritairement germanophone, après une consultation populaire le 24 septembre 1978. Il ne s’agissait pas seulement d’une question linguistique car les districts francophones protestants ont préféré demeurer bernois. Depuis lors, le Jura suisse n’a plus jamais fait la une de l’actualité internationale car il ne compte que 70.000 habitants, dont la capitale est Delémont (Delsberg en allemand) : c’est insuffisant pour intéresser les journalistes étrangers. Cela préoccupe peut-être les Jurassiens car ils habitent le long de la frontière française et possèdent désormais leur propre canton qui, officiellement, s’appelle « République et Canton du Jura ».

 

L’UDC/SVP n’était pas favorable à la sécession jurassienne dans les années 70 et mena campagne contre les sécessionnistes jurassiens, sans succès. En 2003, le SVP est devenu le plus grand parti de Suisse et l’est resté en 2007, avec 29% des voix. Ce parti se situe « à droite » de l’échiquier politique suisse et ne joue pas vraiment un rôle primordial dans l’épicentre du pouvoir helvétique, même s’il parvient, de temps en temps, à faire mousser le monde politique de la Confédération, notamment par le biais de referenda. Il suffit de songer au récent référendum sur les minarets, suivi à grande échelle par la population suisse.

 

Dans le Jura, l’UDC/SVP n’a pas la tâche facile et n’enregistre par les mêmes succès qu’ailleurs dans la Confédération, pour les raisons évoquées plus haut : l’hostilité du SVP à la sécession jurassienne contre Berne, il y a un peu plus de trente années. Dans le parlement cantonal ne siègent que trois députés UDC sur un total de soixante représentants du peuple, ce qui équivaut à un peu moins de 6%  de l’électorat. Il n’y a que dans le Tessin italophone que l’UDC enregistre encore moins de scores, mais elle y fait front commun avec un parti régionaliste italophone.

 

Invitation

 

Etonnant mais vrai : un député UDC/SVP a pu obtenir un des deux sièges jurassiens au Conseil National en 2007. L’heureux élu est un certain Dominique Baettig, à qui on reproche d’avoir eu un parcours politique dans sa jeunesse qui n’était pas très « politiquement correct ». Etudiant, il aurait été actif dans quelques groupes d’extrême droite mais, au fil des années, l’homme s’est assagi, a obtenu un diplôme de psychiatre, a arrondi les angles de sa pensée et a navigué dans des eaux plus tranquilles.

 

Récemment, toutefois, Baettig a su attirer l’attention de tous les médias suisses en formulant une proposition surprenante. La Suisse, selon lui, devrait pouvoir se donner la possibilité légale d’offrir à une série de régions frontalières la chance de pouvoir rejoindre la Confédération Helvétique. Baettig voit grand et estime pouvoir éveiller un certain intérêt dans le Land allemand de Bade-Wurtemberg, dans les départements français de l’Ain, du Jura et de Savoie, en Alsace, dans les régions de Bolzano, Varese, Aoste et Côme en Italie et dans le Land autrichien du Vorarlberg. L’idée de Baettig ne suscite pas vraiment les sympathies en Suisse. Il a dû écoper des sourires de commisération, des haussements d’épaule et quelques rires sonores.

 

Le Conseil Fédéral, qui constitue le gouvernement de la Suisse, a rejeté sa proposition. Si la Suisse avait accepté le projet, cela aurait constitué « un geste inamical » à l’endroit des Etats voisins, estime le gouvernement. Les Etats voisins considèreraient à juste titre l’acceptation de cette proposition comme une provocation et cela nuirait aux bonnes relations qu’entretient la Confédération avec ses voisins. Les ministres helvétiques ont donc estimé qu’il ne fallait pas retenir la proposition Baettig.

 

Le gouvernement suisse émet une réticence supplémentaire quant à d’éventuelles sécessions dans les pays frontaliers de la Confédération : ces régions voisines devrait justement faire officiellement sécession. Or, en droit international, il n’existe aucun droit général autorisant la sécession,  sauf comme ultima ratio, c’est-à-dire si des circonstances exceptionnelles justifient  de se séparer de l’Etat auquel on appartient. Mais on ne peut évoquer de telles circonstances exceptionnelles pour les habitants de la région de Côme, du Land de Bade-Wurtemberg, de l’Alsace, etc. On ne doit pas s’attendre à ce que le gouvernement suisse considère comme circonstance exceptionnelle justifiant la sécession le fait de devoir vivre dans un pays gouverné par Berlusconi, Sarközy ou Merkel.

 

Des sondages surprenants

 

L’hebdomadaire suisse Weltwoche, qui n’est pas hostile à l’UDC/SVP, a voulu organiser un petit sondage à propos de la proposition Baettig et les résultats de ce sondage sont pour le moins très surprenants ! D’après le magazine suisse alémanique, une majorité de citoyens dans les régions concernées du Bade-Wurtemberg, du Vorarlberg, de la Savoie et des régions de Côme et de Varese aimerait devenir suisse. Chez les Autrichiens et les Italiens, plus de 52% des personnes interrogées souhaiteraient que leur région devienne partie intégrante de la Confédération Helvétique ; chez les Français et les Allemands, dans les régions dont question, l’adhésion à la Suisse suscite l’intérêt de 48% de citoyens. Ce qui les attire le plus est le système fiscal suisse, ce qui n’étonnera personne. Mais il y a aussi la démocratie directe de type helvétique qui séduit les habitants des régions alpines autour de la Suisse. Cependant, les ressortissants français, allemands, autrichiens ou italiens interrogés ne veulent pas sortir de la zone euro et adopter une « monnaie plus petite » ou quitter l’UE. Cela ne va pas dans le sens que souhaiterait Baettig car son parti est résolument hostile à l’UE.

 

On remarquera que les tenants et les adversaires de l’euro sont à ex æquo dans le Bade-Wurtemberg uniquement (45% contre 45%). Nous n’allons donc pas affirmer tout de go qu’un grand remaniement territorial est sur le point de s’effectuer en plein centre de l’Europe alpine. La proposition de Baettig est un « jeu », un jeu certes fort amusant, mais rien de plus. Mais cette proposition a révélé un état d’esprit riche de signification : à peu près la moitié des habitants des régions voisines de la Suisse, tous pays confondus, envisage, le cœur léger,  de quitter l’Etat auquel elle appartient.

 

Cela prouve que la confiance des citoyens voisins de la Suisse dans les gouvernements français, allemand, italien ou autrichien n’est pas vraiment grande.

 

Anton BESENBACHER.

(Article tiré de « ‘t Pallieterke », Anvers, 28 juillet 2010 ; http://www.pallieterke.info/ ).

 

 

Pour un élargissement de la Confédération Helvétique: les propositions de Dominique Baettig

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Pour un élargissement de la Confédération Helvétique : les propositions de Dominique Baettig

 

 

Une motion originale au Parlement de Berne

 

Dominique Baettig est un élu jurassien de l’UDC/SVP, le parti qui a engrangé le plus de voix en Suisse lors des dernières élections. S’il fallait écouter Dominique Baettig, le Souabe serait le dialecte le plus parlé dans la Confédération Helvétique et sa plus grande ville serait Stuttgart. Très sérieux, Baettig a demandé au gouvernement de Berne de créer les conditions pour que les plus belles régions du Land allemand de Bade-Wurtemberg puissent, si elles le souhaitent, demander à faire partie de la Confédération Helvétique.

 

« Le Conseil Fédéral a reçu pour mission d’élaborer un projet de droit constitutionnel et ensuite de légiférer pour que les régions voisines de la Suisse puissent intégrer la Confédération sous la forme de nouveaux cantons, si la majorité de la population en exprimait le souhait ». Tel est le texte de la motion parlementaire, cosignée par 29 députés de l’UDC/SVP. Ces députés justifient le dépôt de leur motion comme suit : « Certaines régions limitrophes de la Suisse souffrent du manque d’intérêt de la classe politique de leur Etat et de l’UE pour les besoins de ces territoires frontaliers. Le besoin qu’éprouvent ces régions à se déclarer autonomes face à leur gouvernement central (ou face à l’eurocratie bruxelloise) ne cesse de croître. C’est pour cette raison que nous demandons au Conseil Fédéral de présenter aussi vite que possible à l’Assemblée fédérale un projet de droit constitutionnel et de loi afin que les départements, provinces ou Länder suivants puissent adhérer à la Confédération Helvétique, si une majorité de la population le souhaite : l’Alsace (ndlr : annexée à la France au 17ème siècle), Bolzano (ndlr : annexé à l’Italie après 1919), le département du Jura (ndlr : saccagé, génocidé et annexé contre tout droit à la France au 17ème siècle, comme tout le reste de la Franche-Comté), le Vorarlberg (ndlr : qui a demandé en 1919 à adhérer à la Confédération Helvétique), le département de l’Ain (ndlr : qui constitue l’ancienne province savoisienne de la Bresse, annexée à la France au 16ème siècle), la Savoie (ndlr : qui ne fait pas partie de la France selon le droit des gens ; en 1861, la Savoie n’a opté que pour une union douanière ; en cas de conflit, elle devait rejoindre la Confédération Helvétique, demeurer territoire neutre et la France n’avait pas le droit de mobiliser les hommes admirables de cette magnifique province impériale, fidèle à Charles-Quint, et de les faire mourir pour ses causes sordides ; sur les murs de Savoie, on voit aujourd’hui des affichettes représentant le drapeau savoisien, flanqué du texte suivant : « La France hors la loi de la Savoie »), le Bade-Wurtemberg (ndlr : Land de la République fédérale constituée en 1949 au départ de la tri-zone d’occupation) et les provinces lombardes de Varese et de Côme ». La liste n’est pas exhaustive.

 

Le texte dit encore : « Les régions frontalières susmentionnées souhaitent depuis longtemps davantage de souveraineté pour leurs citoyens et citoyennes ; elles veulent une démocratie de proximité à visage humain ». « Il s’agit surtout d’émettre un signal politique par lequel on ferait activement la promotion du modèle suisse de souveraineté, au lieu de laisser la Suisse glisser inexorablement dans l’UE, une construction dont les institutions centralisatrices ont rompu tous les liens charnels qui les unissaient à leurs citoyens et citoyennes ».

 

Un « acte inamical »

 

Le Conseil fédéral UDC/SVP Hans Fehr, cosignataire de la proposition Baettig, a défini le projet comme une « idée audacieuse », qui, en première instance, signifie un refus du Super-Etat que devient l’UE. Un journal rappelle, en se souvenant de l’Autriche : « Jadis, en 1919, le Vorarlberg avait voulu adhérer à la Confédération Helvétique, tandis que d’autres Länder du nouvel Etat fédéral autrichien, constitué sur les débris de l’Empire austro-hongrois, optaient pour la fusion avec l’Allemagne ». En mai 1919, 82% des habitants du Vorarlberg avaient voté pour adhérer à la Confédération Helvétique. Leurs vœux n’avaient pas été exaucés, car les diktats imposés par les vainqueurs de la première guerre mondiale stipulaient expressis verbis que les territoires de l’Autriche germanophone résiduaire devaient demeurer indivisés. Quant aux ambitions grandes helvétiques des députés de l’UDC/SVP, le Conseil Fédéral de Berne a fait savoir qu’une révision de la Constitution fédérale, telle que le demande leur parti, « constituerait un geste politique inamical que les Etats voisins pourraient juger à raison comme une provocation ». Ensuite : « Cette révision serait non seulement inappropriée sur le plan politique, elle poserait aussi problème sur le plan du droit des gens. Elle enfreindrait un principe fondamental de l’ordre international car celui-ci ne prévoit pas un droit général à la sécession. On ne peut évoquer un droit à la sécession, comme ultima ratio, que si l’on peut faire valoir l’existence de facto de situations extraordinaires  -  présupposés qui n’existent en aucun cas ici ».

 

La proposition ne fait pas l’unanimité, comme l’atteste le courrier des lecteurs des journaux suisses, comme, par exemple, le Temps de Genève ou le Tages-Anzeiger de Zurich. On y lit notamment cette phrase : « Si l’on réfléchit, on conclura que les dix millions d’habitants du Bade-Wurtemberg pourront décider de tout dans une Confédération à laquelle ils auraient adhérer. Démocratiquement, Stuttgart serait élue capitale de la nouvelle Confédération et, de fil en aiguille, la Suisse se retrouverait annexée à l’Allemagne. Les Allemands auraient ainsi un nouveau Land, obtiendraient beaucoup d’argent et mettraient un terme à une certaine évasion fiscale, qui, du coup, ne poserait plus problème ».

 

HW.

(article extrait de DNZ, n°38/juillet 2010).