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jeudi, 29 mai 2008

Balkans: les Etats-Unis ont atteint leur objectif!

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Balkans: les Etats-Unis ont atteint leur objectif!

Un texte ancien, vieux de huit ans, mais qui garde toute sa pertinence géopolitique !

Le Général Reinhard Uhle-Wettler (°1932), commandeur d'unités parachutistes, en fin de carrière Commandeur de Division de la 1ière Aéroportée de la Bundeswehr, pa­r­le­ra à l'Université d'été de «Synergies Européennes» en août 2001. Pour préparer nos stagiaires à sa démarche, voici le bilan final qu'il tire, en toute clarté militaire, de la situation dans les Balkans. Ses positions sont clai­re­ment les nôtres, que nous aurons l'occasion d'expri­mer lors du colloque de la revue “Renaissance européen­ne”, qu'organisera Georges Hupin et son équipe à Sint-Pieters-Leeuw en avril 2001, avec le concours d'Alexan­dre Del Valle, Guillaume Faye, Max Steens et Robert Steuckers. Bonne lecture!

Dans les rapports des médias, on reproche souvent aux Etats-Unis d'avoir déployé une stratégie de dilettantes dans les Balkans. On a entendu des discours similaires immédia­tement après la Guerre du Golfe. En tenant compte des in­térêts des Etats-Unis et des rapports de force géopoliti­ques, on peut résumer les effets de la guerre des Balkans comme suit:

1.

L'OTAN, sous la direction des Etats-Unis, s'est débarrassé du boulet que constituaient les décisions du conseil de sé­cu­ri­té de l'ONU, et, dans cette entorse aux principes, a entraî­né et uni tous les membres de l'alliance.

2.

Les Etats-Unis ont fait de l'OTAN le seul instrument politico-militaire capable de fonctionner dans le monde occidental et, à la suite du changement de donne après la fin de l'op­po­sition Est-Ouest, ont renforcé l'alliance atlantique pour le futur.

3.

L'OTAN a fait admettre de facto sa nouvelle conception, y compris l'idée d'une intervention systématique en cas d'en­torse aux droits de l'homme, avant même que ses membres ne l'acceptent formellement, et l'a mis à l'épreuve de ma­nière pratique en profitant de l'aubaine de l'heure. Mis à part la défense commune des territoires inclus dans l'allian­ce, toute guerre “pour les droits de l'homme” est désor­mais possible. Nous avons affaire là à un pas de plus vers la création d'une “police mondiale”.

4.

Les Etats-Unis ont changé, en faveur de leurs ambitions glo­bales, le droit des gens qui avait été appliqué jusqu'ici, en se réclamant de l'acte de conclusion de la conférence de l'OSCE à Helsinki et de la résolution 688 du Conseil de sé­cu­rité des Nations Unies. Le principe de non ingérence dans les affaires intérieures d'un Etat est suspendu en cas d'en­torse apportée aux droits de l'homme, quelle que soit la dé­finition que l'on donne de ceux-ci. Le triomphe du droit d'in­tervention pour raisons humanitaires signifie que les droits de l'homme reçoivent désormais la priorité par rap­port au droit de souveraineté, à l'interdiction d'user de vio­lence (cf. l'art. 2 de la Charte des Nations Unies), ainsi qu'au principe de l'inviolabilité des frontières. L'OTAN ne pou­vait pas se réclamer du droit d'autodéfense collectif (art. 51 de la Charte des NU) ni d'un pouvoir accordé par le conseil de sécurité (chap. VII de la Charte de NU) dans la guerre déclenchée contre la Serbie. Les violations des droits de l'homme serviront donc désormais de plus en plus souvent de prétexte pour des interventions militaires. Cela nous ramène au schéma idéologique de la “guerre juste” et exclut quasiment le traitement correct à appliquer à l'ad­versaire (que l'on pratiquait depuis l'époque féodale). Le vainqueur devient automatiquement le juge.

5.

Les Etats-Unis se sont établis comme puissance européenne dominante et ont renforcé le contrôle et la domination qu'ils exerçaient sur l'Europe.

6.

La guerre est devenue un moyen de la politique pour im­po­ser les droits de l'homme et est acceptée comme telle par la communauté des Etats occidentaux. La course aux arme­ments que cela implique n'est plus fondamentalement re­mi­se en question. De cette façon, la répartition des tâches au sein de l'alliance est assurée.

7.

L'Europe, en tant que concurrente des Etats-Unis, est clouée dans les Balkans pour un certain temps et devra con­sentir des efforts financiers et économiques pour recon­struire le Kosovo et la Serbie. Ces frais accroissent les dé­fi­cits de la défense européenne autonome et grèvent la mon­naie commune de l'Europe face au dollar.

8.

Un verrou est posé désormais à toute coopération euro-russe qui impliquerait une participation allemande dans un projet de développement économique de l'Eurasie. L'ancien vi­ce premier ministre serbe, Draskovic, qui n'est pas resté long­temps en fonction, avait déclaré dans un entretien ac­cor­dé au Spiegel (n°18/1999): «La Serbie est détruite au­jour­d'hui parce que les Etats-Unis, en créant cet exemple qui fera école, veulent discipliner l'Europe. Car les Etats-Unis savent pertinemment qu'une Allemagne unifiée, avec tout son potentiel, et dans une alliance politique et écono­mique avec la Russie, créerait les bases d'une Europe soli­de­ment unie, de l'Atlantique au Pacifique. Pour empêcher ce­la, on a mis en scène un crime collectif contre les Ser­bes».

9.

Les Etats-Unis ont refoulant l'influence russe dans les Bal­kans et en abattant et en “démocratisant” la Serbie ont créé les conditions préalables de la sécurisation et de l'ex­ploi­tation de leurs intérêts énergétiques dans le bassin de la Caspienne, dans la Caucase et en Asie centrale. Le pé­tro­le et le gaz naturel, à leurs yeux, ne peuvent transiter vers l'Ouest que par des oléoducs indépendants de la Rus­sie, traversant la Mer Noire et les Balkans. Le capital abon­dant en provenance des sociétés pétrolières américaines et britanniques donnera donc le ton dans les pays de ces ré­gions, encore peu développés. L'influence américano-bri­tan­nique sur les sources énergétiques de ces pays aura donc nécessairement pour corollaire de limiter l'indépen­dan­ce énergétique des pays de l'Europe continentale. Dans les annexes de la revue Information für die Truppe (n°9/ 1998), on a explicité en long et en large ce “coup de poker pé­trolier dans le Caucase”. Ensuite, au grand dam des Rus­ses, les Etats-Unis ont décrété que l'espace de la Caspienne et du Caucase faisait dorénavant partie de leur zone d'in­té­rêt. Il s'agit donc de soustraire ces énormes réserves de pé­trole et de gaz naturel à tout monopole contrôlé par la Rus­sie. Dans le livre d'Egon Bahr, Deutsche Interessen, on trou­ve­ra une carte des variantes possibles dans le tracé des o­léo­ducs de la Caspienne; carte qui complète utilement le sy­nopsis qu'il nous donne des régions pétrolifères et ga­ziè­res du Proche-Orient et de l'Asie centrale.

10.

La position de la Turquie a été consolidée chez ses coreli­gion­naires musulmans des Balkans, vu son état de puissance musulmane et ses ambitions islamiques; la Turquie est aus­si, dans ce contexte, la plaque tournante de la politique américaine au Proche-Orient et en Asie centrale. L'engage­ment de soldats turcs dans les troupes de la paix déployées par l'OTAN dans le cadre de la KFOR a été salué avec en­thou­siasme par la presse turque (voir Die Welt, 6 juillet 1999). Cet enthousiasme peut déborder et rayonner aisé­ment dans les pays du Caucase et d'Asie centrale dans un fu­tur proche. Les Etats-Unis insistent pour que la Turquie soit acceptée au sein de l'UE; c'est un indice supplé­men­tai­re prouvant que les Etats-Unis, systématiquement, soutien­nent la “plaque tournante Turquie”.

11.

Les Etats-Unis, comme lors de la guerre du Golfe, ont testé leur arsenal moderne de technologies militaires et leurs sy­stèmes de guidage, en tir réel. De ce fait, ils ont consolidé sur le plan international leur avance technologique dans le do­maine militaire, surtout dans les domaines du renseigne­ment, de la belligérance électronique et des armes intelli­gentes à têtes chercheuses. Ainsi, leur politique financière et économique d'orientation globale peut s'appuyer sur une puissance militaire supérieure à toutes les autres et tou­jours prête à l'engagement réel. Les News Release Pent­a­gon du 10 août 1998 nous donne un bon synopsis de la poli­ti­que des points d'appui, notamment pour la flotte, que pra­tiquent les forces armées américaines.

12.

L'industrie de l'armement américaine vient de recevoir un bon coup de pouce presque au détriment des forces enga­gées sur le terrain du social. Ce coup de pouce permet des investissements dans le domaine de la haute technologie et renforce ipso facto le dollar.

On le voit: les résultats obtenus par les Etats-Unis sont le fruit d'une politique bien planifiée, d'une exploitation logi­que des faiblesses de l'Europe et d'une situation avanta­geu­se. Bon nombre d'éléments nous permettent de dire que, sur­tout dans le cas de la Yougoslavie et lors de la guerre con­tre la Serbie, les Etats-Unis ont agi après mûre planifi­ca­tion, en étant bien conscients des enjeux. Le 6 juin 1999, Peter Scholl-Latour écrivait dans Welt am Sonntag: «L'UÇK  —avec en son sein des inimitiés de type clanique et des struc­tures de type mafieux—  a été armée puissamment par l'aide américaine en un temps record. Elle est dirigée par un général croate éprouvé et conseillée par des experts amé­ricains et  —on est bien étonné de l'entendre!—  par des spé­cialistes iraniens de la guerre des partisans».

Dans ce contexte, il me paraît intéressant de méditer la chro­nologie établie par le Ministère fédéral allemand de la dé­fense en date du 21 avril 1999. En page 9 de cette chro­no­logie, et sous la rubrique “1998”, on peut lire: «Les vio­lences au Kosovo augmentent. L'armée de libération du Ko­so­vo (UÇK) impose sa volonté en perpétrant des attentats con­tre les forces de sécurité serbes et contre les collabo­ra­teurs ethniques albanais du Kosovo, c'est-à-dire cherche à im­poser l'indépendance de la province par la violence».

Enfin, dans les colonnes de la Süddeutsche Zeitung du 10 & 11 avril 1999, on a pu lire: «Des combattants de l'armée clan­destine UÇK des Albanais du Kosovo travaillent de con­cert avec l'OTAN, selon le Ministre français de la défense Alain Richard». Pour mener à bien de telles “sales opéra­tions”, on mobilise des services secrets comme la CIA, le MI6 britannique et le Mossad israélien. Citons dans ce con­texte un passage du livre de l'ancien secrétaire d'Etat auprès du Ministère de la défense allemand, Andreas von Bülow (Im Namen des Staates. CIA, BND und die krimi­nellen Machenschaften der Geheimdienste / = Au nom de l'E­tat. La CIA, le BND et les agissements criminels des ser­vices secrets): «Si l'on prend pour mesure l'éventail des in­terventions cachées des services secrets au cours des cin­quan­te dernières années, alors on peut en déduire que la pa­cification effective des Balkans ne va pas du tout dans l'in­térêt de la véritable politique extérieure des Etats-Unis, laquelle demeure “cachée”, notamment quand on prend en compte les idées développées par Zbigniew Brzezinski qui dé­montre que les Balkans sont justement la zone d'accès géo­politique qu'emprunterait l'Europe industrielle pour ac­cé­der aux Balkans eurasiens (= l'Asie centrale), avec leurs é­normes ressources en énergies et en matières premières» (p. 494).

Les horreurs de cette guerre occulte menée et entretenue par les services secrets, en contravention avec tous les prin­cipes prévus par le droit des gens en cas de guerre, la Wehr­macht allemande les a bien amèrement ressenties pen­dant la seconde guerre mondiale. Les archaïsmes et les traditions des peuples balkaniques ont été accentués plus tard, quand la Yougoslavie de Tito, née de la guerre de li­bération populaire de 1941-45, s'est préparée systéma­ti­quement à une guerre des partisans contre une invasion po­tentielle de l'URSS, qui, par un éventuel coup de force en di­rection de l'Adriatique, aurait supprimé son indépen­dan­ce. Les éléments institutionnels de la guerre des partisans, pré­vue par le titisme, ont été déterminants dans la nouvel­le guerre des Balkans, surtout dans la lutte pour la domina­tion du Kosovo. Certes, ces éléments ont permis à l'OTAN d'é­viter de déployer des troupes terrestres. Mais ce qui va sui­vre, c'est l'extension aux Balkans de la "zone de paix dé­mocratique", de type ouest-européen, ce qui implique de fac­to une “démocratisation” de cette région. Ainsi les E­tats-Unis auront obtenu ce qu'ils voulaient. Mais l'Europe, el­le, se trouvera devant une tâche quasi impossible à ré­soudre.

Général Reinhard UHLE-WETTLER.

(extrait de son ouvrage, Die Überwindung der Canossa-Republik. Ein Appell an Verantwortungsbewußte, Hohenrain, Tübingen, 3. Auflage, 2000, ISBN 3-89180-057-6).    

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