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dimanche, 30 novembre 2008

J. Heers: les Barbaresques: de très étranges pirates

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Les Barbaresques - De très étranges pirates
Nous avons lu pour vous Les Barbaresques, la course et la guerre en Méditerranée XIVe-XVIe siècle, par Jacques Heers (Perrin, août 2001, 370 pages, 22,20 €.
Le souvenir des frères Barberousse et des Barbaresques d'Alger hante nos livres d'Histoire en traînant derrière lui de nombreuses interrogations.

Les historiens français se sont rarement intéressés à ces corsaires turcs qui bénéficièrent de la bienveillance contre nature du roi François 1er.

Considérant l'alliance sacrilège du roi Très-chrétien avec le sultan Soliman le Magnifique, l'historiographie traditionnelle en cherche la justification dans le souci de desserrer l'étau constitué par les possessions de son rival, Charles Quint, empereur d'Allemage, roi d'Espagne, suzerain des Pays-Bas et grand-duc d'Autriche.

Le grand historien médiéviste Jacques Heers tord le cou à cette interprétation complaisante. La réunion sur la tête de Charles Quint de la couronne impériale et de la couronne d'Espagne a été moins un atout qu'une faiblesse, comme le montre le fait qu'au terme d'un long règne semé de déconvenues, il n'a rien trouvé de mieux que de séparer ses possessions, laissant l'Espagne à son fils Philippe et le Saint Empire romain germanique à son frère Ferdinand.

Dans les faits, François 1er, peu soucieux de protéger le pré carré capétien, a poursuivi toute sa vie les chimères d'outre-monts. Il a usé ses forces à tenter de conquérir l'Italie et c'est pour cela qu'il a combattu Charles Quint et noué des relations avec les Turcs.

Au lendemain de la défaite de Pavie, en 1525, sa mère Louise de Savoie envoie des émissaires auprès du sultan, lequel s'empare de la Hongrie l'année suivante et arrive aux portes de Vienne sans que la France ne s'en soucie outre mesure.

Dans le même temps, les Français encouragent les corsaires turcs basés à Alger dans leurs attaques contre le littoral italien. Au célèbre Kheir ed-Din, alias Barberousse, allié de François 1er, s'oppose le Gênois Andrea Doria, un corsaire du camp autrichien.

Leur champ de bataille est la Méditerranée occidentale. Razzias ( *) des villages côtiers, attaques des navires marchands, et surtout rafles de prisonniers par milliers et dizaines de milliers.

Les prisonniers, hommes, femmes et enfants, sont vendus comme esclaves sur les marchés ou rétrocédés contre rançon à l'image de Miguel Cervantès, le futur auteur de Don Quichotte.

Jacques Heers fait ressortir le caractère inexpiable de ces guerres méditerranéennes, où s'affrontent indistinctement musulmans et chrétiens. L'historien souligne leur différence d'avec les guerres féodales de l'Europe septentrionale, encadrées par un code chevaleresque assez strict.

En 1535, l'empereur Charles Quint en personne dirige une expédition pour venir au secours du bey musulman de Tunis, menacé par les corsaires turcs d'Alger (on commence à utiliser à propos de ces derniers le terme impropre et fantaisiste de Barbaresques).

Tunis devient pour quelques années un protectorat de l'empereur. Le roi de France, quant à lui, ne renonce pas à ses ambitions italiennes.

En 1543, au terme de bizarres tractations, Barberousse promet à François 1er l'appui de ses hommes pour de nouvelles attaques dans la péninsule.

En attendant, il obtient de s'établir à Toulon. C'est ainsi que pendant les longs mois de l'hiver 1543-1544, les habitants du port et de ses environs vont devoir cohabiter avec... 30.000 corsaires musulmans de toutes origines.

La cathédrale Sainte-Marie-Majeure est pour l'occasion convertie en mosquée. Tout cela pour rien. Les corsaires ne se battront pas pour le roi de France et celui-ci, lassé de leur présence, verse une rançon pour précipiter leur départ.

La bataille de Lépante voit la défaite de la flotte turque face aux galères espagnoles mais les corsaires n'en continuent pas moins d'écumer la mer Méditerranée. Au XVIIe siècle, les galères du roi Soleil, Louis XIV, sous le commandement d'Abraham Duquesne, attaquent leurs repaires d'Afrique du nord. Mais c'est seulement avec la conquête d'Alger en 1830 que s'achève leur douteuse épopée.

Jacques Heers a écrit un essai passionnant autour de cette Histoire méconnue, pleine de bruit et de fureur. Le récit est dense, argumenté, riche d'anecdotes vivantes et épiques. Pour tous les amoureux de la grande Histoire.

André Larané.

Commentaires

A propos de piraterie barbaresque, voici le récit d'une attaque perpétrée au large du Liban actuel, rapportée par le chevalier d'Arvieux en 1660 : http://www.villemagne.net/site_fr/jerusalem-chevalier-d-arvieux.php#010

Écrit par : Cesco | dimanche, 01 février 2009

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