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vendredi, 25 décembre 2009

Citation de D. H. Lawrence

apoDHL2222.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1999

APOCALYPSE:

Un commentaire païen de l'Apocalypse selon Saint-Jean

 

«L'Apocalypse nous montre ce à quoi nous résistons, résistance contre-nature, nous résistons à nos connexions avec le cosmos, avec le monde, la nation, la famille. Toutes nos connexions sont anathèmes dans l'Apocalypse, et anathèmes encore en nous. Nous ne pouvons pas supporter la connexion. C'est notre maladie. Nous avons besoin de casser, d'être isolés. Nous appelons cela liberté, individualisme. Au-delà d'un certain point, que nous avons atteint, c'est du suicide. Peut-être avons-nous choisi le suicide. C'est bon. L'Apocalypse aussi choisit le suicide, avec l'auto-glorification que cela implique.

 

Mais l'Apocalypse montre, par sa résistance même, les choses auxquelles le cœur humain aspire secrètement. La frénésie que met l'Apocalypse à détruire le soleil et les étoiles, le monde, tous les rois et tous les chefs, la pourpre, l'écarlate et le cinnamome, toutes les prostituées et finalement tous les hommes qui n'ont pas reçu le “sceau” nous fait découvrir à quel point les auteurs désiraient le soleil et les étoiles et la terre et les eaux de la terre, la noblesse et la souveraineté et la puissance, la splendeur de l'or et de l'écarlate, l'amour passionné et une union juste entre les hommes indépendamment de cette histoire de “sceau”. Ce que l'homme désire le plus passionnément, c'est sa totalité vivante, une forme de vie à l'unisson, et non le salut personnel et solitaire de son “âme”.

 

L'homme veut d'abord et avant tout son accomplissement physique, puisqu'il vit maintenant, pour une fois et une fois seulement, dans sa chair et sa force. Pour l'homme, la grande merveille est d'être en vie. Pour l'homme, comme pour la fleur, la bête et l'oiseau, le triomphe suprême, c'est d'être le plus parfaitement, le plus vivement vivant. Quoi que puissent savoir les morts et les non-nés, ils ne peuvent rien connaître de la beauté, du prodige d'être en vie dans la chair. Que les morts apprêtent l'après, mais qu'ils nous laissent la splendeur de l'instant présent, de la vie dans la chair qui est à nous, à nous seuls et seulement pour une fois. Nous devrions danser de bonheur d'être vivants et dans la chair, d'être une parcelle du cosmos vivant incarné. Je suis une parcelle du soleil comme mon oeil est une parcelle de moi-même. Mon pied sait très bien que je suis une parcelle de la terre, et mon sang est une parcelle de la mer. Mon âme sait que je suis une parcelle de la race humaine, mon âme est une partie organique de l'âme de l'humanité, tout comme mon esprit, une parcelle de ma nation. Dans mon moi le plus privé, je fais partie de ma famille. Rien en moi n'est solitaire ni absolu, sauf ma pensée, et nous découvrirons que la pensée n'a pas d'existence propre, qu'elle n'est que le miroitement du soleil à la surface des eaux.

 

Si bien que mon individualisme est en fait une illusion. Je suis une parcelle du Grand Tout, et n'y échapperai jamais. Mais je peux nier mes connexions, les casser, devenir un fragment. Alors, c'est la misère.

 

Ce que nous voulons, c'est détruire nos fausses connexions inorganiques, en particulier celles qui ont trait à l'argent, et rétablir les connexions organiques vivantes avec le cosmos, le soleil et la terre, avec l'humanité, la nation et la famille. Commencer avec le soleil, et le reste viendra lentement, très lentement».

(D. H. LAWRENCE, Apocalypse, 1931; éditions Balland, Paris, 1978 pour la traduction française, pp. 210 à 212).

 

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