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mercredi, 26 mai 2010

Les femmes-champions dans la mythologie irlandaise

Les femmes-champions dans la mythologie irlandaise

 

d'après Peter Berresford Ellis

(Dictionary of Irish Mythology, Oxford, 1991)

 

boudicca.jpgPeter Berresford Ellis, historien et auteur de plusieurs nouvelles, a écrit aussi de nombreux ouvrages sur l'histoire et la culture celtiques, notamment The Cornish Language and its Literature (1974) et Celtic Inheritance  (1985). Il enseigne dans plusieurs universités et a présidé le premier Scríf-Celt,  soit la première foire du livre inter-celtique. Plus récemment, il a publié A Dictionary of Irish Mythology  (1987-1991/2ième éd.).

 

Dans ce dernier ouvrage, il mentionne notamment les «femmes-champions» de l'antique société irlandaise. Effectivement, comme dans toutes les sociétés celtiques primitives, les femmes bénéficiaient d'une parfaite égalité en droits avec les hommes. Elles pouvaient être élues à toutes les fonctions, hériter des richesses et détenir des propriétés de plein droit. En outre, les mythes et les sagas évoquent de nombreuses guerrières ou championnes. La plus célèbres des femmes de la mythologie irlandaise est Medb de Connacht. Au cours de l'une des innombrables batailles de Táin (il s'agit d'expéditions militaires en vue de s'emparer du bétail des tribus voisines; la mythologie irlandaise abonde en récits héroïques situés dans le contexte de telles expéditions), elle parvint à tuer le héros Cethren d'un coup de lance.

 

La mère du Roi mythologique Conchobhar, Nessa, est elle-même décrite comme une championne dans un passage du cycle relatant les exploits de son fils. Le héros le plus célèbre de la mythologie irlandaise, Cúchulainn, a été instruits en arts martiaux par Scáthach, une grande championne d'Alba (Ecosse). La sœur de cette Scáthach, Aoife, était également l'une de ces championnes. Quand Cúchulainn s'est mesurée à elle, il a dû avoir recours à un subterfuge pour la distraire et la vaincre.

 

La mythologie irlandaise évoque également Creidne, la championne du peuple des Fianna (une caste militaire dont les origines remontraient à 300 av. notre ère; les indépendantistes irlandais du 19ième siècle se nommaient en leur souvenir les «Fenians»; aujourd'hui le parti national-conservateur irlandais Fianna Fail, soit les «Soldats du Destin», rappelle leur existence; ils siègent au Parlement de Strasbourg à côté des représentants français du RPR). Autre championne: Coinchend, une guerrière aux dimensions monstrueuses, terrassée par le héros Art, un roi légendaire qui aurait vécu entre 180 et 250 de notre ère. A l'époque chrétienne, la «Vie de Sainte-Mochua de Balla» évoque deux guerrières dénommées Bec et Lithben. Il est significatif que dans toute la mythologie irlandaise, les batailles sont supervisées par des divinités féminines de la guerre.

 

L'histoire de l'Antiquité retient essentiellement le nom de la reine-guerrière Boudicca (Boadicea, Baudicée) de Bretagne (Angleterre) qui organisa un soulèvement contre les Romains en 60 de notre ère. Elle était la Reine des Iceni (une tribu qui vivait dans l'actuelle région anglaise d'East Anglia). Son nom signifie «La Victorieuse» (en langue irlandaise actuelle, Buadach; en gallois, Buddogal). Dans l'histoire médiévale irlandaise, la tradition nous rapporte l'existence au 13ième siècle d'une femme appelée Éabha Ruadh Mac Murchú, dont on dit qu'elle se nouait des pièces de fer dans ses longs cheveux roux avant chaque bataille.

 

Au 15ième siècle, Máire O' Ciaragáin se met à la tête de ses clans pour affronter les Anglais. On raconte qu'elle n'a jamais épargné un seul homme blessé ou assommé au combat. Un siècle plus tard, c'est l'une des Irlandaises les plus célèbres de l'histoire qui fait irruption sur la scène politique: Gráinne Ní Maillie, chef de son clan, leader d'une insurrection et capitaine de haute mer. Selon Sir Richard Bingham, c'est elle qui patronnait toutes «les rébellions du Connacht». Elle frappa tellement les imaginations anglaises que, selon le Lord Justice Drury, elle était «une femme qui avait dépassé les limites de sa féminité».

 

En somme, la tradition des femmes guerrières et championnes s'est perpétuée en Irlande en ce siècle avec l'indomptable Comtesse Markievicz (née Constance Gore-Booth), connue sous le nom de «Comtesse Rouge», parce qu'elle affichait haut et clair son socialisme. Elle fut la seule femme-officier en uniforme et en armes parmi les insurgés de la Pâques 1916. Elle est aujourd'hui une héroïne nationale en Eire. Condamnée à mort par fusillade par les tribunaux militaires britanniques pour avoir pris part à cette insurrection en pleine guerre, sur les arrières du front, elle fut grâciée «uniquement parce qu'elle était de sexe féminin». En décembre 1918, elle fut élue à la Maison des Communes britannique dans l'arrondissement de Saint Patrick à Dublin. C'était la première femme élue dans de telles conditions. Elle refusa de sièger dans la capitale ennemie, Londres, et rejoignit le Parlement des séparatistes, le Dáil Éirann, à Dublin. Elle devint ministre du travail le 2 avril 1919, dans le premier cabinet révolutionnaire de De Valera.

 

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