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mercredi, 01 décembre 2010

Les échecs des théories macroéconomiques en temps de crise

Les échecs des théories macroénomiques en temps de crise (résumé)

 

XXVIe université annuelle du Club de l’Horloge « La France en faillite ? Pourquoi nous croulons sous les dettes et les impôts » 9-10 octobre 2010

 
Intervention de Bertrand Lemennicier
économiste professeur à l'université Paris II

keynes.jpgLa macroéconomie enseignée dans les départements de sciences économiques est à l'origine de la crise économique mondiale de 2008 et contribue à la faire durer, parce qu'elle cautionne le laxisme budgétaire et monétaire des gouvernements et des banques centrales.

On doit la discipline que l'on appelle macroéconomie à J.M. Keynes. Dans son livre intitulé : La théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, c'est la première fois qu'un économiste raisonne en termes d'agrégats. Bien que le modèle développé par Keynes soit difficile à comprendre, d'où les débats récurrents sur ce que voulait dire Keynes, en revanche, le message politique que l'on pouvait tirer de ce livre était clair : laisser à lui même le marché était dans l'incapacité de sortir d'un « équilibre » de sous-emploi. Le gouvernement devait donc résoudre le problème du chômage, non pas en supprimant la « dole » (indemnité de chômage), comme le suggérait les économistes de son temps, mais en soutenant la demande agrégée.

Le modèle de Keynes ne pouvait être intégré dans la théorie traditionnelle, tant il était hors de la tradition, c'est une interprétation des idées de Keynes et de son modèle qui ont été intégrée dans la théorie économique. Cette interprétation est celle de Hicks-Hansen.

La macroéconomie moderne n'est qu'une variante, même 40 ans après, de l'interprétation hicksienne de la théorie générale de Keynes (lire Mr Keynes and the Classics paru dans Economica de 1937). Cette interprétation personnelle fortement éloignée du livre n'a pas été véritablement désavouée par Keynes lui-même, qui est décédé après la dernière guerre mondiale. C'est aussi la raison pour laquelle cette interprétation est toujours enseignée. Le modèle de Hicks a finalement été complété par l'« opus magnus » de Don Patinkin Money, Prices and Interest, qui achève l'intégration de la pensée de Keynes dans la théorie néo-classique dans les années 1965. Aujourd'hui, le modèle de Keynes est canonisé au travers du modèle d'offre et de demande agrégée (modèle DZ ou AS-AD) que l'on enseigne dans tous les départements de sciences économiques.

Ce modèle dévoile explicitement ce qui est resté de Keynes :

  1.  le raisonnement en termes d'agrégats;
  2.  l'idée d'une incapacité du mécanisme des prix à « équilibrer » les marchés pour des raisons institutionnelles;
  3. l'idée qu'en accroissant les dépenses agrégées par des politiques budgétaire ou monétaire, on peut assurer de manière permanente la prospérité et le plein emploi.

La remise en cause de la macroéconomie provient en fait de quatre sources :

  1.  l'échec des politiques de stabilisation budgétaire ou monétaire, avec les périodes de sous- emploi et d'inflation croissante;
  2.  l'impossibilité de prédire quel peut être l'impact d'une hausse de la demande agrégée sur les prix comme sur le niveau du produit national;
  3.  la révolution des anticipations rationnelles, avec son interprétation pessimiste sur l'impact des politiques économiques monétaire ou budgétaire;
  4.  la théorie des choix publics avec son interprétation de l'usage fait par les hommes politiques des politiques budgétaire et monétaire pour assurer les réélections des gouvernements au pouvoir.

Comme le rappelait Keynes lui-même, en attaquant les hommes politiques de son temps, ces derniers mettent en pratique les théories (sous-entendu dépassées) d'un économiste défunt. Cet adage de Keynes s'applique aussi à la théorie macroéconomique de Keynes. Les hommes politiques contemporains, en mettant en pratique cette théorie, sont, sans le comprendre, les responsables de la crise financière actuelle. En effet, ils mettent en œuvre à des fins électorales des politiques monétaires et budgétaires nuisibles pour l'ensemble de la collectivité :

1) une politique permanente de taux d'intérêt bas pour favoriser l'achat de logement (quand le bâtiment va, tout va). Cette politique engendre un excès permanent de demande de crédit sur l'offre d'épargne. Selon Knut Wicksell, L. von Mises et F. Hayek, elle maintient de manière permanente un taux d'intérêt inférieur au taux « naturel » du marché et elle est créatrice de crises financières et économiques et de déformations de la structure de production. Ces auteurs, qui ont développé cette explication des crises monétaires et bancaires, redeviennent d'une actualité brûlante et contredisent une croyance bien établie dans les milieux universitaires : les théories des anciens sont toujours dépassées par celles des jeunes !

2) une politique budgétaire expansionniste (un déficit public permanent pour satisfaire toutes les demandes de subventions de leurs clientèles électorales respectives) qui engendre un niveau de dettes publiques de plus en plus insoutenable.

Bertrand Lemennicier
économiste professeur à l'université Paris II

Correspondance Polémia – 28/10/2010

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