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vendredi, 11 février 2011

Pierre Le Vigan: c'est justement ce qui est gratuit qui va peser lourd...

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« C’est justement ce qui est gratuit qui va peser lourd. Parce que c’est rare ! »

Entretien avec Pierre Le Vigan

Jean-Marie Soustrade : Quelle vous parait être la priorité dans le domaine des idées ?

Pierre Le Vigan : C’est de penser un monde qui ne soit pas purement dominé par la raison instrumentale, par des usages des techniques soumis au profit, par l’individualisme calculateur. Il faut pour cela développer une critique de la raison libérale. Il faut aussi comprendre et mettre en œuvre des techniques plurielles, qui donnent plus d’autonomie et de diversité aux hommes et aux peuples et fassent naître des formes diverses de vie sociale, à l’opposé de la monoforme de l’homme robotisé. Le maintien et le développement des diversités doit être un objet essentiel de la réflexion.

J.-M.S : Que pensez-vous du nationalisme ?

P.L.V. : Toute xénophobie est à rejeter. Le « bon » nationalisme ne peut être, dès lors, que l’affirmation sereine de la nécessaire indépendance de la nation, de son rassemblement volontaire dans une communauté de nations qui doit être pour nous l’Europe, et non pas une quelconque « communauté atlantique ». De même que les nations africaines doivent viser – et elles l’ont bien compris sans pouvoir le faire – des unions régionales et une Union africaine. Si le terme nationalisme est retenu avec un sens positif (pourquoi pas ? de même qu’il peut y avoir un « bon socialisme »), ce ne peut être que sous la forme d’un nationalisme de libération et non d’expansion ou de domination, un nationalisme-révolutionnaire, qui révolutionne la conception de la nation dans un sens solidariste – la solidarité et la coopération entre travailleurs avant la compétition  et à la place de la lutte de tous contre tous  -, et un nationalisme européen. Le nationalisme-révolutionnaire en ce sens ne peut être « le nationalisme ancien + la révolution » (l’expansionnisme + une dose de social), c’est une nouvelle conception de la nation. C’est la conjonction de la prise en compte du besoin d’enracinement et de la nécessité de la justice sociale, et au-delà, d’une « société bonne ». Cela débouche bien entendu sur la remise en cause de la logique du capital et de l’accumulation.

J.-M.S : Que pensez-vous de la rivalité pour la succession de Jean–Marie Le Pen au Front national ?

P.L.V. : N’étant pas et n’ayant jamais été membre du F.N., je n’ai pas la moindre vocation à exprimer une préférence (ni un rejet) particulier. Ce qui m’intéresse, ce sont les enjeux en terme d’idées. Les partis politiques peuvent-ils représenter vraiment le ressaisissement de son destin par le peuple ? Peuvent-ils être le moyen d’un « bon populisme », et non d’un populisme démagogique ? Nous en sommes loin, et cela vaut pour tous les partis. Les expressions électorales sont nécessaires mais leurs limites en termes de création de lien social et de nouvelles relations entre les gens sont évidentes.

En outre, la « Nouvelle Droite » n’a pas du tout vocation à se positionner sur des choix politiques au sens étroit. Elle prend position contre les impérialismes et tout d’abord contre celui qui, au nom d’un certain Occident, et d’une certaine idée des droits de l’homme, constitue en fait un système à tuer les peuples. Il me semble que la priorité d’un travailleur intellectuel c’est d’essayer de comprendre les enjeux des affrontements dans le monde, et d’y voir clair sur les grandes tendances à la fois géopolitiques et sociétales. C’est ce qu’un certain nombre de gens essaient de faire, autour de la revue Éléments, le magazine des idées, en particulier, et aussi sur des sites électroniques dont le votre, et c’est là qu’est la priorité et pas ailleurs.

Nous refusons à la fois la perte des énergies dans les querelles politiques au sens étroit et l’érudition vaine et désincarnée dans laquelle certains se complaisent. Quant à l’engagement politique, cela fait plus de trente ans que certains nous disent qu’il y a urgence à « agir », que « demain il sera trop tard ». Pour faire quoi ? Qu’ont-ils empêchés ? Ont-ils fait reculer la marchandisation du monde ? Ont-ils créé une puissante contre-culture ? Ont-ils créé un mouvement de masse contre l’impérialisme américain, un mouvement de solidarité avec les pays d’Amérique du sud qui secouent le joug ? Nous, à la N.D., avons sans cesse formulé et reformulé nos convictions en fonction des nouvelles configurations du monde mais sans nous rallier à la pensée unique. Ce n’est pas rien.

Résultat : dans la vie des idées, la N.D. est un pôle non négligeable. N’étant pas « modernes », nous n’avons pas la prétention d’avoir réponse à tout ni d’avoir toujours raison. Il est vrai qu’il reste beaucoup de travail à faire, en traductions notamment. Avis aux bonnes volontés. Mais osons dire qu’il y a peu de chance que le lecteur régulier d’Éléments s’abêtisse. Par contre, il sera poussé peut-être à se remettre en question. Nous ne proposons pas ce que l’excellent Marcel Aymé appelait le « confort intellectuel ». Le travail intellectuel, au contraire, c’est du travail d’artisan, déterminé et consciencieux. C’est une voie digne qui ceux qui aiment la rigueur, le courage tranquille, la gratuité des échanges d’idées. Ces gens-là existent. C’est justement ce qui est gratuit qui va peser lourd. Parce que c’est rare.

 • Propos recueillis par Jean-Marie Soustrade, le 19 octobre 2010.


Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

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