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samedi, 19 février 2011

La politique actuelle d'un point de vue schmittien

LA POLITIQUE ACTUELLE D’UN POINT DE VUE SCHMITTIEN

Ex: http://agoradedroite.fr/

Chronique de Julien Rochedy

Nous le savons, Carl Schmitt est un politologue controversé : ne lui furent pas pardonnées ses accointances avec le national-socialisme triomphant en Allemagne, son pays, même s’il fut, à la fin, surveillé par la SS ; ou même s’il fut, avant 33, un opposant à Hitler. Qu’on le prenne avec des pincettes ou non, il reste un des plus grands spécialistes de la sociologie politique du XXe siècle, digne héritier de Max Weber et écrivain extrêmement prolixe, dans de nombreux domaines, qui vont du droit constitutionnel à la polémologie.

Nous le savons aussi, la définition de Schmitt de la « politique », au sens strict, a de quoi surprendre par son apparence violente : la politique, ce serait pour lui le lieu du conflit, le domaine dans lequel naitrait et vivrait une opposition caractérisable par une dialectique ami/ennemi. En somme, un groupement politique comme un parti doit nécessairement se fixer un ennemi, et toute son idiosyncrasie à son encontre doit être d’une humeur belliqueuse, conflictuelle, afin qu’il soit, à proprement parler, politique.

Regardons donc notre politique actuelle avec des yeux schmittiens, et tâchons de saisir les différentes oppositions ami/ennemi qui doivent, normalement, la constituer. La gauche et la droite semblent être toujours les deux adversaires principaux, les deux parties au conflit qu’est la politique. Cependant, lorsque nous regardons le PS et l’UMP, il est difficile d’appréhender l’ennemi que chacun détermine pour son camps ; précisons : il y a fort à parier qu’en demandant aux cadres respectifs de ces deux grands partis quel serait leur ennemi, ils répondent chacun de manière floue, car idéologiquement parlant, ces deux comparses sont sur la même ligne, s’échangent même parfois les ministres grâce au principe de « l’ouverture », et mènent, peu ou proue, une politique semblable, pour la simple et bonne raison qu’ils ont tous deux les mêmes amis : l’Union Européenne, la mondialisation, les Etats-Unis, la politique libérale, etc. Ayant les mêmes amis, comment, dès lors, discerner une opposition réelle entre eux ? Comment croire que « l’ennemi », dans la dialectique qui fonde le politique, soit pour eux, dans le même temps, l’ami de leurs amis ? C’est donc que cette opposition est biaisée ; or, si cette dialectique est défaillante, c’est qu’il n’existe plus en eux, chez eux, de politique à proprement parler. Par conséquent, Le PS et l’UMP, si l’on s’arrêtait à leur conflit d’apparat, ne feraient en vérité plus de politique.

Mais puisque ces deux partis majoritaires sont dans le jeu politique, le dominent et le mènent, il faut bien tout de même qu’ils aient des ennemis, même s’ils ne sont pas officiels. Quoique, là encore, un peu de perspicacité, quelques coups d’œil et un brin de probité permettent de découvrir que leur ennemi principal se trouve être, en vérité, celui qui remet en cause le système libéral dont ils sont à la fois les gérants et les humbles exécutants. Officiellement, ils ne disent pas tout à fait cela, surtout à gauche où l’on s’accommode parfaitement du système, mais pas encore du mot (libéral). Comme ersatz rhétoriques, ils disent combattre « l’intolérant », le « fanatique » ou « l’extrémiste », qui est en fin de compte, presque à chaque fois, qu’un simple opposant à ce système.

Les partis dits « extrémistes », l’extrême-gauche et l’extrême-droite, seraient donc les seuls à assumer complètement, dans une vraie transparence, la dialectique ami/ennemi. Car autant pour l’un que pour l’autre, c’est le système libéral mondialiste qui est l’ennemi, et eux ne se partagent pas les amis (sauf pour l’extrême-gauche, qui coltine parfois avec les partis au pouvoir dans tout ce qui a trait aux conséquences du libéralisme mondialisé : la révolution des mœurs, l’immigration etc.). La logique du conflit étant plus prégnante chez eux, l’opposition étant plus claire, plus assumée, plus nette – c’est à croire que la politique, au sens schmittien, n’existerait réellement que chez eux. Seuls les partis que l’échiquier en vigueur placerait aux extrêmes feraient, en somme, de la politique. Le reste ne serait que du secrétariat.

Ce point de vue schmittien de la politique, s’il est original et sans doute pas tout à fait valable à cent pour cent, a au moins le mérite de nous faire réfléchir et de remettre en cause l’idée que la politique ne serait faite que par ceux qui seraient véritablement aux manettes, les autres n’ayant qu’une fonction tribunicienne, et qui devraient toujours souffrir du reproche de leur soi-disant inutilité. En effet, combien de fois avons-nous entendu des membres de l’UMP dirent à ceux du Front National qu’ils ne servaient à rien, si ce n’est râler, sous prétexte qu’ils n’obtenaient jamais le pouvoir ? Et de même aujourd’hui pour le PS à l’égard du Front de gauche de Mélenchon ?

Mais si, en fait, il n’y avait plus qu’eux qui faisaient de la… politique ?

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