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samedi, 07 janvier 2012

La mémoire manuscrite de l'Egypte en fumée

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La mémoire manuscrite de l'Egypte en fumée

Décidément, les révolutions n'aiment pas la culture!

Ex: http://www.metamag.fr/

« Du passé faisons table rase » Horrible formule des révolutions qui veulent changer le monde et construire l’avenir en détruisant le passé. Le pire des fanatismes est celui de croire que les valeurs du moment sont supérieures à toutes les autres et exigent, au passage, leur destruction

On connaît les visages de Ramsès martelé par les Chrétiens ou la fin présumée de bibliothèque d’Alexandrie déjà incendiée par la guerre de César, puis ravagée, définitivement, par le fanatisme islamiste – déjà ! L’Egypte, décidément trop gâtée culturellement par les anciens dieux, paye le prix fort chaque fois aux obscurantistes et à la violence de ceux qui pensent, souvent, qu’un seul livre suffit.

La France a demandé en début de semaine aux autorités égyptiennes «une enquête exhaustive et transparente sur les origines et les responsabilités » de la destruction de l’Institut d’Egypte au Caire, fondé par Napoléon Bonaparte. Les circonstances de l’incendie du bâtiment, situé près de la place Tahrir, restent encore obscures. Alors, bien sûr, il faudra savoir ce qui s'est passé: un accident lors d’un affrontement, une provocation des forces de l’ordre pour discréditer les manifestants ou la manifestation d’un obscurantisme fanatique d’une partie de la foule?


Une passion française pour l’Egypte antique en fumée

Les victimes des troubles égyptiens ne se comptent plus seulement en nombre de morts, mais également en trésors culturels. L’inquiétude des premiers jours s’est concrétisée. Avec l’incendie de l’Institut d’Egypte, au Caire, le pays a perdu un de ses fonds les plus précieux. Depuis, officiels et manifestants s’accusent mutuellement d’être à l’origine de ce sinistre. Mais les faits sont là… Le printemps du Caire est devenu un hiver culturel pour un établissement unique au monde, fruit d’une passion française pour l’Egypte antique.

L’Institut d’Égypte a été fondé, en 1798, par Napoléon Bonaparte durant la campagne d’Egypte. Il regroupait 200 000 ouvrages rares et documents iconographiques originaux. Le bâtiment, incendié dans la nuit du vendredi 16 au samedi 17, date, quant à lui, du début du XXe siècle. Dans un communiqué, l’armée a accusé les manifestants "casseurs et drogués" d’être à l’origine du drame. C’est très possible. L’Institut d’Égypte se trouve à quelques dizaines de mètres de la place Tahrir.

Sur des photos cependant, prises alors que le bâtiment était encore en feu, on voit des gens présentés comme des "baltaguya", les milices proches du pouvoir, lancer des pierres sur les manifestants depuis le toit. Mais comment distinguer des civils qui s affrontent ?

Que reste-t-il des ouvrages de l'Institut d'Égypte? L'inventaire risque d'être long et le préjudice immense. La majeure partie de ce fonds n'était pas numérisée. Les 22 employés, ainsi que deux membres de l'Unesco et des volontaires, ont dû mettre sous sacs plastique des pages en partie calcinées et des volumes noircis. «Nous avons extrait onze containers d'archives", évaluait le secrétaire général, Abdel Rahman al-Charnoubi. "Il restait encore deux sous-sols à dégager

Le reste des rayonnages d'un bâtiment menaçant, désormais, de s'écrouler est parti en fumée. Bernard Valero, le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, a pointé «un drame pour la culture universelle, qui illustre les graves dangers que court le patrimoine de l'humanité qu'abrite l'Égypte.» Il a ajouté que «la France était prête à examiner toute demande de soutien à une réhabilitation de l'Institut».

En fin de journée, le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, proposait  de mobiliser le savoir faire de la Bibliothèque nationale de France . «L'action de cette institution a déjà été déterminante pour la sauvegarde de l'Institut des belles-lettres arabes en Tunisie.» Pour sa part, l'homologue égyptien de M. Mitterrand a qualifié le sinistre de «catastrophe pour la science», et annoncé la «formation d'un comité de spécialistes de la restauration des livres et des manuscrits quand les conditions de sécurité le permettront». Notre ministre aurait dû se rendre sur place immédiatement.

Dans d'autres palais contigus, Bonaparte avait fait installer une ménagerie, des laboratoires, ateliers et magasins où l'on déposait des collections de toute sorte. C'est de ce «quartier de l'Institut» que partaient les explorateurs et premiers égyptologues. Leur énorme moisson a donné naissance à un ouvrage unique et monumental: "La Description de l'Égypte".

Des autodafés moins graves que d’autres

Dès février 1802, Bonaparte, devenu Premier consul, en a ordonné la publication. La parution s'étendra sur quelque trente années. Elle mettra à contribution 43 auteurs, 80 artistes et 294 graveurs. Divisée en trois parties -Antiquité, Histoire naturelle et État moderne- la Description comprend 157 mémoires, 47 cartes géographiques et 925 planches, dont certaines atteignent un mètre de longueur. Une presse spéciale a été mise au point pour l'impression par Nicolas Conté. Et il a fallu fabriquer un meuble spécifique pour contenir ses vingt volumes. La Description est à la source de l'égyptologie, dont le déchiffrement des hiéroglyphes.

L'Egypte ne connaîtrait pas elle-même son passé sans ce  travail français. Est-ce cela que les manifestants ont voulu détruire ou la mémoire d’une Egypte qui n’était pas musulmane et arabe? On peut espérer se tromper sans en être sûr. Mais même s'il s'agit d'un dégât collatéral d’une révolution prétendument démocratique, ce ne sera pas d’une grande consolation.

Ce saccage d’un apport français unique au patrimoine culturel mondial n'a pas, finalement, bouleversé la presse, si sensible à s’émouvoir par ailleurs de la présence dans nos musées de reliques d'autres cultures. On sait pourquoi.

Il ne faut pas dire du mal de la révolution égyptienne qu’il faut soutenir par idéologie malgré sa dérive islamiste de plus en plus évidente. Et si, au passage, brûle un trésor écrit irremplaçable, que Mehmet Ali, Farouk, Nasser et Moubarak avaient admiré et protégé, le "printemps arabe" mérite bien qu’on l’inscrive aux profits et pertes des mouvements populaires. Il y a, décidément, des autodafés moins graves que d’autres.

 

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