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mercredi, 18 mars 2015

États-Unis : Sanctions contre Douguine, le théoricien du nouvel impérialisme russe

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États-Unis : Sanctions contre Douguine, le théoricien du nouvel impérialisme russe

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Alexandre Douguine, penseur atypique, défend depuis longtemps le dépeçage de l’Ukraine au nom de sa vision d’une Russie « eurasiatique », influençant le Kremlin et une partie des radicaux européens.

Les États-Unis viennent de publier une nouvelle liste de 14 personnes à sanctionner pour leur rôle dans la crise ukrainienne. Au milieu des militaires, des personnages politiques favorables à l’ancien régime ou aux nouvelles républiques autoproclamées de l’Est du pays, figure un intellectuel russe, Alexandre Douguine.

Ce personnage atypique prône, depuis des années, le retour d’une grande Russie «eurasiatique», avec l’oreille attentive du Kremlin comme l’histoire récente l’a montré.

Si Douguine est très peu connu en Occident, il est en Russie un personnage public, notamment grâce à ses succès en librairie. Intellectuel, théoricien géopolitique, il prend part à la vie politique russe.


Né en 1962 au sein d’une famille de militaire, il est aujourd’hui facilement reconnaissable avec sa barbe biblique qui lui donne un petit air de Raspoutine. Politiquement, il a débuté chez les monarchistes, avant de passer chez les communistes puis de devenir l’idéologue du Parti national-bolchévique.

Autre figure de ce mouvement, l’écrivain Limonov dira de lui qu’il est le «Cyrille et Méthode du fascisme». Il est en effet devenu «le seul doctrinaire d’ampleur de la droite radicale russe», selon la spécialiste Marlène Laruelle*.

Eurasie et anti-américanisme

Douguine est aujourd’hui considéré comme le chantre du «néo-eurasisme», cette théorie géopolitique qui veut redonner à la Russie sa splendeur, sa puissance et sa sphère d’influence des époques soviétique et tsariste. Et même au-delà, puisqu’il préconise l’intégration de la Mandchourie, du Tibet ou de la Mongolie à cet espace.

En Europe, les Pays-Baltes et les Balkans doivent selon être réintégrés. Quant à l’Ukraine, elle devait être dépecée: bien avant les évènements de l’an dernier, il réclamait la division du pays selon les sphères d’influence de Moscou et de Kiev.

Le développement de cette puissance russe «eurasiatique», va de pair avec un très fort anti-américanisme, et un anti-atlantisme, qui semble ne pas avoir échappé à Washington.

Une influence sur Poutine?

Alexandre Douguine a ses entrées auprès du pouvoir. Il est depuis longtemps conseiller à la Douma, le Parlement russe. Il possède également une certaine influence auprès de l’Académie militaire russe. On ne sait pas, en revanche, s’il voit souvent le président Vladimir Poutine. Il y a eu entre eux des hauts et des bas. Quand on le questionne sur le sujet, Douguine reste évasif.

Le retour de Poutine semble être une période favorable. «À l’évidence, l’influence de Douguine est considérable […] Dans ses derniers discours, le président [Poutine] adopte ses thématiques et même sa phraséologie. C’est effrayant», témoignait l’an dernier un conseiller du Kremlin.

Au-delà du Kremlin, ses thèses ont depuis longtemps franchi les frontières russes pour être adoptées par une partie de l’extrême droite européenne, qui le considère comme l’un de ses prinicpaux penseurs. En France, de nombreux nationalistes russophiles s’y réfèrent et Douguine, que l’on a pu voir à Paris lors d’une Manif pour tous, dit «bien connaître» Jean-Marie Le Pen.

«Nous ne voyons absolument pas le lien entre tout ce qui s’est passé dans les sud-est de l’Ukraine et ces sanctions», a réagi, à l’annonce des sanctions, le vice-ministre des Affaires étrangères russes, Sergueï Ryabkov. La décision américaine montre que les États-Unis ne sous-estiment pas le rôle de Douguine dans les derniers développements de la politique extérieure russe

Notes:

* Marlène Laruelle. La Quête d’une identité impériale. Le néo-eurasisme dans la Russie contemporaine. Editions PETRA. 2007.

Le Figaro

Les enfants de l'idéologie libérale-libertaire

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Les enfants de l’idéologie libérale-libertaire

par Paul Haram

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Dresser un portrait de la jeunesse actuelle ne peut se faire sans essayer de comprendre les tenants et les aboutissants de la révolution culturelle de mai 1968 qui a façonné l’idéologie libérale-libertaire qui nous domine toujours.

A l’époque, le fossé des générations sans précédent, « un événement mondial, quelque chose qui ne s’était encore jamais produit avec cette simultanéité et sur une telle échelle » a eu comme conséquence que les jeunes, se sentant « étrangers à leurs parents » [1], ont voulu imposer leur vision du monde à la société. Ils n’ont pas essayé d’élaborer une société représentative des différentes générations qui la composaient mais, au contraire, ont imposé leur génération comme socle de la nouvelle ère. Génération des mots d’ordre « il est interdit d’interdire » et « CRS SS », cette nouvelle ère a alors blâmé l’autorité comme valeur de la vieille génération ringarde au profit du développement personnel comme valeur de la jeune génération oppressée.

De cette révolution culturelle opérée par les jeunes bourgeois de l’époque s’en est alors suivi une forte alliance – celle que l’on se plaît à nommer l’idéologie libérale-libertaire – entre d’une part le libéralisme économique et d’autre part le libéralisme culturel, les deux poursuivant une logique semblable : celle de l’illimité.

Le libéralisme est une doctrine économique « qui se donne le marché pour seul fondement, avec pour alliées naturelles l’initiative privée et la libre concurrence » [2]. Il faut rajouter à cette définition qu’une des fonctions du libéralisme économique est la volonté d’accumuler toujours plus, de manière croissante, des capitaux et des profits. De son côté, le libéralisme culturel est la volonté d’étendre toujours plus les droits subjectifs des individus en écartant tout procédé qui serait susceptible de les limiter. Les deux fonctionnent désormais de paire : le libéralisme culturel créant de nouveaux marchés pour le libéralisme économique et le libéralisme économique approfondissant toujours plus le libéralisme culturel.

Cette alliance, somme toute logique, est le fruit du combat qu’ont mené les soixante-huitards contre toutes les formes d’autorité afin qu’ils puissent jouir sans entraves. Néanmoins, certaines formes d’autorité légitimes sont nécessaires pour construire une société ambitieuse, soucieuse de transmettre son héritage aux générations suivantes et respectueuse de la fonction des individus qui la composent.

Les jeunes soixante-huitards ayant assimilé l’autorité au fascisme, les rapports intergénérationnels qui ont suivi les événements de 1968, selon le pédopsychiatre Patrice Huerre, « se sont un peu dilués dans une bienveillance apparente des adultes, qui souhaitaient rompre ainsi avec la période antérieure et favoriser le dialogue et l’épanouissement de chacun, refusant l’opposition et le conflit » [3]. Si l’intention d’abandonner toute forme d’autorité, au profit d’une flexibilité, peut paraître alléchante, il n’en reste pas moins que l’enfer est pavé de bonnes intentions, et que celle-ci a entraîné des conséquences néfastes pour la jeunesse contemporaine.

La délégitimation de la fonction paternelle

Aujourd’hui, la société dans son ensemble ne soutient plus la fonction paternelle dans la famille comme l’a constaté le psychanalyste Jean-Pierre Lebrun : « c’est dans un mouvement de va-et-vient, que fonction paternelle et société se délégitiment aujourd’hui mutuellement de leur tâche ; c’est bien de ne plus être soutenue par le social que la fonction paternelle décline » [4] . En effet, désormais, les parents se doivent d’écouter leur enfant et se soucier principalement de son émancipation individuelle. L’autorité que le père est censé incarner s’étiole donc dans un souci de compréhension de l’enfant. A tel point que l’on ne pourrait désormais plus parler de couple père et mère mais de couple mère et mère bis, ce qui ne laisse pas sans poser de problèmes.

Le père est celui qui apprend l’altérité à l’enfant. Il est celui qui apprend à l’enfant que la mère n’est pas toute à lui puisqu’il demeure en couple avec elle. Il est aussi un Autre plus lointain que la mère – car il n’est pas aussi proche physiquement de son enfant que la mère l’a été – et avec qui l’enfant va pourtant devoir composer. Il vient donc annoncer à l’enfant qu’il n’existe pas que la relation duelle avec sa mère, mais qu’il peut et doit aussi exister une relation avec un tiers. Le père vient donc introduire l’enfant au monde, à ce qui est différent. Il vient donc aussi montrer à l’enfant l’existence d’une dissymétrie entre lui et la mère et non une symétrie.

L’idéologie libérale-libertaire a pourtant délégitimé ce rôle du père en l’assignant au même rôle que celui de la mère, les deux étant désormais astreints à se nommer simplement parents, papa et maman et pourquoi pas parent 1 et parent 2. Jean-Pierre Lebrun va même plus loin en expliquant qu’il y a un « désaveu de la fonction paternelle pouvant mener jusqu’au triomphe de l’emprise maternante » [5]. Or la symétrie n’invite pas l’enfant à connaître l’altérité, la différence. Elle ne permet pas non plus à l’enfant de connaître l’absence et le manque de la mère car le père n’est plus l’étranger qui vient le retirer de sa relation fusionnelle avec elle. En assignant au père le même rôle qu’une mère, c’est-à-dire en lui retirant ce qui fait sa fonction initiale (l’intervention tierce, l’ouverture à l’altérité…) et en laissant s’installer une relation continue sans manque et pleine de jouissance entre l’enfant et la mère « on tend à provoquer l’annulation de tout manque, donc l’extinction de tout désir, du fait de l’empêchement de se déployer vers autre chose, vers un ailleurs que la présence maternelle » [6].

Place est faite alors à la continuité, à l’immédiateté, à l’absence d’absence, au tout plein et au « maternage qui est privilégié au détriment du dématernement » [7]. Et cela profite beaucoup au libéralisme économique qui fonctionne sur un système où la limite n’a pas lieu d’être au profit de l’incitation à une consommation toujours plus importante.

C’est ce qui amène Jean-Pierre Lebrun à affirmer que « l’espèce de cordon ombilical que représente aujourd’hui l’usage du téléphone portable, la coupure sous toutes ses formes vécue comme un traumatisme qu’on refuse de subir, la prégnance de l’image télévisuelle qui échappe à la discontinuité, [sont] autant d’exemples de situations qui, sans avoir de rapport direct avec la relation à la mère, ont pourtant bien un rapport avec le fait d’entériner comme souhaitable un fonctionnement maternant et de discréditer toute tentative de mettre en cause un tel fonctionnement » [8].

intoy6n0b20.pngL’absence de dissymétrie entre père et mère conduira aussi l’enfant, qui ne connaît pas la différence, à vouloir éviter le conflit au profit du consensus car il n’a pas les capacités de se confronter à ce qui est différent. En effet, la différence de l’autre fait peur et les idées des autres, les idées étranges, n’intéressent pas car à s’y confronter elles engendreraient des conflits. Ne pas être capable de s’ouvrir à la différence des autres et des idées produit le monde du consensus, de la totalité.

C’est ce qui amène Jean-Pierre Lebrun à affirmer que « ce à quoi on assiste, c’est au triomphe du consensualisme, autrement dit de l’amour ! Mais d’un amour qui croit pouvoir rester en deçà de la césure, de la discontinuité, de l’asymétrie, de la rupture. C’est-à-dire d’un amour qui voisine uniquement avec la structure de l’amour maternel, celui de la mère pour son enfant et de l’enfant pour sa mère » [9].

La délégitimation de la fonction de l’Ecole

Avec l’autorité du père délégitimée par la société c’est aussi l’autorité du professeur qui est invalidée. En effet, comme l’explique Jean-Pierre Lebrun, « là où le système familial donnait la première clef de la confrontation avec le dissymétrique, avec la différence des places, ce qui risque d’être aujourd’hui proposé, c’est un monde où chacun occupe la même place, un univers où les relations ne connaissent plus aucune contrainte, aucune donne qui ne dépende pas que de moi » [10]. L’enfant, sans l’intervention du père comme tiers, comme autre et comme étranger, ne peut pas avoir conscience de la place hiérarchique qu’occupe les individus dans la société. Le professeur occupe donc à ses yeux une place amoindrie à celle qu’il devrait occuper réellement.

Aussi, ce qui caractérise la société libérale contemporaine est la permissivité des parents dans leur manière d’éduquer leur enfant. Christopher Lasch, dans son ouvrage La culture du narcissisme, faisait déjà état de ce constat relativement à la situation aux États-Unis lors des années 1970 en citant Arnold Rogow, un psychanalyste. Selon ce dernier, les parents « trouvent plus facile, pour se conformer à leur rôle, de soudoyer que de faire face au tumulte affectif que provoquerait la suppression des demandes des enfants ». Christopher Lash ajoute à son tour qu’ « en agissant ainsi, ils sapent les initiatives de l’enfant, et l’empêchent d’apprendre à se discipliner et à se contrôler ; mais étant donné que la société américaine n’accorde plus de valeur à ces traits de caractère, l’abdication par les parents de leur autorité favorise, chez les jeunes, l’éclosion des manières d’être que demande une culture hédoniste, permissive et corrompue. Le déclin de l’autorité parentale reflète « le déclin du surmoi » dans la société américaine dans son ensemble » [11].

Si d’un côté le professeur n’est pas identifié aux yeux de l’enfant comme détenant une autorité légitime à laquelle il faut se plier à l’école et que dans le même temps l’idéologie libérale-libertaire incite les parents à faire preuve de laxisme dans l’éducation de leur enfant, il est évident que la transmission des savoirs dont le professeur est le garant ne peut plus s’opérer de manière efficace. De toute manière, l’école a abandonné depuis longtemps son rôle de transmettre les savoirs élémentaires (savoir lire, écrire, compter) au profit du développement individuel de l’enfant. Les programmes scolaires ne chargent plus le professeur d’enseigner des « savoirs » mais le chargent de développer les « compétences » des élèves.

Christopher Lasch, en critiquant les dérives de l’école américaine des années 1970, nous dresse un tableau qui est loin d’être sans liens avec les transformations contemporaines de l’école française. Il nous explique que les réformateurs progressistes de l’époque souhaitaient une école qui réponde aux besoins des élèves et qui les encourage dans leur créativité. Selon lui « deux dogmes, parmi les plus importants, gouvernent l’esprit des éducateurs américains : premièrement, tous les étudiants sont, sans effort, des « créateurs », et le besoin d’exprimer cette créativité prime celui d’acquérir, par exemple, la maîtrise de soi et le pouvoir de demeurer silencieux » [12]. Ce constat pourrait être, mots pour mots, celui dressé pour décrire les idées de nos intello-bobo français actuels qui alimentent les colonnes de Libération et Le Monde avec leurs théories visant à construire l’école du progrès.

En France, actuellement, le souci de l’école d’accompagner les élèves dans leur développement personnel en favorisant leur créativité et non en les soumettant à l’autorité du professeur pour leur apprendre à maîtriser les savoirs essentiels est couplé avec le souci bourdieusien de ne pas reproduire les classes sociales. Néanmoins, c’est tout l’inverse qui se produit. Tout comme Christopher Lasch l’explique, « les réformateurs, malgré leurs bonnes intentions, astreignent les enfants pauvres à un enseignement médiocre, et contribuent ainsi à perpétuer les inégalités qu’ils cherchent à abolir » [13]. Effectivement, je me souviendrais toujours d’une professeur d’Histoire-Géographie dans le lycée où je travaillais en tant que surveillant à côté de mes études de droit qui, dans l’intention d’enseigner sa matière de manière ludique et attractive, basait principalement son cours sur la projection de films documentaires. Il se trouve que ce lycée, situé dans le quartier du Marais à Paris, était composé à la fois d’élèves provenant de l’immigration et d’une classe sociale défavorisée du 19ème arrondissement ainsi que d’élèves provenant d’une classe sociale aisée du 3ème arrondissement. Les élèves qui parvenaient le mieux à retenir avec précision le contenu des documentaires étaient sans surprise ceux du 3ème arrondissement tandis que les élèves qui avaient du mal à retenir le même contenu étaient ceux provenant du 19ème arrondissement. Pourtant, le fait de baser essentiellement son cours sur des films documentaires était une manière pour cette professeur d’échapper à un enseignement magistral qu’elle jugeait élitiste. Comme l’explique alors à nouveau Lasch, concernant l’école américaine avec laquelle on peut faire un parallèle avec l’école française actuelle, « au nom même de l’égalitarisme, ils [les réformateurs] préservent la forme la plus insidieuse de l’élitisme qui, sous un masque ou sous un autre, agit comme si les masses étaient incapables d’efforts intellectuels. En bref, tout le problème de l’éducation en Amérique pourrait se résumer ainsi : presque toute la société identifie l’excellence intellectuelle à l’élitisme. Cela revient à garantir à un petit nombre le monopole des avantages de l’éducation. Mais cette attitude avilit la qualité même de l’éducation de l’élite, et menace d’aboutir au règne de l’ignorance universelle » [14].

L’école est désormais devenue le lieu où la jeunesse avec ses codes, ses attentes et ses désirs s’impose au professeur, bon gré mal gré. L’enseignant n’est plus celui qui transmet les savoirs et les découvertes scientifiques que lui seul est supposé connaître, mais celui qui doit s’efforcer de rattraper son retard sur les nouveautés technologiques que les jeunes maîtrisent mieux que lui afin d’y conformer son enseignement.

C’est ce qui amène Alain Finkielkraut à déplorer qu’aujourd’hui « être vieux, autrement dit, ce n’est plus avoir de l’expérience, c’est, maintenant que l’humanité a changé d’élément, en manquer. Ce n’est plus être le dépositaire d’un savoir, d’une sagesse, d’une histoire ou d’un métier, c’est être handicapé. Les adultes étaient les représentants du monde auprès des nouveaux venus, ils sont désormais ces étrangers, ces empotés, ces culs-terreux que les digital natives regardent du haut de leur cybersupériorité incontestable.

A eux donc d’intégrer le changement d’ère. Aux anciennes générations d’entamer leur rééducation. Aux parents et aux professeurs de calquer leurs pratiques sur les façons d’être, de regarder, de s’informer et de communiquer de la ville dont les princes sont les enfants. Ce qu’ils font, sur un rythme endiablé et avec un zèle irréprochable, soit en numérisant les outils pédagogiques, soit, comme le montre Mona Ozouf dans un article du Débat, en adaptant les manuels non encore dématérialisés à la nouvelle sensibilité numérique » [15]. Ce qui est regrettable, c’est que le professeur n’a plus pour fonction d’imposer d’en haut un cadre limité propice à la transmission des savoirs, mais de se faire imposer par en bas un cadre aux limites fluctuantes et fonctions des nouvelles technologies dont les enfants sont les maîtres afin de leur transmettre des connaissances via un support dont ils sont devenus addicts.

Le professeur, étant désormais dépourvu de toute autorité et en accord avec le « fonctionnement maternant » de notre société, n’initie plus une coupure dans l’utilisation des nouvelles technologies utilisées en continu par les élèves mais, au contraire, accepte leur utilisation permanente.

L’école, prise d’assaut par les tenants de la nouvelle pédagogie du développement personnel de l’enfant, n’est plus un lieu où le professeur vérifie, sans culpabiliser, par des contrôles de connaissance et en attribuant des notes que les savoirs qu’il a transmis à l’élève ont bien été compris et appris mais un lieu où l’on débat de la pertinence de la notation, celle-ci étant vue comme une sanction traumatisante pour ledit élève. Si à partir d’une mauvaise note traumatisme il y a, c’est bien parce que l’enfant n’est plus habitué à cette confrontation à l’altérité que doit initier l’intervention du père comme agent de l’autre de la mère. C’est bien parce que le « non ! » du père qui vient poser un cadre et une sanction à l’enfant dépassant une limite n’est plus opéré à cause d’une délégitimation de son autorité par la société que les élèves se sentent blessés par une mauvaise note. Pourtant, la notation est nécessaire car, comme l’estime Jean-Pierre Lebrun, « si plus personne ne dit à l’enfant : « Ton travail n’est pas bon », ce qui veut dire aussi : « Tu peux faire mieux », l’enfant reste livré à lui-même, orphelin d’un appui dont il a besoin » [16]. Néanmoins, au lieu de prendre le problème dans le bon ordre, c’est-à-dire en considérant que si l’élève est ébranlé par une mauvaise note la raison est à trouver dans la délégitimation de l’autorité du père par la société, le mouvement actuel est plutôt, désormais, de débattre de l’opportunité des fessées données par les parents à leurs enfants.

 

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Une délégitimation par une société jeuniste

Les adolescents d’aujourd’hui ne sont plus les marginaux qu’ils étaient hier. Notre société entière, désormais, respire l’adolescence dans son mode de fonctionnement. « Le rapport au temps, ce culte de l’immédiat si cher aux adolescents – « c’est l’instant et l’immédiat qui compte, je dois avoir tout de suite » – imprègne toute la société. En ce sens la société adulte est très adolescente dans son fonctionnement » nous explique Patrice Huerre [17]. Il ne faut donc pas s’étonner que l’autorité du père et du professeur soit invalidée par la société dans son ensemble. La révolution culturelle de mai 1968 n’a pas établi un partage intergénérationnel des fonctions qui aurait pu régir le mode de fonctionnement de la société contemporaine mais a imposé le dictât il est interdit d’interdire propre à l’adolescence et qui nous gouverne actuellement.

Ainsi, les rites et les événements qui permettaient de passer de l’adolescence à l’âge adulte n’existent plus. Il n’est pas rare de voir, sur la rive droite parisienne, des papas revenant de l’école avec leur enfant, la casquette à l’envers et le skate à la main. Les adolescents ont de moins en moins de modèles plus âgés qui leur montrent ce qu’est être adulte. Les publicités font le culte de la jeunesse en déployant tout un arsenal d’images et de slogans pour nous convaincre coûte que coûte qu’il faut rester le plus jeune possible. Le service militaire qui permettait d’opérer une étape pour quitter l’adolescence et le foyer parental n’existe plus et il s’opère, désormais, tout le contraire puisque les jeunes restent de plus en plus longtemps chez leurs parents.

Ce n’est pas l’adolescence qu’il faut critiquer, celle-ci étant une étape de la vie nécessaire. C’est plutôt la validation de l’adolescence comme modèle de fonctionnement de la société et l’invalidation, par la société, de l’autorité des plus âgés (pères, mères, professeurs,…) qu’il faut critiquer. Cela ne veut pas non plus dire qu’il faut faire une éloge réactionnaire de l’autorité absolue des plus âgés sur les plus jeunes. Il faut, en restant dans la juste mesure, bâtir une société où le dialogue intergénérationnel est possible et où la transmission de l’héritage culturel, des savoirs, des traditions de nos aînés et de nos morts s’opère afin que les plus jeunes, une fois devenus plus vieux, transmettent à leur tour cet héritage garni et enrichi avec le temps. Pour cela, et contrairement à aujourd’hui, il faut que chaque individu se voit attribué, dans la société, la place qui lui revient (la place du Père au père, celle de la Mère à la mère, celle du Professeur au professeur,…). Mais pour cela, je crains qu’il ne faille une nouvelle révolution culturelle…

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Notes :

1 : Margaret Mead, Le Fossé des générations, 1971

2 : Francis Balle, Libéralisme, in Encyclopaedia Universalis, 2015

3 : Patrice Huerre, De l’adolescent à l’adolescence in Qu’est-ce que l’adolescence ? ; Éditions Sciences Humaines, 2009

4 : Jean-Pierre Lebrun, Un monde sans limite ; Éditions érès,2011

5 : ibid

6 : Jean-Pierre Lebrun in La condition humaine n’est pas sans conditions ; Édition Denoël, 2010

7 : ibid

8 : ibid

9 : ibid

10 : Jean-Pierre Lebrun, Un monde sans limite ; Éditions érès, 2011

11 : Christopher Lasch, La culture du narcissisme, réédité aux éditions Flammarion, 2006

12 : ibid

13 : ibid

14 : ibid

15 : Alain Finkielkraut, L’identité malheureuse ; ÉditionsStock, 2013

16 : Jean-Pierre Lebrun, La condition humaine n’est pas sans conditions ; Édition Denoël, 2010

17 : Patrice Huerre, De l’adolescent à l’adolescence in Qu’est-ce que l’adolescence ? ; Éditions Sciences Humaines, 2009

PAUL HARAM

OJIM: entretien avec Laurent Obertone

Entretien avec Laurent Obertone: "La France Big Brother"

Après le très grand succès de "La France Orange mécanique" (Ring éd.) en 2013 - plus de 100.000 exemplaires vendus - Laurent Obertone récidive avec "La France Big Brother" (Ring éd.), un ouvrage décapant sur les pseudo-élites qui dominent le paysage médiatique français. Reprenant le genre épistolaire de courriers adressés à "Monsieur Moyen" (vous, moi, nous tous), il décrypte les mécanismes de domestication, de sidération, de manipulation des médias dominants et de leurs serviteurs. Une vidéo exclusive Ojim.

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Il ’68 lo ha inventato D’Annunzio a Fiume

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Il ’68 lo ha inventato D’Annunzio a Fiume

È un tale anticipatore che ha rinnovato la letteratura italiana dell’800 quando pubblicò Il Piacere, subito diffuso in tutto il mondo, quando all’estero nessuno conosceva Manzoni. Ha rinnovato la poesia italiana, i rapporti con la borghesia, con la politica, con la vita militare. Soprattutto ci lascia oggi un messaggio molto importante, “Conservare intera la libertà fin nell’ebbrezza” e “Non chi più soffre ma chi più gode conosce”. E qui non si tratta di edonismo, ma di godimento come vita intellettuale libera e gioiosa. Questi sono i suoi messaggi, oltre a quello di guardare sempre avanti, progettare e imporre il proprio futuro, saper far sognare agli altri uomini i propri sogni.
 
di Giordano Bruno Guerri
 
Ex: http://www.lintellettualedissidente.it 

ann12445931.jpgCi racconti un episodio OFF dell’inizio della tua carriera?
Un giorno ho pubblicato il mio libro su Bottai, che era la mia tesi di Laurea, da Feltrinelli. Ebbe un immenso successo soprattutto di discussioni sollevate, perché per la prima volta si sosteneva e si dimostrava che non solo era esistita una cultura fascista, ma che erano esistiti anche dei fascisti onesti e in gamba come Bottai. Il fatto poi che l’avesse pubblicato Feltrinelli… puoi immaginare l’emozione e il disorientamento che provocò. Un giorno ricevetti una chiamata da un ragazzo a me ignoto, mi disse che aveva letto il libro e avrebbe avuto piacere di incontrarmi con alcuni amici. Andai volentieri a quel pranzo in Corso Sempione, dove trovai e conobbi le menti migliori della Nuova Destra di allora, che erano Solinas, Cabona, Tarchi, e non so quanti altri. La cosa buffissima, che mi fece molto ridere, era che il ristorante – tutt’altro che ‘Nuova Destra’ – era tenuto da un signore in camicia nera che ci salutò con il saluto romano e che aveva l’intero ristorante tappezzato di ritratti di Mussolini. Fu un curioso incontro, abbastanza OFF, mi sembra!

Sei uno scrittore, un giornalista, uno degli storici più apprezzati d’Italia e in questo momento sei il Presidente del Vittoriale degli Italiani, la casa museo di Gabriele D’Annunzio. Quest’anno si chiudono le celebrazioni del 150° anniversario della sua nascita, che cosa ha lasciato D’Annunzio all’arte e alla cultura italiana?
D’Annunzio non solo ha lasciato, ma dona ancora. È un tale anticipatore che ha rinnovato la letteratura italiana dell’800 quando pubblicò Il Piacere, subito diffuso in tutto il mondo, quando all’estero nessuno conosceva – e tuttora nessuno conosce – Manzoni. Ha rinnovato la poesia italiana, i rapporti con la borghesia, con la politica, con la vita militare. Soprattutto ci lascia oggi un messaggio molto importante, “Conservare intera la libertà fin nell’ebbrezza” e “Non chi più soffre ma chi più gode conosce”. E qui non si tratta di edonismo, ma di godimento come vita intellettuale libera e gioiosa. Questi sono i suoi messaggi, oltre a quello di guardare sempre avanti, progettare e imporre il proprio futuro, saper far sognare agli altri uomini i propri sogni.

Le battaglie politiche di D’Annunzio oggi sono ancora attuali?
Sono sempre attuali. Contrariamente a quello che si pensa, con questa etichetta di ‘filofascista’ che gli è stata attribuita – lo era anche, perché era un superuomo e quindi aveva adottato il superomismo che poi combaciava in qualche modo con il fascismo –, era sostanzialmente un libertario e la difesa della libertà dell’individuo deve essere un nostro compito, dovrebbe essere una delle missioni della Destra, peraltro…

D’Annunzio fa di Fiume “città di vita, città di arte”, quella è una pagina molto importante…
È una pagina straordinaria, qualsiasi Paese disponesse di un episodio simile nella propria storia lo avrebbe mitizzato con film, romanzi e quant’altro, invece sembra quasi che ce ne vergogniamo. Fiume fu un’anticipazione del ’68 da destra, perché nello spirito libertario di Fiume e di d’Annunzio c’era anche questa componente superomista, per cui il ‘capo’ era gran parte della cosa, ma Fiume fu un’avventura indimenticabile che insieme al futuro ripercorre il passato dell’Italia, il Rinascimento. D’Annunzio conquistò Fiume come un condottiero rinascimentale e la mantenne come un pirata di oggi.

La musica è un elemento centrale nella Carta del Carnaro…
Sì, nella costituzione c’è la musica come strumento di vita e di elevazione del popolo, che deve essere quasi distribuita, donata nelle scuole e a tutti quanti, così come la bellezza delle città; l’arredo urbano, così chiamato oggi con una definizione tremenda, non è stato inventato dagli assessori dei vari Comuni, ma è stato inventato da d’Annunzio.

Nell’ultima biografia “La mia vita carnale” racconti un D’Annunzio privato, quotidiano, amante: come corteggiava le donne il Vate?
Lui aveva il grande vantaggio di essere corteggiato, arrivava in un salotto e le donne erano tutte lì a pendere da un suo sorriso – sdentato, peraltro – perché il suo carisma, la sua fama, la sua eleganza, soprattutto il suo eloquio erano tali da incantare tutte quante. Credo che le seducesse con la parola straordinaria di cui disponeva; a trent’anni disse di aver usato, e gli si può credere, 15.000 parole, mentre noi ne usiamo mediamente da 2.000 a 3.000. Faceva sentire le donne regine della propria vita – questo era un dono magnifico – e secondo il suo motto riceveva quel che donava, una dedizione assoluta.

annDannunzio_Giornale.jpgUn aspetto poco conosciuto di D’Annunzio è l’esoterismo, il suo rapporto con l’aldilà. È vero che ti è capitato di metterti in contatto con il fantasma di D’Annunzio al Vittoriale?
Vivo nella casa dell’Architetto Maroni – come tutti i Presidenti quando sono al Vittoriale – dove Maroni, D’Annunzio e Luisa Baccara facevano delle sedute spiritiche e si mettevano in contatto con l’aldilà. Ogni tanto mi passano accanto dei venti, sento dei soffi, però credo fermamente che sia dovuto alle finestre, che sono ancora quelle degli anni Venti!

Un’altra biografia molto importante che hai affrontato è quella di un grande uomo e artista italiano del Novecento, Filippo Tommaso Marinetti…
Marinetti fu l’ultimo uomo importante che vide D’Annunzio vivo; venti giorni prima della morte andò a trovarlo con tutta la famiglia e gli portò un dono magnifico: una scultura che era il doppio comando di un bimotore Caproni con una dedica che diceva: “Noi siamo i motori della nuova Italia”. Ho scritto questi due libri insieme, prima è uscito D’Annunzio e poi Marinetti, perché fanno parte di uno stesso magnifico progetto culturale inconscio della cultura italiana e mondiale. Due innovatori, uno che parte dal passato (D’Annunzio), uno che guarda direttamente al futuro, ma entrambi vogliono cambiare tutto, due rivoluzionari.

All’inizio tra i due correva buon sangue, poi ci fu uno scontro di personalità. Tu citi sempre una battuta bellissima di D’Annunzio nei confronti di Marinetti…
Marinetti lo stuzzicava dandogli del passatista, del vecchio trombone, e D’Annunzio, da grande creatore della lingua, lo fulminò con un epiteto straordinario: ‘cretino fosforescente’. È futurista al massimo!

Secondo te la vita di D’Annunzio è stata più futurista dei Futuristi? Lui veniva nominato ‘passatista’, in realtà la biografia del Vate affronta tutte le tematiche dell’uomo futurista…
Non tutti i Futuristi sono riusciti a vivere una vita futurista, D’Annunzio sì. Basti pensare a quello che ha fatto con il Vittoriale. Si dice che i Futuristi volessero distruggere i musei, non è vero, era una provocazione. D’Annunzio, al rovescio, creò il museo della propria vita che in realtà non è un museo, è il tempo che si è fermato al momento della sua morte per perpetuare la sua vita. Ha progettato il proprio futuro nel mondo dopo la propria morte ed è riuscito a realizzarlo straordinariamente. Il Vittoriale oggi gode di una salute pienissima, ti voglio dire con orgoglio in anteprima per OFF (perché i dati ufficiali verranno comunicati soltanto a fine anno) che a fine novembre avevamo già avuto 16.000 visitatori in più, ovvero l’8% in più del 2012, e che gli incassi sono di conseguenza aumentati. Il Vittoriale non produce solo cultura e bellezza, ma anche ricchezza. Credo che D’Annunzio, a 75 anni dalla morte, possa essere contento.

Qui su OFF abbiamo intervistato Mimmo Paladino e Velasco, che hanno collaborato con te…
Sono due donatori del Vittoriale, hanno dato al Vittoriale delle opere straordinarie, Mimmo Paladino il suo cavallo blu, che è diventato quasi un simbolo del nuovo Vittoriale, così dominante sul lago, e Velasco la sua muta di cani che accompagnano D’Annunzio e i suoi dieci compagni seppelliti nel Mausoleo, quindi mi fa piacere questa comunione.

Oggi che cosa farebbe D’Annunzio nella situazione politica italiana?
Verrebbe d’istinto dire che cercherebbe di prendere in pugno la situazione. Purtroppo sono smentito dal fatto che non lo fece nel 1921 quando avrebbe potuto, ma era tale la disillusione di Fiume – ricordiamoci che fu costretto ad abbandonare Fiume a cannonate dal governo in carica di Giolitti – che si disgustò profondamente e si ritirò al Vittoriale. Chissà, oggi magari non lo farebbe, certo non passerebbe per il Parlamento!

Le similitudini che qualcuno ha fatto, secondo me azzardando un po’, tra Grillo e D’Annunzio, secondo te sono giuste?
Ma per carità, prima di tutto c’è una differenza culturale pari alla Fossa delle Marianne di 11 km. Certo, i grandi eversori sono sempre accostabili, non a caso Grillo tempo fa mise nel suo mitico blog una frase che sembrava totalmente sua ed era di D’Annunzio. Era una frase che incitava alla necessità di rovesciare l’attuale mondo politico per rinnovare tutto, per riprenderci la gioia di vivere, l’economia, la libertà. Erano parole di d’Annunzio che Grillo ha fatto proprie. Dubito che D’Annunzio avrebbe fatto proprie delle parole di Grillo…

Fonte:
Il Giornale

Eléments de réflexion pour une troisième voie

Eléments de réflexion pour une troisième voie

Méridien Zéro propose une émission de réflexion politique sous la forme d'une disputatio à plusieurs voies sur la notion de troisième voie, de troisième position européo-centrée.
Quelle est aujourd'hui l'actualité de cette voie exigeante et difficile qui reste pour nous une référence politique incontournable ?

Pour en discuter, le Lt Sturm a rassemblé autour de lui, et par ordre d'ancienneté, Gabriele Adinolfi, monsieur PGL et Jean Terroir. Cette émission a été enregistrée à la suite de l'émission de Radio Courtoisie sur le même thème, mais l'aborde de façon très différente.

Pour écouter:

http://www.meridien-zero.com/archive/2015/03/13/emission-n-225-elements-de-reflexion-pour-une-troisieme-voie-5582006.html

 

tercérisme, troisième position, révolution conservatrice, europe-puissance, adinolfi,

 

La montre connectée d'Apple. Et si Apple payait ses impôts?

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La montre connectée d'Apple. Et si Apple payait ses impôts?

par Jean-Paul Baquiast
Ex: http://www.europesolidaire.eu
 
Apple espère rencontrer un nouveau succès « planétaire » avec sa montre connectée, l'Apple Watch, qui sera disponible en neuf pays, dont la France, fin avril prochain.

Les versions en ont été annoncées, de même que les prix et l'autonomie. Ne nous faisons pas ici le porte parole de la firme. Disons que ces prix, selon les versions, iront de 400 à 15.000 euros, auxquels devront s'ajouter les taxes payées par l'acheteur, variables selon les pays.Quant à l'autonomie, nous y reviendrons ci-dessous.

Point à noter, comme chacun devrait le savoir dorénavant, sur les sommes ainsi perçues, Appel, du fait de la non-harmonisation des réglementations fiscales de par le monde, ne paiera que des montants d'impôts ridicules. Grâce à cette évasion fiscale, il a pu annoncer en 2014 un bénéfice annuel de 39, 5 milliards de dollars de bénéfice. Ce chiffre est à comparer aux 3 milliards d'euros nécessaires cette année à la France pour s'acquitter de ses obligations à l'égard de Bruxelles, à comparer aussi aux 30 milliards demandés à la Grèce.

Foire mondiale aux esbrouffes

On dira que ce bénéfice record est principalement du à l'engouement des acheteurs pour l'i-phone. Mais il y a tout lieu de penser que ledit engouement résulte en grande partie des habiles campagnes de communication d'Apple. Le moindre utilisateur un peu averti connaît au moins une demi-douzaine d'appareils moins chers rendant des services équivalents. Il y a tout lieu de penser que de la même façon, malgré la crise, un grand nombre d'acheteurs vont se précipiter sur l'Apple Watch, sans se demander un instant si le prix payé correspond à un service véritablement utile, et que des montres banales ne rendraient pas.

Certes, disent les responsables du marketing d'Apple, la Watch donne l'heure à travers des cadrans numériques personnalisables. Elle permet d'envoyer des messages, de lire ses courriels, de prendre des appels téléphoniques. Mais le tout se fait par une liaison sans fil avec un smartphone qui doit nécessairement être un iPhone. De même la montre permet un suivi d'activité grâce à un détecteur de rythme cardiaque, un accéléromètre et la synchronisation avec le GPS du smartphone.

Il s'agit de fonctionnalités sur l'utilité desquels l'honnête travailleur ayant peu de temps à consacrer au suivi des paramètres de sa petite personne devrait s'interroger. De plus, elles sont proposées par diverses montres connectées déjà sur le marché, à des prix moindres. Mais Apple ne vise pas nécessairement le seul honnête travailleur acheteur du modèle à 400 euros, il vise à attirer ceux, sans doute moins honnêtes, qui considèrent avoir manqué leur vie si à 50 ans ils ne possèdent pas une Rollex. Le modèle dit haut de gamme sera doté d'un boîtier en or 18 carats. Où et à quels prix, demandons-nous en passant, Apple achètera-t-il l'or nécessaire?

Donner l'heure

Concernant cependant la fonction attendue d'une montre, c'est-à-dire donner l'heure et éventuellement la date, ce que fait le moindre produit à 50 euros doté d'une pile ne nécessitant d'être changée que tous les deux ans, l'Apple Watch bat tous les records de ridicule. Son autonomie est d'environ 18 heures. Comme quoi l'utilisateur devra transporter avec lui non seulement sa montre mais un dispositif de recharge, aussi laid qu'encombrant. Certes, Apple fait valoir que de nombreuses start-up(s) développeront des applications plus utiles les unes que les autres permettant de justifier l'achat de la montre. Mais combien d'entre elles intéresseront le public? Il suffit de voir les invendus, si l'on peut dire, encombrant déjà l'Apple Store, pour en avoir une petite idée.

La plupart des clients qui font vivre les sociétés de consommation auxquelles nous appartenons ne se demanderont pas pourquoi ces mêmes sociétés reposent, au niveau mondial, sur le pouvoir que se sont attribué les 5% d'individus et organismes qui détiennent l'essentiel des richesses du monde. N'est-ce pas en partie du fait de leurs comportements moutonniers sinon serviles à l'égard de ces hiérarchies dominantes et des « valeurs » qu'elles défendent?

Sans aborder ce vaste problème ici, bornons-nous à dire que pour notre part nous n'avons pas l'intention d'acheter la moindre Apple Watch, comme nous n'avions pas l'intention d'acheter la moindre Google Glass.

L'Appel Watch et la santé

Pour être honnête, il faut admettre que Apple, en même temps que l'Apple Watch, a lancé ResearchKit, un logiciel qui actuellement opère sur l'iPhone et pourra utiliser les données recueillies par la Watch. Ceci permettra aux porteurs de la montre de participer via des applications adéquates à des études portant initialement sur les fréquences cardiaques, les effets de l'exercice physique et du repos ou ceux du stress.

D'autres données permettront par exemple de géolocaliser les différents profils de santé, afin d'en tirer des indicateurs portant sur les besoins et les ressources destinés aux responsables des politiques de santé (ou aux entreprises faisant métier de vendre des produits et activités de santé). Apple s'engage à confidentialiser les données individuelles recueillies, afin notamment de ne pas diffuser des éléments intéressant des personnes identifiables.

D'ores et déjà Apple a mis en place un réseau permettant aux centaines de millions d'utilisateurs de ses produits actuels d'alimenter en données personnelles des instituts de recherche répartis dans le monde, de l'Université d'Oxford à l'hôpital Xuanwu de Pékin. Les sujets de recherche sont la maladie de Parkinson, le diabète, l'asthme, les cancers du sein et diverses maladies cardiaques. On conçoit que la transmission quasi automatiques de ces données de santé aux instituts de recherche est bien plus efficace et moins coûteuses que les méthodes traditionnelles d'enquête.

Dans un domaine différent, le système dit Apple Pay permettra aux porteurs d'iPhone, et sans doute aussi d' Apple Watch, d'accomplir où qu'ils se trouvent des opérations de paiement. Tout ceci est bel et bon, mais il faut se rendre compte qu'Apple, comme d'autres multinationales américaines analogues, sont en train d'organiser un monde numérique global où les individus n'auront pas plus d'indépendance que n'en ont les cellules individuelles de notre corps. Un monde également dont leurs responsables sont seuls à définir les spécifications.

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Le Jour de la Colère en Occident

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DIES IRAE
Le Jour de la Colère en Occident
 
Fabrice Fassio*
Ex: http://metamag.fr
 
Les termes liés aux phénomènes sociaux (démocratie, capitalisme, communisme, volonté populaire, etc.) ont un caractère polysémique.  La plupart des locuteurs ne mettant pas la même chose sous les mêmes mots, il s'ensuit des malentendus, voire une incompréhension totale. Cette dernière est d'ailleurs largement alimentée par les médias et les politiciens qui, utilisant le mot "démocratie" à tout propos et de façon intempestive, ont transformé ce terme en véritable "tarte à la crème". Afin d'éviter les confusions, nous nommerons dans cet article : démocratie parlementaire ou démocratie tout court, le système politique d'un pays occidental souverain : la France, l'Allemagne, les Etats-Unis, etc. L'existence de partis politiques, de représentants élus par les citoyens, d'une constitution ou d'une assemblée nationale sont des exemples d'éléments constitutifs du système politique en question. Je souhaite enfin préciser que je considère, dans cet article, la démocratie comme un objet d'étude et que nous ne voulons porter sur elle aucun jugement de valeur. 

Démocratie réelle et démocratie mythique
 
zinoview1-2008-cover.jpgDans les médias, dans les discours des hommes d'Etat occidentaux ou bien dans de nombreux ouvrages spécialisés, le terme de "démocratie" revêt toujours une connotation positive. Ce simple fait est, à lui seul, hautement significatif d'une utilisation idéologique de ce terme. En effet, peut-on imaginer un quelconque système politique ne comportant que des qualités ? La démocratie parlementaire réelle et non point mythique ne fait pas exception à la règle. Elle recèle certes des qualités (autrement dit, des phénomènes qu'une majorité de citoyens perçoivent comme positifs) mais aussi des éléments qui jettent le désarroi dans l'esprit de nos contemporains.  Ces éléments constituent en quelque sorte le « revers de la médaille » de notre système politique. 

En effet, beaucoup d'entre nous s'inquiètent de l'importance de phénomènes tels que les groupes de pression (lobbysme), le train de vie des élus, les liens entre le monde de la politique et celui des affaires, le financement occulte des partis, les scandales dans lesquels trempent des politiciens, etc. Ces quelques exemples suffisent à faire comprendre ce que nous voulons dire. A notre sens, ces phénomènes sont les éléments constitutifs d'une démocratie parfaitement réelle et non point mythique (idéalisée). Comme l'affirme le proverbe : il n'existe pas de bien sans mal.  Ces défauts de la démocratie parlementaire ne sont pas l'effet du hasard mais découlent du fonctionnement du système au quotidien ; les éradiquer totalement ne dépend point des discours des journalistes ou des décisions des hommes d'Etat, aussi bien intentionnés soient-ils. Ces défauts font bon ménage avec d'autres phénomènes qui sont en revanche perçus comme des qualités par les citoyens. Tel est le cas de l'élection des représentants du peuple aux plus hauts niveaux de l'Etat (députés, sénateurs, présidents, etc.) Ce choix des élus est une spécificité de notre système politique.

Une crise de confiance

Le droit de choisir ses représentants constitue un élément important de la démocratie parlementaire. Cependant, nombre d'électeurs pensent que leur vote n'améliorera en rien leur quotidien et s'interrogent sur l'utilité réelle des élections. S'estimant victimes d'un jeu de dupes, certains s'abstiennent de voter alors que d'autres accomplissent sans aucune conviction leur devoir de citoyen. Selon le mot célèbre de Jacques Duclos, ces électeurs désenchantés ont conscience de choisir entre " bonnet blanc et blanc bonnet". Selon nous, ce désarroi et cette désaffection sont les conséquences de plusieurs facteurs.
 
Élections et "hollywoodisation" : le système politique ne constitue qu'une partie de la structure étatique d'un pays occidental. Composé d'élus du peuple, ce système cohabite avec un appareil bureaucratique dans lequel travaillent des dizaines de milliers de fonctionnaires. Cependant, les médias ne manifestent de l'intérêt que pour les élus, dont le nombre est pourtant bien inférieur à celui des fonctionnaires d'Etat. Lors des campagnes électorales, l'attention portée par les médias aux politiciens de haut vol est décuplée et atteint son paroxysme. Durant ces périodes, les principaux moyens de communication créent de véritables cultes des hommes politiques les plus en vue, comme si le destin du pays dépendait du discours prononcé par Monsieur X ou bien de la prestation télévisée effectuée par Monsieur Y. La Une des journaux se remplit de faits mineurs de cette nature et les médias organisent toutes sortes de mises en scène tapageuses. Cette "hollywoodisation" de la vie publique a le double mérite de distraire les citoyens et de masquer l'absence totale ou quasi totale d'idées et de programmes. Voter consiste alors à légitimer l'octroi de fonctions publiques à tel ou tel personnage que les médias et les agences de publicité ont mis en valeur de façon à faciliter son élection. Le candidat devient un « produit artificiel » fabriqué de toutes pièces pour le jour du scrutin.

Elections et bipartisme: depuis la fin de la guerre froide, la tendance au bipartisme s'est renforcée en Europe : à une droite libérale s'oppose une gauche socialisante. Il s'agit, selon les pays, de copies plus ou moins conformes du modèle américain : démocrates et républicains. Depuis l'effondrement du bloc de l'Est, l'idéologie occidentale s'est lancée dans une opération de grande envergure. Journalistes, sociologues, politiciens et experts de tout poil ont redoublé d'efforts pour convaincre les électeurs d'élire des candidats se réclamant de partis "ayant vocation à gouverner" (selon l'expression consacrée). Débarrassée de sa gangue idéologique, cette expression bien connue signifie : partis ne représentant aucun risque pour l'ordre social existant. Même si elles proposent des programmes légèrement différents, les formations politiques participant au bipartisme ont en commun le fait de soutenir notre mode de vie. Convaincre l'électeur d'adhérer au bipartisme revient à cantonner le pouvoir des urnes dans des limites que les forces influentes de la société jugent acceptables. Il s'agit bel et bien de restreindre ce pouvoir afin qu'il ne représente aucun danger pour l'ordre social.

Elections et classe politicienne : beaucoup de citoyens ont clairement conscience qu'existe une classe (une catégorie) de professionnels de la politique. Dans son étude fondamentale consacrée à la société occidentale, le philosophe russe Alexandre Zinoviev note que, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, cette classe a non seulement augmenté d'un point de vue numérique mais qu'elle a accru son rôle dans la société. Ces professionnels de la politique ne font pas carrière d'une manière solitaire mais au sein de partis, de mouvements et d'organisations ; ils jouissent d'un niveau de vie élevé : salaires enviables et avantages en nature, relations avec le monde des affaires, honoraires d'appoint, etc. Même s'ils ignorent les "dessous" de la vie politique, la majorité des citoyens savent cependant qu'ils sont fort peu reluisants. Les scandales qui éclatent de temps à autre permettent d'ailleurs au commun des mortels d'entrevoir les coulisses du monde de la politique. S'ensuivent l'indignation, la désillusion et l'amertume. 

Décrivant dans son opuscule "le Prince" le comportement des puissants de son temps, Nicolas Machiavel notait que la ruse, le cynisme, la trahison et le mensonge sont des traits psychologiques que les hommes d'Etat doivent développer s'ils veulent garder le pouvoir. L'analyse du Florentin reste et restera d'actualité. Les politiciens les plus en vue appartiennent à "l'élite" de la société, c'est-à-dire aux couches supérieures du monde occidental. Obsédés par leur carrière, ces professionnels de la politique ne se soucient de leurs électeurs que dans la mesure où ils ont besoin d'eux le jour du scrutin. Sans en être pleinement conscient, le citoyen contribue à perpétuer, par le simple fait de voter, l'existence de cette classe politicienne intimement liée au monde idéologico-médiatique et à celui des affaires.


Sur la base des quelques considérations qui précèdent, il serait faux de conclure que le pouvoir des urnes est aujourd'hui réduit à l'état de pure fiction. En choisissant de voter, par exemple, pour tel candidat plutôt que pour tel autre, nombre d'électeurs expriment une réelle préférence. Cependant, il est clair que la fonction essentielle du vote revient à accorder une légitimité à des individus désireux d'acquérir une parcelle de pouvoir. Quant au libre arbitre de l'électeur, il subit de fortes manipulations destinées à l'orienter dans une direction bien précise. 

L'idéologie occidentale a indéniablement obtenu des succès en matière de conditionnement des esprits (c'est "le lavage de cerveaux en liberté", selon l'expression de Noam Chomsky). Cependant, l'idéologie ne peut pas tout. La situation actuelle des pays occidentaux montre que la confiance en la force des urnes ainsi que l'attrait pour le bipartisme sont à la baisse, alors que grandit le mécontentement social. Dans les années à venir, pourraient accéder au pouvoir des partis étrangers au bipartisme, qui auront réussi à focaliser les états d'âme oppositionnels des électeurs. Il n'est pas exclu non plus que le mécontentement populaire s'accumule et finisse par éclater avec violence. 

Ce jour-là, la voix du peuple ne s'exprimera pas par le biais des urnes mais par la révolte. C'est alors que le monde occidental connaîtra  lui aussi son jour de la colère.


* spécialiste de l'oeuvre du logicien et sociologue russe : Alexandre Zinoviev
 

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