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mercredi, 02 mars 2016

Nouvelles armes d'Intelligence Artificielle pour le Pentagone

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Nouvelles armes d'Intelligence Artificielle pour le Pentagone

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Les progrès de la Russie et de la Chine dans le domaine des nouvelles armes faisant appel à l'intelligence artificielle (AI) préoccupent dorénavant les Etats-Unis. Ils envisagent de moderniser en profondeur leurs armements, pour rattraper le retard qu'ils estiment avoir pris dans ce domaine.

Ceci peut surprendre dans la mesure où l'Amérique paraissait s'être donnée une maitrise mondiale en matière de numérique intelligent. Il apparaît cependant que la Russie, rejointe par la Chine, avait entrepris de faire appel à ses propres ressources en AI, bien plus importantes que l'on ne le pense notamment en Europe. Ces deux pays sont dorénavant dotés de moyens militaires aériens ou navals pouvant dans certains cas surpasser ceux des Etats-Unis. Mais, dira-t-on, que faisaient la NSA et la DSA, qui savent tout, pour ne s'en apercevoir que maintenant?

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Quoiqu'il en soit, un article du National Interest donne des précisions sur le sujet . L'Agence américaine pour les projets de recherche avancée de défense (DARPA) met au point, selon l'article une nouvelle génération de systèmes de guerre électronique basés sur l'intelligence artificielle avancée afin de contrer notamment les nouveaux radars de dernière génération russes et chinois.

L'une des techniques développées est nommée « système cognitif de conduite d'une guerre électronique ». Ce terme banal désigne des outils d'IA servant à analyser en temps réel ce que fait le radar ennemi et créer un nouveau profil de contre-mesures. Des processus de scanning, d'analyse et d'adaptation sont menés en permanence.

Les appareils américains de la génération actuelle, y compris les avions F-22 et F-35 de Lockheed Martin, possèdent une base de signaux radioélectriques de l'ennemi et un profil de contre-mesures déjà intégrés dans le système de bord de l'avion. Néanmoins, si ces appareils rencontrent un nouveau signal, ils enregistreront la menace comme inconnue et ne sauront pas nécessairement quelles contre-mesures adopter, ce qui les rendra vulnérables.

Pour identifier les mesures utilisées par l'adversaire, le Pentagone envoyait auparavant des avions de reconnaissance électronique Boeing RC-135 Rivet Joint qui collectaient les données sur les nouvelles formes de signaux détectées. Les données étaient envoyées dans un laboratoire d'analyse afin de créer un nouveau profil de brouillage et télécharger l'ensemble dans les bases de données des appareils. Ce processus était nécessairement long.

Si les nouveaux systèmes basés sur l'intelligence artificielle fonctionnent bien, les appareils américains pourront mieux réagir face à de nouveaux radars installé sur les systèmes de missiles "sol-air" ou les chasseurs. L'armée américaine ne sera plus obligée d'attendre des semaines voire des mois pour obtenir de nouvelles données sur les radars ennemis. Les systèmes de brouillage seront en mesure de contrer tout nouveau radar en temps réel. Qu'en sera-t-il des Rafales français? Poser la question n'est pas y répondre.

Peut-on pour autant penser que la Russie et la Chine ne mettront pas au point dans l'intervalle de nouveaux outils faisant appel à une IA encore plus avancée? Sans doute pas. Une course de vitesse est désormais engagée, qui mobilisera des moyens considérables. C'est là que les ressources en IA dont se dotent en permanence Google et Facebook apporteront une aide précieuse au Pentagone. On connait les liens étroits de la Darpa avec ces « géants » du web, dont chacun d'entre nous finance sans s'en rendre compte les budgets de recherche.

Référence

http://nationalinterest.org/blog/the-buzz/revealed-pentagons-plan-defeat-russian-chinese-radar-ai-15357

 

Les migrations vers l'Europe seront-elles un jour contrôlables?

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Les migrations vers l'Europe seront-elles un jour contrôlables?

par Jean Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Il n'est pas possible de considérer l'augmentation croissante des migrations de populations moyen-orientales et africaines vers l'Europe comme un événement de circonstance, pouvant être attribuées à des causes occasionnelles, et qui disparaitra avec le disparition de ces causes.
 
Il faudrait au contraire considérer ces migrations comme révélatrices de phénomènes plus profonds, appelant des approches scientifiques, c'est-à-dire si possible à l'abri de considérations partisanes. Il en serait de même des migrations actuelles vers le nord de nombreuses espèces vivantes si les biologistes les attribuaient à des causes propres à chaque espèce, sans faire l'effort de les relier à un phénomène plus général, le changement climatique, pour lequel d'ailleurs l'analyse scientifique ne fait que commencer.

Malheureusement, dès que l'on essaye d'aborder la question des migrations vers l'Europe, l'on se heurte à toute une série de critiques. Certaines sont bien intentionnées, même si mal fondées. D'autres au contraire relèvent d'une guerre délibérée faite à l'Europe. Ce qu'elle a conservé de spécificités sociales et culturelles est considéré comme insupportable par ses rivaux et adversaires. Pour ceux-ci, l'entrée massive en Europe de populations dotées de spécificités sociales et culturelles toutes différentes permettra de ramener l'Europe au niveau du reste du monde.

Pour ces critiques, prétendre que les Européens doivent étudier de façon aussi scientifique que possible les phénomènes de migration menaçant leurs spécificités est considéré comme attentatoire aux droits de l'homme ou relevant d'autres motivations tout aussi condamnables. Une raison de ce refus tient évidemment au fait qu'étudier aussi scientifiquement que possible ces phénomènes pourra suggérer des remèdes eux-mêmes aussi scientifiques que possible, c'est-à-dire échappant aux critiques de stigmatisation, racisme et autres rejets de la différence. Beaucoup se refusent à les entendre.

Des pistes d'analyse

Nous n'entreprendrons pas dans le cadre de cet éditorial d'envisager sérieusement des pistes pouvant permettre de mieux comprendre la nature profonde des entrées migratoires affectant l'Europe, et moins encore envisager la façon dont l'Europe pourrait échapper à la dissolution qui la menace. Ces pistes ont d'ailleurs été évoquées par d'autres plus compétents que nous. Mentionnons seulement quelques thèmes. Les principales pistes relèvent de phénomènes évolutifs, sur lesquels à court terme, c'est-à-dire en temps utile, il ne parait guère possible d'agir. Citons la croissance démographique hors normes affectant l'Afrique et certains pays du Moyen-orient. Elle coexiste avec le changement climatique qui réduira considérablement les productions vivrières. Sur le plan religieux, tant chez les musulmans que chez les chrétiens, la persistances de normes interdisant la contraception ne fera qu'aggraver la situation.

Dans le domaine géopolitique, il n'est pas possible par contre de passer sous silence la guerre de moins en moins froide menée par les Etats-Unis contre la Russie et ses alliées du Brics. Dans cette guerre, l'Europe, via l'Union européenne et l'Otan, a toujours été considérée comme un avant-poste devant rester sous contrôle. Or comme des désirs d'émancipation commencent à se faire jour en Europe, accabler celle-ci de migrations massives artificiellement suscitées ne pourra que la désorganiser et la rendre à nouveau docile. On peut craindre que les élections en préparation à la Maison Blanche ne changent rien à cette manifestation de la superpuissance américaine dont l'Europe est pour le moment incapable de s'émanciper.

Il faut aussi évoquer un phénomène universellement répandu dans la nature: le fait qu'au sein de la concurrence pour survivre que se livrent les espèces, celles qui pour des raisons tenant au passé ont pu acquérir des avantages compétitifs font l'objet d'attaques incessantes des autres espèces, voulant s'emparer de leurs acquis. La plupart des premières n'y résistent pas. Celles qui le font ont pu acquérir des défenses suffisantes toujours dans le cadre de la compétition darwinienne, pour se maintenir en vie. Or, dans le domaine des luttes entre pays et groupes de pays pour maintenir ou acquérir des positions favorisées, en terme de niveau de vie comme plus généralement socio-économiques, l'Europe continue à faire envie.

Certes, on fait valoir que tout au long du 19e et début du 20e siècle, elle a acquis ces avantages par la guerre et la colonisation. Mais serait-ce un argument recevable par les Européens d'aujourd'hui, si les pays ayant souffert de ces guerres et colonisations exigeaient d'eux qu'ils abandonnent volontairement tous leurs avantages acquis, pour retrouver le niveau des plus pauvres. Évidemment pas. Ils ne le feront que sous la contrainte, et les entrées migratoires massives seront à l'avenir la forme la plus efficace de cette contrainte.

On peut comprendre que face à cette situation, les Européens fassent appel aux fermetures de frontières, protections réglementaires et le cas échéant, mobilisation de leurs forces armées, pour défendre leurs avantages relatifs. Ceci d'autant plus que des mesures plus acceptables en termes humanitaires, visant à une redistribution partielle des « richesses » européennes, n'auraient qu'un effet marginal – face aux besoins qui seront ceux, par exemple, des 4 milliards d'Africains prévus pour la fin du siècle.

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Une défense impossible?

Ceci dit, même défendre par la force les frontières européennes n'aura qu'un effet limité et non durable. Les expériences actuelles entre la Grèce et la Macédoine, comme la défense, il est vrai, encore pacifique, de la Méditerranée, montrent que les forces européennes ne résisteraient pas face à des millions de migrants déterminés. Si les premiers migrants tombaient victimes d'éventuelles défenses européennes à la mitrailleuse ou par blindés - à supposer que les Européens veuillent y recourir - les autres exerceront des pressions en masse, fussent-elles suicidaires, pour forcer les lignes. La défense européenne, en son état actuel, ne tiendrait pas longtemps face à ce qui deviendrait une véritable guerre aux frontières.

Ce d 'autant plus qu'au sein même des pays européens, des groupes terroristes prendraient un relais déterminé, initialement soutenus par des « organisations humanitaires » se comportant, involontairement ou consciemment, en « ennemis de l'intérieur ».

Le lecteur conclura de ce qui précède que la prétention que nous affichions d'étudier les flux migratoires avec des méthodes un tant soit peu scientifiques, n'aurait guère d'effets pratiques. De même que dans un autre domaine, les changements climatiques sont en route et que rien ne les arrêtera, les offensives migratoires contre l'Europe n'apparaissent pas maîtrisables. Les Européens devront, à brève ou longue échéance, rejoindre le niveau de vie des pays les plus pauvres. Ils n'en mourront pas pour autant, dira-t-on.

« Targeter », « value », « input »: j’ai découvert la novlangue d’HEC

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« Targeter », « value », « input »: j’ai découvert la novlangue d’HEC

Ex: http://www.oragesdacier.info

Imaginez l’étonnement d’un étudiant qui, après deux ou trois ans d’études axées sur la pratique typiquement française de la dissertation, assiste pour la première fois à un cours dans l’enceinte d’HEC.  
 
Tandis que des concepts et des mots étrangers valsent rapidement sur un Power Point squelettique, vaguement assorti de schémas aussi complexes qu’inutiles, il craint de ne pas tout comprendre. Mais la voix rassurante de son professeur résonne aussitôt : « Vous avez tous un login ? Je vous forwarde les slides à la fin de l’heure. » 

On croirait à une blague si l’emphase et le sérieux n’accompagnaient pas doctoralement ces mots.

Dire qu’une entreprise se « rationalise over-time » est-ce plus convaincant ou plus consistant qu’une entreprise qui se rationaliserait au cours du temps ? Vaut-il mieux « targeter » que cibler ? Pourquoi faut-il « implementer » une stratégie, plutôt que de la mettre en œuvre ? Est-ce plus efficace d’« incentiver » des employés que de les stimuler ou de les motiver ? L’externalisation s’avère-t-elle plus coûteuse que l’« outsourcing » ? La « willingness to pay » du consommateur a-t-elle plus à nous dire que sa propension à dépenser ? 
 
En somme, ces signifiants sont-ils plus simples, plus courts, plus percutants ? Quelle est la plus-value sémantique ou fonctionnelle de ce patois managérial qu’HEC semble avoir pour mission de répandre ? 

Camoufler un discours vide 
Voici ce que dira un professeur de stratégie, par ailleurs consultant chez McKinsey, au sujet d’une chaîne de cinéma : « Cette entreprise a tout intérêt à se rationaliser over-time en targetant de nouveaux prospects. » Cette phrase est vide de sens dans la mesure où elle peut s’appliquer à n’importe quel contexte. 
 
Bien plus qu’une prosternation ridicule et puérile devant la langue originelle du management, cet abandon systématique du français manifeste donc la volonté de saupoudrer un discours superficiel d’une couche de modernité et de précision. Mais ce n’est pas tout. 

Assommer d’un argument d’autorité
Les écoles de commerce n’ont pas vocation à garantir le respect scrupuleux des usages linguistiques, et rien n’est plus normal que de familiariser les futurs managers aux tournures langagières de l’entreprise. Néanmoins, plus qu’une langue vouée aux échanges commerciaux, ce jargon dissimule des enjeux de puissance où l’anglicisme inutile fuse comme un argument d’autorité qui donne nécessairement raison à celui qui l’emploie. 

Tel le « novlangue » inventé par Georges Orwell dans son roman « 1984 », il se compose de notions toutes faites, aboutissant à un appauvrissement de la pensée. Des expressions comme « business model », « dead line », « stakeholders », « process », « short term », « value », « data », « focus », « checker », « suppliers », « business unit », « input », affluent par milliers de la bouche des consultants : autant de termes péremptoires qui n’appellent aucun examen critique du signifié. 
 
Sur le « marché linguistique », pour employer une expression propre à Bourdieu, certains ont le monopole d’un certain jargon investi d’un pouvoir magique qui assure leur domination. L’anglo-saxon donne l’illusion d’un surplus sémantique et culturel auquel seront sensibles le locuteur et son destinataire. 
 
Celui qui parle se sentira valorisé par l’emploi de termes neufs et opaques ; celui qui l’écoute acquiescera pieusement. 

Se rassurer par un discours d’appartenance 
On fait finalement dire aujourd’hui dans un dialecte mystificateur ce qu’on pourrait tout aussi bien désigner dans un français correct. Si l’anglais est utilisé dans les échanges commerciaux, pourquoi ne pas utiliser simplement cette langue dans la majorité des enseignements, plutôt que d’employer un français maltraité ? 
 
Peut-être parce que ce langage utilisé pour enseigner la finance, le contrôle de gestion, la comptabilité, la communication ou encore la stratégie a précisément pour objectif de donner aux futures élites économiques les moyens de se retrouver entre elles autour d’un même système de signes, qui définit leur appartenance à une identité commune. 

Une méthode appliquée par les élites 
Les résultats sont visibles au plus haut sommet de la sphère politique et du CAC 40. La plupart des anciens d’HEC délaissent ou malmènent le français avec un sens aigu de la communication. 
 
François Hollande, en pleine campagne, se laisse tenter par une obamisation de sa candidature en choisissant un slogan foudroyant : « H is for Hope ». Il rejoint ainsi le tout aussi persuasif « Yes we Kahn » de l’ancien directeur du FMI, passé par la même école. Ou encore certaines déclarations récentes de Nicolas Sarkozy sur la fermeture éventuelle d’une centrale nucléaire : « Si Fessenheim avait été insecure, je l’aurais fermée. Fessenheim est secure, on la laissera ouverte ». What else ?

Source

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Storytelling: Fictions et conviction

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Storytelling

Fictions et conviction
par François-Bernard Huyghe
Ex: http://huyghe.fr

Storytelling, L'ouvrage de Christian Salmon qui a popularisé le terme décrit une technique «l’art de raconter des histoires » employée aussi bien dans les affaires, dans la communication politique, dans le management et même dans la formation des militaires… Il s’agit à première vue d’une mode qui s’est diffusée surtout à partir des années 90 aux États-Unis sous l’impulsion de quelques gourous de la communication. Les dirigeants la pratiquent, qu’il s’agisse du PDG d’une marque célèbre, du président G.W. Bush (qui reprend là une technique largement employée par Reagan vingt ans plus tôt), ou d’un directeur cherchant à motiver ses employés et à leur insuffler la culture de l’entreprise.

Au lieu de faire appel à des abstractions (la Nation, la Modernité, la Productivité..), l’orateur ou l’auteur choisit une histoire exemplaire, que ce soit la sienne, celle du créateur d’une marque ou celle d’un anonyme dont le destin est particulièrement représentatif des valeurs et principes qu’il veut illustrer. On est tenté de dire « et alors ? », n’a-t-on pas toujours recommandé de recourir à l’exemple, d’illustrer son propos par des cas concrets, même dans les anciens manuels de rhétorique ? La fonction de « raconteur d’histoire », de l’aède au griot, n’est-elle pas une des plus anciennes du monde ? Où est le scandale ? Où est la manipulation ?

Le problème réside dans la systématicité et son utilisation comme méthode de contrôle. Quand le storytelling devient un procédé qui tient lieu de démonstration et d’argumentation, quand on parle de « tournant narratif » en économie ou en stratégie, quand produire des histoires que les gens « aiment » et auxquelles ils peuvent s’identifier devient la seule manière d’obtenir leur adhésion, il s’est effectivement produit quelque chose qui touche les règles du débat. Disons quelque chose de nouveau dans la façon de diriger les hommes. Désormais fictions et émotions joueront un rôle inédit dans l’art de faire croire.

Significativement, Christian Salmon avait sous-titré son livre « La machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits ». Sans doute pense-t-il aux « manufactures du consentement », expression souvent employée pour désigner la propagande. Et il y a une différence entre une action systématique visant à faire approuver (l’opinion, c’est fait pour opiner) à des « thèses » (au sens de propositions abstraites générales sur ce qui est bien et mal, sur ce qu’il faut faire en politique, s’il faut faire la guerre ou pas…) d’une part et d’autre part, une technique qui fonctionne sur les ressorts du plaisir et de l’identification. Et qui touche à la distinction même entre réalité et fiction, en traitant le destinataire du message en spectateur avec tout ce que le terme suggère de passivité et de suggestibilité.

Quelques exemples :

Le marketing d’entreprise : le passage du brand image (on ne vend plus des produits plus ou moins désirables, on vend l’image de la marque, avec toutes les connotations qui s’y attachent) au brand story (les marketers racontent l’histoire de la marque, de préférence sa success story. « Les gens n’achètent pas des produits, mais les histoires que ces produits représentent. Pas plus qu’ils n’achètent des marques, mais les mythes et les archétypes que ces marques symbolisent. » dit un des gurus cité par Salmon. La clientèle est considérée comme une « audience » à qui il faut vendre une bonne histoire avec laquelle ils peuvent établir une « relation plus intime ».

Le management par storytelling, adopté par Mac Donalds, Coca, Ibm, Microsoft encourage les « histoire basées sur des valeurs », telles des expériences rapportées par des salariés et soigneusement cosmétisées par des spécialistes et qui serviront de stimulants à l’engagement dans les objectifs de l’entreprise

L’organisation du travail visera en particulier les pratiques qui reposent sur les « émotions » et qui amènent chacun à participer au « changement volontaire », faisant preuve d’une adaptabilité toujours croissante, bien adaptée aux nouvelles formes de l’entreprise. Qu’il s’agisse des « call centers », ces centres de réponse téléphonique aux consommateurs souvent délocalisés dans le Sud, mais dont les travailleurs finissent par se fantasmer comme « super occidentaux », ou des méthodes de Renaut pour faire vivre le déménagement d’une usine comme une vraie saga racontée par ses héros.
 

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Le marketing politique. Aux USA, les spin doctors truffent les discours de leurs candidats de ces histoires (le brave petit gars qui s’est battu en Irak, la jeune fille issue d’un quartier défavorisé qui a réussi..) qui remplacent de plus en plus la moindre ombre de proposition ou de programme. Exemple éclairant : le spot publicitaire à 6,5 millions de dollars de la campagne Bush en 2004 qui se contente de montrer une jeune fille dont la mère est morte le 11 Septembre et qui reprend confiance dans la vie en rencontrant G.W.B. qui la prend dans ses bras (en bon «conservateur compassionnel») parce qu’elle réalise que « l’homme le plus puissant du monde se soucie d’elle (he cares for me) ». La fonction de démonstration et de légitimation de l’historiette fonctionne à plein en politique aussi (car, nous nous trompons pas, il s’agit chaque fois d’histoires individuelles, pas de ces grands récits mythiques partagés qui forgent l’identité d’une nation). Belle illustration de la « stratégie de Shérazade » de Carl Rove, conseiller de Bush : raconter de belles histoires émouvantes auxquelles on a envie de croire pour retarder la sentence de mort politique qu’aurait du attirer l’échec en Irak dès 2004 (et que promettaient les sondages quelques mois avant l’élection).

La coopération entre le Pentagone et Hollywood avec les simulations de guerre en univers virtuel des soldats : il ressemble de plus en plus à un jeu vidéo dont ils sont les héros. Ou encore les jeux vidéos en ligne pour convaincre les jeunes gens de s’engager.


Le branding de l’Amérique elle-même par la diplomatie publique (un sujet que connaissent bien les lecteurs de ce site) ou la promotion d’une idéologie primaire par Fox News, championne toutes catégories de l’infotainment, l’information montée comme des fictions.
Salmon, qui trouve également quelques bonnes illustrations dans la dernière campagne électorale présidentielle en France conclut que « Sous l’immense accumulation des récits que produisent les sociétés modernes, se fait jour un « nouvel ordre narratif » (NON) qui préside au formatage des désirs et à la propagation des émotions – par leur mise en forme narrative, leur indexation et leur archivage, leur diffusion et leur instrumentalisation à travers toutes les instances de contrôle. »

Cela nous semble correspondre à ce que nous avion nous-mêmes nommé la « post-propagande ». Si la propagande cherche à propager, conformément à son étymologie, un corpus de croyances d’ordre politique, la post-propagande remplit une triple fonction : dissimulation, simulation, stimulation.

C’est une grille qui semble s’appliquer assez bien au storytelling :

- Dissimulation : une belle histoire occulte nécessairement beaucoup de choses, comme une image de télévision fait oublier tout ce qui est hors du cadre. Elle fait oublier en particulier la genèse, les rapports de force, les conditions culturelles qui forment le contexte de cette histoire (d’ailleurs pas forcément représentative)
- Stimulation : un histoire est forcément un déclencheur de désirs ou d’émotion. Celle dont abuse le plus la télévision – terrain idéal pour une construction fictionnelle de la réalité filmée – c’est la pitié. Le culte de la victime, l’exhibition de la victime devient un des ressorts les plus puissants pour faire agir les masses, qu’il s’agisse de donner pour le tsunami, de condamner un régime ou d’approuver une guerre humanitaire.
- Simulation : le langage devient producteur de réalité. On monte des situations sur le modèle des feuilletons avec du suspense, des bons, des méchants et un dénouement clair à la fin. C’est cette réalité exemplaire – irréfutable : comment douter de ce que l’on a vu de ses yeux – qui s’imposera finalement. Quitte à aboutir à la révélation du montage quelques mois après, qu’il s’agisse des ADM en Irak ou de l’aventure de la soldate Jessica Lynch, capturée par les soudards de Saddam en 2003.