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mardi, 07 juin 2016

Retour sur un livre d'Albert Camus: L’homme révolté

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Retour sur un livre d'Albert Camus

L’homme révolté

albcam5283715793_cf31d79eac.jpgLe titre de l’essai d’Albert Camus est magnifique, même si le contenu ne m’a pas laissé un souvenir impérissable. Face à la vie politique présente, il n’est pas honteux, me semble-t-il, de ressentir une impression de révolte radicale, absolue, sans concession. Car le spectacle auquel nous assistons marque une détérioration permanente et l’absence de toute issue visible. Le fond du problème: il existe une caste médiatisée, de l’extrême droite à l’extrême gauche, qui se moque profondément du monde, ne vit que de propagande médiatique et prend les gens pour des crétins, indéfiniment manipulables. Les symptômes de ce phénomène:

  • L’ultra-personnalisation des choses: tout se ramène au « salut » par un homme ou une femme qui se prétend (implicitement) porté par la providence et semble se croire, pour une raison ou une autre, au dessus du commun des mortels. Ce phénomène est dans les gènes des idéologies extrémistes. Mais il vaut désormais pour tous les partis sans exception, désormais alignés sur ce standard. Par un biais inattendu, nous en sommes revenus au temps du culte de la personnalité des années 1930 et 1940. Etrange: le fascisme, le stalinisme, le pétainisme représentent plus que jamais le mal absolu, mais leurs méthodes, en particulier le culte de la personnalité, sont totalement banalisées, généralisées…  Or, rien n’est plus grotesque et lamentable que cette déferlante prétentieuse de soliveaux médiatiques, candidats au sauvetage de la France, qui font ainsi « don » de leur personne et envahissent l’espace public.
  • La démagogie absolue: la course est lancée à celui qui balance les promesses les plus lamentables, les plus odieuses de démagogie. Le thème de l’avenir qui pointe son nez: le « revenu universel« , prochain point de ralliement de tous les partis politiques, notamment des deux extrêmes (droite et gauche), mais pas seulement. C’est l’idée folle que le sort et l’avenir de chacun ne passe plus par l’effort, le travail, la volonté de s’en sortir, mais par des droits naturels à faire valoir sur la société qui vous doit un revenu sans la contrepartie d’une activité utile à la collectivité. Jamais la démagogie, toujours plus pesante, n’avait été poussée à ce niveau, et derrière la démagogie, le contrôle par l’Etat d’une population gavée d’assistanat.
  • La passion contre la raison: il est fascinant d’observer à quel point la vie nationale glisse dans le passionnel et l’affectif tout en s’éloignant du monde des réalités. Il faut constamment agiter les esprits, énerver l’opinion, exciter, diviser et déchirer par des scandales sans fin, polémiques stériles ou autres déclarations débiles, à n’importe quel prix. Nous avons par exemple eu droit à quatre mois de  « déchéance de la nationalité », à « l’état d’urgence », à la « loi travail »  (et en ce moment le dernier psychodrame: le supposé racisme des choix du sélectionneur de l’équipe de France de football). Le monde politique se fige soudain et ne parle plus que de cela. Puis tout s’achève par le néant. La vie publique semble livrée au culte du vide et de l’insignifiance.
  • Le déni de la réalité: les choses se passent, dans la vie politique moderne,  comme si toute limite au mépris et à la moquerie avaient cédé. Le monde virtuel, celui de la propagande se détache du monde du monde des réalités. Du doigt, on nous montre la pluie en nous disant: voilà un beau soleil. Et nous sommes censés applaudir. La crise et le chômage pulvérisent tous les records, frappent la France plus que tout autre pays d’Europe, mais peu importe « ça va mieux » puisqu’on vous le dit, toujours mieux!Et chacun, au sommet, de bomber le torse avec des airs autoritaire de père fouettard tandis que le pays sombre dans le chaos et l’anarchie.
  •  La destruction du bien commun: tout se passe comme si le sens du collectif et e l’intérêt général s’était effacé. La vie publique ne serait plus qu’au service d’une poignée d’individus qui soignent leurs avantages personnels et leur ego boursouflé. Il me semble que cette folie égotique, qui pousse des individus à n’exister que pour la jubilation de fanfaronner dans les caméras de télévision, de se sentir « le premier » et de jouir de l’impression d’être aimés, admirés, obéis, relève d’une forme de pathologie mentale. Le décalage est saisissant entre l’idée qu’ils se font d’eux-mêmes et la réalité du sentiment qu’ils inspirent. Plus ils se sentent  magnifiques aux yeux de l’opinion, et plus ils sont perçus comme grotesques, ridicules, inutiles. Mais peu importe, c’est le rêve de puissance et de séduction, l’illusion du pouvoir qui compte… La plupart des grandes fautes politiques de notre époque, en France comme en Europe, qui nous ont conduit où nous en sommes, émanent de choix individuels guidés par la seule mégalomanie.

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Alors que faire? Il n’existe probablement pas de remède miracle et immédiat, de perspective d’un  passage de la révolte à la révolution. Aujourd’hui, la résistance est avant tout intellectuelle. Fondamentalement, la refondation de la politique, au sens noble du gouvernement de la cité,  ne se conçoit que de manière progressive, par la transformation des mentalités. Elle passe par la démocratie directe, la proximité, la décentralisation: le pouvoir au plus près de chaque citoyen. C’est ce que j’ai voulu dire dans cette tribune pour le Figaro Vox en faveur des maires et des communes. Elle se fera par l’avènement de nouvelles valeurs politiques: la force (insoupçonnée) de la volonté associée à l’anonymat, la modestie, l’impersonnel, la discrétion, la vérité, ce mot oublié, comme principes fondamentaux de toute politique. Il est scandaleusement imbécile d’imaginer qu’un homme ou femme seul avec son petit cerveau malade, détient à lui seul les clés de l’avenir. D’où l’urgence à réhabiliter le collectif: toute bonne décision doit être pensée, réfléchie, discutée, débattue, adoptée par une majorité,  puis appliquée quoi qu’il arrive. Les choix fondamentaux sont ceux d’un Gouvernement, au sens de l’entité collective, d’un Parlement, d’un peuple à travers la démocratie directe. Et enfin, le politique doit se focaliser sur l’action et sur les réalités. Son champ est celui du possible, du monde réel, concret, palpable, celui que l’on peut vraiment changer, et non le délire de la polémique stérile, guéguerres de principes et des annonces sans suite.

Maxime TANDONNET

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