Il aura fallu une demi-journée ce 3 avril au très emblématique préfet Lallement pour chercher à retirer ses propos. Ils resteront pourtant dans les annales : ils doivent en effet nous inciter à réfléchir au régime tel qu'il fonctionne, à ce mélange de technocratie et de souvenirs de la Terreur dans lequel la république se complaît.
À en croire, un beau matin, ce technocrate glacial et incompétent "ceux qui sont aujourd'hui hospitalisés, qu'on trouve dans les réanimations, sont ceux qui au début du confinement ne l'ont pas respecté. Il y a une corrélation très simple". Quelques heures plus tard, on lui fit comprendre, sans doute de la part de la si compétente Mademoiselle Sibeth que cette déclaration faisait tache.
Comment s'étonner après cette séquence que des gens, plus simplistes encore que ce personnage inepte, manifestent leurs écœurants sentiments communs par d'affreux gestes de rejets. On déplore ainsi, ça et là, dans certains immeubles et voisinages, à l'encontre des possibles contaminés, parfois même des infirmières.
Pour certains intérêts, l'étatisme se présente ces temps-ci comme une bouée de sauvetage. On le croit désirable pour les lendemains de crise. Sans doute convient-il, dans cette perspective, de tétaniser les citoyens. On s'emploie donc à faire remonter en eux tout ce que les mauvais souvenirs historiques, ceux de la Terreur de 1793-1794, prolongés par ceux de la seconde guerre mondiale et de l'épuration de 1944-1945, par lesquels leurs cerveaux reptiliens ont été dressés. Les seules perspectives des contrôles fiscaux à la mode giscardienne ne suffisent plus.
Dans un article d'humeur de Présent[1], Françoise Monestier s'inquiétait à juste titre du nouveau cran franchi dans un mode de gouvernement essentiellement basé sur la peur. Elle définit ainsi la "sidération, antichambre du flicage" : "Restez chez vous, demeurez confinés, écoutez religieusement Jérôme Salomon".
Comment ne pas faire le parallèle ?
Dans la mémoire des Français, la Terreur est identifiée à une période, assez restreinte juge-t-on trop souvent, de la Révolution française. On la cantonne habituellement en 1793-1794 et on l'associe à la dictature et au nom de Robespierre.
En apparence, ce sont seulement certains nostalgiques qui cultivent le souvenir de ce personnage, incarnation du jacobinisme flanqué lui-même du compagnonnage de Saint-Just, son ange noir. Cette partie de l'opinion, se retrouve dans son élément à Montreuil. Le PCF y gère la municipalité. Sous la direction de Patrice Bessac a été repris le fief stalinien en 2014, après l'intermède Dominique Voynet (2008-2014). Montreuil abrite ainsi imperturbablement le siège central de la CGT et, accessoirement, les bureaux de l'URSSAF. Or, elle seule a donné le nom de Robespierre à une station de métro. En revanche, à ce jour, aucune rue de Paris n'a encore cru bon de célébrer de la sorte la survivance mémorielle de l'Incorruptible.
Terreur et jacobinisme ne font-ils qu'un ? Quand on parle aujourd'hui de terrorisme, on ne pense pas à l'Histoire de France. En l'an de grâce 2020, on associe ce mot aux actes sanglants commis par les partisans de l'islamisme radical. Il nous renvoie en effet aux doctrines et à leurs mises en œuvre armées conduisant des fous d'Allah à partir combattre les mécréants, les kouffars, en Syrie ou en Irak, mais aussi dans le reste du monde à se faire exploser dans la foule en occident, en Afrique et dans le monde entier. Tel ce Soudanais "réfugié"qui, s’étant plaint de vivre dans "un pays de mécréants"attaque des innocents à Romans sur-Isère[2], les adeptes de la Terreur nous semblent ainsi venir d'une autre Planète. Et ils tuent tranquillement, au gré d'une machine à remonter le temps, tournée vers les siècles de la conquête arabe déferlante du VIIe siècle, de l'empire ottoman ou des moghols massacreurs de l'Inde.
Dès la première édition de sa Sociologie du communisme, en 1949, Jules Monnerot soulignait l'apparentement de deux phénomène totalitaires, découlant des entreprises de domination mondiale respectivement conduites à partir du VIIe siècle par les successeurs de Mahomet et de son beau modèle guerrier, et au XXe siècle par ceux de Lénine. Le parallèle semblait alors osé, et il fut mis en doute par les experts orientalistes tel Maxime Rodinson. Or, celui-ci, quelque 30 ans plus tard dut reconnaître son erreur : islamisme et soviétisme pouvaient faire l'objet de comparaisons pertinentes. L'un comme l'autre pouvait être analysés comme des religions séculières, vouées tragiquement à l'échec, après s'être embourbés dans le sang de leur prétention à représenter le sceau de la prophétie, la lutte finale, la fin de l'histoire. Entre-temps Monnerot avait osé prédire, dans la seconde édition de sa somme, en 1963, la fin du communisme dont pratiquement personne d'autre ne voulait croire alors qu'il s'effondrerait sur lui-même, dans sa boue sanglante.
S'agissant des grands ancêtres jacobins, c'est seulement dans les années 1840, à partir du moment où les survivants de l'époque révolutionnaire étaient entrés en voie d'extinction, que les nostalgies avouées ont commencé à redresser la tête. Les témoins ayant presque tous disparus, Michelet peut enfin commencer sa fameuse histoire dont on fait aujourd'hui la base de ce que les bons esprits appelle, de façon si caractéristique le "roman national".
En 1842, le vieux comploteur révolutionnaire Buonarotti pouvait, de son côté, dresser le panégyrique de l'Incorruptible :
"Dès son adolescence, écrit-il sans retenue, Robespierre fut probe modeste et studieux ; il prit de bonne heure la défense du faible contre le fort, de la raison contre le préjugé ; il arrive aux États Généraux, en 1789, plein de vénération pour la mémoire de Rousseau, dont il médita les écrits toute sa vie ; déjà il aimait et plaignait le peuple, abhorrait les grands méprisait les faiseurs d'esprit et était convaincu que tout était à reformer dans l'ordre civil et politique de la France."
On doit souligner que le mot "grands"figure en petites majuscules péremptoires dans la typographie originale. C'est en 1912 que la Société des études robespierristes réédite pieusement ce délire oublié.
Bien des technocrates seraient sans doute indignés de voir assimiler au robespierrisme la sidération par laquelle ils entendent eux-mêmes imposer leurs vues, pourtant changeantes, à des Français contraints parce que conditionnés. Un jour les masques sont proclamés inutiles voire dangereux, quelque temps plus tard, ils deviennent obligatoire : l'important est que vous obéissiez, tétanisés, c'est-à-dire, littéralement, terrifiés.
J'ose donc soutenir ici qu'on ne se débarrassera des vieux conditionnements par lesquels perdurent les privilèges et les errements de pouvoir de la haute administration qu'en liquidant l'héritage totalitaire du jacobinisme, de l'étatisme et de leurs gouvernement par la peur.
JG Malliarakis
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Apostilles
[1] cf. article en ligne ce 2 avril.
[2] cf. in Le Mondedu 6 avril Romans-sur-Isère, un effroyable parcours terroriste
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