Thierry Maulnier, nom de plume de Jacques Louis André Talagrand (1909 – 1988), a rédigé de nombreux essais, écrit plusieurs pièces de théâtre et donné bien des préfaces. Sa bibliographie comporte cependant une omission de taille : l’absence de Révolution Nationale. L’avenir de la France. Cet ouvrage s’apparente à une sorte de fantôme dont diverses personnes ont nié son existence réelle.
Le silence de Thierry Maulnier sur ce livre est peut-être dû à un ensemble de facteurs liés à la période de l’après-guerre. Outre son titre, ce recueil de vingt-six textes paraît en 1942 à l’« Édition du gouvernement général de l’Indochine » domiciliée à Hanoï. Son impression a par conséquent bénéficié de toutes les autorisations de la part des services de censure locale. Sachant qu’il est alors très difficile aux représentants de l’État français en Extrême-Orient de communiquer correctement avec les autorités à Vichy, il était quasi impossible de penser que Thierry Maulnier a eu connaissance de cette publication. Il s’agirait d’une édition pirate officielle…
Un livre non souhaité
On peut très bien en revanche envisager qu’un fonctionnaire du bureau de propagande du gouvernement général soit un lecteur attentif de Maulnier. Avant de venir au Tonkin, il lisait probablement le mensuel de Maulnier et de Jean de Fabrègues, Combat, et L’Insurgé de Maulnier et de Maurice Blanchot. Maréchaliste convaincu, ce fonctionnaire voit dans l’auteur d’Au-delà du nationalisme le plus amène d’expliquer la Révolution nationale. Avec l’assentiment de sa hiérarchie, ce responsable de propagande en Indochine choisit les articles les plus pertinents et les agence autour de six grands thèmes. Ainsi y trouve-t-on une contribution de 1934, des articles de La Revue Universelle, du Figaro, de Candide et du Jour – Écho de Paris, souvent repris par le Journal de Shanghaï qui assure un lien ténu entre la métropole, le monde et la communauté française d’Indochine.
Cette hypothèse expliquerait la non reconnaissance de cette édition par Thierry Maulnier d’autant que la même année sort chez Lardanchet La France la guerre et la paix. Dans cet autre recueil, voulu celui-ci par Maulnier, se trouvent trois textes présents dans Révolution Nationale : « Guerre mondiale et Révolution nationale » à l’identique dans les deux ouvrages tandis que les premiers paragraphes de « Rester la France » et « La médiation française » ont été réécrits pour cette parution. Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, Thierry Maulnier publie chez Gallimard Violence et Conscience qui « a été écrit en 1942 et 1943 (p. 1) » et qui contient une version modifiée et enrichie à partir du deuxième paragraphe de « Révolution prolétarienne et réaction patriarcale ». En 1946, chez un jeune éditeur moins consensuel, La Table Ronde, paraît Arrière-pensées qui réunit des chroniques « écrites et publiées entre le printemps de 1941 et le printemps de 1944 (p. 5) ». Par rapport à Révolution Nationale, on relit souvent dans une version modifiée, voire changée, « Les poseurs de rails », « Avant l’assaut », « Erreurs de jeunesse », « L’assaut des médiocres », « Les “ intellectuels ” sont-ils responsables du désastre ? », « Un jugement sur Racine », « L’art et l’éducation », « Polémique d’ancien régime » et « L’esprit français est-il coupable ? » qui s’intitule dans Révolution Nationale « Controverses sur l’esprit français » (1). On suppose que les textes qui forment Révolution Nationale proviennent directement des périodiques. Dans le cas des recueils autorisés, Thierry Maulnier a retravaillé certains passages afin de les lier aux autres textes et d’en donner une cohérence interne évidente.
Révolution Nationale. L’avenir de la France séduit les autorités proconsulaires françaises. Ses articles développent un point de vue proprement national français qui ne cède ni au camp du « Ja », ni à celui du « Yes » et encore moins à celui du « Da ». Cette position favorable à une « quatrième voie » se rapproche de l’attitude du capitaine de cavalerie Pierre Dunoyer de Segonzac, le « Vieux Chef », et de ses élèves de l’École des cadres d’Uriage (2). Tous pensent que « se renier et chercher ailleurs des modèles, c’est, tout comme s’abandonner, une manière de subir, de déchoir et enfin de mourir, avertit Maulnier. La France n’a qu’un moyen de se sauver, et c’est de continuer d’être (p. 13) ». Seule l’action résolue d’une révolution nationale effective facilitera le maintien et le renouvellement français surtout si on conçoit « la Révolution nationale [… comme] une œuvre de destruction et de construction positives (p. 220) » (3).
Pourquoi la révolution nationale ?
Il faut cependant prendre garde à ne pas encore verser dans les anciens clivages stériles, funestes et incapacitants. Thierry Maulnier proclame que « la Révolution Nationale sera réaliste ou ne se sera pas (p. 215) ». Ainsi renonce-t-il aux controverses de l’entre-deux-guerres entre « matérialistes » et « spiritualistes ». « La Révolution nationale n’est pas matérialiste, assure-t-il. Mais elle n’est pas non plus uniquement idéaliste, et l’idéalisme est peut-être un des dangers qui la menacent le plus (p. 118) ».
En outre, « le destin de la Révolution nationale, poursuit-il, est précisément de ne se laisser attirer ni par l’ancienne gauche, ni par l’ancienne droite : d’attirer au contraire en elle l’ancienne gauche et l’ancienne droite pour abolir en elles leurs stériles contradictions et pour les anéantir (p. 82) ». Voilà pourquoi « c’est dans la révolution nationale et dans la révolution nationale seule que la France peut aujourd’hui trouver les moyens de guérir ou plutôt de renaître, faire éclater la vigueur d’un génie qui survit intact à ses blessures, affirmer son droit à la vie (pp. 76 – 77) ». Il devient évident que « c’est sur nous et nous seuls que nous devons compter pour créer une civilisation où il nous soit possible de vivre (p. 55) ».
Fidèle à la ligne maurrassienne de la « seule France », le chroniqueur militaire à L’Action Française et au Figaro Thierry Maulnier déplore qu’« un certain nombre de Français cèdent aujourd’hui à une passion singulière, qui est celle de l’humiliation, pour ne pas dire de la servitude (p. 7) ». « La révolution nationale ne saurait être qu’une révolution qui libère, ajoute-t-il. Elle est aux yeux de tous les Français un moyen de retrouver la France et de lui rendre une personnalité inaliénable, non pas un moyen de la soumettre, politiquement, économiquement ou spirituellement, à d’autres peuples. Elle ne saurait donc se confondre avec cette autre forme plus subtile de la servitude qui s’appelle l’imitation (pp. 39 – 40). » Selon Maulnier, « les Français savent très bien que le salut pour eux est dans la révolution nationale française, non dans l’adhésion de la France à un “ national-socialisme ” ou à un “ fascisme ” international. Une révolution nationale reçue de l’étranger est contradictoire dans les termes (pp. 38 – 39) ». La rédaction de Je Suis Partout ne peut pas ne pas réagir à de pareilles saillies typiquement « vichystes » (4).
Thierry Maulnier conçoit la Révolution Nationale, on l’a vu, comme la matrice d’un nouvel ordre français. « Il faut créer de nouvelles mœurs, de nouvelles valeurs et de nouveaux modes de pensée (p. 71). » Comment ? Ce qu’il propose convient au fonctionnaire de la propagande à Hanoï qui a classé les textes à sa disposition. « refaire une nation, c’est d’abord se donner les moyens de la refaire. C’est d’abord occuper et réorganiser l’État (p. 22). » l’auteur s’intéresse aux interactions psychiques, sociales et politiques entre le « Chef », l’élite et le peuple. « La nature de l’autorité n’est pas seulement d’accroître la force ou pour mieux dire l’efficacité de ceux qui lui obéissent; elle est de métamorphoser cette force en une force de qualité supérieure (p. 204). » Cependant, « l’autorité elle-même, pour atteindre à toute sa vertu, a besoin à son tour de la collaboration de ceux sur qui elle s’exerce. Elle perd beaucoup de son efficacité, s’il ne lui est donné qu’une obéissance passive et comme inerte (p. 205) ». Cela signifie restaurer ce qui est à l’origine de la nation française : l’État. « C’est le pouvoir qui devait donc être rétabli ou refait avant toute chose : c’est l’ensemble des moyens d’exécution; c’est l’État. C’est par l’État que la reconstruction française à commencer (p. 23). »
En quête d’héroïsme volontariste
L’auteur de La crise est dans l’homme s’intéresse par ailleurs à l’esprit français qui doit animer en amont cette nécessaire restauration nationale. Défendant René Descartes et Jean Racine, il voit en Pierre Corneille, qu’il qualifie de « plus grand des poètes de la volonté (p. 192) », comme « l’un des plus actuels de nos maîtres parce qu’il est le poète de la personnalité (p. 196) ». Il se lance dans une comparaison entre l’héroïsme de Frédéric Nietzsche et de celui de Pierre Corneille. Pour lui, l’héroïsme cornélien « est l’effort de l’homme pour se conquérir lui-même, pour atteindre le plus haut degré humain de domination de la nature humaine, d’indépendance et de responsabilité (pp. 193 – 194) ». Il en profite au passage pour déplorer qu’« en trois siècles, de Richelieu à M. Lebrun [le dernier président de la IIIe République décadente], l’âge moyen des membres de l’Académie française était passé de vingt-sept à soixante-dix ans (p. 213) ». L’ironie fera que Thierry Maulnier entrera sous la Coupole du quai Conti en 1964 à l’âge de 55 ans !
La référence à Corneille et à Racine n’est pas anodine. De formation littéraire, cet épris du « Grand Siècle » ludovicien recherche un volontarisme héroïque indépendant de l’enseignement de l’« Allemand » de Sils-Maria. Il souhaite par des figures volontaristes et héroïques insuffler un dynamisme nouveau au peuple de France trop longtemps léthargique et avachi. « devant ses vainqueurs et devant l’histoire, il est impossible qu’un peuple ne soit pas jugé solidaire, au moins jusqu’à un certain point, des institutions qu’il a, sinon choisies, du moins tenues pour acceptables et tolérées (p. 5). » S’il ne veut pas une révolution nationale inspirée des exemples allemand et italien, il propose néanmoins une « révolution intellectuelle et morale » d’un peuple traumatisé par la raclée de mai – juin 1940. Sous la direction du Maréchal Pétain (qu’il ne cite jamais), il croit que « la France reprend conscience d’elle-même nationalement et politiquement, non seulement pour sauvegarder son existence dans des circonstances difficiles, mais pour reconstruire de bas en haut, tous les rapports et toutes les valeurs de sa civilisation, pour faire une “ révolution nationale ”. Ensuite, que la situation où se trouve la France est si particulière, qu’elle lui permet, ou plutôt qu’elle lui impose, une “ révolution nationale ” plus étendue et plus complète que celles des autres pays (pp. 29 – 30) ».
La Révolution Nationale doit de facto « dès maintenant nous préparer à une paix qui pourrait être pour nous, sin nous n’y prenons garde, plus redoutable que la guerre elle-même (p. 44) ». Il lui assigne donc une tâche ardue : fondre toutes les contradictions nationales dans un seul môle. En effet, « le drame du monde moderne vient de ce que les valeurs dont la composition merveilleuse et l’équilibre sans cesse en mouvement font une société harmonieuse ont commencé de se séparer les unes des autres, de s’exclure les unes les autres avec une fanatique intolérance, de s’amplifier jusqu’au mythe et d’exercer leur ravage anarchique en visant d’une vie monstrueusement indépendante (pp. 52 – 53) ». D’où cette mentalité française qui s’installe facilement dans la routine. « Si les Français se sont montrés inférieurs à d’autres peuples, au cours des cinquante dernières années, ce n’est pas dans la vitalité, ce n’est pas dans le jaillissement des sources créatrices, c’est dans l’organisation, l’utilisation, l’exploitation de leurs ressources. Ils n’ont pas été dépassés dans l’ordre de l’invention scientifique, mais dans celui des applications industrielles (p. 11) ». Il ne pointe pourtant pas la cause pratique de ces échecs répétés : une administration de plus en plus bureaucratique qui freine ou noie toute initiative originale afin de rester dans un moule normatif confortable. Il n’entend pas que la Révolution Nationale s’affadisse ou s’embourbe dans le marais des ministères incapables de se faire obéir de ses fonctionnaires.
Au service d’une France européenne et impériale
Thierry Maulnier l’imagine comme une synthèse des valeurs actuelles. « Liberté et autorité, coordination de tous les efforts au service de la communauté et indépendance des personnes, souveraineté de l’État et droit des individus, capital et travail; droit et force, recherche du bien-être et acceptation du sacrifice, tradition et progrès, statisme et dynamisme, stabilité des institutions et libre développement des énergies vivantes, droit et force, technique et culture, bonheur et courage, les antagonismes du monde moderne ne sont que les antagonismes de vérités incomplètes (pp. 51 – 52) ». De ce constat découle l’obligation d’une révolution nationale française qui intégrera et réordonnera ces vains antagonismes dans un sens français. Ne s’agit-il pas là de la fonction de la France dont « le rôle de médiatrice […] lui appartient par vocation (p. 67) » ? Attention néanmoins ! « La médiation dont nous parlons est celle qui consiste dans la construction d’un ordre; elle ne se situe pas au “ juste milieu ” entre les extrêmes qui se combattent, elle tend à dépasser les contradictions et à aller au-delà, là où le problème est résolu (p. 67). »
L’auteur comprend bien que « la conciliation des contraires est pour la France la loi même de son existence nationale. De tous les peuples, elle est celui dont la composition est la plus complexe, dont le sol, la race et l’esprit sont formés du plus grand nombre d’éléments hétérogènes, dont les activités sont les plus diverses (pp. 59 – 60) ». Toujours à la suite de Charles Maurras, il rappelle qu’« il n’y a pas de sang français pur, il n’y a pas de type ethnique français (5). Le peuple français est le produit non du sang, mais de l’histoire, il n’est parvenu à se donner une unité que par une lente et délicate élaboration, par la fusion patiente dans le creuset commun d’apports hétérogènes (p. 63) ».
Thierry Maulnier pense par conséquent que « la France n’est pas le pays de la mesure : mais elle est, géographiquement, historiquement, socialement, moralement, intellectuellement, le pays de la conciliation des contraires (p. 59) ». Malgré la Débâcle de 1940, le pays vaincu conserve des atouts. Ceux-ci reposent sur sa géographie. L’auteur se lance dans une succincte et pertinente analyse géopolitique qui bouscule la fameuse et sempiternelle dualité Terre – Mer. La « complexité de notre civilisation nous est imposée par notre sol lui-même. Solidement établie au cœur de l’Europe, la France regarde en même temps vers toutes mers, et la géographie l’attache en même temps aux peuples continentaux et aux peuples maritimes qui se disputent en ce moment la prééminence. L’Allemagne n’est qu’européenne (6), l’Angleterre n’est qu’impériale (7) : la France est européenne et impériale en même temps. On en a vu les conséquences dans l’histoire militaire : celle de l’Allemagne n’est guère que terrestre, celle de l’Angleterre n’est guère que marine. Tout au long de son histoire, la France a dû se battre sur terre et sur mer en même temps (pp. 60 – 61) ». Encore de nos jours, l’Hexagone républicain se voit tiraillé entre un projet pseudo-européen germanocentré sous la houlette étatsunienne, une francophonie « grand remplaciste » métisseuse mondialisée et un monde atlantique anglo-saxon auquel il se rattache indirectement par la Normandie et la rémanence territoriale de la Grande Louisiane et de la Nouvelle-France des XVIIe et XVIIIe siècles… Terre de contrastes majeurs parce que « continentale et maritime, agricole et urbaine, européenne et impériale, nationaliste et humaniste, unitaire et régionaliste, religieux et rationaliste (8), particulariste et cosmopolite, pacifique et guerrière, la France concentre en elle toutes les contradictions de l’univers et a fait sa civilisation et sa vie, passablement heureuse et glorieuse au cours des siècles, de ces mêmes contradictions (p. 65) ».
Une révolution économique et sociale
Cette médiation géo-politique trouve son équivalent dans le champ économique et social. En observant le national-socialisme allemand et le fascisme italien, Thierry Maulnier remarque que « le nationalisme européen n’a accompli sa deuxième étape qu’en prenant conscience de soi comme antidémocratique dans l’ordre politique, et antilibéral ou anticapitaliste dans l’ordre économique et social (p. 32) ». La Révolution Nationale a une ambition socio-économique similaire. La troisième partie du recueil, « La Révolution Nationale et les problèmes sociaux », comprend huit articles, tous de haute volée, en particulier le sixième intitulé « Sociaux ou Socialistes ? (pp. 143 – 147) ». Si le socialisme sonne trop marxiste, « social » laisse entendre une signification réactionnaire, sauf si entre en jeu le caractère révolutionnaire du redressement national, cette « organisation d’une société nouvelle où le travail ne sera pas le serviteur docile du capital, où le produit du travail ne sera pas la propriété exclusive du capital (p. 144) ».
Thierry Maulnier reprend des accents de L’Insurgé en 1937. « Nos théoriciens politiques, de Maurras à Sorel, ont été les premiers maîtres des révolutions contemporaines (p. 12). » Il s’en prend bien sûr à « la mythologie libérale [qui] n’est en fin de compte que la méthode de domination d’une certaine partie de la société sur les autres parties (p. 102) ». Il pointe « la démocratie libérale et capitaliste [qui] avait affaibli l’État français, livré la politique française aux intérêts financiers, aux intrigues internationales et aux passions populaires, désorganisé la production française, affaibli en fin de compte la valeur technique et morale de l’armée elle-même (pp. 7 – 8) ». Il soutient que « la liberté dans le régime démocratique n’est point, conformément aux apparences, la liberté pour chacun de vivre, d’agir et de penser à sa guise sous la protection des lois, mais la liberté conférée à l’argent d’étendre indéfiniment dans la vie sociale la domination des moyens de puissance qui lui sont propres (p. 107) ».
Espérant que « la structure économique de la France de demain sera corporative (p. 119) », Thierry Maulnier se plaît à souligner au nom d’une future et éventuelle convergence des révolutionnaires nationaux de « droite » et des révolutionnaires sociaux de « gauche » que « l’opposition légitimiste approuva les révoltes ouvrières contre la monarchie bourgeoise et libérale de Louis-Philippe (p. 121) ». Parce que « la Révolution Nationale n’est pas le régime de la facilité : elle demande et doit demander à chacun la patience dans l’effort et le sacrifice (p. 139) », son rôle « est précisément d’arracher le travail à cette dégradation qu’il subit dans l’exploitation capitaliste et dans les réactions qu’elle provoque (p. 137) » en s’appuyant sur un corporatisme renaissant à expérimenter. Il est clair qu’« anticapitaliste, [la Révolution Nationale] ne se confond ni avec la réaction patriarcale ni avec la révolution prolétarienne. […] Elle est la révolution d’une société qui ne se renie pas pas, mais obéit à sa loi interne d’un présent qui ne transforme le passé que pour l’accomplir (pp. 124 – 125) ». N’est-ce pas la définition exacte d’une révolution conservatrice ?
Probablement non souhaité ni encouragé par un auteur distant de plusieurs milliers de kilomètres, Révolution Nationale. L’avenir de la France n’en reste pas moins la preuve d’une tentative dans la première moitié des années 1940 de renouveler les idées nationalistes et sociales dans une orientation conservatrice et révolutionnaire. Ce livre – rare et « maudit » – demeure un témoignage tout à fait pertinent dans le cadre de l’histoire des idées politiques non-conformistes du siècle dernier.
Georges Feltin-Tracol
Notes
1 : Certains textes dans Révolution Nationale sont des extraits incomplets du Figaro. D’autres articles commencent dans Arrière-pensées au deuxième ou troisième paragraphe des textes lus dans Révolution Nationale. Dans « Polémique d’ancien régime » paru dans Arrière-pensées, Thierry Maulnier rend anonymes les noms de Ludovic-Oscar Frossard et d’Édouard Herriot et modifie la conclusion en changeant « révolution nationale » en « reconstruction française ».
2 : cf. le remarquable travail de Bernard Comte, Une utopie combattante. L’École des cadres d’Uriage 1940 – 1942, préface de René Rémond, Fayard, coll. « Pour une histoire du XXe siècle », 1991. On lira aussi Michel Bergès, Vichy contre Mounier. Les non-conformistes face aux années 40, préface de Jean-Louis Loubet Del Bayle, Economica, coll. « Publications du Centre d’analyse politique comparée », 1997.
3 : Proche de certains cénacles de l’État français, Thierry Maulnier accepte que certains de ses articles soient repris par Jeunesse… France !, la revue officielle de l’École d’Uriage. Ses livres figurent dans les listes de lecture proposées par l’encadrement de l’école à ses stagiaires. Bernard Comte rappelle qu’en juillet 1941, Thierry Maulnier aurait dû donner une conférence à Uriage sur « Vérités et erreurs du nationalisme », mais il dut l’annuler pour une raison inconnue (Bernard Comte, op. cit., pp. 235 – 236).
4 : cf. collectif, Je Suis Partout. Anthologie (1932 – 1944), préface de Philippe d’Hugues, Auda Isarn, 2012.
5 : Cette assertion peut être contredite. Cf. par exemple Charles Becquet, L’ethnie française d’Europe, avant-propos de Hervé Lavenir, préface de Marcel Thiry, Nouvelles Éditions latines, 1963.
6 : C’est-à-dire continentale.
7 : Comprendre puissance coloniale de première importance.
8 : Le texte écrit « nationaliste », ce qui est certainement une coquille.
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