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samedi, 07 mai 2022

La psychologie politique et l'irrationalité des masses

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La psychologie politique et l'irrationalité des masses

"Psychologie politique" de Gustave Le Bon, publié par OAKS et édité par Francesco Ingravalle, est de retour en librairie en Italie.

par Giovanni Sessa

Source: https://www.barbadillo.it/104295-la-psicologia-politica-e-lirrazionalita-delle-masse/

Le-Bon-2-320x500.jpgL'un des postulats fondamentaux de la pensée de Gustave Le Bon peut se résumer à cette affirmation: l'irrationalité des masses, mues par le sentiment, donne toujours lieu, dans la sphère politique, à la recherche d'un chef. Ce constat ressort des pages de la nouvelle édition italienne de l'un des ouvrages capitaux du psychologue et sociologue français, Psychologie politique, reparu récemment en librairie grâce aux éditions OAKS et sous la direction de Francesco Ingravalle (pour les commandes : info@oakseditrice.it, pp. 291, 16,00 euros). L'idée maîtresse que nous avons évoquée est, ab origine, un motif récurrent de la philosophie politique. Présente chez Platon, elle est réaffirmée par Althusius, Taine et guide les considérations de Pareto lui-même. Chez Le Bon, l'éditeur nous rappelle que "la raison est propre aux minorités, aux élites, les sentiments sont la voix des masses" (p. II). La première édition française de Psychologie politique a été publiée en 1910, un peu plus de quinze ans après la publication de la Psychologie des foules, à une époque où l'auteur avait pleinement défini son monde idéal.

L'édition que nous présentons est structurée en cinq livres (le livre VI a été éliminé, car il est aujourd'hui dépassé). Dans le premier, le penseur français plaide pour l'urgence de développer une véritable psychologie politique afin de gouverner les évolutions possibles de la société de masse, en tenant compte de l'importance accordée à cette discipline par Machiavel. Elle conduit, en premier lieu, à l'observation: "des préjugés héréditaires d'un peuple et de la nécessité pour l'homme politique d'introduire progressivement les changements nécessaires [...] afin de créer de nouvelles coutumes" (p. XII). Au XXe siècle, la société est dominée par le facteur économique et le caractère supranational du capitalisme, qui produit "des maîtres invisibles mais omnipotents auxquels les peuples et leurs propres souverains doivent obéir" (p. XII). Celles-ci, agissant sur la psychologie des profondeurs et des masses, visaient à conditionner le comportement et les choix des hommes. À mesure que le désordre grandit, la logique du sentiment pousse les masses, note Le Bon, dans les bras d'un César. En outre, dans tout choix politique, un rôle pertinent devrait être attribué aux "prédispositions raciales" (p. XII) du peuple et de son histoire antérieure. Ces facteurs déterminent la manière différente dont l'État est considéré par les peuples latins qui penchent vers le "socialisme", l'étatisme, et les peuples anglo-américains qui en sont fait les gardiens des libertés individuelles.

s-l400psypolglb.jpgDans le deuxième livre, Le Bon traite des lois. Il affirme qu'elles ne sont rien d'autre que la formalisation de coutumes ataviques. L'homme politique qui voudrait s'y opposer vouerait son action à l'échec: "Les vrais motifs de l'action politique sont la peur, la haine, l'envie" (p. XIII). Dans les premières décennies du siècle dernier, la substitution de l'intérêt de classe au bien commun était la caractéristique la plus évidente de la contestation politique. Dans les pays latins en particulier, cela a ouvert la voie aux démagogues de différentes tendances. Dans le troisième livre, Le Bon insiste sur l'importance des élites et l'impartialité des processus de démocratisation de la vie politique, en soulignant le risque de voir profiter de cette situation des démagogues qui, en renforçant la crédulité des foules, en les stimulant "sentimentalement", répandent leur charisme par contagion mentale. Dans le quatrième livre, le socialisme est présenté par l'auteur comme une immanentisation du mysticisme chrétien, visant à atteindre le paradis sur terre, en partant "d'une hypothèse infondée: tous les maux dérivent du capitalisme" (p. XV).

Dans la dernière partie du livre, Le Bon avertit ses contemporains que le désordre social produira bientôt une forme intolérable de "césarisme socialiste". Face à cette situation, il a appelé à une "défense sociale" capable d'inverser ce résultat politique. Dans ce contexte, il serait essentiel de "défendre le concept de patrie" (p. XVI), qui garantirait les hiérarchies sociales sans lesquelles aucun ordre politique ne peut être préservé. C'est sur la base de ces considérations que la première édition italienne de Psychologie politique, éditée par Adrian Popa en 1973, a rencontré un certain succès. Les thèses de Le Bon conciliaient l'anticommunisme atlantiste de la "majorité silencieuse" de ces années-là avec les revendications "révolutionnaires" des groupes de droite radicale qui se tournaient vers l'expérience politique de Jeune Europe. Pour l'un comme pour l'autre : "Le fait que Mussolini ait considéré la Psychologie politique comme "une œuvre capitale" était [...] une certification suffisante" (p. XVII) pour faire de ce livre une référence essentielle pour le "retour à l'ordre". En bref, si lors de la Convention de l'"Institut Alberto Pollio" à l'Hôtel Parco dei Principi à Rome dans les années 60, la propagation du communisme dans le monde occidental était lue comme le résultat de l'"ingénierie des âmes" ou de la "guerre psychologique" menée par ces derniers, à cette occasion, il a été décidé de leur opposer une "ingénierie des âmes" opposée et contraire, selon la leçon de Le Bon.

Les éditions italiennes ultérieures de ce texte ont rencontré un paysage politique très différent. Le virage à "droite" n'avait pas eu lieu et l'imposition de la "société de contrôle" était clairement annoncée. Dans ce livre, pour la première fois dans l'histoire, "la possibilité télématique de "créer des foules" et de déployer de nouvelles formes de contrôle social" (p. XXII) était exprimée, ce qui rendait le livre du psychologue français, malgré la situation différente, très actuel. Le "capitalisme cognitif" exerce son pouvoir par la colonisation omniprésente de l'imaginaire individuel et communautaire. Le Bon invitait ses contemporains à se battre pour la "défense sociale": aujourd'hui, cette bataille se déroule sur le front "esthétique", à l'endroit où le Capital-Forme réalise la marchandisation de la vie. Dans cette tranchée, les thèses de Le Bon peuvent également jouer le rôle d'un contrepoids important.    

 

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