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mardi, 05 septembre 2023

NYT : parler de paix en Ukraine est devenu tabou

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NYT : parler de paix en Ukraine est devenu tabou

Source: https://www.piccolenote.it/mondo/nyt-parlare-di-pace-in-ucraina-e-un-tabu

Stian Jenssen, chef de cabinet du secrétaire général de l'OTAN, a été le dernier à subir de lourdes représailles pour avoir osé affirmer qu'il fallait trouver un moyen de mettre fin à la guerre en Ukraine, en acceptant même, si nécessaire, de céder une partie des territoires actuellement sous le contrôle de Moscou.

Steven Erlanger s'est inspiré de la dure réaction déchaînée contre Stian Jenssen pour rédiger un article réfléchi publié dans le New York Times le 1er septembre avec un titre plus que significatif : "Alors que le conflit ukrainien se poursuit, parler de négociations est devenu presque tabou" (on pourrait supprimer le "presque").

La fermeture de l'espace politico-médiatique

Ainsi le NYT : la réaction brutale subie par Jenssen, "selon certains analystes qui ont été critiqués de la même manière, reflète une fermeture du débat public sur les options possibles pour l'Ukraine au moment même où une diplomatie créative s'avère des plus nécessaires", puisque l'échec de la contre-offensive ukrainienne, que tout le monde pensait gagnante, est désormais évident (à tel point que Zelensky a renvoyé le ministre de la défense, premier bouc-émissaire de cet échec).

Pourtant, "puisque même le président Biden estime que la guerre se terminera probablement par des négociations, Samuel Charap, politologue à la RAND Corporation, estime que dans une démocratie, il devrait y avoir un débat sérieux sur la manière d'y parvenir". Mais même lui a été critiqué pour avoir suggéré que les intérêts de Washington et de Kiev ne coïncident pas toujours et qu'il est important d'évoquer, avec la Russie, une "issue négociée".

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Sur ce point, Charles A. Kupchan (photo), professeur à l'université de Georgetown et ancien fonctionnaire d'État américain, a déclaré: "L'atmosphère politique s'est détériorée et, dans l'ensemble, un tabou persiste dans l'espace politique sur la possibilité d'une discussion sérieuse sur la fin de la guerre".

"Kupchan, note Erlanger, sait de quoi il parle. Lui et Richard N. Haass, ancien président du Council on Foreign Relations, ont écrit un article dans Foreign Affairs en avril dans lequel ils exhortaient Washington et ses alliés à élaborer un plan pour passer du théâtre de la guerre à la table des négociations, ce qui leur a valu de nombreuses critiques".

"Ces critiques se sont considérablement intensifiées après que les deux hommes, ainsi que Thomas E. Graham, ancien diplomate américain à Moscou, ont rencontré en privé le ministre russe des affaires étrangères, Sergey V. Lavrov, afin d'explorer la possibilité de négociations."

[...] "Engager une conversation sur un éventuel plan B est une tâche ardue", ajoute M. Kupchan, "comme Jenssen a dû le constater de la manière la plus dure et comme cela nous est arrivé à nous qui essayons d'élaborer des plans B. Nous sommes soumis à des flots de critiques et d'insultes de la part de la communauté internationale. Ce qui était auparavant une sorte de vague tabou est devenu un tabou inviolable".

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Constanze Stelzenmüller (photo), de la Brookings Institution, va plus loin en qualifiant d'"immorale" la recherche d'une solution négociée, explicitant ainsi l'implicite de cette dérive. En effet, comme l'indique le mot tabou, il ne s'agit pas d'un déni de nature politique, mais d'un veto, d'un dogme, de nature religieuse, qui n'admet pas d'exception.

Le tabou de la paix et de la guerre éternelle

Ce qui s'est manifesté dans toute son évidence et sa puissance ces derniers mois est issu de l'après 11 septembre et des décennies de guerres sans fin, grâce aussi à la complicité et à la connivence de tant de gens qui sont aujourd'hui horrifiés par le monstre qu'ils ont eux-mêmes créé, le sous-estimant pour certains, l'alimentant pour d'autres.

Au djihad, la guerre sainte, lancé par le fondamentalisme islamique, a répondu la guerre sainte contre la terreur. Des extrémismes opposés qui se sont nourris l'un l'autre et qui, ce n'est pas un hasard, ont trouvé au fil des ans une convergence contre des ennemis communs, comme l'a montré la guerre de Libye, avec Al-Qaïda utilisé comme troupes terrestres de l'OTAN contre Kadhafi ; la guerre du Yémen, avec les milices salafistes en guerre contre les rebelles houtis ; et, enfin (mais on pourrait continuer), la guerre de Syrie, où les islamistes radicaux ont combattu Assad, les milices iraniennes et les Russes.

Ce sont toutes des guerres dans lesquelles l'espace du débat public s'est rétréci, la guerre syrienne devenant une poigne de fer, au sujet de laquelle rien n'était (ou n'est) autorisé à être dit qui diverge de la narration dominante.

Ceux qui ont osé remettre en question les récits dominants au fil du temps ont été évités, marginalisés ou normalisés, même si la plupart d'entre eux ont été contraints de se normaliser pour ne pas perdre leur emploi ou ont embrassé avec enthousiasme le nouveau credo pour les récompenses et les carrières qu'il leur assure.

Ainsi, les guerres sans fin de ces décennies ont également servi de banc d'essai pour façonner un espace politico-médiatique adapté à l'engagement actuel, beaucoup plus difficile que les précédents, qui étaient également prévus depuis des décennies, puisque le moment de la confrontation directe entre l'Empire occidental et l'Empire oriental, plus varié, était l'horizon ultime des guerres sans fin.

Le scénario orwellien de Big Brother se réalise sous une autre forme, où le super-État dirigé par Big Brother, dont les citoyens sont benoîtement enrégimentés, mène une lutte éternelle avec les deux puissances opposées, l'Eurasie et l'Estasie... spes ultima dea.

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