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mercredi, 09 mars 2022

Lucian Blaga: Vision, identité et culture populaire

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Augusto Fleck

Vision, identité et culture populaire

Source: http://novaresistencia.org/2022/03/08/visao-identidade-e-cultura-popular/

Il existe un long débat au sein des sphères dissidentes et conservatrices sur la position de la culture populaire, des structures les plus caractéristiques du peuple aux festivals et à l'art produit à l'écart des cercles élitistes et bourgeois. Avec l'aide de la philosophie du poète roumain Lucian Blaga, nous pouvons réfléchir à la manière dont cette culture est proprement le fruit de notre "vision".

Lucian Blaga est un philosophe peu connu en dehors de la sphère universitaire roumaine. Sa poésie, en revanche, est plus répandue et fait même l'objet de traductions en portugais, bien que son impression et sa lecture soient également limitées. Philosophe entre deux mondes, sous l'influence de l'idéalisme et de la poésie d'Allemagne ainsi que de la culture roumaine qui l'entourait, Blaga a également dialogué intensément avec la métaphysique et la phénoménologie.

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Dans le domaine de l'épistémologie, il a eu l'audace de réaliser que les catégories kantiennes qui sous-tendaient la physique moderne étaient insuffisantes pour lire adéquatement la nouvelle physique et pour saisir la conscience de la connaissance dans son ensemble, en proposant que dans l'horizon des mystères, non seulement la lumière qui atténue le mystère produit la connaissance, mais qu'il existe un autre type de "cognoscence" qui intensifie et radicalise le mystère jusqu'à sa limite.

9782825108222_1_75.jpgComme produit de ses réflexions, une théorie entièrement nouvelle sur les processus de formation culturelle émerge, puisqu'il a compris l'homme lui-même comme une sorte de mutation ontologiquement culturelle, la culture étant une réponse imagée ou métaphorique de l'homme pour comprendre le mystère qui se trouve au-delà de l'horizon. L'horizon, pour Blaga, est une sorte d'atmosphère axiologique, d'orientation ou de forme, capable de donner un sens à la création culturelle. La culture est donc une manifestation ou une cristallisation anthropologique et géosophique d'horizons spatiaux subconscients.

Dans l'ordre, cet horizon spatial subconscient produit chez l'homme une "vision", une capacité qui fait de lui, en fait, un Homme. C'est lorsqu'il contemple l'horizon et réfléchit à sa finitude, qui reflète la finitude même de l'être, que la nature "rompt" avec son imperturbable sommeil conscient et en vient à exister pour le mystère et à le tenter.

Cette vision, bien sûr, est la muse la plus fondamentale du processus créatif et culturel. La culture n'est pas, comme l'a supposé la modernité à bien des égards, un ensemble de structures fonctionnelles produites par l'homme pour le maintien de son bien-être physique et la garantie de ses biens, mais une condition stylistique et linguistique qui donne un sens au sujet, des outils pour traiter le mystère.

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Dans le sillage de ce processus, chaque identité qui se forme est une matrice stylistique et structurelle correspondant à la relation entre l'horizon spatial (subconscient), la vision et l'horizon phénoménal de chaque peuple, un "être-avec historique". C'est pourquoi, contrairement aux animaux, la culture humaine posséderait, pour Blaga, tant de différences organisationnelles et dynamiques. Ainsi, exister ne peut réellement avoir un sens qu'à partir d'une vision spécifique sous laquelle nous modulons notre interaction avec le monde. Dans ce sens, Blaga dialogue à la fois avec les "styles civilisationnels" de Spengler, l'être de Heidegger et la cosmologie civilisationnelle de Douguine. Un amalgame presque typiquement roumain de leurs philosophies, pour être précis. Nonobstant la roumanité intrinsèque des images proposées par Blaga, ses catégories proposent une universalisation métaphysique, épistémologique et anthropologique qui peut être adéquate dans un autre système linguistique, tel que le nôtre (ndt: lusophone).

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Par conséquent, la culture populaire en tant que création identitaire à partir de la vision est un élément irrémédiablement concret de la relation existentielle et quotidienne de l'homme avec ce qui le rend homme.

Cela nous ramène, en quelque sorte, au problème de la culture populaire vs la culture de masse, tant en ce qui concerne la production artistique que le statut de nos fêtes populaires, sévèrement critiquées pour être barbares, immondes, etc.

La critique de la culture populaire est un thème récurrent dans les milieux conservateurs comme symptôme de décadence. En fait, il ne semblera pas étrange à tout traditionaliste de réaliser que lorsqu'une civilisation s'épuise dans la véritable essence de son esprit et que le crépuscule approche - ou plutôt, lorsque sa vision devient floue et que l'horizon n'est pas plus contemplatif qu'une obscurité métaphysique - l'art même produit sera en quelque sorte d'affecté.

Le problème de cette interprétation et du comportement subséquent, consistant à fétichiser l'exotique et l'exogène culturel, est une mauvaise compréhension de la civilisation même dont on fait partie. Il faut reconnaître qu'à l'orée de notre existence, aucun type de création culturelle ne dialogue avec l'aspect mystérieux et révélateur de l'existence aussi bien que la nôtre. Douguine souligne cet aspect lorsqu'il applique au cosmos la condition d'accès à l'infini, l'unité dans la multiplicité, l'immersion totale dans le particulier comme condition de l'éternel.

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Cela ne signifie pas, par exemple, un rejet total de ce qui est extérieur, car les grandes œuvres ont également le pouvoir de toucher le mystère par le biais de métaphores et de les exposer de telle sorte qu'une comparaison soit possible. La philosophie est aussi un art de la traduction.

Les deux éléments les plus troublants s'avèrent être : (1) une aliénation complète du sujet par rapport à son identité culturelle propre, tandis qu'il cherche dans le passé des cultures anciennes et éteintes, dans son sommet et sa mémoire apollinienne, une sorte d'ode à la beauté comme forme catégorique (2); une réduction de l'art populaire contemporain à l'état décadent du monde, une généralisation dangereuse et potentiellement délétère.

Même aux heures les plus sombres de la nuit de la civilisation, chaque peuple possède encore sa puissance immanente et un mouvement vers l'horizon et la cristallisation révélatrice. C'est cela qui potentialise le renouvellement de la puissance vers l'éternel que les fêtes populaires et l'art de notre peuple produisent, à travers notre matrice stylistique, sans avoir à recourir au plâtre effrité et décoloré des époques culturelles antérieures.

En réalité, toutes ces préoccupations et ces excès découlent de la même inquiétude et du même manque de soin qui imprègnent presque tout le travail intellectuel : savoir séparer ce qui est universel et qui relève de la démarche philosophique, anthropologique et métaphysique, de ce qui est particulier et qui reflète un horizon spécifique, qui ne manque pas, même dans l'abîme, de toucher et de dialoguer intimement avec le mystère qui nous rend humains.

vendredi, 25 décembre 2020

Réflexions sur la Vingt-Cinquième heure de Virgil Gheorgiu à l'heure du Covid et du confinement

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Réflexions sur la Vingt-Cinquième heure de Virgil Gheorgiu à l'heure du Covid et du confinement

par Nicolas Bonnal

Ex: https://nicolasbonnal.wordpress.com

La vingt-cinquième heure ? C’est selon Virgil Gheorgiu : « Le moment où toute tentative de sauvetage devient inutile. Même la venue d’un messie ne résoudrait rien. »

10364170._SX318_.jpgNous y sommes car nous avons devant nous une conspiration avec des moyens techniques et financiers formidables, une conspiration formée exclusivement de victimes et de bourreaux volontaires. On a vu les bras croisés le cauchemar s’asseoir depuis la mondialisation des années 90 et la lutte contre le terrorisme, puis progresser cette année à une vitesse prodigieuse, cauchemar que rien n’interrompt en cette Noël de pleine apostasie catholique romaine. La dégoutante involution du Vatican s’est faite dans la totale indifférence du troupeau de nos bourgeois cathos, et on comprend ce qui pouvait motiver Drumont, Bloy ou Bernanos contre une telle engeance de bien-pensants. Un pour cent ou un pour mille de résistants ? Le reste s’est assis masqué et a applaudi.

La situation est pire que sous le nazisme ou le communisme, car à cette époque elle était localisée. Il y a des Thomas Mann, il y a des Soljenitsyne pour témoigner, pour tonner contre, comme dit Flaubert. Là, la situation techno-nazie de Schwab et consorts est et sera globale. La crise du virus a déclenché une solution totalitaire planétaire et des expédients ubiquitaires et démentiels. Certes c’est surtout l’occident la cible, et cette vieille race blanche toujours plus gâteuse, que je mettais en garde il y a  dix (Lettre ouverte) ou trente ans (La Nuit du lemming). Mais c’est le propre des Cassandre de n’être jamais crus ou des Laocoon d’être étouffés par les serpents. Lisez dans Virgile l’entrée du cheval dans la cité de Troie pour comprendre. Après la mort de Laocoon le peuple troyen enjoué abat les murs et laisse entrer la machine pleine de guerriers. Allez, un peu de latin :

Diuidimus muros et moenia pandimus urbis.

005705267.jpgNous sommes donc à la veille d’une gigantesque extermination et d’un total arraisonnement. Et tout cela se passe facilement et posément, devant les yeux des victimes consentantes ou indifférentes que nous sommes. Nous payons ici l’addition de la technique et de notre soumission. De Chateaubriand à Heidegger elle a été rappelée par tous les penseurs (voyez ici mes chroniques). C’est cette dépendance monotone qui nous rend incapables de nous défendre contre les jobards de l’économie et de l’administration qui aujourd’hui veulent faire de leur troupeau humain le bifteck de Soleil vert ou les esclaves en laisse électronique. Et le troupeau est volontaire, enthousiaste comme disait Céline avant juin 40.

Chateaubriand dans ses Mémoires :

« Au milieu de cela, remarquez une contradiction phénoménale : l’état matériel s’améliore, le progrès intellectuel s’accroît, et les nations au lieu de profiter s’amoindrissent : d’où vient cette contradiction ?

C’est que nous avons perdu dans l’ordre moral. En tout temps il y a eu des crimes ; mais ils n’étaient point commis de sang−froid, comme ils le sont de nos jours, en raison de la perte du sentiment religieux. A cette heure ils ne révoltent plus, ils paraissent une conséquence de la marche du temps ; si on les jugeait autrefois d’une manière différente, c’est qu’on n’était pas encore, ainsi qu’on l’ose affirmer, assez avancé dans la connaissance de l’homme ; on les analyse actuellement ; on les éprouve au creuset, afin de voir ce qu’on peut en tirer d’utile, comme la chimie trouve des ingrédients dans les voiries. »

9782266002622-fr.jpgVoilà pourquoi les parlements et les administrations ne seront arrêtés par rien. Et le troupeau renâclera peut-être trois minutes mais il se soumettra comme les autres fois sauf qu’ici ce sera global et simultané. Quant aux minorités rebelles (1% tout au plus) le moins que l’on puisse dire c’est qu’elles ne sont pas très agissantes…

Dans la vingt-cinquième heure Virgil Gheorghiu dénonce avec son personnage Trajan notre déchéance liée au progrès, au confort, à la technique, à la bureaucratie, ce qu’on voudra. Et cela donne :

« Nous apprenons les lois et la manière de parler de nos esclaves pour mieux les diriger. Et ainsi, peu à peu, sans même nous rendre compte, nous renonçons à nos qualités humaines, à nos lois propres. Nous nous déshumanisons, nous adoptons le style de vie de nos esclaves techniques… »

Cela explique pourquoi l’homme moderne fils des droits constitués et pas gagnés se laisse liquider partout si commodément.

« L’homme moderne sait que lui-même et ses semblables sont des éléments qu’on peut remplacer. »

Celui qui ne veut pas de leur ordre nouveau sera liquidé ou marginalisé (pas de restau, de magasin, de transport, d’eau, d’électricité). Georghiu, futur prêtre orthodoxe, le dit :

« Ceux qui ne respectent pas les lois de la machine, promue au rang des lois sociales, sont punis. L’être humain qui vit en minorité devient, le temps aidant, une minorité prolétaire. »

L’humain déshumanisé, Gheorghiu l’appelle le citoyen technique :

« Les esclaves techniques gagneront la guerre. Ils s’émanciperont et viendront les citoyens techniques de notre société. Et nous, les êtres humains, nous deviendrons les prolétaires d’une société organisée selon les besoins et la culture de la majorité des citoyens, c’est-à-dire des citoyens techniques. »

unnamedqsjvg.jpgEt comme Chateaubriand Gheorghiu rappelle :

« Dans la société contemporaine, le sacrifice humain n’est même plus digne d’être mentionné. Il est banal. Et la vie humaine n’a de valeur qu’en tant que source d’énergie. »

Et de conclure moins lugubre que visionnaire :

« Nous périrons donc enchaînés par les esclaves techniques. Mon roman sera le livre de cet épilogue… Il s’appellera la vingt-cinquième heure. Le moment où toute tentative de sauvetage devient inutile. Même la venue d’un messie ne résoudrait rien. Ce n’est pas la dernière heure : c’est une heure après la dernière heure. Le temps précis de la société occidentale. C’est l’heure actuelle, l’heure exacte. »

Je dis moins lugubre que visionnaire car il est temps de voir et de dire que tout cela est au final scientifique et juste, comme disait l’orthodoxe Vladimir Volkoff. Volkoff disait que le bolchévique c’est celui qui en veut plus, idéaliste, progressiste, banquier central, militaire ou agent secret ou même journaliste. Le troupeau c’est celui qui n’y croit pas ou ricane et de toute manière  se soumet. C’est celui qui en veut moins. C’est le troupeau des troyens euphoriques.

PS. Gheorgiu écrit aussi : Pour finir les hommes ne pourront plus vivre en société en gardant leurs caractères humains. Ils seront considérés comme égaux, uniformes et traités suivant les mêmes lois applicables aux esclaves techniques, sans concession possible à leur nature humaine. Il y aura des arrestations automatiques, des condamnations automatiques, des distractions automatiques, des exécutions automatiques. L’individu n’aura plus droit à l’existence, sera traité comme un piston ou une pièce de machine, et il deviendra la risée de tout le monde s’il veut mener une existence individuelle. Avez-vous jamais vu un piston mener une vie individuelle ? Cette révolution s’effectuera sur toute la surface du globe. Nous ne pourrons nous cacher ni dans les forêts, ni dans les îles. Nulle part.

Virgil Gheorghiu – La vingt-cinquième heure

https://chroniquesdepereslavl.blogspot.com/2020/12/guerre-contre-lhomme.html

mardi, 12 mars 2019

Between Buddha & Führer: The Young Cioran on Germany

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Between Buddha & Führer:
The Young Cioran on Germany

ecioran-barbarie.pngEmil Cioran
Apologie de la Barbarie: Berlin – Bucharest (1932-1941)
Paris: L’Herne, 2015

This is a very interesting book released by the superior publishing house L’Herne: a collection of Emil Cioran’s articles published in Romanian newspapers, mostly from before the war. Besides becoming a famous aphorist in later years, before the Allied victory, Cioran was still free to be a perceptive and biting cultural critic and political analyst.

While reading the book, I was chiefly interested in understanding the motivations behind Cioran’s support for nationalism and fascism. We can identify a few recurring themes:

  • A sense of humiliation at Romania’s underdevelopment, historical irrelevance, and cultural/intellectual dependence with regard to the West: “That is why the Romanian always agrees with the latest author he has read” (22).
  • A pronounced Germanophilia, appreciating German artists’ and intellectuals’ intensity, pathos, and diagnostic of Western decadence.
  • Frustration with democratic politics as leading selfish individualism and political impotence.
  • A marked preference for belief and irrational creativity over sterile rationalism and skepticism.

Cioran, who had already been well acquainted with German high culture during his studies in Romania, really took to Hitlerian Germany when he moved in 1933 there on a scholarship from the Humboldt Foundation. He writes:

In Germany, I realized that I was mistaken in believing that one can perfectly integrate a foreign culture. I hoped to identify myself perfectly with the values of German history, to cut my Romanian cultural roots to assimilate completely into German culture. I will not comment here on the absurdity of this illusion. (100)

The influence of Cioran’s German sources clearly shines through, including Nietzsche, Spengler, and Hitler himself.[1] [2] Cioran’s infatuation proved lasting. He wrote in 1937: “I think there are few people – even in Germany – who admire Hitler more than I do” (240).

On one level, Cioran’s politics are eminently realistic, frankly acknowledging the tragic side of human existence. He admires Italian Fascism and especially German National Socialism because these political movements had restored strong beliefs and had heightened the historical level and international power of these nations. If liberties must be trampled upon and certain individuals marginalized for a community to flourish, so be it. On foreign policy, he favors national self-sufficiency and Realpolitik as against dependence upon unstable or sentimental alliances.

Cioran is extremely skeptical of pacifist and universalist movements, convinced that great nations each have their own historical direction. Human history, in his view, would not necessarily converge and ought to remain pluralistic. If Europe was to converge to one culture, this would tragically require the triumph and imposition of one culture on the others. In particular, he believed Franco-German peace would be impossible without the collapse of one nation or the other (little did he suspect both would be crushed). Diversity and a degree of tension between nations and civilizations were good, providing “the essential antinomies which are the basis of life” (98).

Alongside these rather realistic considerations, spoken in a generally detached and level-headed tone, Cioran’s politics and in particular his nationalism were powerfully motivated by a sense of despair at the state of Romania. Cioran viscerally identified with his nation and intensely felt what he considered to be its deficiencies as a bucolic and peripheral culture. He then makes an at once passionate and desperate plea a zealous nationalist and totalitarian dictatorship which could spark Romania’s spark geopolitical, historical, and cultural renewal. Only such a regime, on the German model, could organize the youth and redeem an otherwise irrelevant nation. The continuation of democracy, by contrast, would mean only the disintegration of the nation into a collection of fissiparous and spoiled individuals: “Another period of ‘democracy’ and Romania will inevitably confirm its status of historical accident” (225).

Cioran_Reichsausländer_01-200x300.jpgA rare and stimulating combination in Cioran’s writings: unsentimental observation and intense pathos.

Cioran’s nationalism was highly idiosyncratic. He writes with amusing condescension of the local tradition of nostalgic and parochial patriotic writing: “To be sure, the geographical nationalism which we have witnessed up to now, with all its literature of patriotic exaltation and its idyllic vision of our historical existence, has its merits and its rights” (150). He was also uninterested in a nationalism as merely a moralistic defensive conservatism, defined merely as the maintenance of the borders of the Greater Romania which, with the annexation of Transylvania, had been miraculously established in the wake of the First World War.

For Cioran nationalism had to serve a great political project, it had to have a set of values and ambitions enabling a great historical flourishing, rather than be merely a sentimental or selfish end in itself. He writes of A. C. Cuza, a prominent politician who made anti-Semitism his signature issue:

Nationalism, as a sentimental formula, lacking in any ideological backbone or political perspectives, has no value. The dishonorable destiny of A. C. Cuza has no other explanation than the agitations of an apolitical man whose fanaticism, which has never gone further than anti-Semitism, was never able to become a fatality for Romania. If we had had no Jews, A. C. Cuza would never have thought of his country. (214)

Similarly, Cioran argues that the embrace of nationalism is dependent on time and purpose:

One is a nationalist only in a given time, when to not be a nationalist is a crime against the nation. In a given time means in a historical moment when everyone’s participation is a matter of conscience. The demands of the historical moment also mean: one is not [only] a nationalist, one is also a nationalist. (149-50)

Cioran was also – at least in this selection of articles – uninterested in Christianity and aggressively rejected Romania’s past and traditions, in favor a revolutionary project of martial organization, planned industrialization, and national independence. For Cioran, Romania needed nothing less than a “national revolution” requiring “a long-lasting megalomania” (154).

All this seems far removed from the agrarian traditionalism and Christian mysticism of Corneliu Zelea Codreanu’s Iron Guard. Cioran did, however, hail the Guard as a Romanian “awakening” and after Codreanu’s murder wrote a moving ode to the Captain [3]. By contrast, Cioran excoriates the consensual Transylvanian politician Iulia Maniu as an ineffectual and corrosive “Balkan buddhist,” peddling “political leukemia” (220).

A friend of mine observed that at least some aspects of Cioran’s program resembles Nicolae Ceaușescu’s later formula: perhaps late Romanian communism did seek to reflect some of the nation’s deep-seated aspirations concerning its place in the world.

One is struck by the contrast between Cioran’s lyricism on Germany, his desperate call to “transfigurate” Romania, and his perfectly lucid and quite balanced assessment of Fascist Italy [4]. There is something quite unreasonable in Cioran’s revolutionary ambitions. Fascism, certainly, is an effective way of instating political stability, steady leadership, and civil peace, annihilating communism, maximizing national power and independence, and educating and systematically organizing the nation according to whatever values you hold dear.

cioranherne.jpgBut fascism cannot work miracles. Politics must work with the human material and historical trajectory that one has. That is being true to oneself. To wish for total transformation and the tabula rasa is to invite disaster. Such revolutions are generally an exercise in self-harm. Once the passions and intoxications have settled, one finds the nation stunted and lessened: by civil war, by tyranny, by self-mutilation and deformation in the stubborn in the name of utopian goals. The historic gap with the ‘advanced’ nations is widened further still by the ordeal.

In the case of Romania, I can imagine that a spirited, moderate, and progressive authoritarian regime might have been able to raise the country’s historical level, just as Fascism had in Italy. Romania could aspire to be a Balkan hegemon. Beyond this, raising Romania would have required generations of careful and steady work, not hysterical outbursts, notably concerning population policy. The country had a comparatively low population density – a territory twice the size as England, but with half the population. There was a vigorous and progressive eugenics movement in interwar Romania [5] which also sought to improve the people’s biological stock, but this came to naught.

Another very striking aspect of Cioran’s fascism and nationalism is that he does not take race seriously. He says in his first article written from Germany (November 14, 1933):

If one objects that today’s political orientation [in Germany] is unacceptable, that it is founded on false values, that racism is a scientific illusion, and that German exclusivism is a collective megalomania, I would respond: What does it matter, so long as Germany feels well, fresh, and alive under such a regime?

Reducing National Socialism’s appeal to mere emotional power, although that is important, will certainly puzzle progressive racialists and evolutionary humanists.[2] [6] In the same vein, Cioran occasionally expresses sympathy for communism, because of that ideology’s ability to inspire belief. There is something irresponsible in all this. And yet, living in an order of rot and incoherence, we can only share in Cioran’s hope: “We have no other mission than to work for the intensification of the process of fatal collapse” (51).

One wonders how Cioran’s disenchantment with Hitlerian Germany occurred. The fact that he wrote his conversion note [7]On France [7] in 1941, before the major reversals for the Axis, is certainly intriguing.

Cioran’s comments on Romania’s ineptitude are striking and sadly well in line with the current state of the Balkans. Cioran hailed from Transylvania, which though having a Romanian majority, had significant Saxon and Hungarian minorities and a tradition of Austro-Hungarian government. Cioran contrasts the stolid Saxons with the erratic Romanians, the staid Transylvanian “citizens” with the corrupt “patriots” of the old-Romanian provinces (Wallachia, Moldova). So while he rejected any idea of Romania becoming merely a respectable, prosperous “Switzerland,” Cioran also desired some good old-fashioned (bourgeois?) competence. He indeed calls Transylvania “Romania’s Prussia.”

To this day, besides Bucharest, the wealthier and more functional parts of the country are to be found in Transylvania. In the 2014 presidential elections, there was an eerie overlap [8] between the vote for the liberal-conservative candidate Klaus Iohannes and the historical boundaries of Austria-Hungary.

What I find most stimulating in Cioran is his dialectic between his concerns as a pure intellectual – lucidity, the vanity of things, universal truth – and his recognition of and desire for the intoxicating needs of Life: belief, action in the here-and-now, ruthlessness, and passion. Cioran writes:

The oscillation between preoccupations that could not be further from current events and the need to adopt, within the historical process, an immediate attitude, produces, in the mind of certain contemporary intellectuals, a strange frenzy, a constant irritation, and an exasperating tension. (117)

I was shocked to encounter the following passage and yet the thought had also occurred to me:

In Germany, I began to study Buddhism in order not to be intoxicated or contaminated with Hitlerism. But my meditation on the void brought me to understand, by the contrast, Hitlerism better than did any ideological book. Immediate positivity and the terror of temporal decision, the total lack of transcendence of politics, but especially the bowing before the merciless empire of becoming, all these grow in a dictatorship to the point of exasperation. A suffocating rhythm, alternating with a megalomaniacal breath, gives it a particular psychology. The profile of dictatorship is a monumental chiaroscuro. (233-34)

Nature, ‘red in tooth and claw,’ and the inevitable void: a fertile dialectic, from which we may hope Life with prevail.

Notes

[1] [9] E.g. Cioran observes that fears surrounding Hungary’s ambition to reconquer Transylvania from Romania only existed due to Romania’s own internal political weakness: “[There is an] unacceptable illusion among us according to which foreign relations could compensate for an internal deficiency, whereas in fact the value of these relations depends, at bottom, on our inner strength” (171). A classic Hitlerian point.

[2] [10] Elsewhere, Cioran denounces, in the name of a lucid Realpolitik, overdependence on the unreliable alliance with France and sympathy for the “Latin sister nation” Italy, which was then supporting Hungary: “Concerning affinities of blood and race, who knows how many illusions are not hidden in such beliefs?” (172). Certainly, people have often confused linguistic proximity with actual blood kinship.

 

Article printed from Counter-Currents Publishing: https://www.counter-currents.com

URL to article: https://www.counter-currents.com/2019/03/between-buddha-and-fuhrer/

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[1] Image: https://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2019/03/Cioran_Reichsausländer_01.jpg

[2] [1]: #_ftn1

[3] ode to the Captain: https://www.counter-currents.com/2016/10/ode-to-the-captain/

[4] Fascist Italy: https://www.counter-currents.com/2019/01/italy-mussolini-fascism/

[5] eugenics movement in interwar Romania: https://www.upress.pitt.edu/books/9780822961260/

[6] [2]: #_ftn2

[7] conversion note : https://www.counter-currents.com/2019/02/ciorans-on-france/

[8] eerie overlap: https://www.reddit.com/r/MapPorn/comments/8cv6cf/the_map_of_the_austrohungarian_empire_18671918/

[9] [1]: #_ftnref1

[10] [2]: #_ftnref2

jeudi, 23 novembre 2017

Alexandru Petria: «la Roumanie aurait tout à gagner à rejoindre le Groupe de Visegrád»

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Alexandru Petria: «la Roumanie aurait tout à gagner à rejoindre le Groupe de Visegrád»

Ex: https://visegradpost.com

Roumanie – Alexandru Petria, poète, prosateur et journaliste roumain : « la Roumanie aurait tout à gagner à rejoindre le Groupe de Visegrád ».

Modeste Schwartz a écrit récemment à Alexandru Petria et s’en est suivi une discussion amicale entre ces deux auteurs décalés, nageant à contre-courant et trublions reconnus du web roumain. Une discussion transformée en entretien pour le Visegrád Post.


Modeste Schwartz : Pour autant que je sache, ta carrière politique a commencé en décembre 1989, lorsque tu es descendu dans la rue pour renverser la dictature de N. Ceaușescu : une révolution (on l’a su plus tard) mise en scène de l’extérieur, mais qui a tout de même laissé pas mal de morts sur le pavé. Ceaușescu a été exécuté, mais toi, tu es resté révolutionnaire, et aujourd’hui, 27 ans plus tard, nous te retrouvons (virtuellement) « dans la rue » : après de nombreux blocages injustifiés de ton compte, tu as quitté Facebook, et postes désormais sur le réseau vKontakte, dans le cadre de ton opposition non-dénuée de risques à un nouveau consensus de type totalitaire. Peux-tu nous raconter comment ça s’est passé ?

Alexandru Petria : C’est vrai, j’ai risqué ma vie en 1989 ; j’avais 21 ans ; je l’ai fait parce que la situation de la Roumanie sous Ceaușescu semblait être sans issue. Le niveau de vie était désastreux, on n’avait aucune liberté de parole ou de circulation. En tant qu’écrivain, et comme j’ai un style de vie assez simple, ce qui me touchait le plus, c’était l’absence de liberté d’expression. Et c’est ce qui recommence à me toucher en ce moment, avec ce qui se passe sur Facebook, qui me censure pour enfreinte au politiquement correct.

Sous Ceaușescu, nous rêvions de liberté, et à présent, nous avons, hélas, à nouveau l’occasion d’aspirer à la liberté, devant une UE qui bafoue les droits de l’homme. Comme je l’ai écrit ailleurs, tout se passe comme dans le célèbre roman de George R. R. Martin L’Agonie de la lumière, dans lequel une planète s’enfonce dans l’abîme en perdant peu à peu sa lumière : la Roumanie et, dans une certaine mesure, l’Europe toute entière, se sont engagées dans une trajectoire d’autodestruction. Je me demande où il nous serait encore loisible de cultiver des idéaux et des rêves. Et si ces derniers peuvent encore sauver quoi que ce soit. La vague des migrants déferlant sur notre continent, ajoutée à la réglementation infinie de l’existence, qui prétend légiférer même sur la longueur des concombres vendus au marché, nous montrent une UE de plus en plus semblable à l’URSS. Dans cette UE, notre rôle, à nous roumains, c’est principalement de torcher les vieux, d’être ouvriers du bâtiment sur les chantiers et d’absorber les surplus de production. Nous sommes devenus un pays sans voix, incapable de défendre ses intérêts. Il est impossible de ne pas remarquer que le meilleur de la classe entrepreneuriale autochtone a été liquidé presque intégralement. Comment cela s’est fait, quelles étaient les dimensions et la qualité de cette classe – c’est un autre débat. Il est impossible de ne pas remarquer que l’enseignement est devenu une honte institutionnalisée, une presse à diplômes aberrante, produisant pas mal de docteurs en ceci ou cela incapables d’écrire un roumain correct. Or, privés d’enseignement, nous nous préparons un avenir handicapé. Il est impossible de ne pas remarquer que la Roumanie n’a pas de classe politique, mais une armée d’escrocs, d’arnaqueurs répartis en partis sans aucun projet pour le pays. Il est impossible de ne pas remarquer que la presse n’est plus une presse, infiltrée comme elle l’est par des agents sous couverture ou par des individus qui n’ont aucune idée de ce métier. Et si on le remarque, il se passe quoi ? Qui a des solutions ? Il faudrait passer le bulldozer dans chaque domaine, comme avec les maisons instables, construites selon les plans d’architectes hallucinés. Mais qui va conduire le bulldozer ? On sent une atmosphère d’avant-guerre – et que ne donnerais-je pour me tromper ! … La bureaucratie de l’UE et les dictats verbeux de l’Allemagne (qui, ne l’oublions pas, a déjà fait le malheur du monde à deux reprises !) sont en passe de pulvériser le projet européen. Et la Roumanie s’éteint, avec une lourde complicité de la part des Roumains eux-mêmes.

Je pense avoir été suffisamment explicite.

MS : L’aspect le plus ironique de l’histoire, c’est qu’en 1989, tu as risqué ta vie au nom d’un idéal de liberté que tu identifiais à l’époque plus ou moins à la doctrine politique libérale, pour aujourd’hui te retrouver dans notre camp, le camp des « illibéraux ». Qu’a-t-il bien pu t’arriver – ou arriver au libéralisme ?

Alexandru Petria : Cette ironie, c’est l’ironie de l’histoire, rendue possible par le fait que la population est majoritairement constituée d’analphabètes fonctionnels, soumis au lavage de cerveau ou incultes. Leur mémoire est courte, ils oublient les leçons du passé. Et je ne parle pas seulement de la Roumanie : c’est un problème global. Le néolibéralisme d’aujourd’hui n’a pas grand-chose à voir avec le libéralisme en lequel moi j’ai cru. Je n’estime pas avoir changé de camp ou rejoint tel ou tel camp, en-dehors d’alliance provisoires ; je suis un adepte du dignitisme, idéologie que je m’efforce d’élaborer en ce moment. Il est caractérisé par trois aspects principaux : 1. L’allocation de dignité, un revenu assuré par l’Etat à chaque citoyen de la naissance à la mort, de telle sorte que les besoins élémentaires ne limitent pas sa liberté. 2. La démocratie directe par vote électronique, qui implique la dissolution des parlements, les gens n’ayant plus besoin d’intermédiaires (de députés) pour représenter leurs intérêts. 3. La souveraineté des Etats comme principe non-négociable.

Chaque Etat doit avoir le contrôle de ses banques, de son industrie d’armement, de son industrie pharmaceutique, de l’énergie et des réserves d’eau. Je suis souverainiste, pas nationaliste ethnique. Le dignitisme prône une interpénétration intelligente de l’Etat et du capital privé. A force d’accumuler de l’expérience, je me suis formé ma propre vision du monde.

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MS : Pour ceux de nos lecteurs (hors de Roumanie) qui n’ont jamais entendu parler de toi, je précise que tu es un poète vétéran, mais absolument pas académique ou « à l’ancienne », auteur, dans les années 2010, d’un come-back médiatique tonitruant, fruit de la décision que tu as prise (très audacieuse dans l’univers culturel roumain d’il y a dix ans) de poster sur Facebook tes poèmes inédits, t’évadant ainsi de l’ésotérisme suranné des cénacles poétiques et des éditions à tirage limité. Or ces poèmes sont pour beaucoup des œuvres pour lesquelles, encore aujourd’hui, il serait difficile de trouver un éditeur en Roumanie, en raison de la franchise avec laquelle elles abordent une thématique sexuelle exploitée sans périphrases, avec, pourrait-on dire, une certaine gauloiserie. On peut donc dire que – sans pour autant être un athée – tu n’as rien d’une grenouille de bénitier. Or, dans la Roumanie d’aujourd’hui, l’opposition au programme LGBT est principalement le fait de groupes ouvertement religieux (soit orthodoxes traditionalistes, soit néo-protestants), généralement aussi caractérisés par un mode de vie et un style discursif nettement plus pudibond. On peut donc dire que tu représentes une forme atypique d’opposition ?

Alexandru Petria : Dès 1991-1992, j’ai publié deux recueils de poèmes accueillis favorablement par la critique, mais par la suite, je ne suis revenu à la littérature qu’au bout de près de vingt ans, consacrés au journalisme. Comme tu l’as dit, je suis revenu à la surface en postant au début mes nouveaux poèmes sur Facebook, à une époque où un tel geste restait scandaleux. Puis, j’ai recommencé à publier dans des revues et sous forme de volumes. J’ai été le premier écrivain roumain à procéder de la sorte, chose qui, au début, m’a attiré une avalanche de reproches, après quoi les gens ont pris l’habitude, et m’ont manifesté pas mal de sympathie. A posteriori, j’estime avoir fait le bon choix.

Je ne suis pas une grenouille de bénitier, mais un croyant non-dogmatique, et un amoureux des femmes. Je m’oppose au programme LGBT parce que je suis contre leurs mariages et contre l’adoption d’enfants par des couples de gays et de lesbiennes. Ce qu’ils désirent est contre-nature, et je ne peux pas être d’accord avec ce qui va contre la nature, avec ces normes du politiquement correct dont les coryphées LGBT portent la traîne. Je ne pense pas que cette opinion m’isole, même si la grande majorité garde le silence par prudence. Comme je l’ai déjà expliqué ailleurs, le politiquement correct, peut-être lancé avec les meilleures intentions humanistes du monde, a dégénéré jusqu’à devenir un monstre à partir du moment où il est monté sur la scène de la politique mondiale. Il a émasculé de leur naturel des communautés entières, débilité des individus, fait le malheur de nombreuses vies par ses abus innombrables. Et le tout au nom d’un bien commun auto-proclamé, qui s’est avéré être une impasse, incompatible avec la nature humaine. Cette dernière, en effet, est ouverte à la compétition, nous incite à nous départager. On te dit que tu es libre, on alimente ton illusion de liberté. Alors qu’en réalité, on te braque un pistolet sur la tempe. Et on te demande même d’être content de l’avoir sur la tempe, voire d’appliquer des bisous sur le canon.

Le bien promis, à l’arrivée, est un enrégimentement, une uniformisation, une immense machine à laver les cerveaux. Une opération de manipulation destinée à produire des populations dociles, incapables de révolte. Et, comme dans n’importe quel cas de manipulation réussie, ceux qui y sont soumis n’ont pas conscience d’être des marionnettes, mais ont l’impression d’avoir découvert le nombril radieux de la démocratie, la culmination pralinée de l’être.

Tout comme le communisme avait nationalisé les moyens de production et la propriété privée, le politiquement correct « nationalise » le comportement humain, le standardise, étant maintenant sur le point d’obtenir un homme nouveau. Comme dans le vieux rêve communiste, mais à un autre niveau : non plus celui des rapports économiques, mais celui de la pensée et des relations humaines. Un monde où il faut religieusement écouter le dernier des imbéciles, le pire des tarés, lui manifester de la considération, le gâter comme un gosse, de peur qu’il ne se sente lésé par le fait d’être sorti tel qu’il est du ventre de sa mère. On ne peut plus relever le niveau, il faut au contraire s’abaisser respectueusement à celui des idiots, et s’en montrer ravi, tout illuminé par une grandiose vérité. L’idiot devient l’étalon global, le marathonien idéal des empires et des multinationales, dont même la chute des fleurs et le vol des libellules n’a plus le droit de troubler le zen. C’est un monde sens-dessus-dessous, d’une artificialité stridente, alimentée par les médias, avec des repères placés en stand-by et soumis à un dictat de l’anormal. La lutte à mener contre un tel monde a l’importance de l’air et l’urgence de la respiration.

La nature elle-même discrimine, et il est impossible de s’opposer à la nature. Comme dit un proverbe, d’une plasticité hyperréaliste, de la paysannerie transylvaine : « on ne peut pas tresser de fouet dans un caca ». Le politiquement correct, c’est la liberté prise en otage par les marginaux.

MS : Pour ta part, comment expliques-tu le manque de réactions « laïques » aux aberrations du programme LGBT ? Par l’intimidation ? Par la vénalité universitaire ? Ou s’agit-il de quelque maladie plus profonde dont souffrirait la culture des élites roumaines ?

Alexandru Petria : Ce sont à la fois les pourliches distribués aux universitaires, la naïveté et l’opportunisme le plus abject, le tout sur fond de servilité endémique. L’opportunisme est inscrit dans les gènes de la majorité des intellectuels roumains – une réalité qui me répugne. Ils ont, pour la plupart, trahi leur vocation, pour se transformer en vulgaires propagandistes.

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MS : Censuré sur Facebook, tu as « migré » (entraînant à ta suite de nombreux admirateurs) vers le réseau social vKontakte, basé en Russie. J’imagine qu’avant 1990, tu faisais partie de ceux qui écoutaient en secret Radio Free Europe. Jusqu’où penses-tu que cette répétition inversée de l’histoire centre-européenne pourra aller ?

Alexandru Petria : Bien sûr que j’écoutais Radio Free Europe. Je me demande bien qui ne l’écoutait pas. Jusqu’où ça peut aller ? En fin de parcours, on va vers de graves troubles sociaux, voire une guerre dévastatrice, dont j’ai déjà exprimé la crainte ci-dessus. Malheureusement, je ne vois pas comment on pourrait les éviter. Il faut méditer les paroles de Saint Antoine le Grand (251-356) : « Le moment viendra où les hommes seront pris de folie, et, quand ils en verront un qui n’est pas fou comme eux, ils se dresseront contre lui en disant ‘tu es fou !’, parce qu’il ne sera pas comme eux. »

MS : En Hongrie, depuis sept ans, on assiste à une puissante réaction face aux excès du libéralisme totalitaire (ou du moins, de l’idéologie occidentale qui a accaparé cette dénomination). Que penses-tu du groupe de Visegrád ? Souhaiterais-tu l’adhésion de la Roumanie à ce groupe ?

Alexandru Petria : Je suis favorable au Groupe de Visegrád, ce sont des pays qui mettent leurs intérêts nationaux avant toute chose. Et ils ont absolument raison de le faire. J’aimerais que la Roumanie ait des dirigeants comme ceux de la Pologne ou de la Hongrie, par exemple, qui jouent la carte de la souveraineté, au lieu de transpirer à force d’agenouillements devant les grands de ce monde.

Oui, la Roumanie aurait tout à gagner à rejoindre le Groupe de Visegrád. A défaut de mieux, elle y recevrait au moins une leçon de dignité.

vendredi, 20 septembre 2013

Cioran, le flâneur aux idées noires

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Archives - 1995

Cioran, le flâneur aux idées noires

Par Didier Sénécal

Ex: http://www.lexpress.fr

Notre plus illustre moraliste s'est choisi sa vie. En adoptant la langue française comme une patrie, en décidant de ne jamais travailler, en veillant quand le monde dort...

Cioran est peut-être notre dernier écrivain légendaire. Grâce à son refus des projecteurs et à son indifférence aux honneurs, il a conservé une part de mystère - d'autant qu'il ne s'est jamais donné la peine de corriger les erreurs qui courent à son propos. Ainsi, les dictionnaires sont unanimes à le prénommer Emil Michel. La réalité est tout autre: comme Emil lui paraissait ridicule pour des oreilles françaises, il a adopté les initiales E.M., autrement dit les deux premières lettres de son prénom, en songeant au romancier anglais E.M. Forster. 

Emil Cioran, donc, est né en 1911 à Rasinari, village de Transylvanie, alors sous domination austro-hongroise. Son enfance est enchantée: il galope dans les collines en toute liberté et écoute les bergers dont les histoires proviennent de la nuit des temps. En 1921, ce bonheur prend fin brutalement. Son père, un prêtre orthodoxe, le conduit au lycée de Sibiu, la grande ville voisine où se côtoient Roumains, Hongrois et Allemands. Sept ans plus tard, il part étudier la philosophie à Bucarest. La rupture qui va déterminer toute son existence date de cette époque: le sommeil le fuit. Tenté un moment par le suicide, il préfère suivre le conseil de Nietzsche et transformer ses insomnies en un formidable moyen de connaissance: "On apprend plus dans une nuit blanche que dans une année de sommeil." Etudiant brillant, il écrit son premier livre, Sur les cimes du désespoir, à l'âge de vingt-deux ans. Beaucoup le considèrent comme un des espoirs de la jeune littérature roumaine, aux côtés d'Eugène Ionesco ou du déjà illustre Mircea Eliade. 

Après un séjour à Berlin, le voici professeur de philosophie au lycée de Brasov durant l'année scolaire 1936-1937. Expérience mouvementée, si l'on en juge par son surnom dans l'établissement: "le Dément". A l'en croire, le directeur "se saoule la gueule" le jour de son départ! Mais il doit laisser un sacré souvenir à ses élèves, car certains viendront encore lui rendre visite au bout de plusieurs décennies. C'est en tout cas une expérience unique: il n'exercera plus jamais la moindre activité professionnelle. 

En 1937, une bourse de l'Institut français de Bucarest lui permet d'aller préparer sa thèse à Paris. Non seulement il n'en écrit pas le premier mot, mais il est même incapable d'imaginer un titre... Les années suivantes sont consacrées à d'immenses lectures, à des randonnées à vélo dans les provinces françaises, à la poursuite de son ?uvre en roumain. Cioran vit comme il l'entend: pauvrement, mais sans contraintes, libre de déambuler des nuits entières dans les rues et d'approfondir ses obsessions. Pourtant, il se rend compte qu'il s'est engagé dans une impasse. Il vaudrait mieux, prétend-il, être un auteur d'opérettes que d'avoir écrit six livres dans une langue que personne ne comprend! 

Selon son propre témoignage, il aurait décidé d'adopter le français alors qu'il traduisait Mallarmé en roumain. D'autres épisodes ont sans doute joué un rôle important, en particulier un cours au Collège de France durant lequel un mathématicien étranger effectue une démonstration au tableau noir sans avoir besoin d'ouvrir la bouche. Cette mue linguistique est aussi capitale que l'abandon du russe par Nabokov au profit de l'anglais. Désormais, le français - et qui plus est, le français du XVIIIe siècle - va lui servir de "camisole de force"; la langue de Chamfort va corseter le lyrisme balkanique d'un désespéré qui ne jure que par Thérèse d'Avila et Dostoïevski. De là vient ce ton unique: cette invraisemblable synthèse entre la fièvre et la sagesse, entre le délire mystique et l'ironie des moralistes classiques. 

En 1947, Gallimard accepte la première mouture du Précis de décomposition. Cioran retravaille son manuscrit, qui est publié deux ans plus tard. Les critiques sont excellentes, mais le public ne suit pas. Et cette situation va se prolonger pendant près de trente ans. Il faut dire que Cioran est aux antipodes de Jean-Paul Sartre, qui fait alors la pluie et le beau temps, et qu'il éprouve une haine inexpiable envers le communisme. Les nouveaux maîtres roumains ont emprisonné son frère et certains de ses amis, et ses livres sont interdits de l'autre côté du rideau de fer. Cependant, plusieurs éléments lui donnent la force de surmonter les humiliations, les échecs, les volumes pilonnés. Ses amis, d'abord, qui se nomment Ionesco, Eliade, Beckett, Michaux ou Gabriel Marcel. Ses lecteurs, ensuite, très rares mais généralement fanatiques: "Les gens qui s'intéressent à moi ont forcément quelque chose de fêlé..." 

Et puis, peu à peu, le couvercle se soulève. En 1965, François Erval publie le Précis de décomposition en édition de poche. Une nouvelle génération découvre Les syllogismes de l'amertume et La tentation d'exister. Des traductions paraissent en Allemagne, aux Etats-Unis, en Espagne; les articles se multiplient; les chiffres de vente décollent enfin du plancher. 

Obscur ou fameux, Cioran demeure tel qu'en lui-même. Il continue à fuir les médias et à décliner les prix littéraires. Il brode inlassablement, dans un style d'une élégance glaciale, sur les thèmes qui le hantent depuis l'adolescence: le vertige du temps, la mort, "l'inconvénient d'être né", le mysticisme chrétien, l'essoufflement de la civilisation occidentale, Bouddha, Shakespeare, Bach. Sans doute considère-t-il cette célébrité tardive comme un malentendu; lorsqu'il plaint Borges, c'est à lui-même qu'il songe: "La consécration est la pire des punitions (...) A partir du moment où tout le monde le cite, on ne peut plus le citer, ou, si on le fait, on a l'impression de venir grossir la masse de ses ''admirateurs", de ses ennemis." 

Aveux et anathèmes est publié en 1987. C'est son dernier livre. Si les bruits qui courent en avril 1988 sur une éventuelle tentative de suicide sont infondés, en revanche, il est exact qu'il renonce définitivement à écrire. Atteint par une maladie grave, Cioran vit aujourd'hui dans un hôpital parisien. Cinquante-huit ans après avoir quitté la Roumanie pour jeter l'ancre au Quartier latin, il a toujours le statut d'apatride. 

Ce que je sais à soixante, je le savais aussi bien à vingt. Quarante ans d'un long, d'un superflu travail de vérification...
(De l'inconvénient d'être né) 

Ma vision de l'avenir est si précise que, si j'avais des enfants, je les étranglerais sur l'heure.
(De l'inconvénient d'être né) 

Cioran

dimanche, 17 mars 2013

Youth Without Youth

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Youth Without Youth

By Trevor Lynch

Ex: http://www.counter-currents.com/

Youth Without Youth [2] (2007) is Francis Ford Coppola’s stunning film adaptation of a novella of the same name [3] by Mircea Eliade [4] (1907–1986), the Romanian scholar of comparative religion and Iron Guard sympathizer. I highly recommend this beautiful, mysterious, endlessly captivating movie. In style, it is classic; in substance, it is eternal.

Filmed on location in Romania, Switzerland, India, and Malta, Youth Without Youth looks, feels, and sounds like a European movie from the 1950s. The color is sumptuous and the cinematography astonishingly detailed, almost tactile. The pacing and editing are generally languid and sinuous, although they are often intercut with annoying, herky-jerky interludes, to farcical effect. The special effects date from the silent age and are entirely effective. The score [5] by Osvaldo Golijov (who describes himself as an East European Jew born in Argentina) is in the lush, late Romantic idiom, although it avails itself of Oriental and “modernist” styles when the film requires it.

Since this movie is long gone from the theaters, I have no compunction about summarizing the whole story. Youth Without Youth strikes me as a retelling of the Faust myth, particularly Goethe’s Faust. As in Faust, the main character is a scholar who late in life despairs that his life’s work is a failure but who is given miraculous gifts, including restored youth, by which he might continue his quest for knowledge.

Youth Without Youth begins in Piatra Neamț, Romania in 1938. Dominic Matei (played by Tim Roth), a former teacher in a provincial college or lycée, has just turned 70. He is experiencing the onset of senility and despairs of finishing his life’s work, an investigation into the origins of language and consciousness that has stalled before the dark abysses of prehistory. He decides to kill himself and chooses a particularly horrible death: strychnine.

He travels to Bucharest on Easter weekend to take the poison far from home, where nobody will know him. But as he approaches his final destination, he is caught in a sudden downpour and struck by lightning, which incinerates his clothes and burns every inch of his body.

Astonishingly, he is not killed. He is taken to a hospital, where he is bandaged from head to toe and watched over by doctors who fully expect him to die. But to everyone’s surprise, he slowly recovers, and when the bandages are removed, they find a man in his 30s. Dominic Matei has been miraculously regenerated. He also discovers that his memory and other mental faculties have not just been regenerated but enormously enhanced, eventually developing into powers of telepathy and telekinesis. He can learn other languages telepathically and “read” books simply by holding them for a few seconds and concentrating on them.

Furthermore, he encounters a “double”: an entity that looks exactly like him but who is wiser and more powerful and who can thus offer him guidance and protection. (The double first appears in mirrors and dreams before being seen in the real world. We learn that he is not an illusion when another character sees him as well.) The double functions as a guardian angel, a daimon, a spiritual guide. Perhaps he can do this because he is Dominic, but a Dominic whose powers are fully actualized. As an interlocutor, however, the double has a Mephistophelean quality, for he clearly rejects Dominic’s Western ethical humanism in favor of a Hindu-like non-dualism and transhumanism, and the double urges Dominic to do and accept things he finds abhorrent.

As with Faust, Dominic’s new form of existence can, apparently, be prolonged indefinitely under the right conditions. But as with Faust, it can also end. When Faust feels satisfaction, he dies, and his soul if forfeit. Dominic’s double tells him he is free to accept or reject his gift and free to use it for good or for evil.

Word of Dominic’s astonishing transformation spreads around the world. He is placed under constant surveillance by the Romanian Secret Police, who are in a heightened state of alert because they are doing battle with the Iron Guard. (Corneliu Codreanu had been arrested in April, 1938 and was murdered that November.) They even suspect that Dominic may be an Iron Guard leader hiding in the hospital under a false identity. (There is, of course, something autobiographical about the character of Dominic Matei, for Eliade too was a scholar of language and myth who was suspected, rightly, of Iron Guard connections. Eliade also wrote the novella in old age, when time is short and the mind is given to nostalgia and fantasies of regeneration.)

The Gestapo also take an interest in Dominic because he seems to confirm the theories of a German scientist, Dr. Joseph Rudolf, who hypothesizes that high voltage electrocution might spark the evolution of a higher form of humanity. Matei’s doctor and host, Professor Stanciulescu (Bruno Ganz), realizes Dominic’s powers when he sees two roses from his garden materialize in Dominic’s room with the help of the double. Thus the Professor refuses to allow the Germans to take Matei, citing medical grounds. They threaten to return with a German doctor who will do their bidding. Thus Stanciulescu arranges false papers so that Matei can leave Romania for Switzerland.

Coppola’s treatment of the Germans is one of the few places the movie rings false and silly. He seems to think that Romania was under German occupation in 1938 or ’39, which never happened. The Germans, of course, are portrayed as fanatics and martinets, and their leader even gives the Hitler salute to Professor Stanciulescu. I have not read the novella, but it is impossible to believe that such farcical inaccuracies are found in the original.

Dominic Matei spends the Second World War in neutral Switzerland, where he leads a life that is part Mircea Eliade, part James Bond. He continues his research into the origins of language and consciousness. He also develops new powers, including abilities to create false identities and beat the house in casinos, which is how he supports himself.

One night, Dominic is confronted in an alleyway by the Nazi scientist Dr. Rudolf. Rudolf explains to Dominic that he must return with him to Germany, because only with his help can Rudolf construct a bridge from man to superman, which is the only way that mankind can survive the coming nuclear apocalypse. Rudolf wishes to preserve the high culture of the West: music, art, philosophy, and science. He claims that Dominic was sent by some sort of providence to help save mankind. He promises to admit him to the godlike presence of Adolf Hitler. But Dominic refuses to cooperate with the Nazis. Rudolf pulls a gun and tries to abduct Dominic. When a female Romanian agent of the Gestapo tries to defend Dominic, Rudolf shoots her. The double, who evidently wants Dominic to go with Rudolf, tells him that he has no choice in the matter. But Dominic does have a choice: he telekinetically forces Rudolf to shoot himself, then he escapes.

 

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Dominic is also convinced that the Second World War will not be the last. He anticipates that mankind will be almost annihilated by nuclear warfare, and he fears that “post-historical man” will succumb to despair. Thus be begins to tape a record of his transformation, depositing the tapes in a bank vault. He hopes that they will somehow survive the end of history and be deciphered by men in the future, giving them hope that humanity might evolve. Of course he has no assurance that the tapes will survive, but believes it anyway, because without this belief, his life would have no meaning.

The second half of the movie begins in 1955, when Dominic encounters a young German woman on vacation in Switzerland (Alexandra Maria Lara). Her name is Veronica, but she is the very image of Laura, Dominic’s former fiancée, who a lifetime ago had broken off their engagement because he was too involved in his work. She then married another man and died in childbirth a year later. The double confirms that Veronica is the reincarnation of Laura. (She is roughly analogous to Gretchen in Goethe’s Faust.)

Veronica’s car is struck by lightning, and her companion is killed. When Dominic finds Veronica, she is speaking in an ancient Indian dialect and claims that her name is Rupini, a woman of the Kshatriya caste, a descendant of one of the first families to convert to Buddhism, who had left the world behind to meditate in a cave.

Veronica/Rupini becomes an international sensation, because she seemingly provides proof of reincarnation. (Veronica herself later suggests spirit possession as an alternative hypothesis.) Veronica/Rupini demonstrates knowledge that Veronica did not and could not have learned during her lifetime. Dominic becomes her caretaker. He summons leading orientalists to study her case, and eventually she is flown to India, where she finds Rupini’s cave, complete with her mortal remains. Then Rupini’s peronality disappears and Veronica’s re-emerges. She and Dominic fall in love. Veronica tires quickly of being a world celebrity, so she and Dominic flee India to a private villa on Malta.

On Malta, Dominic discovers he has to power to induce trances in which Veronica regresses to past lives, speaking Ancient Egyptian, then Akkadian and Sumerian, then unknown protolanguages which Dominic eagerly records and transcribes. He recognizes that Veronica might be the vehicle he needs to pierce the veil of prehistory and reach the origins of language and consciousness. The double confirms this.

But with each trance, Veronica becomes increasingly drained and begins to age rapidly. Dominic realizes that if he continues to induce regressions, she will wither and die, so he has to choose between Veronica and the completion of his life’s work. He tells Veronica that they must part. If they stay together, she will die. If they part, her youth and beauty will be restored.

In 1969, when he is 101 years old, Dominic sees Veronica and her two children get down from a train. Heartbroken, he surreptitiously photographs her. He returns to his home town in Romania. In the mirror of his hotel room, he has a conversation with his double. The double reveals that he is indeed the harbinger of a new race, which will arise from the electromagnetic pulse released by an approaching nuclear holocaust. Most of mankind will perish in the process, but a superhumanity will emerge. Disgusted at the sacrifice of man to create the superman, Dominic smashes the mirror, rejecting his gift. The double, gibbering some unknown language, disappears.

Dominic then goes to his old haunt, the Café Select, where he hallucinates an encounter with friends from the 1930s. During the conversation, he rapidly ages, then stumbles out into the night. The next morning, he is found frozen to death in the snow.

But the end is ambiguous, for at the very end of the film, we hear Veronica’s voice ask Dominic, “Where do you want me to put the third rose?” which then appears in his hand. So is Dominic Matei really dead? He has been all but dead before, remember. So is this just another start? Will he keep coming back until he learns his lesson and his mission is fulfilled? Or is he really dead, but under the protection of Veronica, like Faust whose soul is saved in the end by the intercession of the Eternal Feminine?

Youth Without Youth is a movie about transcending the human condition: backwards, toward the pre-human origins of language and consciousness, and forwards, toward the advent of the superhuman. Dominic Matei is given the power to do both.

He could have arrived at the origin of human language and consciousness through Veronica’s trances, but he was unwilling to sacrifice her to his quest for knowledge.

He is already superhuman, but he could choose to help prepare the way for superhumanity. He had a chance to assist Dr. Rudolf, but he rejected it because he thought that Hitler was the devil himself. In the end, he rejected his own superhumanity simply because he was repelled by the idea that superhumanity would emerge from the destruction of humanity.

In both cases, the path to transcendence of the human realm was blocked by Dominic’s humanistic ethics, the idea that every human being has a dignity or worth that forbids its sacrifice for higher values. Thus Youth Without Youth explores the same fundamental conflict that animates Christopher Nolan’s The Dark Knight Trilogy [6]: the ethic of egalitarian humanism versus the ethic of superhumanism, of the individuals who raise themselves above humanity either through a Nietzschean rejection of slave morality and a Heideggerian encounter with mortality and contingency (the Joker) or through the initiatory knowledge of the League of Shadows. (As I argue in my review [7] of The Dark Knight Rises, the two forms of superhumanism are compatible, but Nietzsche, Heidegger, and the Joker only grasp a small part of a much greater truth.)

Youth Without Youth is, in short, a deeply serious film: a feast for the intellect as well as the senses. A commercial and critical flop when it was released in 2007, Youth Without Youth is in truth one of Francis Ford Coppola’s finest films.

 


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[2] Youth Without Youth: http://www.amazon.com/gp/product/B0014I4TR2/ref=as_li_ss_tl?ie=UTF8&camp=1789&creative=390957&creativeASIN=B0014I4TR2&linkCode=as2&tag=countercurren-20

[3] novella of the same name: http://www.amazon.com/gp/product/0226204154/ref=as_li_ss_tl?ie=UTF8&camp=1789&creative=390957&creativeASIN=0226204154&linkCode=as2&tag=countercurren-20

[4] Mircea Eliade: https://en.wikipedia.org/wiki/Eliade

[5] score: http://www.amazon.com/gp/product/B000WVPXD6/ref=as_li_ss_tl?ie=UTF8&camp=1789&creative=390957&creativeASIN=B000WVPXD6&linkCode=as2&tag=countercurren-20

[6] The Dark Knight Trilogy: http://www.counter-currents.com/tag/lynch-dark-knight/

[7] review: http://www.counter-currents.com/2012/07/the-dark-knight-rises/

dimanche, 23 septembre 2012

Vintila Horia, l’esilio e il sogno di una grande patria europea

Vintila Horia, l’esilio e il sogno di una grande patria europea

La scrittore rumeno, autenticamente nazionalista, è tra i dannati della letteratura

Romano Guatta Caldini

Ex: http://rinascita.eu/

VintilaHoriaBustEC.jpgSono innumerevoli gli autori relegati nel limbo dell’editoria, un po’ perché le loro tesi sono considerate politicamente scorrette, dalla massa degli utili idioti che popolano il mondo della critica letteraria, un po’ perché questi scrittori vengono sempre etichettati come impresentabili, a causa dei loro percorsi esistenziali che non corrispondono al cliché dell’intellettuale “democratico”. Fra i dannati della letteratura, un posto di primo piano lo occupa sicuramente Vintila Horia, il déraciné per eccellenza.


Il tema dell’esilio – in Horia – è una costante. Lui, scrittore autenticamente di destra, è il simbolo di quella generazione di intellettuali che, dopo il tramonto dei fascismi e l’instaurarsi delle dittature comuniste nell’est Europa, passarono tutta la vita lontani dalla madre patria. Sebbene, durante la giovinezza, Horia non abbia mai contemplato l’ipotesi di tornare in Romania – il Paese d’origine che lo condannò ai lavori forzati con l’accusa di propaganda fascista – il richiamo della “terra dei padri” influì notevolmente sulla sua produzione letteraria. “Incominciò allora - scrive Horia - il mio vero esilio come un processo di anacoretismo, cioè come un processo di separazione da tutto quello che io ero stato”. Fra i suoi scritti ricordiamo: “Dio è nato in esilio”, “Gli impossibili”, “La rivolta degli scrittori sovietici”, “Il cavaliere della rassegnazione”, “La settima lettera” ed “Una donna per l’Apocalisse”.


Per un esiliato la vita è fatta di incessanti peregrinazioni, alla ricerca - forse inconsapevole - di un’Itaca perduta per sempre. Italia, Austria, Francia, Spagna: furono molte le mete toccate da Horia nel suo percorso di viandante, nell’Europa martoriata dal secondo conflitto mondiale prima e dalla guerra fredda poi. E sono proprio le persone incontrate sulla via i personaggi dei suoi romanzi, come Clara, la bella esule polacca co-protagonista – con Horia “Io narrante” - de “Gli impossibili”. Entrambi in fuga dal comunismo e dai fantasmi del passato, Vintila e Clara si incontrano a Losanna, città che ha dato da sempre rifugio ai perseguitati politici. “Due esiliati - scrive il curatore de Gli Impossibili, per le edizioni Il Borghese - due creature strappate dalla violenza della guerra e dalle aberrazioni della politica al loro Paese; ciascuno spera di ritrovare, nell’amore, la patria, cioè, la fine della solitudine”.


Clara entra nella vita di Horia come una cometa, come un bagliore sfuggente che illumina – per un brevissimo lasso di tempo, l’esistenza dello scrittore rumeno. Nella solitudine interiore di lei, Horia trova ristoro, nella sofferenza provocatale da un passato popolato di fantasmi, l’autore trova le proprie radici, un contatto, seppur effimero, con la lontana Romania. Ed è così, attraverso un viaggio a ritroso nel tempo che Horia ripercorre le tappe che lo hanno portato a Losanna. Un percorso angosciante che partendo dalla casa paterna - ormai spazzata via dal regime comunista – arriva fino all’avvenimento che segnò la svolta negli orientamenti politici dell’autore: l’assassinio, in mezzo alla folla, di tre legionari della Guardia di Ferro.


Come per i suoi connazionali, Emil Cioran e Mircea Eliade, anche per Horia il successo arriverà durante il suo soggiorno forzato all’estero. Nel “60, con la pubblicazione del suo capolavoro, “Dio è nato in esilio”, ad Horia venne assegnato il Premio Gouncourt, il più noto riconoscimento letterario di Francia. Eppure, anche questa volta, i fantasmi del passato tornarono a riscuotere il proprio tributo. Dopo la vittoria del Gouncort, Horia venne invitato a farsi fotografare con il funzionario, dell’ambasciata rumena a Parigi, addetto alle relazioni. Un tentativo, da parte del regime comunista, di riavvicinare lo scrittore. Horia, però, rifiutò l’esortazione e, a quel punto, dalle pagine de L’Humanité scattò una campagna stampa tendente a screditarlo. Il quotidiano marxista, imbeccato dall’inteligencja rumena, mise in atto un violento attacco che, ricordando i trascorsi fascisti dello scrittore, ebbe come risultato la restituzione del premio. “Se il libro di Vintila Horia meritava il Premio Goncourt - si legge nel retro di copertina della pubblicazione italiana del libro “Dio è nato in esilio” - perché i giudici, dopo averlo assegnato secondo tutte le regole, non seppero difendere la loro decisione? E se il libro non meritava il premio, perché gli fu assegnato? La Romania comunista ha cercato fino all’ultimo momento di recuperare Vintila Horia, che vive in esilio per non vivere in una Romania comunista. (…) Si ripeté per Vintila Horia la discriminazione già usata coi militari e gli intellettuali tedeschi: quelli che hanno aderito al comunismo sono illibati e stimabili, chi si rifiuta di farlo è reprobo”.

Aspetto poco conosciuto, dell’autore rumeno, è il suo stretto legame con l’Italia. Nel ‘39, infatti, appena ventiquattrenne ed in seguito alla laurea in giurisprudenza conseguita a Bucarest, Horia venne inviato a Roma, in qualità di addetto stampa della Legazione del Regno di Romania a Roma. Qui conoscerà Papini con cui, nel tempo, instaurerà un prolifico rapporto lavorativo, culturale e naturalmente, di amicizia. A Perugia lo scrittore avrà l’occasione di seguire i corsi di Letteratura e filosofia, almeno fino al suo trasferimento all’ambasciata di Vienna. Da qui, dopo la caduta del regime pro-Asse del Maresciallo Ion Antonescu e il conseguente instaurarsi - in Romania - di un governo filo-sovietico, venne rinchiuso in un campo di concentramento, per diplomatici del Terzo Reich, a Maria Pfarr, in Austria.


Liberato dagli inglesi, nel ‘45, Horia tornò in Italia, a Bologna. Ed è nel capoluogo emiliano che lo scrittore prese la decisione emotivamente più devastante della sua vita: non fare mai più ritorno in una Romania trasfigurata dal comunismo. Durante il periodo nel “bel paese”, lo scrittore collaborò a diverse riviste, come “L’Ultima” ed il “Perseo”, e ad alcuni quotidiani, tra cui “il Tempo” e “Roma”. Da menzionare sono i saggi - di Horia - sui pensatori anticonformisti italiani: l’amico Giovani Papini ed il Barone Julius Evola.


Moderno Ulisse, lo scrittore rumeno non smise mai di viaggiare, tenendo conferenze nelle università di Buenos Aires, Madrid, Parigi e Santiago del Chile. Come molti uomini legati ai fasti, dell’epopea rivoluzionaria nazionale dei regimi fascisti europei, anche Horia si trasferì in Argentina, più precisamente a Buenos Aires dove, grazie all’aiuto di Papini, poté trovare un’occupazione presso un’università locale. La morte lo colse in Spagna, dove aveva trovato rifugio, grazie al governo franchista.


Vintila Horia non tornò mai in Romania e, forse, fu proprio per la sua condizione di apolide che nel tempo sviluppò una sorta d’inter-nazionalismo di stampo europeista. Infatti, durante un’intervista rilasciata a Gianfranco De Turris, Horia dichiarò: “Mi considero uno scrittore europeo. Credo che la mia vera patria, e la patria di noi tutti, italiani, romeni, spagnoli o francesi, sia – in fondo – l’Europa”.


12 Settembre 2012  - http://rinascita.eu/index.php?action=news&id=16691

dimanche, 03 juin 2012

Intervista a Claudio Mutti

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Intervista a Claudio Mutti

La traduzione della tragedia “Ifigenia” di Mircea Eliade è pubblicata dalle Edizioni all’insegna del Veltro


Ultimamente fioccano le “censure di presentazione” di libri ritenuti - per lo più a torto - politicamente o culturalmente scorretti. Tutti lettori sanno qualcosa del recente divieto di presentazione del “Così parlò Zarathustra” edito da Ar. O della richiesta dell’associazione “Gherush” di sospendere l’insegnamento di Dante e della sua “Comoedia” perché... antisemita.


Ma c’è un altro precedente, forse ignoto, che riassumiamo in breve.
Un paio d’anni fa Claudio Mutti - il filologo di Parma tacciato di rossobrunismo e eresia - aveva tradotto e pubblicato in italiano una tragedia di Mircea Eliade, “Ifigenia”, che fu messa in scena un paio di volte in Romania (prima sotto Antonescu e poi sotto Ceausescu).
Alcuni mesi fa un regista teatrale, Gianpiero Borgia, ha letto il libro e gli è piaciuto. Così ha preparato un allestimento dell’Ifigenia di Eliade per il Teatro Festival di Napoli (12 giugno) e per la stagione teatrale del Teatro Stabile di Catania (26 giugno).


Qualche giorno fa, però ha ricevuto un diktat dall’erede dei diritti d’autore di Eliade, tale Sorin Alexandrescu, attivista liberale e fondatore di un Comitato per i diritti umani: la tragedia non deve essere rappresentata nella traduzione di Claudio Mutti, perché ha pubblicato tre saggi storici sul rapporto di Eliade con la Guardia di Ferro di Corneliu Codreanu. Proponiamo ai lettori di “Rinascita” un’intervista al professore fatta da un giovane studioso della lingua romena, che ha appena pubblicato un libro presso Aliberti un libro sul colpo di Stato del dicembre 1989.
 
Bistolfi:
Claudio Mutti, antichista, filologo, linguista, poliglotta, traduttore e molto altro: una delle Sue ultime fatiche è stata la traduzione della tragedia Ifigenia di Mircea Eliade, pubblicata dalle Edizioni all’insegna del Veltro. Lei ha così portato alla luce un testo pressoché sconosciuto dello studioso romeno. Quando ha scoperto questo lavoro? Di che cosa tratta?


Mutti: Sono debitore della prima lettura di Ifigenia al mio amico Ion Marii, che alcuni decenni fa mi donò un esemplare dell’ormai irreperibile edizione uscita grazie ai suoi sforzi nel 1951, quando era esule in Argentina. A tale proposito, Mircea Eliade scrisse nel dicembre di quell’anno su un periodico dell’emigrazione romena: “Talvolta arrivano degli operai dall’anima angelica e donano i loro averi affinché si possano stampare i versi e le prose dei nostri sognatori o dei nostri veglianti; è il caso di quell’operaio che sta in Argentina, Ion Marii, il quale ha donato all’editore di Cartea Pribegiei tutto quello che aveva risparmiato in un anno e mezzo di lavoro (Ion Marii, primo membro d’onore della Società degli Scrittori Romeni, quando ritorneremo a casa…)”. Norman Manea invece raccontò su “Les Temps Modernes” che Ifigenia venne pubblicata… dal proprietario “della stampa di destra argentina” (sic)!


Di che cosa si tratta? Ifigenia è una tragedia che riprende il mito trattato da Euripide nell’Ifigenia in Aulide, ma si caratterizza per il risalto attribuito al motivo del sacrificio, motivo di cui Eliade si occupò, in quegli stessi anni, nei Commenti alla leggenda di Mastro Manole. La figlia di Agamennone accetta e sollecita il proprio sacrificio affinché la spedizione contro Troia possa compiersi con successo.
La tesi di Eliade è che Ifigenia, accettando e sollecitando il proprio sacrificio, acquisisce un “corpo di gloria” che consiste nel successo della spedizione bellica; essa vive nell’impresa degli Achei proprio come la moglie di Mastro Manole vive nel corpo di pietra e calce del monastero.
 
Nel mese di giugno il regista Gianpiero Borgia presenterà la versione italiana di Ifigenia, in prima assoluta per l’Italia, al Teatro Festival di Napoli e al Teatro Greco-Romano di Catania. Abbiamo però notato che il Suo nome non compare più nel cartellone. Si tratta di un “refuso” oppure c’è stato qualche problema “tecnico”?


L’erede di Mircea Eliade, suo nipote Sorin Alexandrescu, ha posto come condizione irrinunciabile per la concessione dei diritti che la rappresentazione dell’opera non si avvalesse della mia traduzione e che questa venisse sostituita dalla traduzione inedita di Horia Corneliu Cicortas. Il motivo di questo aut-aut dell’erede di Eliade è dovuto ad un puro e semplice pregiudizio ideologico. Infatti Sorin Alexandrescu, già fondatore di un comitato per i “diritti umani”, ritiene che oggi, “grazie al trionfo mondiale del liberalismo, noi comprendiamo più facilmente quello che molti intellettuali e cittadini non potevano comprendere allora [cioè nel periodo interbellico], ossia che la società liberale è la società meno imperfetta”. Ora, siccome lo zio non ebbe la possibilità di comprendere quello che invece è stato compreso dal nipote, quest’ultimo si trova in grande imbarazzo allorché il nome di Eliade viene associato alla cultura del tradizionalismo o, peggio ancora, al movimento legionario; perciò si sforza di dissociare Eliade da tutto ciò che è culturalmente e politicamente scorretto. Ai suoi occhi io ho commesso la grave colpa di pubblicare in più lingue alcuni studi che sine ira et studio documentano le liaisons dangereuses di Eliade sia col tradizionalismo (Eliade, Vâlsan, Geticus e gli altri. La fortuna di Guénon tra i Romeni) sia con il legionarismo (Mircea Eliade e la Guardia di Ferro e Le penne dell’Arcangelo). Di qui il diktat di Sorin Alexandrescu al regista italiano.
 
Leggendo Eliade si ha l’impressione che egli abbia rivelato di se stesso molto di più nei romanzi e, scopriamo oggi, in questa tragedia, che non nei diari e nella sua produzione saggistica. Qual è la Sua impressione a riguardo?


Credo di essere stato il primo, oltre una ventina d’anni fa, ad affermare che “sotto il velame” della narrazione romanzesca Eliade ha celato qualcosa che non poteva o non voleva dire esplicitamente in altra maniera: un qualcosa che aveva a che fare con il “culturalmente e politicamente scorretto” di cui ho detto poc’anzi. La mia convinzione è stata poi confermata da altri studiosi, i quali hanno scrutato le pagine della narrativa eliadiana cercando di mettere in luce quelli che Marcello De Martino definisce come i “non detti” e i “frammenti di un insegnamento sconosciuto”.
 
In Romania è mai stata rappresentata questa tragedia? Quali riscontri ha avuto?


Eliade si trovava all’estero allorché il 12 febbraio 1941 Ifigenia venne rappresentata per la prima volta al Teatro Comedia di Bucarest (il Teatro Nazionale era in restauro in seguito ad un terremoto). Una ventina di giorni prima, il generale Antonescu aveva espulso i legionari dal governo ed aveva instaurato una dittatura militare; dato il successo riscosso dalla prima dell’opera, la moglie di Eliade temeva che le autorità potessero vietare ulteriori rappresentazioni, perché, come si legge nel Diario di Petru Comarnescu, con la figura di Ifigenia “Eliade vuole ricordare Codreanu”. Col Diario di Comarnescu converge il Diario di Mihail Sebastian, il quale non si era recato alla prima di Ifigenia: “Avrei avuto l’impressione di assistere – annotò il drammaturgo ebreo – ad una seduta di cuib”, ossia ad una riunione legionaria. Dovette trascorrere una trentina d’anni, prima in Romania si potesse leggere di nuovo il testo di Ifigenia o assistere ad una rappresentazione della tragedia. Il testo fu pubblicato su “Manuscriptum”, una rivista culturale edita a Bucarest, nel 1974, nel quadro di un’operazione di “recupero” della produzione eliadiana da parte del regime nazionalcomunista. Negli anni Ottanta, la tragedia di Eliade venne rappresentata due o tre volte.
 
Qual è la percezione che oggi in Romania si ha dell’adesione di Eliade al Movimento legionario? E in Italia?


Per i Romeni che hanno un’opinione positiva del Movimento legionario, l’adesione di Eliade (così come quella della maggior parte dell’intellettualità romena dell’epoca) è motivo d’orgoglio. Per gli altri, a partire dall’erede dei diritti delle sue opere, è motivo d’imbarazzo. Quanto all’Italia, alcuni hanno demonizzato Eliade come un aguzzino che “consegnava alle SS gli ebrei romeni” (così scrisse testualmente “Repubblica”), mentre altri hanno cercato a lungo di sottacerne l’impegno legionario, poi si sono arrampicati sugli specchi per negarlo o minimizzarlo.


26 Maggio 2012 12:00:00 - http://rinascita.eu/index.php?action=news&id=15103

vendredi, 25 novembre 2011

Emil Cioran e o Culto à Morte

Emil Cioran e o Culto à Morte

 
por Tomislav Sunic
 
Ex: http://legio-victrix.blogspot.com/




Pessimismo histórico e senso trágico são motivos recorrentes na literatura Européia. De Heraclitus à Heidegger, de Sophocles à Schopenhauer, os representantes do ponto de vista trágico assinalam que a maneira mais curta de existência humana pode somente ser superada pela intensidade heróica de viver. A filosofia do trágico é incompatível com o dogma cristão de salvação e otimismo de algumas ideologias modernas. Muitas políticas ideológicas e teológicas modernas se estabelecem a partir do pressuposto de que “o futuro radiante” está em algum lugar depois de virar a esquina, e que o medo existencial pode ser melhor subjugado pela aceitação de um linear e progressivo conceito histórico. É interessante observar que indivíduos e massas, na nossa pós-modernidade, cada vez mais evitam alusões à morte e ao fato de morrer. Procissões e despertares, que há não muito honraram a comunhão pós-moderna entre a vida e a morte, estão rapidamente caindo no esquecimento. Em uma sociedade fria e super-racional de hoje, a morte de alguém causa constrangimento, como se a morte nunca tivesse existido, e como se a morte pudesse ser adiada por uma “procura da felicidade” deliberada. A crença de que a morte pode ser despistada com um elixir da juventude eterna e a “ideologia das boas aparências”, é generalizada na sociedade moderna orientada pela TV. Essa crença se tornou uma fórmula de conduta sócio-política.

O ensaísta franco-romeno, Emile Cioran, sugere que uma conscientização da futilidade existencial representa a única arma contra delírios teológicos e ideológicos que têm balançando a Europa por séculos. Nascido na Romênia em 1911, Cioran desde muito cedo se identificou com o velho provérbio Europeu de que geografia significa destino. Da sua região nativa, de onde uma vez vagou pelas hordas de Scythian e Sarmatian, e na qual mais recentemente, vampiros e Draculas políticos estão tomando o pedaço, ele herdou um típico talento “balkanesque” de sobrevivência. Dezenas de povos gregos antigos evitavam esta área, e quando as circunstâncias políticas os forçaram a fugir, escolheram uma nova pátria na Sicília ou na Itália – ou hoje, como Cioran, na França. “Nossa época” escreve Cioran, “vai ser marcada pelo romantismo de pessoas apátridas. Já a imagem do universo está no passo de que ninguém terá direitos civis.”[1] Similarmente a esses compatriotas exilados, Eugene Ionesco, Stephen Lupasco, Mircea Eliade, e muitos outros, Cioran vem para compreender muito cedo que o senso de futilidade existencial pode melhor ser curado pela crença em um conceito histórico cíclico, que exclui qualquer noção de chegada de um Messias ou a continuação do progresso tecno-econômico.

A atitude política, estética e existencial, de Cioran em relação a ser e tempo é um esforço para restaurar o pensamento pré-Socrático, o qual o Cristianismo, logo a herança do racionalismo e do positivismo, empurrou para a periferia da especulação filosófica. Nesse ensaio e aforisma, Cioran tenta lançar uma fundação de uma filosofia de vida que, paradoxalmente, consiste na refutação total de todo o viver. Em uma era de história acelerada lhe parece sem sentido especular sobre o aperfeiçoamento humano ou sobre o “fim da história”. “O futuro”, escreve Cioran, “vão e vejam por si mesmos se realmente desejam. Eu prefiro me agarrar ao inacreditável presente e ao inacreditável passado. Eu os deixo a oportunidade de encarar o inacreditável.”[2] Antes dos empreendimentos humanos em devaneios sobre a sociedade futurista, ele devia primeiro imergir a si mesmo na insignificância da sua vida, e finalmente restaurar a vida para o que ela é de fato: uma hipótese trabalhosa. Em uma de suas litografias, o pintor francês J. Valverde, do século XVI, esboçou um homem que tinha tirado sua própria pele. Esse incrível homem, segurando uma faca em uma das mãos e sua pele recém tirada na outra, assemelha-se a Cioran, que agora ensina aos seus leitores como melhor tirar a máscara das ilusões políticas. Homens sentem medo somente na sua pele, não no esqueleto. Como seria para uma mudança, pergunta Cioran, se o homem poderia ter pensado em algo não relacionado ao ser? Nem tudo que transparece teimoso tem causado dores de cabeça? “E eu tenho pensado em todos que eu conheço”, escreve Cioran, “em todos que não estão mais vivos, há muito chafurdando em seus caixões, para sempre isentos da sua carne – e medo.”[3]

A interessante característica de Cioran é a tentativa de lutar contra o niilismo existencial por significados niilistas. Diferente de seus contemporâneos, Cioran é averso ao pessimismo chic dos intelectuais modernos que lamentam paraísos perdidos, e que continuam pontificando sobre o fim do progresso econômico. Inquestionavelmente, o discurso literário da modernidade tem contribuído para essa disposição do falso pessimismo, embora esse pessimismo pareça ser mais induzido por apetites econômicos frustrados, e menos, pelo que Cioran fala, “alienação metafísica”. Contrário ao existencialismo de J.P. Sartre, que foca na ruptura entre ser e não-ser, Cioran lamenta a divisão entre a linguagem e a realidade e, portanto, a dificuldade de transmitir inteiramente a visão da insignificância existencial. Em um tipo de alienação popularizada por escritores modernos, Cioran detecta o ramo da moda do “parnasianismo” que elegantemente mascara uma versão aquecida de uma crença frustrada em andamento. Como uma atitude crítica em relação aos seus contemporâneos, talvez seja a razão do por quê Cioran nunca teve elogios caindo aos montes sobre ele, e por quê seus inimigos gostam de apelida-lo de “reacionário”. Para rotular Cioran de filósofo do niilismo pode ser melhor apropriado em vista do fato de quê ele é um blasfemador teimoso que nunca se cansa de chamar Cristo, São Paulo, e todo o clérigo cristão, tão bem quanto seus seculares marxistas freudianos, de sucessores totais da mentira e mestres da ilusão. Ao atenuar Cioran para uma categoria ideológica e intelectual preconcebida não se pode fazer justiça ao seu temperamento complexo, nem refletir objetivamente sua filosofia política complicada. Cada sociedade, democrática ou despótica, tenta silenciar aqueles que encarnam a negativa da sacrossanta teologia política. Para Cioran, todo os sistemas devem ser rejeitados pela simples razão de que eles glorificam o homem como criatura final. Somente no louvor do não-ser, e na total negação da vida, argumenta Cioran, a existência do homem se torna suportável. A grande vantagem de Cioran é, como ele diz, “eu vivo somente porque é meu poder morrer quando eu quiser; sem a idéia de suicídio, eu tenho me matado já há muito tempo atrás.”[4] Essas palavras testemunham a alienação de Cioran da filosofia de Sisyphus, bem como sua desaprovação do pathos moral do trabalho infestado de esterco. Dificilmente um caráter bíblico ou moderno democrata poderia querer contemplar de maneira similar a possibilidade de quebrar o ciclo do tempo. Como Cioran diz, o supremo senso de beatitude é alcançável somente quando o homem compreende que ele pode, em qualquer momento, terminar com sua vida; somente nesse momento isso significará uma nova “tentação de existir”. Em outras palavras, poderia ser dito que Cioran desenha sua força vital do constante fluxo de imagens de morte saudada, assim interpretando irrelevante todas as tentativas de qualquer compromisso ético ou político. O homem deveria, por uma mudança, argumenta Cioran, tentar funcionar como uma bactéria saprófita; ou melhor, como uma ameba da era Paleozóica. Como forma primordial de existência pode suportar o terror do ser e do tempo mais facilmente. Em um protoplasma, ou em espécies mais arcaicas, há mais beleza que em todos os filósofos da vida. E para reiterar este ponto, Cioran acrescenta: “Oh, como eu gostaria de ser uma planta, mesmo que eu teria que ser um excremento de alguém!”[5]

Talvez Cioran poderia ser retratado como arruaceiro, ou como os franceses diriam, “trouble fete”, do qual os aforismas suicidas ofendem a sociedade burguesa, mas de quem as palavras também chocam os socialistas modernos sonhadores. Em vista da sua aceitação da idéia da morte, assim como sua rejeição de todas as doutrinas políticas, não é de admirar que Cioran não mais se sente imposto ao egoísta amor da vida. Por isso, não há razão para ele no refletir sobre a estratégia de vida; alguém deveria, primeiro, começar a pensar sobre a metodologia da morte ou, melhor ainda, como nunca ter nascido. “A humanidade tem regredido muito”, escreve Cioran, e “nada prova isso melhor que a impossibilidade de encontrar uma única nação ou tribo na qual o nascimento de uma criança causa luto e lamentação”[6] Onde estão aqueles tempos sacros, pergunta Cioran, quando os bogumils balcânicos e os cátaros franceses viram no nascimento de uma criança um castigo divino? As gerações atuais, ao invés de alegrarem-se quando seus queridos morrem, estão aturdidos com terror e descrença na visão da morte. Ao invés de lamentar e lutar quando sua prole nasce, organizam festividades em massa:

“Se embargá-los é um mal, a causa desse mal deve ser vista no escândalo do nascimento – porque para nascer significa ser embargado. O propósito da separação deveria ser a supressão de todos os vestígios desse escândalo – o sinistro e o menos tolerável dos escândalos.”[7]

A filosofia de Cioran carrega uma forte marca de Friedrich Nietzsche e das Upanishads indianas. Embora seu incorrigível pessimismo muitas vezes chama a “Weltschmerz” de Nietzsche, sua linguagem clássica e sua rígida sintaxe raramente tolera narrativas românticas ou líricas, nem as explosões sentimentais que pode-se encontrar na prosa de Nietzsche. Ao invés de recorrer à melancolia trovejante, o humor paradoxal de Cioran expressa algo o qual, em primeiro lugar, nunca deveria ter sido construído verbalmente. A fraqueza da prosa de Cioran reside, provavelmente, na sua falta de organização temática. Quando seus aforismos são lidos como notas destruídas de uma boa construção musical, e também sua linguagem é bastante hermética, em que o leitor tem de tatear o significado.

Quando alguém lê a prosa de Cioran é confrontado por um autor que impõe um clima de gélido apocalipse, que contradiz completamente a herança do progresso. A verdadeira alegria está em não-ser, diz Cioran, que é, na convicção de que cada ato de criação intencional perpetua o caos cósmico. Não há propósito nas deliberações intermináveis sobre um melhor sentido da vida. A história inteira, seja a história lembrada ou a história mítica, é repleta de cacofonia de tautologias teológicas e ideológicas. Tudo é “éternel retour”, um carrossel histórico, com aqueles que estão hoje no topo, terminando amanhã no fundo do poço.

“Eu não posso desculpar a mim mesmo por ter nascido. É como se, ao insinuar a mim mesmo nesse mundo, eu profanasse algum mistério, traísse algum importante noivado, executasse um erro de gravidade indescritível.”[8]

Não significa que Cioran seja completamente isolado dos tormentos físicos e mentais. Ciente da possibilidade de um desastre cósmico, e persuadido neurologicamente de que algum outro predador pode em qualquer momento privar-se do seu privilégio para assim morrer, ele implacavelmente evoca um conjunto de imagens de morte em camas. Não é um verdadeiro método aristocrático de aliviar a impossibilidade d ser?

“A fim de vencer a ansiedade ou temor tenaz, não há nada melhor do que imaginar seu próprio funeral: método eficiente e acessível a todos. A fim de evitar recorrer a isso durante o dia, o melhor é entrar nessas virtudes logo após se levantar. Ou talvez fazer uso disso em ocasiões especiais, semelhante ao Papa Inocêncio IX que mandou pintarem ele morto em sua cama. Ele lançaria um olhar para aquela pintura toda vez que tivesse uma decisão importante a fazer...”[9]

Primeiramente, já se deve ter sido tentado a dizer que Cioran é afeiçoado em mergulhar nas suas neuroses e idéias mórbidas, como se pudessem ser usadas para inspirar sua criatividade literária. Tão emocionante que ele encontra seu desgosto pela vida que ele próprio sugere que “aquele que consegue adquiri-lo tem um futuro o qual fará tudo prosperar; sucesso assim como derrota.”[10] Tal franca descrição de seus espasmos emocionais o faz confessar que sucesso, para ele, é tão difícil adquirir quanto a falha. Tanto um como o outro lhe causam dor-de-cabeça.

O sentimento da futilidade sublime com relação a tudo que engloba a vida vai de mão à mão com a atitude pessimista de Cioran com respeito ao surgimento e à decadência dos impérios e dos Estados. Sua visão da circulação do tempo histórico lembra Vico's corsi e ricorsi, e seu cinismo sobre a natureza humana desenha na “biologia” histórica de Spengler. Tudo é um carrossel, e todo sistema está condenado a perecer no momento em que toma entrada na cena histórica. Pode-se detectar nas profecias sombrias de Cioran os pressentimentos do estóico imperador romano Marcus Aurelius, quem ouviu na distância do Noricum o galope dos cavalos bárbaros, e quem discerniu através da neblina de Panonia as pendentes ruínas do império romano. Embora hoje os atores sejam diferentes, a configuração permanece similar; milhões de novos bárbaros começaram a bater nos portões da Europa, e em breve tomarão posse daquilo que está dentro dela:

“Independentemente do quê o mundo se tornará no futuro, os ocidentais assumirão o papel do Graeculi do império romano. Necessitados de e desprezados por novos conquistadores, não terão nada para oferecer a não ser a imposturice da sua inteligência ou o brilho de seu passado.”[11]
 
 


Este é o momento da rica Europa arrumar-se e ir embora, e ceder a cena histórica para outros povos mais viris. A civilização se torna decadente quando toma a liberdade como certa; seu desastre é iminente quando se torna tolerante a todo tosco de lá de fora. No entanto, apesar de que os furacões políticos estão à espreita no horizonte, Cioran, como Marcus Aurelius, está determinado a morrer com estilo. Seu senso do trágico ensinou-o a estratégia do ars moriendi, o tornando preparado para qualquer surpresa, independente da sua magnitude. Vitoriosos e vítimas, heróis e capangas, eles todos não se revezam nesse carnaval da história, lamentando e lamentando seu destino enquanto no fundo do poço, e tomando vingança enquanto no topo? Dois mil anos de história greco-cristã é uma mera ninharia em comparação à eternidade. Uma civilização caricatural está agora tomando forma, escreve Cioran, na qual os que estão criando estão ajudando aqueles que a querem destruir. A história não tem sentido e, portanto, na tentativa de torna-la significativa, ou esperar disso uma explosão final de teofania, é uma quimera auto-destrutiva. Para Cioran, há mais verdade nas ciências ocultas do que em todas as filosofias que tentam dar sentido de vida. O homem se tornará finalmente livre quando ele tirar sua camisa de força do finalismo e do determinismo, e quando ele compreender que a vida é um erro acidental que saltou de uma circunstância astral desconcertante. Provas? Uma pequena torção da cabeça claramente mostra que a história, de fato, se resume a uma classificação do policiamento: “afinal de contas, a barganha histórica não é a imagem da qual as pessoas têm do policiamento das épocas?”[12] Suceder na mobilização das massas em nome de algumas idéias obscuras, para as permitir farejar sangue, é um caminho certeiro para o sucesso político. As mesmas massas, as quais carregaram nos ombros a revolução francesa em nome da igualdade e da fraternidade, não têm muitos anos atrás também carregado nos ombros um imperador de roupas novas – um imperador em cujo nome corriam descalços de Paris a Moscou, de Jena para Dubrovnik? Para Cioran, quando uma sociedade cai fora das utopias políticas, não há mais esperanças, e consequentemente não se pode mais haver vida. Sem utopia, escreve Cioran, as pessoas são forçadas a cometer suicídio; graças à utopia, elas cometem homicídio.

Hoje em dia não há mais utopia. A democracia de massa tomou seu lugar. Sem a democracia a vida possui algum sentido; agora, a democracia não possui vida em si mesmo. Afinal, Cioran argumenta, se não fosse por um lunático da Galiléia, o mundo seria um lugar muito chato. Ai, ai, quantos lunáticos hoje estão incubando hoje suas auto-denominadas derivativas teológicas e ideológicas. “A sociedade está mal organizada”, escreve Cioran, “ela não faz nada contra os lunáticos que morrem tão cedo.”[13] “Provavelmente todos os profetas e adivinhos políticos deveriam imediatamente ser condenados à morte, porque quando a ralé aceita um mito – prepare-se para massacres ou, melhor, para uma nova religião.”[14]

Inequivocamente, como os ressentimentos de Cioran contra a utopia poderiam aparecer, ele está longe de ridicularizar sua importância criativa. Nada poderia ser mais repugnante para ele do que o vago clichê da modernidade que associa a busca pela felicidade com uma sociedade da busca pelo prazer da paz. Desmistificada, desencantada, castrada, e incapaz de prever a tempestade que virá, a sociedade moderna está condenada à exaustão espiritual e à morte lenta. Ela é incapaz de acreditar em qualquer coisa, exceto na pseudo-humanidade dos seus chupa-cabras futuros. Se uma sociedade realmente desejasse preservar seu bem biológico, argumenta Cioran, sua tarefa primordial é aproveitar e alimentar sua “calamidade substancial”; isso deve manter um cálculo da sua capacidade de auto-destruição. Afinal, seus nativos Balkans, nos quais seus vampiros seculares hoje novamente dançam ao tom da carnificina, não têm também gerado uma piscina de espécimes vigorosas prontas para o cataclisma de amanhã? Nessa área da Europa, na qual interminavelmente se estraga pelos tremores políticos e terremotos reais, uma nova história está hoje sendo feita – uma história da qual provavelmente recompensará sua população pelo sofrimento passado.

“Qualquer que fosse seu passado, e independente de sua civilização, esses países possuem um estoque biológico do qual não se pode encontrar no Ocidente. Maltradados, deserdados, precipitados no martírio anônimo, tornados a parte entre miséria e insubordinação, eles irão, talvez, no futuro, ter uma recompensa por tantas provações, tanto por humilhação como por covardia.”[15]

Não é o melhor retrato da anônima Europa “Oriental” da qual, segundo Cioran, está pronta hoje para acelerar a história do mundo? A morte do comunismo na Europa Oriental pode provavelmente inaugurar o retorno da história para toda a Europa. Por causa da “melhor metade” da Europa, a única que nada em ar condicionado e salões assépticos, que a Europa está esgotada de idéias robustas. Ela é incapaz de odiar e sofrer, logo de liderar. Para Cioran, a sociedade se torna consolidada no perigo e atrofia: “Nesses lugares onde há paz, higiene e saque do lazer, psicoses também se multiplicam...eu venho de um país no qual nunca se ensinou a conhecer o sentido da felicidade, mas também nunca se tem produzido um único psicoanalista.”[16] A maneira cru dos canibais do novo Leste, sem “paz e amor”, determinará a direção da história de amanhã. Aqueles que passaram pelo inferno sobrevivem mais facilmente do que aqueles que somente conheceram o clima acolhedor de um paraíso secular.

Essas palavras de Cioran são objetivas na decadente França ‘la Doulce’ na qual as conversas da tarde sobre a obesidade ou a impotência sexual de alguém se tornaram maiores bafafás nas preocupações diárias. Incapazes de montar resistência contra os conquistadores de amanhã, essa Europa Ocidental, de acordo com Cioran, merece ser punida da mesma maneira da nobreza do regime antigo, o qual na véspera da Revolução Francesa, ria de si mesmo, enquanto louva a imagem do ‘bon sauvage’. Quantos dentre aqueles bons aristocratas franceses estavam cientes de que os mesmos bon sauvage estavam prestes ter suas cabeças roladas nas ruas de Paris? “No futuro”, escreve Cioran, “se a humanidade é para nascer novamente, serão os parias, com mongóis por todas os lados, com a escora dos continentes.”[17] A Europa está se escondendo na sua própria imbecilidade em frente a um fim catastrófico. Europa? “A podridão que cheira agradável, um corpo perfumado.”[18]

Apesar das tempestades que virão, Cioran está seguro com a noção de que pelo menos ele é o último herdeiro do “fim da história”. Amanhã, quando o real apocalipse começar, e como o perigo das proporções titânicas tomam forma final no horizonte, então, até o mundo “arrependido” desaparecerá de seu vocabulário. “Minha visão do futuro”, continua Cioran, “ é tão clara que se eu tivesse crianças eu iria estrangula-las imdediatamente”.[19]

Depois de uma boa lida do opus de Cioran pode-se concluir que ele é essencialmente um satírico que ridiculariza o estúpido arrepio existencial das massas modernas. Pode-se ser tentado a argumentar que Cioran oferece um elegante manual de suicídio designado para aqueles que, assim como ele, tem deslegitimado o valor da vida. Mas assim como Cioran diz, o suicídio é cometido por aqueles que não são mais capazes de agir no otimismo, e.g., para aqueles em que o fio da alegria e da felicidade rasga em pedaços. Aqueles assim como ele, os pessimistas cautelosos, “dado que eles não têm nenhuma razão para viver, porque eles teriam para morrer?”[20] A impressionante ambivalência do trabalho literário de Cioran consiste nos pressentimentos apocalípticos em uma mão, umas evocações entusiastas de horror na outra. Ele acredita que a violência e a destruição são os principais ingredientes da história, porque o mundo sem violência é condenado ao colapso. Ainda se admira do por quê Cioran é assim oposto ao mundo da paz, se, pela sua lógica, esse mundo de paz poderia ajudar a acelerar sua própria morte cravada, e assim facilitar sua imersão na insignificância? Claro que sim, Cioran nunca moraliza sobre a necessidade da violência; antes, de acordo com os cânones dos seus queridos antecessores reacionários Joseph de Maistre e Nichollo Machiavelli, ele afirma que “a autoridade, não a verdade, faz a lei”, e que, consequentemente, a credibilidade de uma mentira política também determinará a magnitude da justiça política. Admitido que isso seja correto, como ele explica o fato de que a autoridade, pelo menos do modo como ele a vê, somente perpetua o ser odioso do qual ele tão fortemente deseja para absolver a si mesmo? Esse mistério nunca será conhecido a não ser por ele mesmo. Cioran admite, entretanto, que apesar da aversão à violência, todo o homen, incluindo a ele, tem, pelo menos uma vez na sua vida, contemplado como se assa uma pessoa viva, ou como se corta a cabeça de uma pessoa:

“Convencido de que os problemas da sociedade vêm das pessoas mais velhas, eu tenho concebido o plano de liquidar todos os cidadãos que passarem dos quarenta – o início da esclerose e da mumificação. Eu cheguei a acreditar que isso foi um ponto de virada quando cada humano se tornou um insulto à sua nação e um fardo à sua comunidade...Aqueles que ouviram isto não apreciaram esse discurso e me consideraram um canibal...Esta minha intenção deve ser condenada? Ela somente expressa algo que cada homem, que está ligado ao seu país, deseja do fundo do seu coração: a liquidação de metade de seus compatriotas.”[21]

O elitismo literário de Cioran é sem comparação na literatura moderna, e por causa disso ele muitas vezes aparece como um incômodo para orelhas sentimentais e modernas domadas com canções de ninar da eternidade terrestre ou êxtase espiritual. O ódio de Cioran em relação ao presente e ao futuro, seu desrespeito à vida, continuará certamente contrariando os apóstolos da modernidade que nunca descansam de cantarolar vagas promessas sobre o “melhor-aqui-e-agora”. Seu humor paradoxal é tão devastador que não se pode toma-lo pelo valor literal, especialmente quando Cioran descreve a si mesmo.

Seu formalismo na linguagem, sua impecável escolha das palavras, apesar de algumas similaridades com autores modernos do mesmo calibre elitista, o torna difícil de seguir. Pode-se admirar o arsenal de palavras de Cioran como “abulia”, “esquizofrenia”, “apatia”, etc, que realmente mostram um ‘nevrosé’ que ele diz ser.

Se alguém pudesse atenuar a descrição de Cioran em um curto parágrafo, então deveria descreve-lo como um autor que parece na veneração moderna do intelecto, um diagrama de moralismos espirituais e da transformação feia do mundo. De fato, para Cioran, a tarefa do homem é lavar-se a si mesmo na escola da futilidade existencial, por futilidade não é desespero; a futilidade não é uma recompensa para aqueles que desejam livrar-se a si mesmos da vida epidêmica e do vírus da esperança. Provavelmente, esta pintura melhor convém o homem que descreve a si mesmo como um fanático, sem nenhuma convicção – um acidente encalhado no cosmos que projeta olhares nostálgicos em direção de seu rápido desaparecimento.

Ser livre é livrar-se a si mesmo para sempre da noção de recompensa; esperar nada das pessoas e deuses; renunciar não só esse e outros mundos, mas salvar-se a si mesmo; destruir até mesmo essa idéia de correntes entre correntes. (Le mauvais demiurge, p. 88.)
 
 
 
 1. Emile Cioran, Syllogismes de l'amertume (Paris: Gallimard, 1952), p. 72 (my translation)
2. De l'inconvénient d'etre né (Paris: Gallimard, 1973), p. 161-162. (my translation) (The Trouble with Being Born, translated by Richard Howard: Seaver Bks., 1981)
3. Cioran, Le mauvais démiurge ( Paris: Gallimard, 1969), p. 63. (my translation)
4. Syllogismes de l'amertume, p. 87. (my trans.)
5. Ibid., p. 176.
6. De l'inconvénient d'etre né, p. 11. (my trans.)
7. Ibid., p. 29.
8. Ibid., p. 23.
9. Ibid., p. 141.
10. Syllogismes de l'amertume, p. 61. (my trans.)
11. La tentation d'exister, (Paris: Gallimard, 1956), p. 37-38. (my trans.) (The temptation to exist, translated by Richard Howard; Seaver Bks., 1986)
12. Syllogismes de l'amertume, p. 151. (my trans.)
13. Ibid., p. 156.
14. Ibid., p. 158.
15. Histoire et utopie (Paris: Gallimard, 1960), p. 59. (my trans.) ( History and Utopia, trans. by Richard Howard, Seaver Bks., 1987).
16. Syllogismes de l'amertume, p. 154. (my trans.)
17. Ibid., p. 86.
18. De l'inconvénient d'etre né, p. 154. (my trans.)
19. Ibid. p. 155.
20. Syllogismes de l'amertume, p. 109.
21. Histoire et utopie (Paris: Gallimard, 1960), p. 14. (my trans.)

dimanche, 20 novembre 2011

Der Dandy der Leere – E.M.Cioran

Der Dandy der Leere – E.M.Cioran

Cioran, der »Dandy der Leere, neben dem selbst Stoiker wie unheilbare Lebemänner wirken« (Bernard-Henri Lévy), war einer der einflussreichsten kulturkritischen Denker des 20. Jahrhunderts. Sein widersprüchliches Leben ist noch nie so detailreich rekonstruiert worden wie in der vorliegenden Biografie von Bernd Mattheus. In bisweilen schmerzlicher Nähe zu den Äußerungen des Selbstmord- Theoretikers beleuchtet er auch die bislang wenig bekannte Zeit vor seiner Emigration nach Frankreich.

Emil M. Cioran, geboren 1911 im rumänischen Sibiu (Hermannstadt), studierte an der Universität Bukarest, wo er mit Mircea Eliade und Eugène Ionesco eine lebenslange Freundschaft schloß. Nach einem längeren Aufenthalt in Berlin emigrierte er 1937 nach Paris; seit dieser Zeit schreibt er auf französisch. Der Verfasser von stilistisch brillanten Aphorismen und Essays pessimistischster Prägung erregt schließlich mit der 1949 erschienenen Schrift »Lehre vom Zerfall« großes Aufsehen. Das Buch, das ihn international bekannt machte, wurde von Paul Celan ins Deutsche übersetzt und begründete seinen Ruf als unerbittlicher Skeptiker. Es folgen viele weitere kompromisslose Werke wie »Syllogismen der Bitterkeit« oder »Die verfehlte Schöpfung«. Bis in die späten 1980er Jahre bleibt Ciorans finanzielle Lage prekär, 1995 stirbt der Aristokrat des Zweifels und der Luzidität als gefeierter Denker in Paris.

Die vorliegende Biografie Ciorans ist die bislang gründlichste Gesamtdarstellung von Leben und Werk dieses Ausnahmedenkers. Bernd Mattheus gelingt nicht nur eine präzise Rekonstruktion Ciorans Lebens, sondern auch eine verblüffende Verlebendigung des »nach Kierkegaard einzigen Denkers von Rang, der die Einsicht unwiderruflich gemacht hat, daß keiner nach sicheren Methoden verzweifeln kann.« Peter Sloterdijk

Cioran

Bernd Mattheus
Cioran
Portrait eines radikalen Skeptikers
367 Seiten, gebunden mit Schutzumschlag
3 Abbildungen
ISBN 978-3-88221-891-6
€ 28,90 / CHF 40,50

Stimmen


»Komplementär zur Werkausgabe sollte man das im Matthes & Seitz Verlag erschienene vorzügliche biographische Porträt des Cioran-Übersetzers Bernd Mattheus heranziehen. Bei aller Bewunderung ist es nicht blind für die Abgründe und Widersprüche dieses Lebens und Werkes. Es bietet auch genealogisch Erhellendes, das heißt bei Cioran stets: Verdüsterndes, so zu der tiefambivalenten Beziehung zu seiner Mutter.«
Ludger Lütkehaus, Badische Zeitung, 16. April 2011

»Die spannende und nicht nur in politischen Fragen differenzierte Cioran-Biografie von Bernd Mattheus gibt Einblick in die geistesgeschichtlichen Zusammenhänge und das turbulente Leben Ciorans, der gerne auch mal die Einladung eines französischen Staatspräsidenten ausschlug.«
Tobias Schwartz, Märkische Allgemeine, 26./27. Juni 2010

»So ausführlich und aus neuesten französischen wie auch rumänischen Quellen gespeist, ist Ciorans Leben bislang auf Deutsch noch nicht dargestellt worden.«
Cornelius Hell, Die Furche, 24. Juli 2008

»In einem anregenden wie irritierenden Buch fasst er Cioran mitunter ganz aus der Nähe, mit wenig schmeichelhaften Zügen.«
Karl- Markus Gauß, Kommune, Juni/Juli 2008

»Bernd Mattheus porträtiert diesen trostlosen Misanthropen nicht. Er lässt ihn einfach zu Wort kommen. Es ist ein seltsamens und in gewisser Weise schon wieder ein faszinierendes Buch.«
Walter van Rossum, WDR, 17. Juli 2008

»Sein Leben ist noch nie so detailreich rekonstruiert worden wie in der vorliegenden Biographie von Bernd Mattheus. Mattheus gelingt nicht nur eine präzise Rekonstruktion Ciorans Leben, sondern auch eine verblüffende Verlebendigung des nach Kierkegaard ›einzigen Denkers von Rang‹.Mattheus liefert damit eine vorzügliche Monographie zum Werk Ciorans in Form einer Biographie, die viel Neues in sich birgt.«
Daniel Bigalke, Buchtips.net

»Ciorans Biograf Bernd Mattheus hat nun ein Porträt des radikalen Auflösers vorgelegt, das ein differnziertes, facettenreiches Bild zeichnet.«
Wolfgang Müller, taz, 24. Mai 2008

»Als Mattheus ein junger Mann war, in den siebziger Jahren, war er mit Cioran in Paris bekannt. Die Biographie spart nicht mit Kritik, lässt aber immer die Symphatie des Autors für den exzentrischen Rumänen durchscheinen, was das Buch lesenswert macht. Eine einfühlsame, kluge Biographie.«
Franziska Augstein, Süddeutsche Zeitung, 7. April 2008

lundi, 05 juillet 2010

Se Cioran il nichilista scopre l'amore assoluto

Se Cioran il nichilista scopre l'amore assoluto

di Mario Bernardi Guardi

Fonte: secolo d'italia


 



Se c'è uno scrittore che, per la sua vocazione apocalittica e il suo moralismo bruciante, cupo e derisorio, si presta a definizioni "tranchant", questo è Emil Michel Cioran. Di volta in volta battezzato "barbaro dei Carpazi", "eremita antimoderno", "esteta della catastrofe", "apolide metafisico", "cavaliere del malumore cosmico". Ma anche lui, da buon Narciso, ci ricamava sopra e sulla sua "carta di identità" scriveva cose come "idolatra del dubbio", "dubitatore in ebollizione", "dubitatore in trance", "fanatico senza culto", "eroe dell'ondeggiamento". Ora, raccontare Cioran significa fare i conti con tutti questi appellativi e prendere atto che la loro indubbia suggestione trova punti di forza in una vita per tanti versi scandalosa...
 Visto che prima del Cioran "parigino"- è nel 1937 che il Nostro approda in Francia -, capace di confezionare le sue aureee sentenze nihilistico-gnostiche in un brillantissimo francese, c'è un Cioran duro e puro, di fiera stirpe rumena, che fa propri i miti del radicamento e dell'identità, simpatizzando per il fascismo di Codreanu e delle sue Guardie di Ferro, e scrivendo un bel po' di cose "compromettenti". Di questo, Antonio Castronuovo in un agile profilo pubblicato da Liguori, Emil Michel Cioran (pp.100, euro 11,90), dà solo rapidi cenni, ricordando che, comunque, Emil Michel dedica un intero capitolo del suo "Sommario di decomposizione", alla "Genealogia del fanatismo", collocandosi così "all'opposto delle fascinazioni giovanili". E cioè delle, chiamiamole così, "fascio-fascinazioni".
Ora, Castronuovo fa bene a ricordarci, con la consueta eleganza, il grande "stilista" e il grande "moralista", lo scrittore impertinente e beffardo che si interroga sul senso della vita e della morte, il chierico extravagante che cerca di stanare Dio dai suoi misteri e dai suoi abissali silenzi. E tuttavia siamo convinti che Cioran e altri "dannati" dello scorso secolo - Pound e Céline, Drieu e Heidegger, Eliade e Jünger, tanto per fare i primi nomi che ci vengono in mente - non debbano essere alleggeriti dalle loro "responsabilità" con la vecchia storia dei "peccati di gioventù", una specie di rituale giustificativo-assolutorio che li "disinfetta" e li rende "presentabili", ma toglie loro qualcosa, e cioè la "ragioni" di una scelta. Per scandalose che possano apparire alle "animule vagule blandule" del "politicamente corretto". Ed è per questo che, a suo tempo, non ci è dispiaciuto il saggio di Alexandra Laignel-Lavastine Il fascismo rimosso: Cioran, Eliade, Ionesco nella bufera del secolo che, sia pure con una "vis" polemica non aliena da faziosità, si sforza di illuminare/documentare le stazioni di una milizia intellettuale che sarebbe sbagliato ignorare o sottovalutare. Non si può esaurire la forza testimoniale di Cioran nell'ambito delle acuminate provocazioni, immaginandone la vita come una fiammeggiante costellazione di (coltissime) invettive. Sia dunque reso merito a Friedgard Thoma che ci racconta un Cioran innamorato (Per nulla al mondo. Un amore di Cioran, a cura e con un saggio di Massimo Carloni, (L'orecchio di Van Gogh, pp.160, € 14,00), addirittura un Cioran "maniaco sentimentale": un genio dell'aforisma, ma anche un umanissimo, fragile, tenero settantenne, tutto preso da lei, giovane insegnante tedesca di filosofia e letteratura, che, folgorata dalla lettura del libro L'inconveniente di essere nati, nel febbraio del 1981 gli ha scritto una calda lettera di ammirazione. C'è da stupirsi del fatto che Cioran non fosse "corazzato" di fronte ai complimenti di una donna intelligente e affascinante? Come, lui, l'apocalittico, così inerme, così indifeso! Eppure, in Sillogismi dell'amarezza è proprio il "barbaro dei Carpazi" a invitarci a tenere la guardia alta di fronte al vorticoso nichilismo degli "apocalittici" e magari a scavarvi dentro. «Diffidate - scrive - di quelli che voltano le spalle all'amore, all'ambizione, alla società. Si vendicheranno di avervi "rinunciato". La storia delle idee è la storia del rancore dei solitari». Dunque, Cioran, uomo di idee ma anche di emozioni, compiaciuto per quella lettera affettuosa, risponde immediatamente alla sua "fan", con un mezzo invito ad andarlo a trovare a Parigi.
Lei, che ci tiene ad essere una interlocutrice culturale e cita Walser, Hölderlin e Gombrowicz, non manca di allegare alla risposta una sua foto. E siccome si tratta di una donna giovane - capelli sciolti, bocca carnosa, sguardo intenso -, le coeur en hiver di Cioran comincia a battere furiosamente. Lui stesso le confesserà un paio di mesi dopo: «Tutto in fondo è cominciato dalla foto, con i suoi occhi direi». E' una tempesta dei sensi, un'"eruzione emotiva". Ancor più incontrollabile, allorché lei decide di trascorrere qualche giorno a Parigi. Lui va a prenderla all'hotel e arriva dieci minuti prima: è «un uomo di costituzione fragile, con un ciuffo di capelli grigi, arruffati, e gli occhi dello stesso colore». Lei «cerca di apparire attraente, indossando un abito nero non troppo corto, sotto un lungo cappotto chiaro». Seguono conversazioni, passeggiate, cene, visite a musei, telefonate… Cioran vive una sorta di voluttuoso invasamento, al punto che, quando lei torna a Colonia, le scrive con spudorata audacia: «Ho compreso in maniera chiara di sentirmi legato sensualmente a lei solo dopo averle confessato al telefono che avrei voluto sprofondare per sempre la mia testa sotto la sua gonna». Poi, è lui ad andarla a trovare in Germania. «Vestita di rosso e nero», Friedgard lo accoglie alla stazione. Lui è innamorato pèrso, lei, sedotta intellettualmente, continua a sedurlo fisicamente, senza nulla concedere. Lui soffre, la chiama «mia cara zingara», le scrive: «Non capisco cosa sto cercando ancora in questo mondo, dove la felicità mi rende ancora più infelice dell'infelicità». Friedgard vuol tenere intatte "venerazione e amicizia", parlando di autori e di libri, entrando nella sua intimità, portando alla luce le sue contraddizioni. Ma confessando anche, con franchezza: «Dunque, caro: lei mi ha trascinato nell'immediatezza inequivocabile d'una relazione fisica, mentre io cercavo l'erotica ambiguità della relazione "intellettuale"». Proprio quella che a Cioran non basta. È innamorato, desidera la giovane prof. con una sensualità "vorace", le fa scenate di gelosia perché lei, ovviamente, ha un "compagno" cui è legata.
«Sono vulnerabile - le scrive - e nessuno quanto Lei può ferirmi tanto facilmente». E consolarlo, anche. Così, la immagina nelle vesti di una suora, "dalla voce sensuale però". E come uno studentello inebriato d'amore, che non rinuncia alle battute, confessa che vorrebbe morire insieme a lei: «A una condizione, però, che ci mettessero nella stessa bara». Così potrebbe raccontarle tante cose, «tante, ancora non dette».
Non manca nemmeno la proposta di matrimonio. Friedgard annota: «Al telefono, Cioran si dilettava volentieri con la proposta di sposarmi, contro tutti i suoi principi, addirittura secondo il rito ortodosso ("su questo devo insistere"), il che per lui significava essere cinti entrambi da corone. Quante risate, su un sogno triste». Un sogno che, così, non poteva continuare. La non appagata, sofferta, estrema accensione dei sensi di Emil «s'incanalerà negli anni lungo i binari d'una tenera, affettuosa amicizia». Nella cui calma piatta si spengerà fatalmente la "tentazione di esistere", carne e spirito almeno una volta insieme.

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mercredi, 23 juin 2010

De slapeloze uit Rasinari

cioran2.jpgDe slapeloze uit Răşinari

Terwijl ik met kromme rug gebogen zat in het archief van de Provinciale Zeeuwsche Courant, met als doel informatie te vergaren over een zekere historische periode van het stadje Terneuzen, van belang voor een verantwoording in het boek van een lokale auteur, stuitte ik op een artikel in de krant van 21 december 1934. Het artikel in de kunstbijlage - de laatste decennia zeer gewaardeerd vanwege de prettige opmaak en degelijke medewerking van scribenten als Hans Warren en Alfred Kossmann, maar na de restyling van 2001 voorlopig helaas verworden tot een moeilijk te herkennen katern - van de hand van ene Ramses P. Verbrugge, trok mijn aandacht. In de eerste plaats omdat het stuk handelde over een auteur die mij niet bekend was, namelijk E. M. Cioran, en in de tweede plaats omdat bij verder lezen het stuk mij fascineerde. De gerecenseerde auteur fascineerde mij, alsmede Verbrugge's aanpak en ontboezeming dat Cioran's debuut hem de stuipen op het lijf had gejaagd. Verbrugge's mening was overigens geformuleerd in het Zeeuws, met alle oa's en sch's inbegrepen, en niet te doorgronden voor buitenstaanders. Omdat ik geboren ben in Terneuzen - mijn achternaam is een symbool van haar rumoerige internationale havenverleden - heb ik mij in ieder geval enigszins in staat geacht een vrije vertaling te produceren, na het lezen van de bovenstaande Engelse vertaling uit 1992. Hier het resultaat.

De slapeloze uit Răşinari
E. M. Cioran, On the heights of despair


De Roemeense schrijvende filosoof E. M. Cioran, maakt mij bijzonder neerslachtig, maar doet mij daarvan de waarde realiseren. Met nadruk krijgt deze filosoof hier de voornaam 'schrijver' aangereikt. Zeer bekwaam is hij met woorden. Filosofie bij Cioran is van vlees en bloed, en moet daarom ook met het zwaard geschreven worden. Gaandeweg het boek doemde de impressie bij mij op dat zijn persoonlijke ontboezemingen, die meermaals als bijlage terugkeren, naast verstrengeld te zijn in de stukken - ook al erg ongebruikelijk in de filosofie - ertoe dienen om de filosofische wanhoop te bezweren. Maar die wanhoop - de ultieme wanhoop: de dood - is het enige waar we mee uit de voeten kunnen, want de logiek van de Griekse wijsgeren heeft voor Cioran afgedaan. Alleen door de lyriek beleven we de subjectieve chaos die ons universum beheerst.

'I despise the absence of risks, madness, and passion in abstract thinking. How fertile live, passionate thinking is! Lyricism feeds it like blood pumped into the heart!'

En:

'Haven't people learned yet that the time of superficial intellectual games is over, that agony is infinitely more important than syllogism, that a cry of despair is more revealing than the most subtle thought, and that tears always have deeper roots than smiles?'

Cioran's lyrisme van de wanhoop is ironisch, poëtisch, arrogant, paradoxaal en gewelddadig. Hij laat zijn licht schijnen over moderne zaken zoals hij daar noemt: vervreemding, absurditeit, het pijnlijke van het bewustzijn en de ziekte van de rede. Hij doet dat in zesenzestig korte, bondige, heftige hoofdstukken, alle gevuld met stevige aforismen. Nietzscheaans is Cioran in zijn afwijzing van het middelmatige, maar die is niet despotisch, want op lijden staat geen maat - lijden is altijd intern, nooit extern. Cioran gaat uit van zijn eigen lijden, dat een oorsprong heeft: slapeloosheid. Cioran lijdt aan slapeloosheid, en naar het schijnt heeft hij de kunde van het fietsen opgepakt om na uren en uren gefiets te proberen thuis in zijn kleine en schamele appartement in slaap te vallen. Vaak tevergeefs. Zijn fysieke gesteldheid is navenant en wordt de basis van zijn filosofie, zoals we lezen in Facing silence:

'Chronic fatigue predisposes to a love of silence, for in it words lose their meaning and strike the ear with the hollow sonority of mechanical hammers; concepts weaken, expressions lose their force, the word grows barren as the wilderness. The ebb and flow of the outside is like a distant monotonous murmur unable to stir interest or curiosity. Then you think it useless to express an opinion, to take a stand, to make an impression; the noises you have renounced increase the anxiety of your soul. After having struggled madly to solve all problems, after having suffered on the heights of despair, in the supreme hour of revelation, you will find that the only answer, the only reality, is silence.'

Ziekte, de eenzaamheid van de stilte maakt een mens lucide en doet hem de nietsheid ervaren. Hij moet die schrijnende kans met beide handen aangrijpen: 'Only the sick man is delighted by life and praises it so that he won't collapse.' Dit uitgangspunt voert de jonge Roemeense auteur naar verscheidene lyrische uitweidingen, die over de problematiek van de zelfmoordneiging zijn niet ondervertegenwoordigd. Met de zesenzestig hoofdstukken verwierf hij aan een universiteit in een grote stad (welke wordt niet duidelijk in de verantwoording) een plaats in Berlijn, alvorens een eindthese te schrijven over het Bergoniaanse intutionisme. Hij is pas drieëntwintig jaren jong en geboren te Răşinari, een klein, idyllisch Transsylvaans dorpje. Zal hij niet als een kwade zombie laveren tussen de zwartgeschaduwde stadsbussen en centrummuren?


Kerk te Răşinari - Januari 2005

Titels als The premonition of madness, Nothing is important, The world in which nothing is solved, Total dissatisfction, en The return to chaos geven een indruk van de beladen thematiek en haar behandeling; een stuk als Enthousiasm as a form of love geeft de speelsheid in die zwaarte weer. Mooi vind ik bovendien de stukken waarin Cioran zelf lijkt te balanceren, wild maar elegant te koorddansen, tussen het gewicht van zijn thema en de verwoording ervan. In The cult of infinity, een pleidooi voor de eindeloosheid, buigt hij zich over muziek.

'One of the principal elements of infinity is its negation of form. Absolute becoming, infinity destroys anything that is formed, crystallized, or finished. Isn't music the art which best expresses infinity because it dissolves all forms into a charmingly ineffable fluidity? Form always tends to complete what is fragmentary and, by individualizing its contents, to eliminate the perspective of the universal and the infinite; thus it exists only to remove the content of life from chaos and anarchy. Forms are illusory and, beyond their evanescence, true reality reveals itself as an intense pulsation. The penchant for form comes from love of finitude, the seduction of boundaries which will never engender metaphysical revelations. Metaphysics, like music, springs from the experience of infinity. They both grow on heights and cause vertigo. I have always wondered why those who have produced masterpieces in these domains have not all gone mad. Music more than any other art requires so much concentration that one could easily, after creative moments, lose one's mind. All great composers ought to either commit suicide or become insane at the height of their creative powers. Are not all those aspiring to infinity on the road to madness? Normality, abnormality, are notions that no longer mean anything. Let us live in the ecstasy of infinity, let us love that which is boundless, let us destroy forms and institute the only cult without forms: the cult of infinity.'

In de Kansas City Star van 11 november 1934 observeert een journalist, William Allen White, dat Franklin Delano Roosevelt 'has been all but crowned by the people.' Zijn radiopraatjes voor de openhaard nemen de mensen voor hem in, maar de depressie beklijft. In de Abessijnse stad Walwal is het 4 december tot een vuurgevecht gekomen tussen Italiaanse en Abessijnse troepen. Over de zelfmoord op 7 december van een Noorse zeeman in pension City in de Terneuzense Nieuwstraat blijft de commissaris in het ongewisse. Over het onbenullige van geschiedenis schrijft Cioran in History and eternity, ons ademloos achterlatend door een originele visie: geschiedenis is een nutteloos vacuüm?

'By outstripping history one acquires superconciousness, an important ingredient of eternity. It takes you into the realm where contradictions and doubts lose their meaning, where you can forget about life and death. It is the fear of life and death that launches men on their quest for eternity: its only advantage is forgetfulness. But what about the return from eternity?'

Met deze sporadische vraag geraken we tot het enige minuscule Socratische trekje in Cioran. De slapeloze lyriek van deze gewelddadige schrijver en filosoof zal hopelijk nog zoveel mogelijk open wonden open houden.

Aldo Fujimori

vendredi, 23 avril 2010

Cioran: martyr ou bourreau?

Cioran : martyr ou bourreau ?

Réflexions sur le renversant faux-pas d'un politicien libéral

 

par José Javier ESPARZA

 

Cioran. Que n'aura-t-on pas dit de Cioran ? Pour certains commentateurs, ce n'est qu'un écrivain qui publie des aphorismes médiocres, ce n'est que l'auteur d'une « philosophie pour concierges » ; pour d'autres, il est le meilleur écrivain vivant de langue française. Entre ces deux extrêmes, on trouve un immense éventail d'opinions de valeurs diverses. Ce que l'on n'avait jamais dit de Cioran, c'est qu'il était fasciste. Mais aujourd'hui, c'est fait ; on ne voit pas bien pourquoi, mais un politicien libéral espagnol lui a attribué la paternité idéologique du phénomène Le Pen !

 

Le renversant faux-pas du politicien libéral

 

cioran.jpgCe n'est pas une blague. Cette opinion a bien été émise : par Lorenzo Bernaldo de Quirós, membre de la Junta Directiva del Club Liberal de Madrid qui fait bruyamment état de ses opinions philo­sophiques très particulières dans le supplément « Papeles para la Libertad » publié chaque semai­ne par le quotidien Ya (1). Dans l'un de ses ar­ticles, intitulé « Plus jamais Auschwitz », paru le 12 janvier 1988, Bernaldo de Quirós lançait un avertissement au monde libre, menacé par un danger imminent : Le Pen, locomotive d'un fas­cisme populiste, inspiré à son tour par un autre fascisme, plus dangereux, le fascisme intellectuel dont Bernardo de Quirós attribuait la responsa­bilité à une constellation étrange d'auteurs très différents les uns des autres : « Montherland » (il veut sans doute dire Montherlant), Fernando Sa­vater (2), Alain de Benoist et le penseur roumain Emil Cioran. Et de citer en note l'œuvre de ce dernier « El aciago domingo » (il se réfère peut-ê­tre à « El aciago Demiurgo », Le mauvais démiur­ge en trad. esp.). Par le biais d'une opération grossière d'amalgame des concepts, Bemaldo de Quirós les rend tous responsables (de façon plus ou moins importante) de la paternité des idées anti-chrétiennes, tragiques et anti-libérales qui menacent le bon ordre régnant en Occident : l'or­dre libéral.

 

Le raisonnement de Bemaldo de Quirós n'est pas habituel. Peut-être plus accoutumé au tissu gros­sier des discours économistes qu'aux subtilités et aux clairs-obscurs de la pensée philosophique, le madrilène libéral confond tout avec tout pour éla­borer vaille que vaille la réflexion suivante (qui n'est pas toujours explicite) dans son article : 1) le phénomène du populisme xénophobe devient à la mode (?) en France ; 2) en réalité, il y a plus important que cette vague politique immédiate­ment perceptible : l'existence en coulisse de pen­seurs comme Montherlant ou Alain de Benotst qui défendent des idées anti-chrétiennes et « aristocratisantes » ; 3) or, de Benoist « copie Cioran » ; et Savater aurait sa part de responsabilités dans la popularisation de Cioran en Espagne ; 4) ces au­teurs s'appuient sur les thèses des historiens révisionnistes (?) qui nient l'holocauste juif (des références, svp...) ; 5) comme on ne peut plus défendre aujourd'hui une xénophobie antijuive, on prêche pour une xénophobie anti-africaine, et nous voici revenus à Le Pen, la boucle est bou­clée. Naturellement, Bemaldo de Quirós n'écrit pas « Cioran est fasciste » mais son discours im­plicite est transparent lorsqu'il dit que de Benoist (qui, par conséquent, serait aussi « fasciste ») co­pie Cioran.

 

Si nous devions juger la pensée libérale en nous basant sur des opinions comme celle-là, nous de­vrions conclure que le libéralisme espagnol ne peut générer qu'une pensée malade, peureuse et hystérique devant tout ce qui s'oppose à l'empire du burger et de Superman. En effet, ni de Be­noist ni Savater ni probablement Cioran, ne sont d'accord avec l'empire du dollar. Mais ce n'est pas une raison pour les prendre pour des con­frères en conspiration et, moins encore, d'en fai­re les maîtres occultes de Le Pen qui, lui, par contre, ne manifeste guère son désaccord à l'égard de la domination du dollar, du nationalisme jacobin, du christianisme à la française et de Su­perman.

 

Le bourreau

Mais la question que pose directement l'article de notre libéral madrilène n'est pas aussi intéressante que la question de fond de tout ce problème : qu'est-ce qui les irrite ? Qu'est ce qui les rend nerveux ? Qu'est ce qui les dérange tant dans le discours de Cioran, eux, les défenseurs du statu quo ?

Il ne s'agit pas ici de défendre Cioran. Dans un article consacré au philosophe roumain, Savater écrivait : « Comment défendre les idées d'une per­sonne qui soutient que s'accrocher à une idée, c'est se construire un échafaud dans le cœur, de celui qui défend les droits de la divagation contre les certitudes du système et propose comme uni­que fondement de ses opinions, l'humour mo­mentané et spontané qui les suscite ? » (3). Non, Cioran est drôlement indéfendable. Et c'est sa première grande vertu, sa première grande oppo­sition à l'ordre qui juge tout selon que c'est bon ou mauvais pour le futur historique (et hypothé­qué) de l'ordre libéral.

C'est probablement bien malgré lui qu'Emil Cio­ran se mue en bourreau cruel du système qui l'entoure. Il ne pouvait en être autrement. Le courageux apatride roumain vit dans une civilisa­tion qui adore l'homme, qui idôlatre le sens de l'histoire, qui s'enfonce confortablement dans le coussin de l'Occident.

Cioran méprise l'homme, l'histoire et l'Occident. Voilà ses trois péchés capitaux.

L’avenir du cyanure

« L'homme sécrète du désastre » écrit Cioran, et il affirme « Je crois au salut de l'humanité, à l'avenir du cyanure… » (4). Le mépris de l'humain, la conviction que l'homme, cette « unité de désas­tre » (5), a déjà donné le « meilleur » de lui-même, voilà une constante qui se répète de manière in­sistante dans l'œuvre de Cioran. « Engagé hors de ses voies, hors de ses instincts – é­crit-il dans le Précis de décomposition –, l'hom­me a fini dans une impasse. Il a brûlé les étapes... pour rattraper sa fin ; animal sans avenir, il s'est enlisé dans son idéal, il s'est perdu à son propre jeu. Pour avoir vou­lu se dépasser sans cesse, il s’est figé ; et il ne lui reste comme resource que de récapituler ses folies, de les expier et d'en faire encore quelques autres » (6). Dans Valéry face à ses idoles (1970), il insiste : « Quand l'homme aura atteint le but qu'il s'est assigné : asservir la Création – il sera com­plètement vide : dieu et fantôme » (7). « Il n'est absolument pas nécessaire d'être prophète – écrit-il ailleurs – pour discerner clairement que l'homme a déjà épuisé le meilleur de lui-même, qu'il est en train de perdre sa contenance, s'il ne l'a déjà pas perdue » (8). L'huma­nité, par ses propres mérites, est « éjectée enfin de l'histoire » (9).

 

Histoire : banalité et apocalypse

La passion moderne pour l'histoire est précisé­ment une autre des cibles préférées de Cioran. Pour lui, l'histoire est un « mélange indécent de banalité et d'apocalypse » (10). Le progrès et la modernité, formes de civilisation construites sur le culte de l'histoire et de sa contemplation uto­pique dans l'attente d'une fin heureuse, sont au­tant de bourbiers où naufrage la consternante es­pérance humaine. « Tout pas en avant – écrit Cioran –, toute forme de dynamisme comporte quelque chose de satanique : le "progrès" est l'é­quivalent moderne de la Chute, la version profa­ne de la condamnation » (11). La même logique de la chute obscurcit le fantôme de la modernité : « être moderne, c'est bricoler dans l'Incurable » (12). Inéluctabilité de la marche de l'histoire ?

« Quiconque, par distraction ou incompétence, arrê­te tant soit peu l'humanité dans sa marche, en est le bienfaiteur » (13), affirme Cioran, en lançant un voile de terreur sur les consciences de ceux qui croyaient avoir construit la meilleure civilisa­tion qui ait jamais existé sur terre.

Le spectre de l'Occident

Cette civilisation, c'est l'Occident, « un possible sans lendemain » (14), une civilisation née sur les dogmes de l'humanisme et de l'historicisme. Tous deux nous apparaissent aujourd'hui comme de vieux squelettes décharnés. « Les vérités de l'humanisme – dit Cioran –, la confiance en l'homme et le reste, n'ont encore qu'une vigueur de fictions, qu'une prospérité d'ombres. L'Occi­dent était ces vérités : il n'est plus que ces fic­tions, que ces ombres. Aussi démuni qu'elles, il ne lui est pas donné de les vérifier. Il les traîne, les expose mais ne les impose plus ; elles ont ces­sé d'être menaçantes. Aussi, ceux qui s'accro­chent à l'humanisme se servent-ils d'un vocable exténué, sans support affectif, d'un vocable spectral » (15). Image de ce spectre : l'homme oc­cidental, un homme tourmenté, qui « fait penser à un héros dostoïevskien qui aurait un compte en banque » (16). De la même façon, tous les philo­sophes utopiques qui prétendirent trouver dans l'histoire un sens positif, une direction linéaire vers le meilleur, périssent : « Il y a plus d'honnê­teté et de rigueur dans les sciences occultes que dans les philosophies qui assignent un "sens" à l'histoire » (17) ; le matérialisme historique ne suppose pas en réalité un changement qualitatif quant à la providence divine : « c'est changer simplement de providentialisme » (18).

L'Occident meurt, installée à cheval sur ces deux spectres. « C'est en vain que l'Occident se cher­che une forme d'agonie digne de son passé » (19) ; mais personne n'a intérêt à s'éveiller : « l'Eu­rope, indifférente à ceux qui vaticinent, persévè­re allègrement dans son agonie ; agonie si obsti­née et durable qu'elle équivaut peut-être à une nouvelle vie » (20).

Cette féroce réalité que Cioran nous dévoile dans l'Occident contemporain, éclaire d'une nouvelle lumière des aspects plus quotidiens comme celui du colonialisme occidental dans ce qu'on appelle le Tiers Monde : « L'intérêt que le civilisé porte aux peuples dits arriérés est des plus suspects. Inapte à se supporter davantage, il s'emploie à se décharger sur eux du surplus des maux qui l'accablent, il les engage à goûter à ses misè­res, il les conjure d'affronter un destin qu'il ne peut plus braver seul » (21).

On comprend que, considérée de manière super­ficielle, cette thèse de Cioran puisse rappeler des filons bien précis de la pensée « réactionnaire » ou « traditionnelle ». En effet, il connaît les mysti­ques et se méfie des utopies ; il pense que l'hom­me est plus un animal qu'un saint, mais il croit que le théologien nous comprend mieux que le zoologiste ; on pourrait donc le considérer comme un de Maistre tourmenté et faible (au sens post­moderne de l'expression). Il contribue également à la confusion quand il écrit : « Tout semble admi­rable et tout est faux dans la vision utopique ; tout est exécrable, et tout a l’air vrai, dans les consta­tations des réactionnaires » (Essai sur la pensée réactionnaire) ; et quand il voit dans la politique « la malédiction par excellence d'un singe méga­lomane » (Ibid.).

Mais il faut laisser cette impression immédiate­ment de côté si nous voulons comprendre le reste de la férocité cioranesque. Cioran est, en effet, un bourreau aux yeux du troupeau occidental, et d'une certaine façon, un « réactionnaire » au sens pur du terme, cependant toute sa violence ne pro­vient pas d'une foi, elle est le résultat d'une im­mense déception, d'une condition angoissante, celle de l'« arrêté » à perpétuité au-dessus de l'abî­me du monde. Dans cette perspective, Cioran n'est plus un bourreau, mais un martyr ; dans ce cas, il faut écarter de ce terme tout ce qui pourrait nous suggérer héroïsme, ascèse et salut. Lui-mê­me se définit comme « un parvenu de la névrose, un Job à la recherche d'une lèpre, un Bouddha de pa­cotille, un Scythe flemmard et fourvoyé ».

Entre le dilettantisme et la dynamite

Élément déterminant dans l'angoisse de Cioran : sa condition d'apatride. « Un penseur – écrit-il­ – s'enrichit de tout ce qui lui échappe, de tout ce qu'on lui dérobe : s’il vient à perdre sa patrie, quel aubaine ! » (22). Orphelin de son appartenance et d'un enracinement, Cioran ne doit défendre au­cune vision du monde, aucun préjugé, aucune certitude. Savater a tort d'y voir une libération ; pour Cioran, oui, ça l'est, mais à un prix très élevé : le droit au Temps et à l'histoire : « Les autres tombent dans le temps ; je suis, moi, tombé du temps » (23).

Léger, détaché du temps et de l'espace, Cioran ne trouve pas d'appui non plus dans les idéolo­gies. Ici aussi, après avoir connu la fascination des extrêmes, il s'est « arrêté quelque part en­tre le dilettantisme et la dynamite » (24). Ni Dieu ni vie n'existent dans cet endroit. La vie est une « combinaison de chimie et de stupeur » (25), qui fait de la leucémie « le jardin où fleurit Dieu ». (26). Quant à Dieu lui-même...

Face à l'orgueil divin

« L'odeur de la créature nous met sur la piste d'u­ne divinité fétide » (27). Ce cruel aphorisme de Cioran peut résumer toute l'amertume de celui qui estime inconcevable une divinité seulement intelligible au départ de l'humain. Cioran se re­belle contre la bonté du créateur du mal : « L'idée de la culpabilité de Dieu n'est pas une idée gra­tuite, mais nécessaire et parfaitement compatible avec celle de sa toute-puissance : elle seule confère quelque intelligibilité au déve­loppement historique, à tout ce qu'il contient de monstrueux, d'insensé et de dérisoire. Attribuer à l'auteur du devenir la pureté et la bon­té, c'est renoncer à com­prendre la majorité des événements, et singulièrement le plus important : la Création » (28). Face à l'orgueil divin, Cioran n'hésite pas à s'inscrire sur les listes du diable : « J'ai eu beau fréquenter les mystiques, dans mon for intérieur j'ai toujours été du côté du Démon : ne pouvant pas l'égaler par la puissance, j'ai essayé de le valoir du moins par l’insolence, l’aigreur, l’arbitraire et le caprice » (29).

Et cependant celui qui croit voir en Cioran une nostalgie du sacré ne se trompe pas : « Quel dom­mage que, pour aller à Dieu, il faille passer par la foi ! » (30) ; il écrit et ajoute : « Si je croyais en Dieu, ma fatuité n'aurait pas de bornes : je me promènerais tout nu dans les rues... » (31). Nostalgie ou furie – chez Cioran, c'est la même chose – l'écueil divin est probablement la raison ultime de sa pensée, de son attitude devant la vie et de son attitude face à sa propre œuvre. Une œuvre à laquelle Cioran accorde une importance énorme, non à cause de son contenu mais à cau­se de son effet cathartique, de sa fonction matéria­lisatrice de la rébellion intime. Et c'est ici, dans cette révolte, que l'on doit s'installer pour com­prendre Cioran, pour situer sa férocité et son dé­sir délibéré du scandale.

Vengeance en paroles

Mais avant tout : devons-nous comprendre Cio­ran ? Il est difficile d'aborder avec bonne cons­cience l'épineux Roumain. Dans Syllogismes de l'amertume, il prévient les audacieux : « Tout commentaire d'une œuvre est mauvais ou inutile, car tout ce qui n'est pas direct est nul » (32). Et dans une lettre à Savater, il affirme à propos de Borgès une chose qui pourrait bien s'appliquer à lui-même : « À partir du moment où tout le monde le cite, on ne peut plus le citer, ou, si on le fait, on a l'impression de venir grossir la masse de ses "admirateurs", de ses ennemis » (33).

Faisons donc abstraction de la vantardise bien compréhensible de l'analyste, car nous ne pouvons éviter de commenter l'auteur. Et signalons, qu'en écrivant, Cioran se libère, se rebelle, se venge, se drogue ; c'est là la raison de son œu­vre : « J'écris pour ne pas passer à l'acte, pour é­viter une crise. L'expression est soulagement, revanche indirecte de celui qui ne peut di­gérer une honte et qui se rebelle en paroles contre ses semblables et contre soi. (…) Je n'ai pas écrit une seule ligne à ma température nor­male. (…) Écrire est une provocation, une vue heureusement fausse de la réalité qui nous place au-dessus de ce qui existe et de ce qui nous semble être. Concurrencer Dieu, le dé­passer même par la seule vertu du langage, tel est l'exploit de l'écrivain, spécimen ambigu, déchiré et infatué qui, sorti de sa con­dition naturelle, s'est livré à un vertige superbe, déconcertant toujours, quelquefois odieux » (34).

En dernière extrémité, nous pourrions dire que Cioran écrit selon sa mauvaise humeur : « Je n'ai rien inventé – écrit-il –, j’ai été seulement le secré­taire de mes sensations » (Écartèlement). Et il ne s'agit pas d'un faux jugement mais d'un jugement insuffisant. Les grogneries littéraires de Cioran ont porté une certaine critique, globale et aimable, si bien qu'en réalité, toute sa férocité n'est qu'un simple exercice de style ; il refuse ainsi toute espèce de vraisemblance avec la passion de l'apatride rou­main, il réduit tout son discours à une simple pratique ludique ; il insulte par conséquent le fus­tigateur de la condition humaine et il méprise le contenu de l'hérésie pour faire l'éloge de son expression propre. Banal. La littérature carnivore de Cioran est volontairement hérétique ; mais mê­me si elle ne l'était pas, toute sa capacité subver­sive s'y trouve, c'est indéniable, elle fait son ef­fet et parvient à convaincre ceux qui ne sont pas d'accord car, comme l'écrit Cioran, « l'hérésie représente la seule possibilité de revigorer les consciences, […] en les secouant, elle les préser­ve de l'engourdissement où les plonge le confor­misme » (35).

En tout cas, ce ne sera pas l'auteur qui nous en­lèvera ce doute. Cioran juge délibérément avec cette ambivalence, avec cette ambiguïté. Il sait que c'est la seule façon de durer. Dans son essai sur Joseph de Maistre, il écrit quelque chose qu'il semble dire à propos de lui-même : « sans ses contradictions, sans les malentendus qu’il a, par instinct ou calcul, créés à son propre sujet, son cas serait liquidé depuis longtemps, sa carrière close, et il connaîtrait la malchance d'être compris, la pire qui puisse s'abattre sur un auteur » (36).

Qu'ils s'alarment...

 

C'est évident : face à une réalité aussi complexe que celle de l'écrivain Cioran, les propos de tous les Bernaldos de Quirós circulant dans ce vaste monde ne sont que des mesquineries pour feuilletons américains. Autre évidence : impliquer l'a­patride tourmenté dans ce genre de questions po­liticiennes soulevées par exemple par un Le Pen relève de la plus solennelle des bêtises. Les raci­nes de la philosophie de Cioran, cette philoso­phie tragique et anti-humaniste, qui semble telle­ment effrayer nos bons libéraux espagnols, véhi­cule une culture qui est européenne jusque dans la moëlle, depuis cinq mille ans au moins ! Et confondre cette philosophie plurimillénaire avec un politicien français de cette fin de siècle, peu porté par ailleurs sur les excès intellectuels, est une exagération un peu alarmante.

Mais c'est peut-être de cela qu'il s'agit : alarmer les gens. Non pas d'alarmer les gens parce que telle ou telle philosophie existe envers et contre la volonté des conformistes, mais d'alarmer les bonnes consciences, couleur de rose, parce qu'un Cioran, génial et cruel, récupère, illustre, diffuse et affirme la seule chose qui, aujour­d'hui, peut conjurer le fantasme de l'Occident : la tragédie, l'anti-humanisme, l'éloge de la Chute, toutes sorties valables pour une civilisation qui, en effet – bien qu'elle ne veuille pas s'en rendre  compte – est déjà tombée.

Qu'ils s'alarment. Peu importe. Plus personne n'écoute. Pendant ce temps, la pensée de Cioran, une pensée barbare, éloignée des chaires et des conférences mondaines, devenue paradoxale­ment dangereuse parce qu'elle est désormais commercialisable (et peut-être commercialisable aujourd'hui précisément parce qu'elle est bar­bare), mine convictions et bétonnages. Cette « herméneutique des larmes » (ainsi Cioran défi­nit-il son style dans Des larmes et des saints) paraît s'emboîter à la perfection dans les angoisses contemporaines.

En 1934, dans une œuvre encore écrite en rou­main, Pe culmile disperarii (« Sur les cimes du désespoir »), Cioran écrivait : « Est-ce que l'exis­tence sera pour nous un exil et le néant une pa­trie ? ». Aujourd'hui, nous avons tous déserté l'existence ; aujourd'hui nous habitons tous le néant. Devons-nous nous étonner que l'angoisse de Cioran nous apparaisse comme sœur jumelle de notre propre angoisse ?

Les réactionnaires du XIXème siècle ont réagi contre le XVIIIème siècle en proposant un retour au XVIème siècle. Si aujourd'hui, en fin de modernité, il faut être réactionnaire (et soyons provocant : il n'est jamais mauvais d'être « réac­tionnaire », de réagir face aux phénomènes de dé­clin), seul peut l'être – et l'être dignement – le style de Cioran : sans propositions, sans alterna­tives. Le néant contre le vide ; l'angoisse doublée du râle face à la mort de toute illusion. C'est ce­la, finalement, la véritable dimension de Cioran : l'esthétique –puisqu'il n'y a plus d'éthique – menaçante d'une barbarie, en apparence fondée sur les Lumières, qui, seule, peut mettre un point final tragique à plus (ou beaucoup plus) de deux cents ans de civilisation à l'enseigne de l'Aufklärung.

José Javier ESPARZA

 

 

 

(1) Malgré son caractère superficiel fréquent, la lecture de ce supplément est à recommander. On y découvre tous les préjugés classiques de la droite libérale espagnole qui, au­jourd'hui, affectée par la « vague Reagan », tente de remplir sa malle doctrinale de thèses réductionnistes et économi­cistes, propres à l'anti-pensée libérale. Antérieurement, ce même supplément avait consacré à la post-modernité, nouveau monstre à trois têtes, une série d'opinions vrai­ment délirantes.

(2) La persécution de Femando Savater parait s'être trans­formée en nouveau sport national. L'année passée et au cours d'un hommage rendu à Ché Guevara, Savater fut du­rement apostrophé et qualifié de « fasciste » par une partie du public présent, tout cela pour avoir dit que le Ché était « comme un bon Rambo ». Peu après, le politicien démo­crate-chrétien et historien pro-américain Javier Tussell s'en prenait à l’auteur de La Tarea del héroe (« La Tâche du héros ») en l'accusant d'« irresponsabilité intellectuelle » à cause de ses déclarations critiques envers la fièvre mo­narchique espagnole. Aujourd'hui, Bemaldo de Quirós le rend en partie responsable du parrainage de Le Pen parce qu'« il copie Cioran » (?), Sans doute, la pensée de Savater est très critiquable mais, à notre avis, pas à cause de ces trois « crimes de pensée » qu'on lui impute à droite comme à gauche et qui constituent, justement, autant d'élans de lucidité chez ce philosophe qui suscite la polémique.

(3) F. Savater, « El indefendibile e indefenso Cioran », in Quimera, 4, febrero 1981.

(4) Syllogismes de l'amertume.

(5) Précis de décomposition. (6) op. cit.

(7) « Valéry face à ses idoles », texte repris dans le volume intitulé Exercices d'admiration : Essais et portraits (Galli­mard).

(8) « L'enfer du corps », essai paru dans Le Monde, 3 fé­vrier 1984.

(9) La chute dans le temps.

(10) Précis de décomposition.

(11) La chute dans le temps.

(12) Syllogismes de l'amertume. (13) ibid. (14) ibid. (15) ibid. (16) ibid. (17) ibid.

(18) Essai sur la pensée réactionnaire.

(19) Syllogismes de l'amertume.

(20) Essai sur la pensée réactionnaire.

(21) La chute dans le temps.

(22) Essai sur la pensée réactionnaire.

(23) La chute dans le temps.

 (24) Syllogismes de l'amertume. (25) ibid. (26) ibid. (27) ibid.

(28) Essai sur la pensée réactionnaire. (29) ibid.

(30) Syllogismes de l'amertume. (31) op. cit. (32) ibid.

(33) Exercices d’admiration. (34) ibid. (35)ibid. (36)ibid.

 

Cioran à Paris en 1949, au moment où venait de pa­raître son premier ouvrage en français, le Précis de décomposition. Cioran a appris le français grâce à un invalide de la Grande Guerre, virtuose de la lan­gue basque et de la langue française, érotomane délicat qui arpentait les boulevards de Montparnasse. Cet homme l'a exhorté à relire !es auteurs du XVIIlème siècle, à imiter leur perfection. Dans un interview accordé au philosophe allemand Gerd Bergfleth, Cioran rend hommage à cet inva­lide du Pays Basque, ce puriste de la langue et de la grammaire (Emil M. Cioran, Ein Gespräch, ge­führt von Gerd Bergfleth, Rive Gauche/Konkurs­buchverlag, Tübingen, 1985; Cioran a donné cette entrevue en langue alle­mande ; le texte original en est donc le texte alle­mand).

Cioran: une pensée contre soi héroïquement positive

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Liliana Nicorescu

Cioran : une pensée contre soi héroïquement positive

Ex: http://www.revue-analyses.org/

Être le « héros négatif » de son temps, c’est, selon Cioran, trahir celui-ci : participer ou non aux tourments de son époque, c’est toujours faire le mauvais choix, se leurrer. Comme Cioran lui-même fut le « héros négatif » d’un « Âge trop mûr », l’étude que lui consacre Sylvain David se veut une « approche “sociale” » d’une œuvre qui fait l’apologie de la marginalité et du désistement. L’enjeu est d’explorer les ressources esthétiques et sociales de l’écriture d’un misanthrope plus ou moins sociable, qui s’est déclaré « métaphysiquement étranger » et dont l’ambition fut de s’adresser à « la communauté des exclus, des unhappy few » (p.  11) — les faibles, les ratés, son segment favori de lecteurs — vivant, tout en en étant conscients, dans une modernité aux accents spengleriens ou nietzschéens, nommée tantôt « décadence », tantôt « déclin », tantôt « crépuscule », tantôt « monde finissant ». Vivre et écrire en marginal participe d’un « héroïsme négatif », c’est-à-dire « de la chute », « de la décomposition », de la pensée « contre soi » (« le seul geste héroïque possible encore à l’homme moderne »), au fondement duquel l’auteur place la quête d’« une posture digne à opposer à l’inconvénient ou à l’inconvenance de la condition de l’homme moderne  » (p. 17), d’une réponse lucide, parfois fataliste, aux questions incontournables de la modernité. C’est, selon Sylvain David, la source même de l’écriture cioranienne et de la posture négativement héroïque d’une œuvre qui s’articule autour de la dualité entre le sujet et la collectivité, d’une identité sapée par le doute, et d’un « penser contre soi-même » assidûment professé par l’auteur des Cimes du désespoir.

L’analyse de l’œuvre cioranienne passe — plus que jamais, après la mort de l’essayiste — par l’étape roumaine de sa création littéraire. Depuis onze ans, la question fondamentale est, selon certains critiques, de concilier « l’aristocrate du doute » et l’« antisémite de conviction ». Le « dévoilement du voile » annoncé par Alexandra Laignel-Lavastine en 2002 ne tente pas Sylvain David, qui, tout en reconnaissant une « historicisation » de la pensée cioranienne dans la deuxième étape de création de l’auteur de La Transfiguration de la Roumanie, refuse de l’historiciser in corpore ou à rebours et, par conséquent, de juger l’œuvre française en fonction de l’œuvre roumaine. La « seconde naissance » de Cioran passe, certes, par l’historicisation de sa pensée : celui qui prônait dans son premier livre roumain l’« héroïsme de la résistance et non de la conquête » allait admirer quelques années plus tard Corneliu Zelea-Codreanu et Hitler, pour s’attaquer ensuite à toute forme de fanatisme, d’engagement politique. Par conséquent, la tension fondamentale de l’œuvre cioranienne sera « la relation conflictuelle d’un homme avec son époque, son milieu, si ce n’est avec lui-même » (p.  23).

Les rapports entre l’écriture et le désengagement constituent la première partie du livre, intitulée Un discours (a)social. Les trois premiers livres français de Cioran (Précis de décomposition, 1949; Syllogismes de l’amertume, 1952; La Tentation d’exister, 1956) sont empreints de la certitude du déclin, de la décadence, de l’éternelle erreur. Si l’esprit moderne est marqué par « la négativité et le relativisme » (p. 24), l’œuvre de Cioran se distinguera non seulement en tant que « dénonciation du caractère insidieux de l’esprit moderne », mais aussi en tant que « discours (a)social » (p. 29). Dans cette période de passage, le segment français de l’œuvre cioranienne dénonce, juge et accuse systématiquement l’aspect politique, engagé, des écrits roumains. À cette époque, Cioran essaie de « se distancier d’une certaine incarnation de lui-même, de ce qu’il a déjà été » (p. 30). L’affirmation ne laissera aucun cioranien (ou cioranomane!) indifférent et place l’auteur de cet essai dans le camp modéré des lecteurs/exégètes de celui qui est accusé de « fuite lâche », de mémoire sélective, de mensonge et, surtout, de conservation du credo antisémite. Lire l’œuvre française de Cioran n’est pas, pour Sylvain David, « tenter de déterminer ce qu’a pu dire, ou faire, exactement l’essayiste, au cours des années 1930, mais plutôt de voir ce qu’il en pense, avec le recul, au moment où il entame sa nouvelle carrière » (p. 30). À l’encontre de ceux qui parlent de l’« insincérité permanente » de Cioran ou de son antisémitisme foncier et permanent, Sylvain David croit que « [p]lutôt que de commodément vouer son égarement de jeunesse à l’oubli », il convient de considérer que Cioran « revient inlassablement sur son expérience afin de comprendre et, éventuellement, dépasser les motivations qui ont pu le pousser à agir de la sorte » (p. 30).

En s’attaquant à la racine du Mal, de l’Intolérance, du Fanatisme, Cioran poursuit et accomplit un besoin d’expiation, de purification de ses jeunes égarements. La « rage tournée contre soi », la « négativité » se trouvent au cœur de cette écriture centrée sur la condition de l’homme moderne et qui réfléchit sur celle de l’écrivain dans une société de plus en plus politisée, de plus en plus divisée, de plus en plus radicalisée. La « poétique du détachement » qui illustre cette première étape de création française prend déjà contour dans le Précis de décomposition (Exercices négatifs à l’origine) que Cioran publiera en 1947 et s’articule non seulement autour de la « dénonciation de toute forme de dogmatisme ou d’intransigeance » (p. 36), mais aussi autour de l’écriture éclatée, fragmentaire, opposée, dira Cioran, à « la tentation de conclure ». Cette écriture fragmentée, fracturée est une expression de la modernité dans la mesure où la philosophie, le premier amour de l’essayiste, est, estime-t-il, incapable d’expliquer le monde ou le temps, qui mesure plutôt l’irrationalité contemporaine, le volet culturel de la durée, la fracture de la connaissance, du moi, la décomposition de la pensée et la décadence du Verbe.   

Cette étape créatrice du métèque correspond à un métissage esthétique, autrement dit à l’éclatement de la forme littéraire, dont le principal matériau, la langue, se dissout et s’incarne sous diverses formes : le doute se radicalise et se détache du discours philosophique impersonnel et systémique. Aux idées abstraites, Cioran, devenu « penseur d’occasion », préfère la connaissance empirique; l’écrivain est un sceptique déçu par la philosophie (universitaire ou non), un moraliste qui, avant d’observer les gens, doit « dépoétiser sa prose ». L’idée que « toute démiurgie verbale se développe aux dépens de la lucidité » conduit à l’esthétisation de la négation, à la « négativité esthétique » (p. 95), à travers laquelle l’écriture mesure et dénonce le déclin inéluctable d’un monde, d’un système de valeurs partagées.

La deuxième partie de l’étude de Sylvain David — intitulée De l’histoire de la fin à la fin de l’histoire — a pour fondement « le grand récit de la Chute ». Le corpus (Histoire et utopie, 1960; La Chute dans le temps, 1964 ; Le mauvais démiurge, 1969) propose une relecture de la Genèse, dont le centre nerveux est le panorama de la vanité que déplore l’Ecclésiaste. Au centre de la deuxième étape de l’œuvre française de Cioran, on trouve le « Cioran de la maturité ». Placé également sous le signe de la négation, ce deuxième segment français de l’œuvre cioranienne met en scène un moi lui-même fragmenté, décomposé, qui ne met plus en question ses égarements de jeunesse, mais ses accès de pessimisme, de scepticisme. Sur le plan de l’écriture, l’aphorisme est supplanté par l’essai, dont les thèmes centraux sont l’homme, le péché originel, la chute, le temps historique et l’Occident moribond. Dans l’herméneutique cioranienne, le péché originel s’appelle la « douleur originelle » et la Chute vient couronner « l’inaptitude au bonheur » des descendants d’Adam et Ève; leur « don d’ignorance » est le seul à les rendre heureux. Lucifer, quant à lui, n’eut qu’à saper « l’inconscience originelle » du couple primordial et de sa progéniture — dont l’« inconvénient » d’exister fut la seule fortune —, ce qui laissa cet univers à la discrétion d’un « mauvais démiurge ». Conséquence directe du péché originel, la chute dans le temps est en même temps une chute vers la mort : « avancer » et « progresser » sont des concepts distincts chez Cioran, car aller vers la mort est un progrès vers l’involution, vers la disparition non seulement des hommes (ou des peuples), mais aussi des cultures, des civilisations sujettes au temps historique. Fatalement, l’« abominable Clio » enchaîne l’homme et le laisse « en proie au temps, portant les stigmates qui définissent à la fois le temps et l’homme ». Séduite par l’élan vers le pire, l’humanité court vers sa perte, autrement dit, vers l’avenir : c’est plus fort qu’elle, car, écrit Cioran dans ses Écartèlements, « [l]a fin de l’histoire est inscrite dans ses commencements ».

La troisième partie — Une autobiographie sans événements (incluant De l’inconvénient d’être né, 1973; Aveux et anathèmes, 1987; Écartèlement, 1979 : Exercices d’admiration, 1986) — correspond à un réinvestissement du temps présent complètement dépolitisé. La réflexion qui accompagne cet héroïsme négatif se fait en trois volets : le malheur (plus ou moins inventé) de l’homme moderne, l’écriture fragmentaire en tant que miroir d’un univers atomisé, désagrégé, inachevé, et le défi stoïque, positivement connoté, de l’héroïsme négatif de Cioran, autrement dit, « le courage de continuer à vivre et à écrire à l’encontre de ses propres conclusions, de son propre savoir » (p. 26). Les piliers de cette « autobiographie sans événements » sont le suicide et la « (re)naissance ». La biographie de Cioran fut marquée par un suicide jamais commis, puisqu’on ne peut pas tuer une idée. Ce que Cioran retient du suicide, c’est l’idée de se donner la mort, pas l’acte en soi : « sans l’idée du suicide — estimait-il — on se tuerait sur-le-champ! » D’ailleurs, si celui qui se vantait d’avoir « tout sacrifié à l’idée du suicide, même la mort », ne s’est pas suicidé, c’est parce que, disait-il plus ou moins amèrement, de toute façon, « on se tue toujours trop tard ». La même biographie fut également marquée par « l’inconvénient d’être né », voire d’être né Roumain, par les « affres de la lucidité », par les tortures du paradoxe, par l’effort de reconstruction intérieure et de mise en scène d’un moi aliéné. Dans le Paris aggloméré et automatisé, le regard du métèque s’arrête sur des gens que personne ne voit, venus, eux aussi, d’ailleurs, ou bien sur des clochards-philosophes. Sa lucidité — autrement dit, son « inaptitude à l’illusion » — fut celle d’une tribu sceptique, fataliste, anhistorique, celle de ces analphabètes brillants qui savent depuis toujours que l’homme est perdu et qui lui ont inculqué cette lucidité en même temps que « l’envergure pour gâcher sa vie ».

Étant lui-même un paradoxe vivant, Cioran ne put mettre en scène qu’une paradoxale série de représentations de soi : le moraliste qui, avant d’observer les hommes, se donne comme devoir primordial de « dépoétiser sa prose » tend la main à un être lucide pris pour un sceptique; le « parvenu de la névrose » est le frère du « Job à la recherche d’une lèpre » ; le « Bouddha de pacotille » cherche la compagnie tourmentée d’un « Scythe flemmard et fourvoyé », « idolâtre et victime du pour et du contre », d’un « emballé divisé d’avec ses emballements », d’un « délirant soucieux d’objectivité », d’un « douteur en transe » ou d’un « fanatique sans credo ». Cette rhétorique du paradoxe et de l’opposition projette, selon Sylvain David, non seulement l’image d’un marginal, d’un étranger, d’un exclu, d’un apatride métaphysique, mais également et surtout un jeu de contraires qui trouve son plaisir esthétique dans les contorsions, dans les volutes élégamment orchestrées par une pensée organiquement écartelée « entre scepticisme et besoin de croire, entre lucidité et illusion vitale » (p. 273). Cette mise en scène du moi artistique participe d’un « métacommentaire » qui prolonge non seulement « une détestation de soi primaire » (en tout cas, moins importante, semble-t-il), mais surtout d’« une forme d’amour trahi ou d’orgueil blessé » (p. 275). La visée de celui qui se voulait « le secrétaire de [s]es sensations » n’est pourtant aucunement narcissique, mais plutôt viscérale, car, disait-il, ce ne sont pas nos idées, mais nos sensations et nos visions — parce qu’elles « n’émanent pas de nos entrailles » et sont « véritablement nôtres » — qui peuvent, qui doivent nous définir. Cet attachement au sensoriel est, observe Sylvain David, l’apogée de l’héroïsme négatif de Cioran : en parlant de sensations et de visions qui sont les siennes, pas les nôtres — c’est-à-dire « non partagées avec le commun » —, le dernier Cioran défend son héroïsme négatif en explorant ce que son passé, son identité, ses souvenirs ont de négatif. Cet effort expiatoire est plus qu’une catégorie esthétique : il s’impose en tant que garantie morale de l’œuvre de maturité d’un homme « désintégré ».

Sur les ruines d’un univers déserté par les dieux, un penseur inclassable vint installer son Verbe ahurissant, héritier de la sobriété et de l’élégance des moralistes dont il se réclamait comme descendant légitime, aussi bien que de la saveur amère et de la souplesse de sa langue maternelle. Seuls l’aphorisme ou le fragment pouvaient représenter cet univers morcelé, éclaté. À l’encontre de Ionesco ou de Beckett, qui ont exploré l’absurde du langage, Cioran resta plutôt un classique, car, bien que conscient des mots, il a cherché, au-delà de la fonction poétique de la langue, à faire passer ses négations au niveau de la rhétorique; son univers n’est pas l’absurde, mais le paradoxe qui repose sur toute une série de malgré : poursuivre sa réflexion, malgré la déception que provoque chez lui la philosophie, malgré le mal que provoque sa propre conscience (ou sa propre lucidité); écrire, malgré les doutes quant à la capacité de son écriture à définir sa conception du monde; publier, malgré un nombre restreint de lecteurs et le dégoût que provoque en lui le flux éditorial parisien.

Certes, Cioran a écrit parce que, disait-il, chaque livre est « un suicide différé ». Paradoxalement ou non, son héroïsme négatif n’est ni agressif ni virulent, mais plutôt la représentation concrète de son aptitude — qui l’aurait cru? — « au compromis stoïque », de sa « capacité de se mouler aux circonstances de la modernité sans jamais pour autant s’y diluer ou s’y travestir » (p. 326). Il ne lui restait qu’à devenir « le sceptique de service » d’un monde en agonie ou « le secrétaire de [s]es sensations », puisque « être le secrétaire d’une sainte » n’a pas été la chance de sa vie.

Le Cioran français est, selon certains exégètes du moraliste, le masque du Cioran roumain séduit, dans les années 1930, par le mouvement nationaliste roumain et qui, une fois établi en France, n’a fait que réécrire ses livres roumains, afin de cacher ses jeunes égarements tout en restant fidèle à ses anciens credo. À l’encontre de certains de ses prédécesseurs, Sylvain David met au cœur de sa lecture de l’œuvre française de Cioran le fondement esthétique et social de l’art du fragment, dont l’auteur du Mauvais démiurge fut le maître incontesté. Complètement dépolitisés, les paradoxes cioraniens retrouvent toute leur beauté et leur profondeur et construisent, par le biais d’une analyse aussi subtile qu’objective, le parcours sinueux, mais combien passionnant, d’un « héroïsme à rebours ».

 

Compte rendu par : Liliana Nicorescu

Référence : Sylvain David, Cioran. Un héroïsme à rebours, Les Presses de l’Université de Montréal, coll. « Espace littéraire », 2006, 338 p.

Pour citer cet article : Liliana Nicorescu, «Cioran : une pensée contre soi héroïquement positive», @nalyses [En ligne], Comptes rendus, XXe siècle, mis à jour le : 27/01/2010, URL : http://www.revue-analyses.org/index.php?id=623.

vendredi, 18 décembre 2009

L'insolente Cioran

e_m_cioran.jpgL'insolente Cioran

Dal mensile Area, giugno 2001

«La mia missione è di uccidere il tempo e la sua di uccidermi a sua volta. Ci si trova perfettamente a proprio agio tra assassini». Con questa dichiarata volontà e nella convinzione che «chiunque non sia morto giovane merita di morire» Emile Michel Cioran, poeta, filosofo, saggista ha condotto il suo personalissimo duello con la vita, «il più grande dei vizi», sino al 20 giugno del 1995, giorno in cui è morto a Parigi.

A sei anni dalla scomparsa di questo affascinante esponente della cultura europea del Novecento, arrivano nelle librerie italiane i Quaderni 1957 - 1972. L’opera raccoglie il prezioso contenuto di trentaquattro taccuini, ritrovati dopo la sua morte, ora pubblicati da Adelphi in un ponderoso tomo di oltre mille pagine, per la delizia di noi lettori. Si tratta degli appunti più intimi di uno sferzante fustigatore della modernità, «scettico di servizio in un mondo alla fine», scritti nel lungo arco di tempo che va dal giugno 1957 al novembre 1972. Vi si trovano, tenuti insieme da una scrittura iperbolica e densa di suggestioni incantatrici, riflessioni, sentenze fulminanti, ritratti strabilianti, descrizioni minuziose di significativi episodi vissuti, aneddoti e paradossi. Soprattutto emerge, tra le righe, l’animo inquieto di un artista affamato d’assoluto, di uno spirito religioso senza religione, di uno scrittore lucido e delirante al tempo stesso, che per la sua natura contraddittoria sfugge ad ogni classificazione, tanto da definirsi egli stesso un «idolatra del dubbio, un dubitatore in ebollizione, un dubitatore in trance, un fanatico senza culto, un eroe dell’ondeggiamento».

Francese d’adozione, Cioran rimane uno scrittore di stirpe rumena e sentimenti balcanici. Nasce a Rasinari (Sibiu) in Transilvania l’8 aprile del 1911 e i Carpazi sono i compagni della sua adolescenza. Rimane sempre legato alla «madre patria immersa nella bruma» anche quando nel 1937 decide di lasciare l’insegnamento nei licei e accettare una borsa di studio a Parigi, «piccola Bucarest […] la sola città del mondo dove si poteva essere poveri senza vergogna, senza complicazioni, senza drammi, la città ideale per essere un fallito». Ed infatti la sua vita parigina è caratterizzata da quel modus vivendi studentesco che Robert Brasillach definiva «l’eminente dignità del provvisorio», ben descritto da Mario Bernardi Guardi nella monografia che il mensile Diorama Letterario ha dedicato nel maggio 1991 (n.148) a Cioran, profeta della decadenza: «Provinciale d’ingegno e studente ribaldo, legge e scrive, ma va anche in giro in bicicletta per i Pirenei e la Bretagna. E vive, fino a quarant’anni, da avventuroso adolescente: ha in tasca pochi soldi, dorme negli ostelli, abita nelle soffitte, alloggia negli albergucci, mangia alla mensa universitaria».

Con sofferenza matura la decisione di rinunciare alla sua lingua d’origine per scrivere in francese. «Ho scritto in rumeno fino al ’47. Quell’anno mi trovavo in una casetta a Dieppe, e traducevo Mallarmé in rumeno. Di colpo, mi son detto: Che assurdità! Che senso ha tradurre Mallarmé in una lingua che nessuno conosce? Allora ho rinunciato alla mia lingua. Mi sono messo a scrivere in francese, ed è stato difficilissimo, perché, per temperamento, la lingua francese non mi si addice. Io ho bisogno di una lingua selvaggia, di una lingua da ubriaco. Il francese è stato per me una camicia di forza».

Sono invece in rumeno, questa «mistura di slavo e latino, idioma privo di eleganza ma poetico», le sue opere giovanili. A soli ventitre anni scrive un saggio di «sfida al mondo», Al culmine della disperazione (Adelphi 1998), che riscuote un certo successo e viene premiato.

Nel 1937 pubblica Ascesa della Romania. Vi si scorge un Cioran ancora attento all’attualità politico culturale, persino interventista nel dibattito del suo paese: «Nessuno può dirsi nazionalista se non soffre infinitamente del fatto che la Romania non possiede la missione storica di una grande cultura e che un imperialismo culturale e politico come quello delle grandi nazioni non possa appartenerle; non è nazionalista chi non può credere con fanatismo alla repentina sublimazione della nostra storia». Nello stesso periodo scrive: «La cultura rumena vive attualmente il suo momento decisivo: abbandonare dietro di sé la tragedia di una cultura su piccola scala e, attraverso le sue imprese in materia di teorie, d’arte, di politica e di spiritualità, compiere un destino specificamente aggressivo da grande cultura. Lo sforzo dei rumeni deve dunque mirare a strappare il loro paese dalla periferia della storia per condurlo sul proscenio…».

Insieme a numerose personalità della cultura, come lo storico delle religioni Mircea Eliade, si schiera a fianco della Legione dell’Arcangelo Michele. E’ una stagione brevissima, prevale presto lo scetticismo e la sfiducia in ogni rivoluzione. Anni dopo scriverà: «Ogni progetto è una forma di schiavitù». E anche: «Mi basta sentire qualcuno parlare sinceramente di ideale, di avvenire, di filosofia, sentirlo dire noi con tono risoluto, invocare gli altri e ritenersene l’interprete, perché io lo consideri mio nemico».

Prima di partire per la Francia pubblica a sue spese Lacrime e Santi (Adelphi 1990) e qualche anno dopo il suo ultimo libro in lingua rumena, Il tramonto dei pensieri. Si appassiona a Shakespeare e Baudelaire, a Dostoevskij, agli antichi gnostici, a Buddha e Pascal.

Lo influenzano soprattutto Spengler e Schopenhauer, suo «grande Patrono, boicottato dalla tromba degli utopisti, senza parlare di quella dei filosofi» e Nietzsche. Sono in molti a paragonarlo al grande tedesco, dal filosofo spagnolo Fernando Savater, allievo ed amico di Cioran nonché traduttore delle sue opere e autore della biografia Cioran, un angelo sterminatore (Frassinetti 1998), a Jean François Revel che lo definisce «il solo rappresentante letterariamente riuscito dell’arte dell’aforisma dopo Nietzsche».

Termina presto l’idillio con la filosofia, («ha vinto l’incantesimo della filosofia», scrisse Alain De Benoist), che abbandona per abbracciare «l’esperienza, le cose vissute, la follia quotidiana». Preferisce finire «prima in una fogna che su un piedistallo». Detesta la pedanteria dei filosofi, piuttosto che sposare dogmi vuole demolirne. Ritiene l’erudizione un pericolo mortale per l’umanità. «Il sapere […] ci condurrà inesorabilmente alla rovina», avverte.

Soprattutto Cioran non vuole rinunciare al suo «dilettantismo»: «Se fossi costretto a rinunciarvi è nell’urlo che vorrei specializzarmi». Le sue opere, in effetti, gridano, nell’intento di svegliare le coscienze dal torpore morale: «scuotendole, le preservo dallo snervamento in cui le sommerge il conformismo». In esse vibra un’energia baldanzosa e vitale che stride, solo apparentemente, con la sfiducia di Cioran.

La sua critica pungente si rivolge all’uomo contemporaneo, capace solo di «secernere disastro», alla ragione, «la ruggine della nostra civiltà», alla storia, «indecente miscela di banalità e apocalisse», al progresso, «l’ingiustizia che ogni generazione commette nei confronti di quella che l’ha preceduta» e al colonialismo occidentale nel Terzo Mondo, «l’interesse degli uomini civili per i popoli che vengono chiamati arretrati è molto sospetto, incapace di sopportarsi ancora, l’uomo civilizzato scarica su questi popoli l’eccedenza dei mali che lo opprimono, li incita a condividere le proprie miserie, li scongiura di affrontare un destino che ormai non può più affrontare da solo».

Eppure, pur esprimendo un inconfutabile pessimismo, Cioran non può essere ritenuto semplicisticamente un nichilista. Non si limita ad annunciare la catastrofica fine dell’occidente, ma invita tutti ad una vera e propria rivolta morale. Come ha scritto Bernardi Guardi il suo è comunque un messaggio positivo: «C’è da indietreggiare davanti a tanta copia d’angoscia. Eppure l’umor nero di Cioran, mettendoci in guardia contro tutto, paradossalmente ci insegna a riscoprire tutto, a fare carne e sangue di ogni esperienza, prima fra tutte quella del dolore, della religione, della morte».

C’è in lui, infatti, una robusta vena di sensibilità sociale, scevra di ogni forma di retorica, scarna e proprio per questo più sincera. E’ singolare come tale sentimento conviva con l’aristocratico distacco rispetto alle sorti del mondo che caratterizza questo autore solitario e metafisico.

La sua insofferente misantropia lo porta a scrivere feroci battute come queste: «appena si esce nella strada, alla vista della gente, sterminio è la prima parola che viene in mente […] quando passo giorni e giorni in mezzo a testi in cui si tratta unicamente di serenità, di contemplazione, di spoliazione, mi viene voglia di uscire per la strada e spaccare il muso al primo che incontro». La tolleranza diventa «una civetteria da agonizzanti». Malgrado affermazioni così temerarie Cioran non ha dubbi: «Ci si deve schierare con gli oppressi in ogni circostanza, anche quando hanno torto, senza tuttavia dimenticare che sono impastati con lo stesso fango dei loro oppressori». L’auspicio è quello di un mondo liberato dal lavoro, dove la gente possa «uscire in strada e non fare più nulla. Tutta questa gente abbrutita, che sgobba senza sapere perché, o si illude di contribuire al bene dell’umanità, che fatica per le generazioni future sotto l’impulso della più sinistra delle illusioni, si vendicherebbe allora di tutta la mediocrità di una vita vana e sterile, di tutto questo spreco di energia privo dell’eccellenza delle grandi trasfigurazione».

Per Cioran la scrittura non è un mestiere, ma un atto liberatorio. Si domanda: «Cosa sarei diventato senza la facoltà di riempire delle pagine. Scrivere significa distrarsi dei propri rimorsi e dei propri rancori, vomitare i propri segreti. Lo scrittore è uno squilibrato che si serve di quelle finzioni che sono le parole per guarirsi». Chiamato in numerose università a tenere dei corsi, rifiuta asserendo che ne è incapace, perché «ogni idea mi ripugna nel giro di un quarto d’ora».

In Italia, negli anni del più ortodosso fondamentalismo marxista, i suoi libri sono stati a lungo ignorati, in quanto ritenuti politicamente scorretti. Solo le edizioni del Borghese dettero alla luce due sue opere, Storia e Utopia (1969) e I nuovi Dei (1971), libro, quest’ultimo, ristampato successivamente anche dall’editore Ciarrapico nella bella collana de I classici della controinformazione, diretta da Marcello Veneziani.

Solo diverso tempo dopo ed in Italia soprattutto grazie ad Adelphi, che ne ha tradotto, nel corso degli ultimi quindici anni, quasi tutta l’opera, il grande pubblico ha potuto godere di buona parte dei suoi scritti, tra i quali la stessa Storia e Utopia (ovviamente trascurando di fare riferimenti alle precedenti edizioni), Il funesto demiurgo, L’inconveniente di essere nati, La caduta nel tempo, La tentazione di esistere, Sommario di decomposizione, Sillogismi dell’amarezza, Squartamento e Esercizi di ammirazione.

In questo libro, in particolare, conosciamo un Cioran anomalo, non più sarcastico ma, al contrario, persino generoso nel giudicare alcuni personaggi della cultura suoi contemporanei, tra i quali gli amati Eliade, Borges e De Maistre.

Sul futuro delle sue opere Cioran ha dichiarato: «Il destino dei miei libri mi lascia indifferente. Credo però che qualcuna delle mie insolenze resterà». Noi invece siamo convinti che la sua opera rimarrà di assoluta attualità, così come la sua figura di provocatore “insolente”.

A tal proposito la definizione che Cioran ha dato del grande pensatore reazionario Joseph de Maistre, è per noi, lettori devoti, la più adatta a descrivere proprio il grande rumeno: «Senza le sue contraddizioni, senza i malintesi che, per istinto o calcolo, alimentò sul proprio conto, il suo caso sarebbe stato liquidato da tempo, ed oggi soffrirebbe la disgrazia di essere capito, la peggiore che possa abbattersi su un autore».

samedi, 28 mars 2009

Hommage à Emil Cioran

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1995

 

Hommage à Emile Cioran

 

Au beau milieu de notre société de consommation et de plaisir, il était le héraut du déclin et du doute. L'écrivain roumain Emile Cioran est mort à Paris, à l'âge de 84 ans, le 20 juin 1995. Rien que les titres de ses livres, Précis de décomposition, Syllogismes de l'amertume ou De l'inconvénient d'être né,  pourraient déclencher une dépression. Face à un homme comme Cioran, qui, selon sa propre confession, considère que toute rencontre avec un autre homme est une sorte de “crucifixion”, on est en droit de se poser la question que Nietzsche lui-même nous a suggérée: comment est-il devenu ce qu'il était?

 

Déjà à l'âge de dix ans, Cioran a vécu une sorte d'exclusion du Paradis. Il a dû quitter le monde de son en­fance pour s'en aller fréquenter le lycée de Sibiu. Cioran décrit ce grand tournant de sa vie d'enfant: «Quand j'ai dû quitter ce monde j'avais le net pressentiment que quelque chose d'irréparable venait de se produire». Cet “irréparable” était très étroitement lié au monde simple des paysans et des bergers de son village natal. Plus tard, Cioran s'est exprimé sans ambigüité sur le monde de son enfance: «Au fond, seul le monde primitif est un monde vrai, un monde où tout est possible et où rien n'est actualisable».

 

Autre expérience décisive dans la vie de Cioran: la perte de la faculté de sommeil à l'âge de 20 ans. Cette perte a été pour lui “la plus grande des tragédies” qui “puisse jamais arriver à un homme”. Cet état est mille fois pire que purger une interminable peine de prison. Voilà pourquoi son livre Sur les cîmes du désespoir  a été conçu dans une telle phase de veille. Cioran considérait que ce livre était le “testament d'un jeune homme de vingt ans” qui ne peut plus songer qu'à une chose: le suicide. Mais il ne s'est pas suicidé, écrit-il, parce qu'il ne pouvait exercer aucune profession, vu que toutes ses nuits étaient blanches. Elles ont été à l'origine de sa vision pessimiste du monde. Et jamais, dans sa vie, Cioran n'a été contraint de travail­ler. Il a accepté toute cette “peine”, cette “précarité”, cette “humiliation” et cette “pauvreté” pour ne pas devoir renoncer à sa “liberté”. «Toute forme d'humiliation» est préférable «à la perte de la liberté». Tel a été le programme de sa vie, aimait-il à proclamer.

 

Avant d'émigrer en France en 1937, Cioran écrivait Larmes et Saints, un livre qu'il considérait être le résul­tat de sept années d'insomnie. Ce que signifie l'impossibilité de dormir, Cioran l'a exprimé: la vie ne peut “être supportable” que si elle est interompue quotidiennement par le sommeil. Car le sommeil crée cet oubli nécessaire pour pouvoir commencer autre chose. Ceux qui doivent passer toutes leurs nuits éveillés fi­nissent par segmenter le temps d'une manière entièrement nouvelle, justement parce que le temps semble ne pas vouloir passer. Une telle expérience vous modifie complètement la vie. Tous ceux qui veulent pénétrer dans l'œuvre de Cioran, doivent savoir qu'il a été un grand insomniaque, qu'il en a pro­fondément souffert.

 

Les nuits de veille de Cioran sont aussi à l'origine de son rapport particulier à la philosophie. Celle-ci ne doit pas aider Cioran à rendre la vie “plus supportable”. Au contraire, il considère que les philosophes sont des “constructeurs”, des “hommes positifs au pire sens du terme”. C'est la raison pour laquelle Cioran s'est surtout tourné vers la littérature, surtout vers Dostoïevski, le seul qui aurait pénétré jusqu'à l'origine des actions humaines. La plupart des écrivains de langues romanes ne sont pas parvenu à une telle pro­fondeur, écrivait Cioran. Ils sont toujours resté à la surface des choses, jamais ils n'ont osé s'aventurer jusqu'aux tréfonds de l'âme, où l'on saisit à bras le corps le “démon en l'homme”.

 

1937 a aussi été l'année où Cioran a dû reconnaître que la voie religieuse et mystique lui était inacces­sible. Comme il le constatait rétrospectivement, il n'était tout simplement “pas fait pour la foi”. Car avoir la foi était au fond un don, écrivait Cioran, et on ne peut pas vouloir  croire, ce serait ridicule.

 

Quand on prend connaissance de cet arrière-plan, on ne s'étonnera pas que Cioran revient sans cesse sur son expérience du “néant”, du “néant” qui ne devient tangible que par l'ennui. Du point de vue de Cioran, on ne peut supporter la vie que si l'on cultive des illusions. Et si l'on atteint la “conscience abso­lue”, une “lucidité absolue”, alors on acquiert la “conscience du néant” qui s'exprime comme “ennui”. Ce­pendant, l'expérience de l'ennui découle d'un doute, d'un doute qui porte sur le temps. C'est à ce sen­ti­ment fondamental que pensait Cioran quand il disait qu'il s'était “ennuyé” pendant toute sa vie.

 

On ne s'étonne pas que Cioran avait un faible pour les cimetières. Mais ce faible n'a rien à voir avec les attitudes prises aujourd'hui par les Grufties.  Pour notre auteur, il s'agissait surtout d'un changement de perspective. C'est justement dans une situation de douleur de l'âme, d'une douleur qui semble immense, démesurée, que le changement de perspective constitue la seule possibilité de supporter la vie. Quand on adopte la perspective du “néant”, tout peut arriver. Dans une certaine mesure, on en arrive à considé­rer comme parfaitement “normal” la plus grande des douleurs, à exclure toutes les “déformations par la douleur” qui conduisent au “doute absolu”.

 

Au cours des dernières années de sa vie, Cioran n'a plus rien écrit. Il ne ressentait plus l'“impérativité de la souffrance” qui fut toujours le moteur de sa production littéraire. Peut-être a-t-il tiré les conséquences de ses propres visions: nous vivons effectivement dans une époque de surproduction littéraire, surpro­duction absurde, totalement inutile.

 

Michael WIESBERG.

(trad. franç.: Robert Steuckers).

 

jeudi, 26 février 2009

De Sirenenzang van de Beschaving

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De Sirenenzang van de Beschaving

jeudi, 12 février 2009

La revelacion de Emil Cioran

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La revelación de Emile Ciorán

 

Abel Posse

 

Después de muchas horas de diálogo con Emile Ciorán, me pregunté cuál es el secreto de su atracción intelectual.
Aparentemente su negación de la filosofía académica y su defensa de un pensamiento Independiente hasta el borde de lo anárquico, podría parecer más bien un episodio final del modernismo romántico. ¿Por qué inquieta Ciorán? ¿Por qué crea adeptos mas bien rechazándoles? Se deslizó durante décadas como un antifilósofo, estimado por escritores y por un público heterogéneo pero ninguneado en el plano de la filosofía oficial, académica, "seria". ¿Cuál es la clave de su sobrevivencia y de su éxito final?

La fascinación de Ciorán a través de sus libros (y particularmente de esa obra central que es La Tentación de Existir, que acaba de ser reeditada por "Tauruo" en la magnífica traducción de Fernando Savater) se entra en subversiva sospecha del autor contra la sacralidad, la intocabilidad, el orgullo, de la condición humana misma.

Lo que nos deja Ciorán, después de la lectura de La Tentación de Existir, La Caída en el Tiempo o El Aciago Demiurgo es la de que el hombre bien podría ser tratado como un animal descastado, un indigno cósmico, en vez del semidiós, "la criatura, a su imagen y semejanza", etc,.a que se tiene acostumbrado. Es como si el hombre, a partir de Ciorán, empezase a ser considerado como una pieza de discordia cósmica, un tonto o un energúmeno infatuado que en el fondo lleva a la enfermedad y la destrucción de todo lo que toca: sean sus, pares o el planeta mismo que habita.

Lo que creo que no se expresó claramente en torno a Ciorán es que es tino de los primeros filósofos que nos dice que el hombre es una causa detestable, un asesino que se cree lleno he cualidades bondadosas.

La ética, hasta ahora, fue la respuesta creada por el hombre ante la sospecha (y la evidencia) de sus malas inclinaciones. Más allá de la respuesta de la ética está Ciorán ?que aunque no lo quiera está directamente ligado a Nietzsche? y que nos dice que el factor criminal del hombre, su destructividad, es la verdadera revelación del siglo XX: el hombre, a través de la tecnología, manifestó su verdadera faz inmoral, definitivamente pérfida: esto es el siglo de los campos de concentración, del hipócrita y cotidiano genocidio, Norte-Sur, de Hiroshima, y más que nada de la destrucción, del orden natural del planeta Tierra a través del desequilibrio ecológico, la contaminación, el definitivo avasallamiento del ritmo de la biosfera, de los animales y las plantas: por una especie triste, neurótica, infatuada, que ni siquiera obtiene placer de sus crímenes.

No es extraño que el ensayo La Tentación de Existir sea una crítico de ese, supuesto favorable a la vida humana y a la bondad del hombre que baña su hipocresía toda la cultura o incultura de Occidente.

Dice Ciorán: “Habiendo agotado mas reservas de negociación, y quizás la negociación misma, ¿por qué no debería yo salir a la calle a gritar hasta desgañitarme que me encuentro en el umbral de una verdad, de la única válida?"
Esa verdad que conmueve a Ciorán, lo separará para siempre de los bien pensantes del mundo (desde Sartre hasta Russell).
La solitaria repulsa de Ciorán se origina en este hecho central: al descalificar al hombre como ente privilegiado, loable, admirable y salvable, condena a muerte la tarea de esos filósofos del hombre, habitantes del ghetto del optimismo.
Ciorán en realidad es el primer filósofo que deja de ser "oficialista" del partido del hombre. Se pone más allá de esa obligatoria y engreída "conciencia de humanidad". Rompe el contrato, invita a que nos unamos a la opinión que de nosotros podrían tener nuestras víctimas: las plantas, los mares, los exterminados tigres de bengala, los místicos, las aves.
¿Por qué el hombre no va a ser algo prescindible en el orden de lo creado?
¿Cuál es la verdadera lectura de ese libro que sigue siendo secreto y que se llama la Biblia: qué quiere decir la parábola del ángel rebelde, la de Caín, la de la expulsión del Paraíso? ¿hemos leído bien la Biblia?
Ciorán niega al hombre actual seguir postulándose arrogantemente y sin dudas como candidato al Paraíso. Ciorán nos dice lo que muchos podemos sentir al culminar este siglo involutivo: el hombre no solamente no merece el Paraíso sino que lo saquea y destruye. Es definitivamente un animal dañoso con peligrosísimas aptitudes...
En un tiempo de pensamiento público pervertido por el lenguaje equívoco de la política y de los grandes intereses, la filosofía -la fracasada Filosofía, arrinconada a mera materia de examen, o a prestigiosa antigualla?, cobra una importancia dramática: junto con el arte y la religión son los únicos espacios de resistencia que nos quedan ante la presión cosificadora. Cosificadora no sólo por el materialismo de una "sociedad de cosas" sino porque esa sociedad termina cosificando a su protagonista, el que debería haber sido su beneficiario.)
La filosofía es guerrilla, como afirma Gilles Deleuze. Es resistencia y ataque ante un enemigo demasiado poderoso, por el momento de apariencia invencible. La guerrilla se arma en silencio y golpea cuando y donde puede.
Es el retorno al Ser y a sentirnos ser pese a la desolada, sometida versión de nuestro ser social, mejor: de nuestro aparecer.
El desdoblamiento entre el yopúblico, como escribió Bergson y el yo profundo, es un fenómeno cultural que se agudiza en este tiempo de extraordinarias y velocísimas mutaciones.
La reflexión es el mecanismo natural, privadísimo, de soldar esa peligrosa ruptura. Filosofar empieza por ser un poner esa reflexión, saber conducirla hacia objetivos. Nuestro sentimiento de existir en cuanto yo (y no en cuanto ese otro del yo publico). Filosofar es existir. En la reflexión íntima nos sentimos existir, nos sentimos en el mundo. La reflexión en estos tiempos tiene in valor similar al de la oración en este caso correo el sentimiento intimo del estar con dios, sin Dios o ante Dios).
Filosofar es existir. Nunca como ahora, en tiempos del yo volcado hacia afuera, vale y tiene tanto peso aquel cartesiano cogito, ergo sum (pienso, luego existo).
Ciorán es el gran guerrillero. Es un ejemplo de resistencia pensante. Piensa como resultado de una reflexión necesaria en un mundo en que la vida que se nos propone, tanto como las ideas hechas en torno a las que nos seguirnos moviendo, nos llevan a la despersonalización, a ese mundo de no?yos, de yos de los otros.
Frente al pensamiento de los frívolos y ruidosos noveaux philosophes de la decadencia cultural francesa, o ante las parrafadas previsibles de Popper (que en nombre del liberalismo democrático oculta la realidad del genocidio económico del tercer mundo), Ciorán se alza como el representante privadísimo e insobornable de la verdadera filosofía: coraje para el compromiso con la verdad, o mejor, con lo verdadero. Hemos llegado a tal punto de ceguera subcultural que Ciorán, el negativo se erige en posibilidad de dignificación.

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dimanche, 04 janvier 2009

Emile Cioran and the Culture of Death

 

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Emile Cioran and the Culture of Death

by Tomislav Sunic

Speech held by the author at the European Synergies' Summer Conference in 2002 (Low Saxony, Germany)

Historical pessimism and the sense of the tragic are recurrent motives in European literature. From Heraclitus to Heidegger, from Sophocles to Schopenhauer, the exponents of the tragic view of life point out that the shortness of human existence can only be overcome by the heroic intensity of living. The philosophy of the tragic is incompatible with the Christian dogma of salvation or the optimism of some modern ideologies. Many modern political theologies and ideologies set out from the assumption that "the radiant future" is always somewhere around the corner, and that existential fear can best be subdued by the acceptance of a linear and progressive concept of history. It is interesting to observe that individuals and masses in our post-modernity increasingly avoid allusions to death and dying. Processions and wakes, which not long ago honored the postmortem communion between the dead and the living, are rapidly falling into oblivion. In a cold and super-rational society of today, someone's death causes embarrassment, as if death should have never occurred, and as if death could be postponed by a deliberate "pursuit of happiness." The belief that death can be outwitted through the search for the elixir of eternal youth and the "ideology of good looks", is widespread in modern TV-oriented society. This belief has become a formula for social and political conduct.

The French-Rumanian essayist, Emile Cioran, suggests that the awareness of existential futility represents the sole weapon against theological and ideological deliriums that have been rocking Europe for centuries. Born in Rumania in 1911, Cioran very early came to terms with the old European proverb that geography means destiny. From his native region which was once roamed by Scythian and Sarmatian hordes, and in which more recently, secular vampires and political Draculas are taking turns, he inherited a typically "balkanesque" talent for survival. Scores of ancient Greeks shunned this area of Europe, and when political circumstances forced them to flee, they preferred to search for a new homeland in Sicily or Italy--or today, like Cioran, in France. "Our epoch, writes Cioran, "will be marked by the romanticism of stateless persons. Already the picture of the universe is in the making in which nobody will have civic rights."[1] Similar to his exiled compatriots Eugène Ionesco, Stephen Lupasco, Mircea Eliade, and many others, Cioran came to realize very early that the sense of existential futility can best by cured by the belief in a cyclical concept of history, which excludes any notion of the arrival of a new messiah or the continuation of techno-economic progress.

Cioran's political, esthetic and existential attitude towards being and time is an effort to restore the pre-Socratic thought, which Christianity, and then the heritage of rationalism and positivism, pushed into the periphery of philosophical speculation. In his essays and aphorisms, Cioran attempts to cast the foundation of a philosophy of life that, paradoxically, consists of total refutation of all living. In an age of accelerated history it appears to him senseless to speculate about human betterment or the "end of history." "Future," writes Cioran, "go and see it for yourselves if you really wish to. I prefer to cling to the unbelievable present and the unbelievable past. I leave to you the opportunity to face the very Unbelievable."[2] Before man ventures into daydreams about his futuristic society, he should first immerse himself in the nothingness of his being, and finally restore life to what it is all about: a working hypothesis. On one of his lithographs, the 16th century French painter, J. Valverde, sketched a man who had skinned himself off his own anatomic skin. This awesome man, holding a knife in one hand and his freshly peeled off skin in the other, resembles Cioran, who now teaches his readers how best to shed their hide of political illusions. Man feels fear only on his skin, not on his skeleton. How would it be for a change, asks Cioran, if man could have thought of something unrelated to being? Has not everything that transpires caused stubborn headaches? "And I think about all those whom I have known," writes Cioran, "all those who are no longer alive, long since wallowing in their coffins, for ever exempt of their flesh--and fear."[3]

The interesting feature about Cioran is his attempt to fight existential nihilism by means of nihilism. Unlike many of his contemporaries, Cioran is averse to the voguish pessimism of modern intellectuals who bemoan lost paradises, and who continue pontificating about endless economic progress. Unquestionably, the literary discourse of modernity has contributed to this mood of false pessimism, although such pessimism seems to be more induced by frustrated economic appetites, and less by what Cioran calls, "metaphysical alienation." Contrary to J.P. Sartre's existentialism that focuses on the rupture between being and non-being, Cioran regrets the split between the language and reality, and therefore the difficulty to fully convey the vision of existential nothingness. In a kind of alienation popularized by modern writers, Cioran detects the fashionable offshoot of "Parisianism" that elegantly masks a warmed-up version of a thwarted belief in progress. Such a critical attitude towards his contemporaries is maybe the reason why Cioran has never had eulogies heaped upon him, and why his enemies like to dub him "reactionary." To label Cioran a philopsher of nihilism may be more appropriate in view of the fact that Cioran is a stubborn blasphemer who never tires from calling Christ, St. Paul, and all Christian clergymen, as well as their secular Freudo-Marxian successors outright liars and masters of illusion. To reduce Cioran to some preconceived intellectual and ideological category cannot do justice to his complex temperament, nor can it objectively reflect his complicated political philosophy. Each society, be it democratic or despotic, as a rule, tries to silence those who incarnate the denial of its sacrosanct political theology. For Cioran all systems must be rejected for the simple reason that they all glorify man as an ultimate creature. Only in the praise of non-being, and in the thorough denial of life, argues Ciroan, man's existence becomes bearable. The great advantage of Cioran is, as he says, is that "I live only because it is in my power to die whenever I want; without the idea of suicide I would have killed myself long time ago."[4] These words testify to Cioran's alienation from the philosophy of Sisyphus, as well as his disapproval of the moral pathos of the dung-infested Job. Hardly any biblical or modern democratic character would be willing to contemplate in a similar manner the possibility of breaking away from the cycle of time. As Cioran says, the paramount sense of beatitude is achievable only when man realizes that he can at any time terminate his life; only at that moment will this mean a new "temptation to exist." In other words, it could be said that Cioran draws his life force from the constant flow of the images of salutary death, thereby rendering irrelevant all attempts of any ethical or political commitment. Man should, for a change, argues Cioran, attempt to function as some form of saprophytic bacteria; or better yet as some amoebae from Paleozoic era. Such primeval forms of existence can endure the terror of being and time more easily. In a protoplasm, or lower species, there is more beauty then in all philosophies of life. And to reiterate this point, Cioran adds: "Oh, how I would like to be a plant, even if I would have to attend to someone's excrement!"[5]

Perhaps Cioran could be depicted as a trouble maker, or as the French call it a "trouble fête", whose suicidal aphorisms offend bourgeois society, but whose words also shock modern socialist day-dreamers. In view of his acceptance of the idea of death, as well as his rejection of all political doctrines, it is no wonder that Cioran no longer feels bound to egoistical love of life. Hence, there is no reason for him to ponder over the strategy of living; one should rather start thinking about the methodology of dying, or better yet how never to be born. "Mankind has regressed so much," writes Cioran, and "nothing proves it better than the impossibility to encounter a single nation or a tribe in which a birth of a child causes mourning and lamentation."[6]  Where are those sacred times, inquires Cioran, when Balkan Bogumils and France's Cathares saw in child's birth a divine punishment? Today's generations, instead of rejoicing when their loved ones are about to die, are stunned with horror and disbelief at the vision of death. Instead of wailing and grieving when their offsprings are about to be born, they organize mass festivities:

If attachment is an evil, the cause of this evil must be sought in the scandal of birth--because to be born means to be attached. The purpose of someone's detachment should be the effacement of all traces of this scandal--the ominous and the least tolerable of all scandals.[7]

Cioran's philosophy bears a strong imprint of Friedrich Nietzsche and Indian Upanishads. Although his inveterate pessimism often recalls Nietzsche's "Weltschmerz," his classical language and rigid syntax rarely tolerates romantic or lyrical narrative, nor the sentimental outbursts that one often finds in Nietzsche's prose. Instead of resorting to thundering gloom, Cioran's paradoxical humor expresses something which in the first place should have never been verbally construed. The weakness of Cioran prose lies probably in his lack of thematic organization. At time his aphorisms read as broken-off scores of a well-designed musical master piece, and sometimes his language is so hermetic that the reader is left to grope for meaning.

When one reads Cioran's prose the reader is confronted by an author who imposes a climate of cold apocalypse that thoroughly contradicts the heritage of progress. Real joy lies in non-being, says Cioran, that is, in the conviction that each willful act of creation perpetuates cosmic chaos. There is no purpose in endless deliberations about higher meaning of life. The entire history, be it the recorded history or mythical history, is replete with the cacophony of theological and ideological tautologies. Everything is "éternel retour," a historical carousel, with those who are today on top, ending tomorrow at the bottom.

I cannot excuse myself for being born. It is as if, when insinuating myself in this world, I profaned some mystery, betrayed some very important engagement, made a mistake of indescribable gravity.[8]

This does not mean that Cioran is completely insulated from physical and mental torments. Aware of the possible cosmic disaster, and neurotically persuaded that some other predator may at any time deprive him of his well-planned privilege to die, he relentlessly evokes the set of death bed pictures. Is this not a truly aristocratic method to alleviate the impossibility of being?:

In order to vanquish dread or tenacious anxiety, there is nothing better than to imagine one's own funeral: efficient method, accessible to all. In order to avoid resorting to it during the day, the best is to indulge in its virtues right after getting up. Or perhaps make use of it on special occasions, similar to Pope Innocent IX who ordered the picture of himself painted on his death-bed. He would cast a glance at his picture every time he had to reach an important decision... [9]

At first, one may be tempted to say that Cioran is fond of wallowing in his neuroses and morbid ideas, as if they could be used to inspire his literary creativity. So exhilarating does he find his distaste for life that he suggests that, "he who succeeds in acquiring them has a future which makes everything prosper; success as well as defeat."[10] Such frank description of his emotional spasms makes him confess that success for him is as difficult to bear as much as a failure. One and the other cause him headache.

The feeling of sublime futility with regard to everything that life entails goes hand in hand with Cioran's pessimistic attitude towards the rise and fall of states and empires. His vision of the circulation of historical time recalls Vico's corsi e ricorsi, and his cynicism about human nature draws on Spengler's "biology" of history. Everything is a merry-go-round, and each system is doomed to perish the moment it makes its entrance onto the historical scene. One can detect in Cioran's gloomy prophecies the forebodings of the Roman stoic and emperor Marcus Aurelius, who heard in the distance of the Noricum the gallop of the barbarian horses, and who discerned through the haze of Panonia the pending ruin of the Roman empire. Although today the actors are different, the setting remains similar; millions of new barbarians have begun to pound at the gates of Europe, and will soon take possession of what lies inside:

Regardless of what the world will look like in the future, Westerners will assume the role of the Graeculi of the Roman empire. Needed and despised by new conquerors, they will not have anything to offer except the jugglery of their intelligence, or the glitter of their past. [11]

Now is the time for the opulent Europe to pack up and leave, and cede the historical scene to other more virile peoples. Civilization becomes decadent when it takes freedom for granted; its disaster is imminent when it becomes too tolerant of every uncouth outsider. Yet, despite the fact that political tornados are lurking on the horizon, Cioran, like Marcus Aurelius, is determined to die with style. His sense of the tragic has taught him the strategy of ars moriendi, making him well prepared for all surprises, irrespective of their magnitude. Victors and victims, heroes and henchmen, do they not all take turns in this carnival of history, bemoaning and bewailing their fate while at the bottom, while taking revenge when on top? Two thousand years of Greco-Christian history is a mere trifle in comparison to eternity. One caricatural civilization is now taking shape, writes Cioran, in which those who are creating it are helping those wishing to destroy it. History has no meaning, and therefore, attempting to render it meaningful, or expecting from it a final burst of theophany, is a self-defeating chimera. For Cioran, there is more truth in occult sciences than in all philosophies that attempt to give meaning to life. Man will finally become free when he takes off the straitjacket of finalism and determinism, and when he realizes that life is an accidental mistake that sprang up from one bewildering astral circumstance. Proof? A little twist of the head clearly shows that "history, in fact, boils down to the classification of the police: "After all, does not the historian deal with the image which people have about the policeman throughout epochs ?"[12] To succeed in mobilizing masses in the name of some obscure ideas, to enable them to sniff blood, is a certain avenue to political success. Had not the same masses which carried on their shouldered the French revolution in the name of equality and fraternity, several years later also brought on their shoulders an emperor with new clothes--an emperor on whose behalf they ran barefoot from Paris to Moscow, from Jena to Dubrovnik? For Cioran, when a society runs out of political utopia there is no more hope, and consequently there cannot be any more life. Without utopia, writes Cioran, people would be forced to commit suicide; thanks to utopia they commit homicides.

Today there are no more utopias in stock. Mass democracy has taken their place. Without democracy life makes little sense; yet democracy has no life of its own. After all, argues Cioran, had it not been for a young lunatic from the Galilee, the world would be today a very boring place. Alas, how many such lunatics are hatching today their self-styled theological and ideological derivatives! "Society is badly organized, writes Cioran, "it does nothing against lunatics who die so young."[13] Probably all prophets and political soothsayers should immediately be put to death, "because when the mob accepts a myth--get ready for massacres or better yet for a new religion."[14]

Unmistakable as Cioran's resentments against utopia may appear, he is far from deriding its creative importance. Nothing could be more loathsome to him than the vague cliche of modernity that associates the quest for happiness with a peaceful pleasure-seeking society. Demystified, disenchanted, castrated, and unable to weather the upcoming storm, modern society is doomed to spiritual exhaustion and slow death. It is incapable of believing in anything except in the purported humanity of its future blood-suckers. If a society truly wishes to preserve its biological well-being, argues Cioran, its paramount task is to harness and nurture its "substantial calamity;" it must keep a tally of its own capacity for destruction. After all, have not his native Balkans, in which secular vampires are today again dancing to the tune of butchery, also generated a pool of sturdy specimen ready for tomorrow's cataclysms? In this area of Europe, which is endlessly marred by political tremors and real earthquakes, a new history is today in the making--a history which will probably reward its populace for the past suffering.

Whatever their past was, and irrespective of their civilization, these countries possess a biological stock which one cannot find in the West. Maltreated, disinherited, precipitated in the anonymous martyrdom, torn apart between wretchedness and sedition, they will perhaps know in the future a reward for so many ordeals, so much humiliation and for so much cowardice.[15]

Is this not the best portrayal of that anonymous "eastern" Europe which according to Cioran is ready today to speed up the world history? The death of communism in Eastern Europe might probably inaugurate the return of history for all of Europe. Conversely, the "better half" of Europe, the one that wallows in air-conditioned and aseptic salons, that Europe is depleted of robust ideas. It is incapable of hating and suffering, and therefore of leading. For Cioran, society becomes consolidated in danger and it atrophies in peace: "In those places where peace, hygiene and leisure ravage, psychoses also multiply... I come from a country which, while never learning to know the meaning of happiness, has also never produced a single psychoanalyst."[16] The raw manners of new east European cannibals, not "peace and love" will determine the course of tomorrow's history. Those who have passed through hell are more likely to outlive those who have only known the cozy climate of a secular paradise.

These words of Cioran are aimed at the decadent France la Doulce in which afternoon chats about someone's obesity or sexual impotence have become major preoccupations on the hit-parade of daily concerns. Unable to put up resistance against tomorrow's conquerors, this western Europe, according to Cioran, deserves to be punished in the same manner as the noblesse of theancien régime which, on the eve of the French Revolution, laughed at its own image, while praising the image of the bon sauvage. How many among those good-natured French aristocrats were aware that the same bon sauvage was about to roll their heads down the streets of Paris? "In the future, writes Cioran, "if mankind is to start all over again, it will be with the outcasts, with the mongols from all parts, with the dregs of the continents.."[17]  Europe is hiding in its own imbecility in front of an approaching catastrophe. Europe? "The rots that smell nice, a perfumed corpse." [18]

Despite gathering storms Cioran is comforted by the notion that he at least is the last heir to the vanishing "end of history." Tomorrow, when the real apocalypse begins, and as the dangers of titanic proportions take final shape on the horizon, then, even the word "regret" will disappear from our vocabulary. "My vision of the future," continues Cioran is so clear, "that if I had children I would strangle them immediately."[19]

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After a good reading of Cioran's opus one must conclude that Cioran is essentially a satirist who ridicules the stupid existential shiver of modern masses. One may be tempted to argue that Cioran offers aan elegant vade-mecum for suicide designed for those, who like him, have thoroughly delegitimized the value of life. But as Cioran says, suicide is committed by those who are no longer capable of acting out optimism, e.g. those whose thread of joy and happiness breaks into pieces. Those like him, the cautious pessimists, "given that they have no reason to live, why would they have a reason to die?" [20] The striking ambivalence of Cioran's literary work consists of the apocalyptic forebodings on the one hand, and enthusiastic evocations of horrors on the other. He believes that violence and destruction are the main ingredients of history, because the world without violence is bound to collapse. Yet, one wonders why is Cioran so opposed to the world of peace if, according to his logic, this peaceful world could help accelerate his own much craved demise, and thus facilitate his immersion into nothingness? Of course, Cioran never moralizes about the necessity of violence; rather, in accordance with the canons of his beloved reactionary predecessors Josephe de Maistre and Nicolo Machiavelli, he asserts that "authority, not verity, makes the law," and that consequently, the credibility of a political lie will also determine the magnitude of political justice. Granted that this is correct, how does he explain the fact that authority, at least the way he sees it, only perpetuates this odious being from which he so dearly wishes to absolve himself? This mystery will never be known other than to him. Cioran admits however, that despite his abhorrence of violence, every man, including himself is an integral part of it, and that every man has at least once in his life contemplated how to roast somebody alive, or how to chop off someone's head:

Convinced that troubles in our society come from old people, I conceived the plan of liquidating all citizens past their forties--the beginning of sclerosis and mummification. I came to believe that this was the turning point when each human becomes an insult to his nation and a burden to his community... Those who listened to this did not appreciate this discourse and they considered me a cannibal... Must this intent of mine be condemned? It only expresses something which each man, who is attached to his country desires in the bottom of his heart: liquidation of one half of his compatriots.[21]

Cioran's literary elitism is unparalleled in modern literature, and for that reason he often appears as a nuisance for modern and sentimental ears poised for the lullaby words of eternal earthly or spiritual bliss. Cioran's hatred of the present and the future, his disrespect for life, will certainly continue to antagonize the apostles of modernity who never tire of chanting vague promises about the "better here-and-now." His paradoxical humor is so devastating that one cannot take it at face value, especially when Cioran describes his own self. His formalism in language, his impeccable choice of words, despite some similarities with modern authors of the same elitist caliber, make him sometimes difficult to follow. One wonders whether Cioran's arsenal of words such as "abulia," "schizophrenia," "apathy," etc., truly depict a nevrosé which he claims to be.

If one could reduce the portrayal of Cioran to one short paragraph, then one must depict him as an author who sees in the modern veneration of the intellect a blueprint for spiritual gulags and the uglification of the world. Indeed, for Cioran, man's task is to wash himself in the school of existential futility, for futility is not hopelessness; futility is a reward for those wishing to rid themselves of the epidemic of life and the virus of hope. Probably, this picture best befits the man who describes himself as a fanatic without any convictions--a stranded accident in the cosmos who casts nostalgic looks towards his quick disappearance.

To be free is to rid oneself forever from the notion of reward; to expect nothing from people or gods; to renounce not only this world and all worlds, but salvation itself; to break up even the idea of this chain among chains. (Le mauvais demiurge, p. 88.)

Notes:

[1Emile Cioran, "Syllogismes de l'amertume" (Paris: Gallimard, 1952), p. 72 (my translation)     return to text

[2"De l'inconvénient d'être né" (Paris: Gallimard, 1973), p. 161-162. (my translation) (The Trouble with Being Born, translated by Richard Howard: Seaver Bks., 1981)     return to text

[3Cioran, "Le mauvais démiurge" ( Paris: Gallimard, 1969), p. 63. (my translation)     return to text

[4"Syllogismes de l'amertume", p. 87. (my trans.)     return to text

[5Ibid., p. 176.     return to text

[6"De l'inconvénient d'être né", p. 11. (my trans.)     return to text

[7Ibid., p. 29.     return to text

[8Ibid., p. 23.     return to text

[9Ibid., p. 141.     return to text

[10"Syllogismes de l'amertume", p. 61. (my trans.)     return to text

[11"La tentation d'exister", (Paris: Gallimard, 1956), p. 37-38. (my trans.) (The temptation to exist, translated by Richard Howard; Seaver Bks., 1986)     return to text

[12"Syllogismes de l'amertume", p. 151. (my trans.)     return to text

[13Ibid., p. 156.     return to text

[14Ibid., p. 158.     return to text

[15"Histoire et utopie" (Paris: Gallimard, 1960), p. 59. (my trans.) ( History and Utopia, trans. by Richard Howard, Seaver Bks., 1987).     return to text

[16Syllogismes de l'amertume, p. 154. (my trans.)     return to text

[17Ibid., p. 86.     return to text

[18"De l'inconvénient d'être né", p. 154. (my trans.)     return to text

[19Ibid. p. 155.     return to text

[20"Syllogismes de l'amertume", p. 109.     return to text

[21"Histoire et utopie" (Paris: Gallimard, 1960), p. 14. (my trans.)        return to text

 

mercredi, 22 octobre 2008

Entretien avec Aurel Cioran

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Entretien avec Aurel Cioran

 

Q.: Dans la nouvelle nomenclature des rues de Bucarest, on trouve aujourd'hui le nom de Mircea Eliade, mais à Sibiu, il n'y a pas encore de rue portant le nom d'Emil Cioran. Que représente Cioran pour ses concitoyens de Sibiu à l'heure actuelle?

 

AC: Donner un nom à une rue ou à une place dépend des autorités municipales. Normalement, il faut qu'un peu de temps passe après la mort d'une personnalité pour que son nom entre dans la toponymie. Quant à ce qui concerne les habitants de Sibiu et en particulier les intellectuels locaux, ils ne seront pas en mesure de donner une réponse précise à votre question.

 

Q.: Je vais vous la formuler autrement. Dans une ville où il y a une faculté de théologie, comment est accueilli un penseur aussi négativiste (du moins en apparence...) que votre frère?

 

AC: Vous avez bien fait d'ajouter “en apparence”. Dans un passage où il parle de lui-même à la troisième personne et qui a été publié pour la première fois dans les “œuvres complètes” de Gallimard, mon frère parle très exactement du “paradoxe d'une pensée en apparence négative”. Il écrit: «Nous sommes en présence d'une œuvre à la fois religieuse et antireligieuse où s'exprime une sensibilité mystique». En effet, je considère qu'il est totu-à-fait absurde de coller l'étiquette d'“athée” sur le dos de mon frère, comme on l'a fait depuis tant d'années. Mon frère parle de Dieu sur chacune des pages qu'il a écrites, avec les accents d'un véritable mystique original. C'est justement sur ce thème que je suis intervenu lors d'un symposium qui a eu lieu ici à Sibiu. Je vais vous citer un autre passage qui remonte à 1990 et qui a été publié en roumain dans la revue Agorà: «Personnellement, je crois que la religion va beaucoup plus en profondeur que toute autre forme de réflexion émanant de l'esprit humain et que la vraie vision de la vie est la vision religieuse. L'homme qui n'est pas passé par le filtre de la religion et qui n'a jamais connu la tentation religieuse est un homme vide. Pour moi, l'histoire universelle équivaut au déploiement du péché originel et c'est de ce côté-là que je me sens le plus proche de la religion».

 

Q.: Parlons un peu des rapports entre Emil Cioran et les lieux de son enfance et de sa jeunesse. Vous demandait-il de lui parler de Rasinari et de Sibiu?

 

AC: Il se souvenait de choses que moi j'avais complètement oubliées. Un jour, il m'a dit au téléphone: «Je vois chaque pierre des rues de Rasinari». Pendant toute sa vie, il a conservé en son fors intérieur les images avec lesquelles il a quitté la Roumanie.

 

Q.: Il n'a jamais manifesté le désir de revenir?

 

AC: Quand nous nous sommes séparés en 1937, il m'a dit, en avalant sa salive, dans le train: «Qui sait quand nous nous reverrons». Et nous ne nous sommes revus que quarante ans plus tard, mais pas dans notre pays. Il a toujours désiré revenir. En 1991, il a été sur le point de s'embarquer pour la Roumanie. C'est alors que la maladie l'a frappé, qu'il a dû rentrer à l'hôpital. Dans ces derniers moments, il a été contraint d'utiliser une chaise roulante. Il craignait forcément de voir une réalité toute autre, s'il était revenu. Et effectivement il y a eu beaucoup de changements; à Rasinari, la composition sociale a complètement changé: quasi la moitié des habitants du village travaillent à la ville, ce qui conduit forcément à un changement de mentalité. Tout est bien différent du temps où nous étions adolescents. A Rasinari, nous étions des gamins de rue, nous allions en vadrouille toute la journée à travers champs, forêts et rivières...

 

Q.: ... et à Coasta Boacii.

 

AC: Oui, en effet, il évoquait sans cesse, avec énormément de regrets, ce paradis qu'était Coasta Boacii. «A quoi bon avoir quitté Coasta Boacii?», disait-il. Ensuite, il y avait ce pacage, près de Paltinis, où nous nous rendions tous les étés. Nous y restions un mois, dans une baraque tellement primitive, située dans une clairière où régnait une atmosphère extraordinaire.

 

Q.: Vous avez été très proche de votre frère non seulement dans les années d'enfance mais aussi pendant votre adolescence et votre jeunesse. Parlez-moi de vos expériences communes...

 

AC: Nous assistions aux cours de Nae Ionescu à l'Université. Ce professeur était une figure extraordinaire! Beaucoup de gens venaient l'écouter et pas seulement des étudiants. Mon frère y retournait même après avoir quitté l'université, pour rendre visite au professeur. Un jour, dès que la leçon fut terminée, Nae Ionescu a demandé: «De quelles choses devrais-je encore parler?». Et mon frère, spontanément lui a répondu: «De l'ennui». Alors Nae Ionescu a prononcé deux leçons sur l'ennui. Par la suite, ses adversaires ne sachant plus quelles armes utiliser pour l'attaquer, parce qu'il était le maître à penser de toute la jeune génération d'intellectuels qui soutenaient le “Mouvement Légionnaire”, ils l'ont accusé d'être... un plagiaire! Ce genre d'attaques est une manifestation infernale... L'œuvre d'une mafia de criminels, qui a commencé par s'attaquer à Heidegger, puis à chercher à faire le procès d'Eliade...

 

 

Q.: ... et même de Dumézil!

 

AC: Toujours sous prétexte d'antisémitisme. En Roumanie, à l'époque, il y avait bien sûr de l'antisémitisme, en réaction à l'arrivée massive d'un million de juifs venus de Galicie. En ce temps-là, c'était un véritable problème. Mais j'ai l'impression que cette manœuvre visant à criminaliser Eliade, Noica et les autres intellectuels de la “jeune génération” produira des effets contraires à ceux désirés.

 

Q.: Vous avez milité dans le Mouvement Légionnaire. Avez-vous connu Corneliu Codreanu?

 

AC: C'était un homme exceptionnel à tous points de vue. Il avait du charisme. J'ai souvent dit qu'il était un trop grand homme pour le peuple roumain, trop sérieux, trop grave. Il voulait une réforme radicale, basée sur la religion. Il était un esprit très intensément religieux. Il y a encore une chose qui m'impressionne profondément aujourd'hui: la manière dont le Mouvement Légionnaire abordait les problèmes économiques. Le Mouvement avait ouvert des restaurants, des réfectoires, où l'on vous servait un très bon repas, avec du vin en quantité limitée. L'idée qui me paraissait extraordinaire, c'est que les prix n'étaient pas fixés. Chacun payait selon ses propres moyens ou selon son bon plaisir.

 

Q.: Où avez-vous connu le Capitaine?

 

AC: A Bucarest, parce que j'y étudiait la jurisprudence. Mais je l'ai rencontré deux ou trois fois dans un camp de travail légionnaire. C'était un homme exceptionnel à tous points de vue.

 

(propos recueillis à Sibiu le 3 août 1995 par Claudio Mutti et parus dans la revue Origini, n°13/février 1996; trad. franç. : Robert Steuckers).