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dimanche, 07 mars 2021

Parution du numéro 60 de la revue War Raok

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Parution du numéro 60 de la revue War Raok

EDITORIAL

Les voies du salut

Toute nation qui ne s’administre pas elle-même connaît inéluctablement une rapide décadence.

Il est vain pour un peuple de lutter si l’on a pas d’abord pris conscience des données fondamentales qui déterminent son aliénation. Nous voulons donner au peuple breton une forme qui empêche sa disparition et permettre son retour à la dynamique de l’histoire. Notre volonté d’émancipation n’est pas un enfermement : elle s’ouvre sur la reconquête d’un espace global, exigence de la géopolitique la plus réaliste. Gardons-nous d’un exclusivisme ethnique mal compris. La légitime préservation de nos caractères ethniques ne doit pas être un repli sur soi-même, même si nous pouvons être séduits par l’expression : « patriotisme ethnique » qui fixe des critères généraux et permet de parler de communauté nationale.

Dans l’Europe actuelle, Europe en pleine mutation, ce sont les nations sans État, les peuples aux droits bafoués, qui sont une nouvelle fois au premier rang des revendications. La rumeur vient d’Écosse, de Catalogne, du Pays Basque, de Flandre, de Corse ou de Bretagne, comme naguère des Pays Baltes ou d’Irlande… Partout renaissent des tensions légitimes qu’on aurait cru éteintes, et la marée des peuples opprimés bat aux portes du vieux continent.

 La Bretagne depuis le traité d’union en 1532 (en fait il ne s’agit nullement d’un traité mais d’un simple acte interne à la France n’ayant aucun effet juridique en Bretagne), et plus encore depuis l’annexion de 1790, en donne un frappant exemple. De par sa position excentrée, la Bretagne n’a jamais offert pour l’État français qui en dispose aujourd’hui, que l’intérêt que l’on accorde à une zone stratégique ou à une colonie.

La nouvelle république française ne s’est jamais préoccupée de favoriser le développement industriel et commercial de ce petit peuple dont elle a rayé le nom de la carte et dont elle affecte d’ignorer l’existence. Son organisation d’essence révolutionnaire, centraliste et unitaire lui interdit de tenir aucun compte des spécificités et des intérêts particuliers de la Bretagne et son statut d’autonomie est de fait aboli unilatéralement par la force et sans le consentement et la participation des Bretons. C’est ainsi qu’un pays jadis des plus riches, à l’époque de sa souveraineté, devient une nation léthargique restée en marge de tout développement et progrès, qu’ont pu atteindre, parce ce que restées maîtresses de leurs destinées, d’autres petites nations comme la Norvège, le Danemark ou encore l’Islande. 

Nous sommes en 2021. Les choses ont-elles évolué ? Je vous répondrai, oui et non.

Non du fait de la France qui poursuit inexorablement sa politique coloniale, qui persiste à enfermer le peuple breton dans une caserne administrative, dans une camisole centraliste, impérialiste et continue à vivre à l’heure napoléonienne.

Oui, parce que les Bretons se sont tournés, non vers le passé, mais vers l’avenir et, depuis maintenant de nombreuses années, ils ont su relever maints défis. La Bretagne peut ainsi s’honorer d’être devenue très compétitive dans de nombreux secteurs d’activités, tant au niveau européen qu’international.

La jeune Bretagne a renoué avec ses racines et est à ce jour fière de son identité. Elle refuse la politique d’assimilation et d’uniformisation de l’État français.

La Jeune Bretagne relève la tête et nombreux sont ceux qui rêvent de République bretonne ! La guérison serait-elle au bout du chemin ?

Voilà, succinctement énoncé, ce que nous, patriotes bretons, voulons, ce que notre peuple est en droit d’exiger pour sa prospérité matérielle, pour son épanouissement intellectuel et moral, au nom de la sagesse politique dont il a toujours fait preuve dans le passé, au cours de mille années d’indépendance et de trois cents ans d’autonomie.

A la France de dire si elle est disposée à donner satisfaction aux aspirations légitimes du peuple breton, ou si elle fait litière de ses beaux principes de liberté qu’elle-même continue à répandre dans le monde...

A la France de dire si nous devons encore avoir le moindre espoir ? La moindre confiance en ce pays qui nous a coûté trop de sang et de larmes.

Nos chers voisins sont-ils enfin disposés à s’incliner devant nos droits ou, si pour demeurer et rester Bretons, seul le divorce reste la solution ? Une chose est certaine, l’Europe des peuples est en marche. Les communautés ethniques relèvent fièrement la tête et amorcent un début de souveraineté.

Da c’hortoz donedigezh ur wir Republik vrezhon…

Padrig MONTAUZIER

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SOMMAIRE N°60

Buhezegezh vreizh page 2

Editorial page 3 (Padrig Montauzier).

Buan ha Buan page 4

Politique :

Faut-il recommencer les Croisades ? Page 11 (Erwan Houardon).

Billet d’humeur :

Sommes-nous obligés de les croire ? Page 14 (Riec Cado).

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Tradition :

Le symbolisme du sanglier page 16 (Gérard Thiemmonge).

Hent an Dazont :

Votre cahier de 4 pages en breton page 19 (Tepod Mab Kerlevenez hag An Deureugenn).

Tribune libre :

Pour une écologie cohérente et intégrale page 23 (Dominique Baettig).

Histoire de Bretagne :

Les Amazones de la Chouannerie page 25 (Youenn Caouissin).

Environnement :

Agriculture et écologie : cap vers la réconciliation ! Page 28 (Mael Le Cosquer).

Civilisation bretonne :

Le principe féminin, origine primordiale page 31 (Fulup Perc’hirin).

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Nature :

Le héron cendré, le monsieur échasses de nos étangs page 35 (Youenn Caouissin).

Lip-e-bav :

Le gâteau nantais et gâteau à la peau de lait page 37 (Youenn ar C’heginer).

Keleier ar Vro :

Na stok ket ouzh ma c’hroaz page 38 (Meriadeg de Keranflec’h).

Bretagne sacrée :

Les Roches du Diable page 39 ( Per Manac’h).

lundi, 31 août 2020

Barry Cunliffe: Who Were the Celts?

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Barry Cunliffe: Who Were the Celts?

 
 
Shallit Lecture given at BYU on March 17, 2008. The Celts living in the middle of Europe were the fearsome opponents of the Greeks and Romans and in c. 390 B.C. they actually besieged Rome. The classical writers have much to say about their warlike activities but where did they come from? Until recently it used to be thought that they emerged in Eastern France and Southern Germany and spread westwards to Spain, Brittany, Britain and Ireland taking their distinctive language with them which survives today as Breton, Welsh, Gaelic and Irish. But recent work is suggesting that the Celtic language may have developed in the Atlantic zone of Europe at a very early date, and DNA studies offer some support to this. So who were the Celts? We will explore the evidence and try to offer an answer.
 

09:01 Publié dans archéologie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : archéologie, celtes, peuples celtiques, barry cunliffe | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

samedi, 07 mai 2016

The Ancient Paths: Discovering the Lost Map of Celtic Europe

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The Ancient Paths: Discovering the Lost Map of Celtic Europe, review

Tim Martin has his eyes opened by an enthralling new history that argues that Druids created a sophisticated ancient society to rival the Romans

paths._SX326_BO1,204,203,200_.jpg'Important if true” was the phrase that the 19th-century writer and historian Alexander Kinglake wanted to see engraved above church doors. It rings loud in the ears as one reads the latest book by Graham Robb, a biographer and historian of distinction whose new work, if everything in it proves to be correct, will blow apart two millennia of thinking about Iron Age Britain and Europe and put several scientific discoveries back by centuries.

Rigorously field-tested by its sceptical author, who observes drily that “anyone who writes about Druids and mysteriously coordinated landscapes, or who claims to have located the intersections of the solar paths of Middle Earth in a particular field, street, railway station or cement quarry, must expect to be treated with superstition”, it presents extraordinary conclusions in a deeply persuasive and uncompromising manner. What surfaces from these elegant pages – if true – is nothing less than a wonder of the ancient world: the first solid evidence of Druidic science and its accomplishments and the earliest accurate map of a continent.

Robb begins his journey from a cottage in Oxfordshire, following up a handful of mysteries that had teasingly accrued as he assembled his Ondaatje Prize-winning travelogue The Discovery of France.

They had to do with the Heraklean Way, an ancient route that runs 1,000 miles in a straight line from the tip of the Iberian Peninsula to the Alps, and with several Celtic settlements called Mediolanum arranged at intervals along the route.

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After examining satellite imaging (difficult for the private scholar even a decade ago) and making several more research trips, Robb bumped up against two extraordinary discoveries. First, the entire Via Heraklea runs as straight as an arrow along the angle of the rising and setting sun at the solstices. Second, plotting lines through the Celtic Mediolanum settlements results in lines that map on to sections of Roman road, which themselves point not to Roman towns but at Celtic oppida farther along.

Viewed in this light, the ancient texts of the Italian conquerors begin to reveal sidelong secrets about the people they supplanted. Piece by piece, there emerges a map of the ancient world constructed along precise celestial lines: a huge network of meridians and solar axes that served as the blueprint for the Celtic colonisation of Europe, dictated the placement of its settlements and places of worship, and was then almost wholly wiped from history. We are, to put it mildly, unused to thinking like this about the Celts, whose language is defunct and whose reputation was comprehensively rewritten by those who succeeded them.

Greek travellers from the sixth century BC onwards described a nation of sanguinary brutes and madmen who threw their babies in rivers, walked with their swords into the sea and roughly sodomised their guests. “It does not take an anthropologist to suspect,” Robb observes drily, “that what the travellers saw or heard about were baptismal rites, the ceremonial dedication of weapons to gods of the lower world, and the friendly custom of sharing one’s bed with a stranger.”

Later on, clean-shaven, toga-sporting Roman visitors to what they called Gallia Bracata and Gallia Comata – Trousered Gaul and Hairy Gaul respectively – were horrified by the inhabitants’ practical legwear and love of elaborate moustaches, and marvelled to hear them discoursing not in gnarly Gaulish but in perfect Greek.

As the Roman military machine rolled over Europe, depicting the Celt as a woods-dwelling wild man became not just a matter of Italian snobbery but one of propagandist utility. According to Robb, when the Romans arrived this side of the Alps, they found a country whose technical achievements were different from, but competitive with, their own.

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Mapped and governed by a network of scholar-priests according to a template laid down in heaven, covered by a road network that afforded swift passage to fleets of uniquely advanced chariots (“nearly all the Latin words for wheeled vehicles”, Robb notes, “come from Gaulish”) and possessing astronomical and scientific knowledge that would take another millennium to surface again, Gaul remained a deeply enigmatic place to its military-minded conquerors. When Julius Caesar swept through, on a tide of warfare and genocide that would lead his countryman Pliny to accuse him of humani generis iniuria, “crimes against humanity”, much of its knowledge retreated to the greenwood, never to emerge.

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Most significantly, suggests Robb, Caesar failed to work out the Druids. To most of us even now, the word conjures up the image of a white-robed seer with a sickle, an implausible hybrid of Getafix and Glastonbury hippie. (Robb suggests, following the design on a Gaulish cauldron, that they tended more towards a figure-hugging costume patterned like oak bark: much better for melting like smoke into the trees, a trait of Druid-led armies that Caesar vigorously deplored.) The Druidic curriculum took two decades to train up its initiates, but these men of science put nothing in writing. Like their wood-built houses, their secrets rotted with time. How could we hope to reconstruct them?

Remarkably, Robb has an answer to this, and it forms the centre of a book almost indecently stuffed with discoveries. One of the most consistently baffling things about Celtic temple sites to modern surveyors is their shape: warped rectangles that seem none the less to demonstrate a kind of systematic irregularity. Using painstakingly reconstructed elements of the Druidic education, which placed religious emphasis on mapping the patterns of the heavens on to the lower “Middle Earth” of our world, Robb comes up with an astonishing discovery: these irregular rectangles exactly match a method for constructing a geometrical ellipse, the image of the sun’s course in the heavens. Such a method was previously thought to be unknown in the West until the 1500s.

Other suggestions follow thick and fast, backed by a mixture of close reading, mathematical construction and scholarly detective work. Building on meridians and equinoctial lines, the Druids used their maps of the heavens to create a map that criss-crossed a continent, providing a plan of sufficient latitudinal and longitudinal accuracy to guide the Celtic diaspora as it pushed eastward across Europe.

The swirls and patterns in Celtic art turn out, Robb surmises, to be arranged along rigorous mathematical principles, and may even encode the navigational and cartographic secrets that the Druids so laboriously developed.

Robb manages his revelations with a showman’s skill, modestly conscious that his book is unfurling a map of Iron Age Europe and Britain that has been inaccessible for millennia. Every page produces new solutions to old mysteries, some of them so audacious that the reader may laugh aloud. Proposing a new location for Uxellodunum, the site of the Gauls’ final losing battle in France, is one thing; suggesting where to look for King Arthur’s court, or which lake to drag for Excalibur, is quite another. But both are here.

Amid such riches, readers of The Discovery of France – a glorious book that mixed notes from a modern cycling tour with a historical gazetteer of pre-unification France – may still be itching for the moment when the author gets back on his bike. Beautifully written though it is, The Ancient Paths can tend to dryness at times, but some of its best moments come when the author gets out into the field.

One example will suffice. Certain references in Caesar’s writing indicate that the Gauls operated a vocal telegraph, composed of strategically placed teams yodelling news overland to one another, which passed messages at a speed nearly equivalent to the first Chappe telegraph in the 18th century. To judge how this might have worked, Robb takes himself off to the oppidum above Aumance, near Clermont-Ferrand, where he reports on the car alarms and the whirr of traffic still audible across countryside four kilometres away.

He goes further. Aumance was one of around 75 places once known by the name Equoranda, a word with an unknown root that resembles the Greek and Gaulish for “sound-line” or “call-line”. All the Equoranda settlements Robb visits turn out to be on low ridges or shallow valleys, and would, he writes, “have made excellent listening posts”. Examined in this light, one word in Caesar’s account becomes fruitful: he observes that the Gauls “transmit the news by shouting across fields and regios”, a word that can be translated as “boundaries”. An ancient Persian technique for acoustic surveying, still current in the 19th-century south of France, involves three men calling to one another and plotting their position along the direction of the sound. Put the pieces together and you end up – or Robb does – with “the scattered remains of a magnificent network” that could have acted not just as a telegraph system but as a means to map the Druids’ boundaries on to the earth.

It’s a magnificent piece of historical conjecture, backed by a quizzical scholarly intellect and given a personal twist by experiment. So, for that matter, is

the whole thing. Robb describes in his introduction the secretive meetings with publishers in London and New York that kept a lid on the book’s research until publication, and watching its conclusions percolate through popular and academic history promises to be thrilling.

Reading it is already an electrifying and uncanny experience: there is something gloriously unmodern about seeing a whole new perspective on history so comprehensively birthed in a single book. If true, very important indeed.

The Ancient Paths: Discovering the Lost Map of Celtic Europe, by Graham Robb (Picador, RRP £20, Ebook £6.02), is available to order from Telegraph Books at £26 + £1.35p&p. Call 0844 871 1515 or visit books.telegraph.co.uk

 

vendredi, 22 janvier 2016

Boudicca: Königin und Kriegerin

Boudicca: Königin und Kriegerin

Wir schreiben das Jahr 60 n. Chr. In einer weit entfernten Provinz des römischen Reiches, in Britannia, stieg aus einem Aufruhr eine Königin und Kriegerin namens Boudicca hervor. Das unbeholfene Geschick der römischen Besatzer erregte den Zorn der Briten. Der Tropfen, der das Fass schließlich zum überlaufen brachte, war die befohlene Vergewaltigung der Töchter Boudiccas durch römische Soldaten und die Auspeitschung der Kriegerin selbst. Boudiccas Antwort war die Erschaffung einer mächtigen Armee, die den Kampf mit Rom aufnehmen sollte.

mercredi, 25 février 2015

Boadicée une reine guerrière Celte contre l'empire romain

Boadicée, une reine guerrière celte contre l'empire romain

lundi, 12 janvier 2009

Les Gallois: une nation qui refuse de mourir

 

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES / VOULOIR - 1989

 

Les Gallois: une nation qui refuse de mourir

 

par Gwyn DAVIES

 

Je voudrais vous parler aujourd'hui du Pays de Galles et des Gallois, une nation à laquelle on dénie le droit de vouer un culte à son héritage et d'avoir sa place ju­ridiquement parlant au sein de l'ordre international des Etats. Et pourtant cette nation survit toujours sous une forme re­connaissable et conserve tous les attributs né­cessaires d'un Etat, même si des forces exté­rieures l'empêchent d'exercer sa fonction souve­raine en toute indépendance. Cette nation a ma­gnifiquement résisté à la culture étrangère qu'on lui a imposée, une culture perverse, envahis­sante qui a déjà corrompu et édul­coré bien des peuples dans le monde.

 

A notre époque, où l'auto-détermination est in­voquée comme un droit naturel de l'homme et où les mouve­ments de libération nationale dans le tiers-monde sont acceptés avec la ferveur des croisades, il s'avère tout à fait impossible de contester intellectuellement la légi­timité de la lutte pour la liberté des populations indi­gènes d'Europe, enfermées dans les structures éta­tiques actuellement existantes. Nous sommes au cré­puscule des empires coloniaux et les derniers restes de ces vieilles instances peuvent aisément se repérer dans les colonies intérieures, retran­chées à l'intérieur même des frontières de la plupart des Etats européens mo­dernes. Le Pays de Galles est l'une de ces colonies.

 

C'est un objet d'étonnement pour tous d'apprendre que ce promontoire occidental des Iles Britanniques ait pu maintenir son identité et son caractère face à l'hostilité incessante de la puissance occupante au cours de près de vingt siècles. C'est l'histoire de cette résistance re­marquable que je vais tenter de vous ré­sumer aujourd'hui.

 

Du départ des légions romaines à l'époque arthurienne

 

Après le départ des légions romaines au début du Vième siècle, la province de Britannia dut assumer seule sa défense. L'historien grec Zo­zime nous relate cet épisode: «Les Bretons pri­rent les armes et, bravant le danger pour la sau­vegarde de leur indépendance, li­bérèrent les ci­tés des barbares qui les menaçaient». Les en­nemis des Bretons étaient nombreux et mena­çaient l'île de toutes parts. Le danger majeur, toute­fois, était représenté par l'invasion et l'installation sur les côtes est et sud de tribus germaniques migrantes, connues sous le nom collectif de Saeson,  ainsi que les nommait la population autochtone.

 

Pendant cette période romantique, cet «âge hé­roïque», l'Etat romano-breton se fragmenta en plusieurs petits sous-royaumes guerroyant entre eux. Chaque regulus luttait pour établir sa propre domination sur ces cymru (= compa­triotes), au moins avec le même zèle qu'il com­battait les barbares. Malgré les efforts de chefs comme Ambrosius Aurelianus et le légendaire Arthur, les Saeson  (que nous appelerons "Anglais" par faci­lité dans la suite de ce texte) poursuivirent inlassable­ment leur avance vers l'Ouest.

 

En 577, la bataille de Dyrham coupa les Bre­tons du sud-ouest de leurs compatriotes du nord. En 615, la bataille fatidique de Chester interrompit les communi­cations entre Ystrad Clud, le «Vieux Nord» et la ré­gion que l'on ap­pelera par la suite le «Pays de Galles».

 

A cette époque où les Anglais s'accrochent et s'installent, les Bretons parvinrent quand même à re­pousser des envahisseurs irlandais qui s'étaient établis sur leurs côtes occidentales. De puissantes dynasties s'imposèrent à Gwynedd, Deheubarth et Powys dans l'actuel Pays de Galles. Ce sont ces dynasties qui in­carnèrent au mieux la résistance des Gallois à l'agression an­glaise, agression violente dont témoigne l'horrible massacre de 1200 moines à Bargor-Is-Coed par Aethelfrith, Roi de Northumbrie. Ce grand mo­nastère et scriptorium  était un centre d'érudition et témoignait de la continuité de la civilisation romaine, dont les Bretons étaient les fidèles héritiers.

 

Le triomphe des Northumbriens à Chester per­mit d'étendre la puissance anglaise dans tout le pays bre­ton, situation qui connut son point cul­minant dans l'invasion de Gwynedd et la fuite de Cadwallon, son souverain, en Irlande.

 

Mais Cadwallon ne devait pas mourir ignomi­nieuse­ment en exil. Dès son retour, il leva une armée contre les Anglais qui furent mis en déroute en 632 à la ba­taille de Meigen. Leur chef, le puissant Edwin, mou­rut au com­bat. On apprend, par la plume de Bède le «Vénérable», propagandiste anti-breton viru­lent, quelles étaient les intentions de Cadwal­lon: «totum ge­nus Anglorum Brittaniae finibus erasorum se esse deliberans» («ils complotè­rent entre eux d'exterminer toute la race des Anglais présente dans le pays de Bretagne»). Que Cadwallon ait ou non planifié un tel géno­cide, il est clair que ses actions visaient la restau­ration de la domination bretonne dans les territoires conquis par les Anglais.

 

Le grand projet de Cadwallon ne se réalisa pas à cause de son décès précoce. Toutefois, sa marche vers l'est détruisit la prééminence de la Northumbrie. Les Bre­tons du Pays de Galles, bien que coupés de leurs frères du Nord, n'auront plus jamais à faire face à un danger an­glo-saxon aussi mortel pour leur existence.

 

Arrêt de la progression anglaise et guerres intestines

 

Les quatre siècles qui suivirent connurent bien des aléas, chanceux et malchanceux. Gallois et Anglais luttèrent pour déterminer le tracé de leur frontière commune, laquelle fut effective­ment fixée, grosso modo contiguë à celle d'aujourd'hui. Les Anglais dressèrent la Offa's Dyke  (= la Digue d'Offa), une ligne de fortifi­cations en terre le long de la frontière, prouvant une mutation dans la philosophie politique an­glaise: les Gallois ne doivent plus être conquis mais «contenus».

 

Au-delà de la Dyke, les Gallois se livrèrent à d'incessantes querelles fratricides; des royau­mes ri­vaux se combattaient mutuellement, as­sortissant leurs luttes de changement d'alliances si rapides que l'image que nous avons de cette époque est particuliè­rement confuse. Mais le grand legs laissé à l'histoire par ces roitelets gallois, c'est le soutien qu'ils ont ac­cordé à la tradition bardique. Grâce à ce patronage, les Gallois purent atteindre un haut degré de civi­lisation, unique en soi et qui mérite parfai­tement le qualificatif de «classique». Cette culture représente l'une des plus an­ciennes traditions littéraires d'Europe. Le Ox­ford Book of Welsh Verse commence par une œuvre de Taliesin, un poète du VIième siècle. Le premier poème présenté dans le Oxford Book of English Verse  date du XIVième siècle!

 

Ces poèmes composés il y a quinze siècles nous sem­blent toujours d'une importance vitale au­jourd'hui, aussi vitale qu'au moment de leur conception. Lais­sez-moi illustrer cela en citant un vers de Y Godod­din, une élégie guerrière de Aneirin, datant du VIième siècle:

«Gwyr a aeth Gatraeth oedd ffraeth eu Llu,

Glasfedd eu harcwyn a gwerwyn fu,

Trichart trwy beiriart yn catau,

Ac wedi elwch tawelwch fu».

 

Aux yeux de beaucoup, la littérature galloise atteint son apogée dans le Mabinogion, une collection de douze récits incarnant plus de mille ans de narration bardique: ce sont des ré­cits comme Culhwch ac Ol­wen, une romance arthurienne qui anticipe l'Historia Regum Bri­tanniae de Geoffrey of Monmouth, et The Dream of Macsen Wledig,  une épopée ayant pour hé­ros central Magnus Maximus, l'Em­pe­reur Maxence, l'«usurpateur» de l'Empire d'Oc­cident au IVième siècle.

 

Un code de lois

très modernes

 

Mais les Gallois n'étaient pas que des poètes. Sous la férule d'un chef du Xième siècle, Hywel Dda («le Bon»), un code de lois complet fut es­quissé et main­tenu en pratique jusqu'à ce que la conquête anglaise ne l'annule. Ce code, rédigé en gallois, contenait des idées juridiques révo­lutionnaires pour l'époque: les femmes pou­vaient réclamer une compensation lorsqu'elles étaient battues par leurs maris et revendi­quer une part de propriété égale en cas de divorce; le vol n'était pas punissable si le but de l'acte dé­lictueux était la survie physique; un fils illégi­time avait des droits égaux au patrimoine de son père, comme tous les autres fils.

 

Jacques Chevalier écrit que «le peuple du Pays de Galles était le plus civilisé de son époque et avait at­teint le plus haut degré d'intellectualité... Le Pays de Galles au Xième siècle était le seul pays d'Europe possédant une littérature natio­nale à côté d'une litté­rature impériale en latin».

 

Les années qui ont immédiatement suivi la conquête normande de l'Angleterre furent trau­matisantes pour les Gallois. Des aventuriers normands se rassem­blaient à l'Ouest pour se tailler des fiefs et de la puis­sance. Le Pays de Galles, malgré sa division en un réseau de petits royaumes, résista aux envahisseurs avec da­vantage d'efficacité que les royaumes anglo-saxons. Lorsque les Normands tuèrent à Has­tings le Roi Harold, ils emportèrent, d'un coup, un royaume centralisé, mais lorsqu'ils élimi­naient un petit chef gallois, ils n'enregistraient qu'un succès local.

 

Néanmoins, la marée montante de la conquête nor­mande finit par battre les contreforts des royaumes gallois et, au début du XIième siècle, le destin des dynasties autochtones semblait scellé.

 

Conquête normande et

«âge des Princes»

 

Mais la tenacité des Gallois s'avéra aussi âpre que l'appétit des Normands. Dans sa Descriptio Kam­briae,  Geraldus Cambrensis, prélat «cam­bro-nor­mand» du XIIième siècle, écrit à propos des Gallois que leur esprit «est entière­ment voué à la défense de leur pays et de leur liberté; c'est pour leur pays qu'ils se battent, pour leur liberté qu'ils œuvrent; pour cela, il leur semble doux, non seulement de lutter l'épée à la main, mais aussi de mettre leur vie à dispo­sition... Lorsque sonne le clairon de la guerre, les pay­sans abandonnent leur charrue et se pré­cipitent sur leurs armes, avec la même promp­titude que le courtier vers sa cour».

 

Les historiens surnomment les 300 années qui suivi­rent la prise du pouvoir par les Normands d'«Age des Princes». Pendant toute cette pé­riode, les chefs gallois comme Owain Gwynedd et Lord Rhys de Deheubarth luttèrent vaillam­ment pour résister aux incursions étrangères et pour unir leurs turbulents sujets en une nation capable de résister aux menaces extérieures.

 

Pendant cette époque, les Gallois enregistrèrent plu­sieurs victoires importantes, comme la des­truction d'une armée normande et flamande à Crug Mawr en 1136, l'humiliation de Henri II Plantagenet à Basing­werk en 1157 et à Cadair Berwyn en 1165. Mais mal­gré ces victoires, la résistance des chefs gallois a toujours été frei­née par les guerres fratricides endé­miques. Ces luttes intestines s'expliquent pour une part par le système des héritages, lequel, même s'il est équitable, divise et partitionne les terres. Con­trai­re­ment au système de la primogéniture ap­pliqué en An­gleterre, où le fils aîné hérite de l'en­tièreté des pro­priétés de son père, en Pays de Galles, tous les fils ont droit à une part égale de la propriété paternelle, ce qui engendre des ri­valités et des antagonismes sur une base inter-familiale. Ces disputes sont alors exploi­tées, encouragées et soutenues par des forces exté­rieures et intéressées.

 

Le seul espoir de conserver l'indépendance, c'était d'établir un Etat unitaire. Les efforts de la Maison des Gwynedd visaient un tel objectif. Sous l'égide de Llywelyn Fawr ("le Grand") et de son petit-fils, Lly­welyn ap Gruffudd, les Gwynedd prouvèrent leur prédominance sur toutes les autres dynasties autoch­tones. Ce clan de chefs chercha à fonder une structure féodale semblable à celle des Normands; leur effort connut son apogée lors du Traité de Montgo­mery de 1267, par lequel la Couronne anglaise reconnaît le droit de Llywelyn ap Gruffudd à porter le titre de «Prince de Galles» et à avoir le droit de recevoir l'hommage des autres princes mineurs.

 

Les Anglais deviennent maîtres du pays

 

Une telle concession n'a pu être arrachée que par moyens militaires car les Anglais auraient autrement refusé d'abandonner leurs projets de rapines et n'auraient jamais accepté un com­promis politique. Mais inévitablement, la toute-puissance de l'Empire anglais et la volonté in­domptable d'Edouard I, combi­nées, ruinèrent les aspirations des Gwynedd. En 1282, Llywe­lyn est tué et ses terres démembrées.

 

Les succès anglais, dus aux armées nombreuses et à la finance génoise, ont été renforcés par la construc­tion d'un réseau de puissantes forte­resses garnies de garnisons permanentes, sym­boles de l'autorité royale et destinées à surveil­ler et à réprimer la population autochtone. Un chroniqueur anglais de l'époque écri­vit: «L'histoire du Pays de Galles arrive à sa fin». Ce jugement était assurément fort prématuré! Face à l'arrogance anglaise, les Gallois refusè­rent de recon­naître leur défaite.

 

Les Anglais durent déployer une formidable puissance militaire pour mater de nombreuses rébellions, dont la plus sérieuse fut celle menée par Madog ap Llywelyn en 1294-95. Ce soulè­vement, pour être contré, exigea une campagne de neuf mois et la mobilisation de 35.000 hommes. Il empêcha la réalisation du plan d'Edouard d'envahir la France.

 

De nombreux Gallois avaient fui leur pays pour se rendre en France afin de poursuivre la lutte contre l'ennemi comme l'avaient fait les Wild Geese  (= les «Oies Sauvages») d'Irlande. Le plus connu de ces exilés fut Owain Lawgoch (= «la Main Rouge»), qui se proclama Prince de Galles et Capitaine de France. Le Duc Yvain de Galles, ainsi qu'il fut baptisé par les Français, commanda la flotte française qui s'empara de Guernesey. Yvain retournait en son pays lorsque le Roi de France le rappela pour investir La Rochelle  et entrer dans le Poitou. Le Pays de Galles s'est sou­venu des gestes d'Owain et les récits contant sa bra­voure ont été chantés à profusion par les Bardes. La Couronne anglaise voyait en lui une telle menace qu'elle loua les services d'un assassin pour le tuer lors du siège de Mortagne-sur-Mer.

 

Owain Glyndwr, le plus grand et le plus célèbre des patriotes gallois

 

Mais à peine un quart de siècle s'écoule après l'assassinat du premier Owain, qu'un autre se dresse, Owain Glyndwr, le plus grand et le plus célèbre des patriotes gallois. Les exploits de ce héros inspirèrent de nombreux esprits et ce n'est pas un hasard si les nationalistes activistes gal­lois d'aujourd'hui, qui s'attaquent aux propriétés détenues par des Anglais dans tout le Pays de Galles, ont choisi de s'appeler «Meibion Glyndwr» ou «les Fils de Glyndwr».

 

Au tournant du XVième siècle, le Pays de Galles était travaillé par le ressentiment. Aucun Anglais ne pou­vait être mandé devant une cour de justice par un Gallois et dans les arrondisse­ments ruraux (les bo­roughs),  la détention des terres et le commerce étaient des privilèges ex­clusifs des planteurs anglais. Le Parlement, averti de la colère des Gallois, émit une re­marque méprisante: «Qu'avons-nous cure de ces pendards et va-nu-pieds?». Dans une telle atmo­sphère, Glyndwr fut proclamé «Prince de Galles» et, sous les acclamations ferventes de son peuple, il fut salué comme le sauveur tant attendu, le fils du destin, l'icône des prophéties bardiques.

 

De 1400 à 1415, le Pays de Galles connut le tumulte et les feux de la rébellion, menaçant du même coup la construction de l'Angleterre mo­derne. En 1404, la plus grande année de Glyndwr, le jeune chef n'avait aucun rival en Pays de Galles; même les grandes for­teresses royales de Harlech et de Aberystwyth étaient tombées entre ses mains. Cette année-là, Owain convoqua son premier parlement national à Machynl­leth et, en présence d'émissaires d'Es­pagne, de France et d'Ecosse, avec la béné­dic­tion du Pape d'Avignon, il fut couronné for­mellement Dei Gratia Princeps Walliae  (= Prin­ce de Galles par la Grâce de Dieu). On éla­bora des plans pour détacher l'Eglise du Pays de Galles de la tutelle de Canterbury et pour fon­der des universités dans le nord et le sud du pays. Ces plans attestent le projet authentique­ment national de Glyndwr.

 

La défaite de ses alliés en Angleterre, de ses co-si­gnataires du Tripartite Indenture  qui vou­laient parta­ger l'Ile de Bretagne en un nord, un sud et un ouest, pesa considérablement sur la stratégie d'Owain; même l'aide d'une armée française ne put garantir son invul­nérabilité. Entre-temps, avec toutes les res­sources de la puissance anglaise dirigées contre lui, Glyndwr perdit du terrain. Mais si l'étau royal se re­fermait sur lui, Owain ne fut jamais battu définitive­ment sur le champ de bataille. Vers 1412, ses activités se résumaient à des coups de guerilla. Les légendes entourant son personnage se multiplièrent et s'amplifièrent. Glyndwr dis­parait de la scène vers 1415 et un voile de mystère entoure sa mort. Un chroniqueur gal­lois de cette époque relate que «la majorité af­firme qu'il est mort; les devins disent qu'il n'est pas mort».

 

Les Tudor, une dynastie galloise oublieuse

de ses racines

 

Bien qu'elle ait été écrasée par un Etat dont la popula­tion était quinze fois supérieure et dont les richesses étaient incomparablement plus im­portantes, la nation galloise, par sa guerre d'indépendance, s'était signa­lée à l'attention de toute l'Europe. A la Conférence de Constance de 1415, la délégation française maintint avec succès que le Pays de Galles était une nation dis­tincte en tous points de l'Angleterre. Les efforts de Glyndwr n'avaient pas été vains.

 

Depuis l'échec de Glyndwr jusqu'aujourd'hui, il a été refusé au peuple gallois le droit à l'auto-détermina­tion. Même l'accession de Henry Tu­dor au trône d'Angleterre avec l'appui d'une ar­mée galloise, ne déboucha pas sur une recon­naissance de la spécificité galloise. En effet, le couronnement d'un roi d'Angleterre de nationa­lité galloise retarda considéra­blement la lutte de libération car les membres les plus compétents de la gentry  galloise abandonnèrent leur rôle traditionnel de chefs du gwerin  (le peuple, le Volk)  pour partir en Angleterre à la recherche de postes, de richesses et d'influence.

 

La politique des Tudor fut d'assimiler le Pays de Galles à l'Angleterre et, en conséquence, de détruire l'identité nationale distincte des Gal­lois. A cette fin, deux actes d'union passèrent en 1536 et en 1543. Le préambule de celui de 1536 mérite d'être cité ici: «... le dominion,  la princi­pauté et le pays de Galles est in­corporé, annexé, uni et soumis à et sous la Cou­ronne impériale de ce Royaume... parce que dans le dit pays, principauté et dominion  existent divers droits, usages, lois et coutumes très différents des lois et coutumes de ce Royaume et aussi parce que le peuple du dit dominion  possède un langage quotidien utilisé dans le dit dominion  ne res­semblant pas et n'ayant pas la même euphonie que la langue mater­nelle utilisée dans le Royaume... Son Altesse, en conséquence, mani­feste l'intention de les réduire à l'ordre parfait et à la connaissance des lois du Royaume et d'extirper complètement les coutumes et usages singuliers et sinistres différant de ce qui est en ce Royaume... Elle a ordonné que le dit pays et domi­nion  de Galles sera à l'avenir, pour tou­jours et dorénavant incorporé et annexé au Royaume d'Angleterre».

 

La traduction de la Bible en gallois sauve la langue de la disparition

 

Le gouvernement anglais fit donc de la langue galloise un problème politique. La situation est restée telle jusqu'à nos jours. La survie de la langue, exclue de la vie publique et des ins­tances légales, doit beaucoup à la traduction de la Bible en gallois, terminée en 1588. Cette tra­duction permit à la langue de ne pas dégénérer à la suite de l'effondrement de l'ordre bardique et fournit la base linguistique nécessaire au Y Diwygiad ou «Grand Réveil». Le revival  reli­gieux qui souffla sur le pays au XVIIIième siècle fut alimenté par des prêcheurs charisma­tiques qui s'adressaient en gallois et en plein air à des foules de milliers de personnes. Ce qui est plus significatif encore, c'est que ce revival permit la création d'écoles itinérantes dont l'objectif était d'enseigner au gwerin  comment lire afin qu'il soit instruit des principes de la foi chrétienne. Bien sûr, la langue d'enseignement était le gallois. A la fin du XVIIIième siècle, le nombre total des élèves fré­quentant les classes de jour et de nuit s'élevait à quelque 300.000 et, avec les 3/4 de la population ayant fréquenté les écoles, le Pays de Galles était la région la plus lettrée d'Europe à cette époque.

 

L'éducation du gwerin  conduisit, inévitable­ment, à sa politisation et, dans les premières années du XIXième siècle, une agitation sé­rieuse agita le sud nouvellement industrialisé et les régions centrales encore rurales. En 1831, les ouvriers de Merthyr, la ville du fer et du charbon, brandirent le drapeau rouge et prirent d'assaut les positions tenues par les troupes gouver­nementales. Il fallut quatre journées de combat, avec l'appui de renforts en soldats ré­guliers, pour que le soulèvement soit maté. Huit années plus tard, la ville de Newport lançait à son tour un défi à l'Etat britan­nique.

 

Les Chartists  gallois constataient que leur lutte pour la justice sociale ne réussirait pas s'ils n'adoptaient pas les méthodes qui avaient fait le succès de la Guerre d'Indépendance américaine et de la Révolution française. En conséquence, ils décidèrent d'utiliser la force physique pour renverser l'ordre existant. Une armée, composée surtout de «sans armes», comptant 20.000 hommes, se rassembla pour marcher sous la bannière de CYFIAWNDER (= Justice) afin de fon­der une République Galloise (Silwian Repu­blic). L'entreprise échoua sous le feu des canons du 45ième Régiment à Pied.

 

Après les révoltes des Chartists, les Anglais décident de détruire la langue et la culture galloises

 

Les autorités anglaises étaient bien conscientes que le Pays de Galles était au bord de la révo­lution. Le Times  rapporte que «le Pays de Galles est devenu aussi volcanique que l'Ir­lande», tandis que le Mor­ning Herald  dé­clare: «Le Pays de Galles est devenu un théâtre où l'on proclame des doctrines révolution­naires, où l'on prêche la violence et l'effusion de sang. Les horreurs de la "petite guerre des Chartists  ont frappé les dominions  de la reine, qui n'avaient plus été souillés par le sang de la guerre civile depuis le temps d'Owen Glando­wer (sic)».

 

La solution préconisée par les Anglais était simple: détruire la langue galloise et le pays de­viendrait ainsi une province anglaise comme les autres. A cette fin, des commissaires sont en­voyés au Pays de Galles pour récolter des "preuves" du primitivisme et de l'ignorance du peuple autochtone. Et bien que sept huitièmes de la population était de langue galloise, les commissaires unilingues interrogeaient les té­moins en anglais. De ce fait, ce n'est pas une surprise d'apprendre que leur rapport concluait les choses sui­vantes: «Le langage gallois des­sert considérablement le Pays de Galles et constitue une barrière complexe au progrès mo­ral et à la prospérité commerciale du peuple... A cause de sa langue, la masse du peuple gallois est inférieure au peuple anglais dans tous les domaines du savoir pratique et technique».

 

Armées d'un pareil rapport, les autorités possé­daient enfin l'excuse qu'elles avaient recherchée pour asseoir une politique d'éducation obliga­toire en anglais, afin d'angliciser le gwerin  de façon si systématique qu'il serait totalement as­similé. Cette politique fut imposée sans am­bages et les enfants des écoles que l'on enten­dait parler leur langue maternelle interdite étaient punis et humiliés. Pas de surprise donc que de telles mesures, appliquées systémati­quement pendant plu­sieurs générations, combi­nées à l'immigration mas­sive d'Anglais dans les zones industrielles, s'avérèrent catastrophiques pour l'avenir de la langue galloise. Alors que 88% de la population étaient de langue galloise vers la moitié du XIXième siècle, la proportion est, aujourd'hui, d'environ 20%. Comme prévu, la perte de la langue a conduit à la perte de la conscience nationale et des pans entiers de la société galloise ont transféré leurs allégeances au concept par­faitement illusoire de la British­ness,  véhicule à peine voilé de la suprématie anglaise.

 

De telles défections se sont répercutées sur la scène politique. Dans les dernières années du XIXième siècle, un puissant mouvement de home rule  naît au Pays de Galles sous l'appellation de Cymru Fydd  (= Le Pays de Galles du Futur). Cette organisation doit être mise en parallèle avec le mouvement contempo­rain Young Ireland  (= Jeune Irlande): elle vise à créer un parti national pour le Pays de Galles, qui, au dé­but, devait se développer à l'intérieur du parti libéral gallois. Mais le Cymru Fydd  était profondément di­visé et sa vision d'un Pays de Galles autonome dans une Grande-Bretagne fédérale, marquée par l'éthos impérial anglais, n'avait rien de révolutionnaire. Par la suite, le lobby du home rule capota par la défection de ses chefs, partis à Londres pour exercer des respon­sabilités gouvernementales, comme Tom Ellis et, plus tard, David Lloyd George.

 

Premières menées activistes

 

Il fallut attendre 1925 pour que le Pays de Galles ait son premier parti national indépen­dant, avec l'apparition du Plaid Genedlaethol Cymru,  dénommé ultérieurement Plaid Cymru  (Le Parti du Pays de Galles). Sous la présidence de Saunders Lewis pen­dant l'entre-deux-guerres, le parti reçut son principal soutien de la part d'écrivains et d'intellectuels et cher­chait à donner au Pays de Galles une doctrine natio­naliste rigoureuse qui mettait l'accent sur la préserva­tion de l'identité des communautés de langue galloise contre toute installation étran­gère. Cette campagne eut pour moment fort l'incendie d'une école de l'armée de l'air, où les pilotes de bombardiers devaient être en­traînés, que les militaires avaient fait construire au cœur du Pays de Galles. Cette action provoqua l'in­culpation et l'emprisonnement de trois membres importants du parti. Ce fut un procès célèbre qui fournit à la cause nationaliste l'appui d'un public nou­veau. Mais le parti ne put enre­gistrer que de très faibles succès électoraux et la plupart des critiques le dénoncèrent pour ses tendances dangereusement fas­cistes.

 

Pendant la seconde guerre mondiale, le Plaid Cymru resta résolument neutre, affirmant que son premier devoir était de défendre la nation galloise et non un Etat britannique artificiel; cette politique aboutit à l'arrestation et à l'em­prisonnement de beaucoup de membres de l'or­ganisation nationaliste.

 

Après la guerre, le Plaid Cymru  se débarrassa de ses principes les plus pointus afin de s'attirer un électorat plus nombreux; ce fut une politique qui s'avéra fruc­tueuse quant au nombre de sièges gagnés à West­minster mais qui compro­mit l'intégrité de la cause na­tionaliste au Pays de Galles. Dans sa volonté d'obtenir une repré­sentation en Angleterre, le Plaid avait trahi sa nation et sa langue. Beaucoup d'activistes se sentirent frustrés par cette "trahison" de la di­rection du Plaid,  dont le président en exercice se décrivit un jour sottement comme un «socialiste intel­lectuel britannique». Cela dé­boucha sur la formation de plusieurs groupes alternatifs et plus radicaux, dont le plus réussi fut le Cymdeithas yr Iaith Gynraeg  (La Société de la Langue Galloise).

 

Une action directe

et non violente

 

L'organisation opta pour une action directe non vio­lente, de façon à attirer l'attention sur le sta­tut infé­rieur de la langue galloise. Les cam­pagnes du mou­vement ont ainsi lutté pour l'élimination de la signali­sation routière en an­glais, pour l'installation d'un bon service de ra­diodiffusion gallois (cet objectif a été partielle­ment réalisé avec l'apparition de la chaîne S4C) et l'accroissement de l'usage du gallois dans la vie publique. Actuellement la Cymdeithas  met l'accent sur l'importance qu'il y a d'accroître l'enseignement moyen en gallois et fait cam­pagne pour obtenir un nouveau Language Act  pour le Pays de Galles.

 

Dans les années 60, certains radicaux gallois fu­rent impliqués dans des organisations proto-ter­roristes comme la Free Wales Army  (FWA) et le Mudiad Amddifyn Cymru  (MAC; Le Mou­vement de Défense du Pays de Galles). Ces groupes se formèrent en ré­ponse à l'échec des méthodes constitutionnelles visant à éviter la destruction des communautés galloises en proie aux autorités anglaises. Lorsque plusieurs dis­tricts unilingues gallois furent mis sous eau afin de fournir de l'eau et de l'électricité à bon mar­ché à des villes anglaises, les tracés d'aqueducs et les pylônes devinrent les cibles légitimes des attaques à la bombe des groupes en question.

 

L'investiture de Charles comme Prince de Galles au cours d'une cérémonie arrogante rap­pelant les conquêtes anglaises déclencha une campagne accrue d'attentats à la bombe dans tous le Pays de Galles. Mais les autorités étaient bien conscientes de la me­nace et, le jour même de l'investiture, les membres di­rigeants de la FWA furent traduits en justice et em­prisonnés pour appartenance à une organisation quasi mi­litaire. Incident plus sérieux, le même jour, deux membres du MAC sont tués par l'ex­plosion prématu­rée de leur engin, alors qu'ils étaient en route pour at­taquer la voie de chemin de fer que devait emprunter le train royal. On soupçonne, à bon droit semble-t-il, que la machine infernale avait été «arrangée» par les services de sécurité… L'arrestation et l'inculpa­tion des membres de la FWA et du MAC mit un terme aux attentats à la bombe mais la stratégie de l'«action di­recte» constitue toujours une option pour le Meibion Glyndwr.  Ce groupe na­tionaliste clandestin a mené une campagne d'at­tentats incendiaires contre les pro­priétés possé­dées par des Anglais dans les dis­tricts de langue galloise au nord et à l'ouest du pays. Le Mei­bion Glyndwr  prend pour appui le souci des Gallois face à l'impact destructeur du «syn­drome de la rési­dence secondaire». L'organi­sation nationaliste a tra­vaillé à grande échelle et elle jouit indubitablement d'un appui populaire tacite, ce qui explique qu'elle n'a pas pu être repérée et est restée opérationnelle de­puis neuf années.

 

Pour en terminer avec ce tableau nécessaire­ment schématique des bases de l'identité gal­loise, je vou­drais citer les mots de Saunders Lewis, écrits pour une émission de la BBC en 1930, émission interdite parce qu'elle était «forgée pour enflammer les sym­pathies natio­nalistes»: «Il ne peut y avoir de lende­mains heureux pour le Pays de Galles si nous ne nous montrons pas capables de passer à l'action, de nous imposer une auto-discipline, de nous don­ner un esprit fort et viril d'indépendance et si nous ne cultivons pas la fierté qui a animé nos ancêtres. Ce dont le Pays de Galles d'aujour­d'hui et de demain a besoin, c'est de l'appel de l'héroïsme. La touche d'héroïsme n'a ja­mais vibré dans la politique galloise. Et c'est la raison pour laquelle je suis un nationaliste politique, parce que le nationalisme est appel à l'action et à la coopéra­tion, parce que le natio­nalisme re­ferme les di­visions de classe et im­pose aux ri­ches et aux pauvres, aux clercs et aux travail­leurs, un idéal qui transcende et enri­chit l'indi­vidu: l'idéal de la nation et du terroir».

 

Gwyn DAVIES.

Conférence prononcée le 11 mars 1989 dans les salons de l'Hôtel Bedford à Bruxelles.