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vendredi, 04 mai 2018

Ce que nous sommes - Aux Sources de l'identité européenne

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Ce que nous sommes

Aux sources de l'identité européenne

par Christopher Gérard

Ex: http://archaion.hautetfort.com

Tonique, un vrai cordial !, le manifeste que publie l’Institut Iliade sous la houlette de l’historien Philippe Conrad,  ancien directeur de séminaire au Collège interarmées de défense et patron de la défunte Nouvelle Revue d’Histoire. Son exaltation de la Chrétienté médiévale, un tantinet indulgente sur le mode de conversion de notre continent, touche d’autant plus que la France vient de perdre un officier qui incarna la figure du chevalier – je veux parler du lieutenant-colonel Beltrame. L’ombre du regretté Dominique Venner plane aussi, et nul ne s’en étonnera, sur tout le recueil, tant les douze auteurs communient dans cet esprit de rébellion aristocratique auquel s'identifia si bien l’auteur du Coeur rebelle.

L’objectif, atteint, était de synthétiser en une langue aussi claire qu’accessible les fondements d’une manière d’être, celle des Bons Européens : leur mémoire ancestrale, le regard qu’ils portent depuis les origines sur le monde et, last but not least (car il ne s’agit nullement d’un chant funèbre, encore moins d’un exercice d’antiquaire), les combats à mener, aujourd’hui et demain, contre les utopies niveleuses et les discours dissolvants, contre cette fatigue entretenue par les forces du néant. De la préhistoire indo-européenne à la musique contemporaine, des Kourganes à Arvo Pärt, de la Grèce d’Ulysse à la Rome d’Auguste (mais, curieusement, la Matière de Bretagne semble avoir été omise), les contributeurs mettent en évidence ce sens de l’excellence, ce goût de la mesure et ce refus de l’hubris, ce souci de la communauté civique (la polis, encore un mot grec), cette préférence pour les continuités créatrices (et non pour les ruptures stérilisantes) qui caractérisent le Finistère de l’Asie – Europa nostra.

Dans une lumineuse formule,  le musicologue Jean-François Gautier évoque la vérité, fondement de notre vision cosmique : « non un contenu doctrinal descendu de cieux inconnaissables, mais l’expression d’une subtilité d’observation dont le sage sait tirer les bonnes conclusions ». Plus loin, Lionel Rondouin, ancien officier et normalien,  définit à la perfection le type gibelin par opposition au guelfe, le tenant, souvent puritain, de dogmes universels (et du droit d’ingérence quand il s’agit de les imposer).

Les Douze (dont un Belge qui se pique d’hellénisme) tentent chacun d’illustrer la quintessence de la dissidence antimoderne. Lire et faire lire ce bréviaire, s’en inspirer dans notre résistance quotidienne à l’ahurissement, l’utiliser comme source (pérenne) de purification mentale, voilà quelques pistes offertes aux amazones et aux hoplites de notre bel aujourd’hui. 

Christopher Gérard

Philippe Conrad dir., Ce que nous sommes. Aux Sources de l’identité européenne, Editions Pierre-Guillaume de Roux, 198 pages, 16€

 

samedi, 21 avril 2018

Interventions au Colloque Iliade (7 avril 2018)

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Interventions au Colloque Iliade

(7 avril 2018)

Thibault Mercier: Le droit des Européens à la continuité historique

Intervention de Thibault Mercier, avocat, au colloque « Fiers d’être Européens » le 7 avril 2018. "La continuité historique d’un peuple implique l’existence d’un passé. Passé conjugable au présent permettant ainsi sa transmission aux générations futures. En Europe, une obligation pénitente de repentance, couplée à un enseignement de l’Histoire sans chronologie et qui fait la part belle aux cultures et civilisations étrangères, empêchent notre peuple de convoquer son passé collectif."
 
 
 

Bernard Lugan: Refuser la repentance coloniale

Intervention de Bernard Lugan, historien, directeur de la revue L’Afrique réelle, lors du colloque « Fiers d’être Européens » le 7 avril 2018. « Il faut refuser le repentance coloniale ».
 
 

Javier Portella: Du nihilisme à l’ethno-masochisme

Intervention de Javier Portella, essayiste, directeur de la revue en ligne El Manifiesto (Espagne), lors du 5e colloque de l’Institut Iliade, Paris, Maison de la Chimie, le 7 avril 2018. "L'ethnomasochisme a plusieurs expressions. Elles vont de la repentance pour l’œuvre de colonisation accomplie par l’Europe jusqu’à l’assomption de la responsabilité pour l’ensemble des maux frappant le monde entier. En même temps, une sorte de vénération, voire de supériorité, est accordée (explicitement ou implicitement) à la culture et à la façon d’être des peuples non-européens (au sens culturel et non géographique du terme)."
 
 
 

Philippe Conrad: Le front de la mémoire et de l’histoire

 
Première allocution de Philippe Conrad, historien, président
de l’Institut ILIADE, lors du colloque « Fiers d’être
Européens » le 7 avril 2018.
 
 
 

Jean-Yves Le Gallou: XXIe siècle : vers un nouveau cycle européen ?

"L'Europe comme civilisation peut-elle encore survivre ?
Oui, à une condition: qu'elle sorte de l'horrible XXème
siècle. Le XXème siècle, c'est selon Dominique Venner
le siècle de 1914, un siècle de catastrophes..." Mot de
conclusion de Jean-Yves Le Gallou au Ve colloque
ILIADE, le 7 avril 2018 à Paris.
 
 

Le rire de Roncevaux,

par Irène de France

Colloque "Fiers d'être Européens" - Le rire de Roncevaux,
libre réinterprétation en français du chant basque "Hegoak"
(ou "Txoria txori" de Joxian Artze) par Irène de France,
évoque le souvenir de la bataille de Roncevaux où Roland,
le neveu de Charlemagne, rendit son dernier soupir
en soufflant dans son cor le 15 août 778. Au-delà du
tragique de la mort des héros, ce chant se veut porteur
de joie et d'espérance pour les âmes qui auraient oublié
que la nature du temps est cyclique et qu'aux hivers
les plus sinistres succèdent toujours les printemps
les plus lumineux.
Paroles : Irène de France.
Musique : Mikel Laboa.
 

dimanche, 29 mai 2016

Histoire, mémoire, identité

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Histoire, mémoire, identité

Par Philippe Conrad

Ex: http://institut-iliade.com

Intervention de Philippe Conrad, directeur de La Nouvelle Revue d’Histoire, au Cercle Afl Okkat, Strasbourg le 11 mai 2016.

Depuis plusieurs mois, les tenants de la déconstruction généralisée ont ouvert un nouveau front en bénéficiant pour cela, ce qui n’est guère une surprise, d’un large soutien du quotidien du soir dit « de référence ». Le Monde du 26 septembre nous a en effet proposé une double page d’entretien avec Patrick Boucheron, historien médiéviste récemment doté d’une chaire au Collège de France. Le titre de l’entretien – La recherche de l’identité est contraire à l’idée même d’histoire – est en lui même tout un programme. L’intéressé nous dit en effet contester « que l’on attende de l’histoire qu’elle réassure notre identité »,  ne pas croire « aux formes anciennes du magistère de l’histoire », il dénonce « la passion des continuités »,  rejette « l’injonction faite aux historiens de nous rassurer sur l’ancienneté, la consistance et la clôture de notre identité. » Face à « ce poison contemporain », « il convient de refuser tout net toute compromission avec le projet idéologique qui prétend emprisonner la société dans la nostalgie d’un passé mythifié. ». Il conviendrait donc de se mobiliser contre « les apôtres de l’identité nationale », contre « le piège identitaire »,  contre « cette théologie de l’inéluctable ».

De tels propos s’inscrivent dans l’offensive idéologique d’envergure de remise en cause de la transmission de l’histoire traditionnelle, notamment dans sa dimension « nationale ». Une remise en cause jugée inéluctable et souhaitable par ses thuriféraires, dans la mesure où la mondialisation en cours doit permettre de dépasser les frontières, de fabriquer un « citoyen global », un individu hors-sol coupé de ses racines et de tous les éléments susceptibles de garantir son inscription dans la longue durée historique. Dans la guerre sémantique à laquelle nous sommes confrontés, le vocabulaire utilisé est révélateur. Il est question de formes « anciennes » du magistère de l’histoire, de la « passion » des continuités, de « l’injonction » faite aux historiens de « rassurer », de « poison » contemporain. Il convient d’écarter toute « compromission » avec le projet « idéologique » qui « emprisonne » la société dans la « nostalgie » d’un passé « mythifié »…

Il est aisé de renverser la charge et de pointer justement le « projet idéologique » porté par les tenant d’un mondialisme droit de l’hommiste issu du messianisme démocratique à la mode wilsonienne et de ses divers avatars, une vision identique dans sa nature profonde aux défunts « lendemains qui chantent » contemporains du communisme en sa phase triomphante. Il s’agit en effet dans ce cas « d’emprisonner la société dans l’espérance obligatoire d’un  avenir « mythifié », celui de l’Humanité indifférenciée et nomade rêvée par Jacques Attali, celui d’un monde où la France se verrait réduite à la fonction d’hôtel de passage dans le Grand Tout planétaire issu d’une mondialisation économique présentée comme fatalement heureuse…

Ce que l’on constate à l’inverse, c’est la permanence des identités « nationales » forgées au fil des siècles, dans des conditions très différentes d’un pays à l’autre. Même si les nations contemporaines se sont formées plus ou moins tardivement, au travers du modèle politique que nous connaissons, elles ont constitué et constituent toujours le cadre le plus adéquat à l’organisation des sociétés humaines. C’est avant tout à travers l’histoire de leur pays que les hommes appréhendent le passé et se trouvent en mesure de lui donner un sens. C’est dans ce cadre singulier qu’ils peuvent se doter d’un destin collectif dépassant les individus atomisés rêvés par les prophètes du mondialisme libéral (épithète bien discutable dans la mesure où cette vision obligatoirement planétaire de l’avenir n’a plus grand chose à voir avec la liberté). On doit donc mesurer aujourd’hui plus que jamais l’importance de l’enjeu que représente la transmission d’une mémoire fondée sur la perception d’un patrimoine commun, celui que Marc Bloch résumait quand il évoquait à propos de la France  « le sacre de Reims et la Fête de la Fédération ».

On ne peut que remarquer, dans l’offensive idéologique en cours, la place accordée à la déconstruction du « roman » national. Ce terme de « roman », préféré à celui de « récit » à l’évidence plus pertinent, doit contribuer à la disqualification d’une histoire élémentaire qui, fondée certes sur une imagerie et un téléologie discutables nous conduit de Vercingétorix à De Gaulle, n’en est pas moins bien venue pour fournir les repères indispensables à la construction d’une mémoire commune elle-même nécessaire à l’affirmation d’une identité particulière, fondée sur les permanences ethniques, la langue, la perception d’un passé partagé, l’inscription dans la durée d’un ensemble de croyances, de coutumes, d’images et de représentations qui constituent le socle d’un « vivre ensemble » authentique, loin des caricatures véhiculées aujourd’hui par le clergé médiatique bien pensant.

L’entreprise de déconstruction du « roman national » n’est pas nouvelle. Il y a déjà près d’un demi-siècle, Paul Veyne mettait en cause les grilles de lecture et les éléments de langage qui fondaient jusque là les approches historiennes, avant d’être relayé un peu plus tard par Suzanne Citron et par les apôtres des diverses « repentances » devenues la clé des représentations d’un passé voué à l’exécration. L’histoire quantitative – qui privilégiait la longue durée, l’économique et le social relativisait largement l’histoire événementielle réduite à « l’histoire-batailles » – a également joué son rôle même si le dernier ouvrage de Fernand Braudel portait finalement sur « l’identité de la France »… Il était devenu en tout cas obligatoire de donner la primauté à la société par rapport à la nation ou à l’Etat, d’oublier le peuple majoritaire au profit des « minorités » fatalement opprimées.

La déconstruction en question s’inscrit dans une perspective « gramscienne » de mise en œuvre d’une révolution culturelle d’envergure, indispensable à l’avènement de « l’homme nouveau », qui n’est plus celui du socialisme auquel aspirait le penseur et militant italien mais celui de la « mondialisation heureuse » imaginée par les oligarchies transnationales aujourd’hui dominantes. George Orwell l’avait déjà annoncé dans son 1984 : « Qui a le contrôle du présent a le contrôle du passé. Qui a le contrôle du passé a le contrôle de l’avenir… »

Jules_Michelet.jpgLongtemps « école des princes » selon Michelet, l’histoire et devenue, au XIXème siècle, à la faveur de l’émancipation progressive des masses populaires, le bien commun de toute la nation. C’est la défaite de 1870, dans le moment qui voit Ernest Renan nous donner sa Réforme intellectuelle et morale que les républicains victorieux introduisent dans l’enseignement primaire l’histoire et la géographie et l’on sait le succès remporté alors par le manuel dû à Ernest Lavisse, maître d’oeuvre par ailleurs d’une impressionnante Histoire de France en quarante volumes, appelée à demeurer une référence savante pendant des décennies. En couverture du Petit Lavisse, l’auteur s’adressait en ces termes à ses jeunes lecteurs : « Enfant, tu dois aimer la France parce que la nature l’a faite belle et parce que son histoire l’a faite grande. » La fin visée par l’histoire ainsi enseignée était l’unité nationale, l’affirmation de la durée inscrite elle même dans la continuité reliant la France monarchique à la nouvelle France républicaine, le rappel de l’humiliation de 1871… L’histoire devait alors contribuer à la formation d’une conscience civique et nationale en un temps où selon Pierre Nora, « l’instituteur et l’officier étaient les deux piliers jumeaux de la Patrie… »

Le terrible choc de la première guerre mondiale va ébranler le consensus très large entourant jusque là l’enseignement de l’histoire. L’instituteur pacifiste des années vingt remplace celui des années 1880 souvent affilié à la Ligue des patriotes, au temps où étaient organisés les « bataillons scolaires » de Paul Bert. En 1924, certains affirment ainsi au congrès du syndicat des instituteurs que « pour avoir la Paix, définitive, il faut cesser d’enseigner l’histoire »… Dès 1919, Lucien Febvre qui sera bientôt avec Marc Bloch le fondateur des Annales, prévient, au nom des professeurs de l’Université de Strasbourg, que « nous ne sommes pas les missionnaires d’un évangile national officiel. » Quand naissent en 1929 les Annales, leur sous-titre, Economies, sociétés, civilisations, a valeur de programme. On privilégie désormais l’histoire économique et sociale, celle des mentalités, celle du temps long. On promeut l’histoire quantitative et les structures sont privilégiées au détriment des événements. L’histoire politique n’apparaît plus que comme une superstructure aléatoire et secondaire qui ne peut rendre compte du jeu des forces profondes qui commande l’évolution des sociétés humaines. Cette vision des choses atteint son apogée avec La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II de Fernand Braudel, publiée en 1949. Le grand public va découvrir cette nouvelle lecture du passé avec le succès médiatique et éditorial remporté au cours des années 1970 par la « nouvelle Histoire », après que la Grammaire des civilisations  de Braudel a fourni la matière d’un manuel de classes terminales au cours de la décennie précédente. La réforme Haby qui affecte l’enseignement secondaire en 1975 vise, dans le domaine de l’histoire, à transmettre, à travers le collège et le lycée ces nouvelles lectures. Le cadre national est largement évacué, de même que le souci d’une chronologie rigoureuse, au profit d’approches « transversales » et « thématiques ». Dans le même temps, les méthodes dites « actives » se substituent au cours « magistral » jugé anachronique, l’élève devant désormais « construire lui-même son savoir » à partir de l’étude de documents. Réduite à la portion congrue et laissée au caprice des instituteurs dans le primaire où elle se limite à des « activités » plus ou moins ludiques faisant table rase de toute continuité, devenue « discipline d’éveil » au collège, l’histoire vise à distraire plutôt qu’à transmettre un savoir solide et cohérent. Les années post-soixante- huitardes et leur pédagogisme envahissant, le triomphe du pacifisme et le soupçon pesant sut toute autorité étatique, enfin l’européisme béat qui s’impose alors contribuent à aggraver encore les choses.

decaux60562.jpgUne première réaction intervient en octobre 1979, avec l’appel lancé par Alain Decaux dans le Figaro-Magazine. Très largement relayé, il rencontre un immense écho et fait largement consensus. Le futur académicien dénonçait l’effondrement des savoirs alors constaté et l’ensemble de la classe politique, bien consciente de l’adhésion que rencontrait son propos, se reconnut dans sa démarche. On vit ainsi Jean-Pierre Chevènement, devenu en 1984 ministre de l’Education nationale, réintroduire vigoureusement à l’école primaire l’enseignement de l’histoire.

Trente ans plus tard, l’incohérence et la faiblesse des programmes officiels, le vide abyssal des manuels et la concurrence que font les « mémoires » à l’histoire sont à l’origine d’un paysage largement dévasté. On privilégie les « mémoires » des minorités jugées opprimées ou victimes. La seconde guerre mondiale est réduite pour beaucoup aux persécutions et aux massacres de masse dont les Juifs ont été les victimes du fait de l’hitlérisme. D’autres mémoires, celle des anciens peuples colonisés, celle des Africains dont les ancêtres ont subi jadis l’esclavage sont ainsi entrées en concurrence victimaire. A l’inverse, la mémoire de la Révolution française, en bien comme en mal, ou le souvenir de la Commune de 1871 semblent avoir disparu des écrans…

L’utopie de la création en cours d’un « citoyen du monde » a remplacé celle de l’avénement rédempteur du prolétariat et comme cette utopie implique « l’intégration » réussie des minorités, il convient de faire une place privilégiée à leurs mémoires. Il faut également donner à l’histoire enseignée la dimension planétaire nécessaire, d’où l’importance inédite accordée à la Chine des Han, à l’Inde des Gupta et aux empires africains du Mali ou du Monomotapa, au détriment des séquences  « classiques » de l’histoire de la France ou de l’Europe. A noter que l’Egypte ancienne fait également les frais de la globalisation jugée nécessaire.

Alors que tendent à s’imposer les repentances post-coloniales et post-esclavagistes (cette dernière oubliant que ce sont les Européens qui ont mis fin à la traite.), le déni de la nation et de la pluralité des civilisations s’impose. Rien de nouveau sous le soleil car l’histoire enseignée est toujours le reflet de l’état du monde du moment et des rapports de force qui le commandent. L’histoire nationale républicaine des hommes de la IIIème République n’était pas d’une parfaite impartialité… La présentation de l’URSS dans les manuels de géographie des années 1960 a aujourd’hui de quoi faire sourire et il en ira sans doute de même bientôt à propos d’autres questions. Le manuel Malet Isaac, tout excellent qu’il fût, transmettait une lecture « républicaine » de l’histoire qui était loin d’être neutre, et la « nouvelle histoire » braudélienne s’inscrivait dans une vision mondialo-américaine propre à l’après seconde guerre mondiale, une histoire privilégiant l’économique au détriment du politique et justifiant la disparition à venir de frontières nationales bientôt anachroniques. Le mondialisme qui constitue aujourd’hui la toile de fond idéologique de notre enseignement correspond à un projet porté par l’Occident américano-libéral, face au monde multipolaire en cours de formation et il n’est guère surprenant que Samuel Huntington et son Choc des civilisations aient subi les foudres de la police de la pensée.

Pierre Chaunu.jpgUn enseignement et une transmission solides de l’histoire demeurent à l’évidence indispensables. Elle est en effet un bouclier contre le mensonge qui demeure l’instrument politique que l’on sait : Chateaubriand l’a superbement résumé : « L’historien paraît, chargé de la vengeance des peuples. C’est en vain que Néron prospère, Tacite est déjà né dans l’Empire. » L’histoire est aussi une irremplaçable école de discernement. Au lendemain de la première guerre mondiale, Jacques Bainville annonçait, dans ses Conséquences politiques de la paix, les drames à venir et, dès 1972, Pierre Chaunu prophétisait, dans sa Peste blanche, la crise démographique. Contre le déterminisme de l’école des Annales, l’histoire est le domaine de l’imprévu et de  l’inattendu, de l’attentat de Sarajevo à la chute de l’URSS et elle remet à leur place bien des déterminismes supposés « scientifiques ». L’Histoire préserve aussi de l’utopie en ce qu’elle retient tous les faits que, dans son Discours sur l’origine de l’inégalité, Jean-Jacques Rousseau écartait d’emblée. La connaissance du passé entretient aussi la vertu d’admiration propre à la reconnaissance de modèles et l’œuvre de Plutarque fut, de ce point de vue l’école des élites européennes des XVIIème et XVIIIème siècles. L’histoire est aussi la critique du présent et permet d’échapper à l’aveuglement que s’efforcent d’établir les diverses propagandes partisanes. Elle a forgé, au rythme des épreuves endurées et du souvenir des grandes choses accomplies ensemble, le caractère particulier de chaque nation , fondé ainsi la philia qui lie entre eux les membres de la Cité. La connaissance de l’histoire prépare enfin aux épreuves et fournit aux peuples les capacités de résilience nécessaires. Elle indique la voie des redressements, ceux que connut la France au XVème siècle avec l’épopée johannique et ses suites, avec Henri IV qui rétablit la concorde civile après trente ans de guerres religieuses, en 1944 et en 1958 après l’effondrement accablant de 1940 et la décomposition de la IVème République. Au delà de l’homo consumans et de l’homo festivus si bien décrit par le regretté Philippe Murray, l’histoire nous apprend enfin ce que nous sommes, les héritiers d’un passé fait d’épreuves et de grandeurs et les porteurs, dans le temps, d’un avenir que nous devons souhaiter à la hauteur de ce qui nous a précédés.

Il faut pour cela déjouer les manipulations qui ont cours aujourd’hui, un travail auquel s’est attelé avec bonheur Jean Sevillia qui a stigmatisé « l’historiquement correct ». Celui-ci correspond aux strates idéologiques successivement dominantes. Celles-ci peuvent donner aux événements des interprétations novatrices mais, en se prétendant exclusives, elles en arrivent à une déliquescence fatale, il en fut ainsi de la lecture de la Révolution française, entre les interprétations de l’historiographie marxiste chère à Albert Soboul et à ses épigones et le renouvellement opéré par un François Furet. La manipulation s’appuie aussi sur l’anachronisme qui consiste à juger d’un épisode du passé en fonction d’une grille d’interprétation qui nous est étroitement contemporaine. L‘histoire de l’expansion coloniale ou de l’esclavage, quand elle se veulent porteuses de jugements moraux, tombent dans cette ornière. Le manichéisme élémentaire qui prévaut dans la sphère journalistique quand il s’agit de traiter des années quarante – « les plus sombres de notre histoire » selon l’incantation convenue – constitue un autre moyen d’utiliser le passé à des fins qui n’ont rien de scientifique. L’amnésie sélective ou la contestation de certains événements jugés aujourd’hui gênants – de la bataille de Poitiers gagnée par Charles Martel au baptême de Clovis fondant les « racines chrétiennes » de la France – font également partie de l’arsenal des falsificateurs. A l’inverse c’est une hypermnésie qui cherche à s’imposer à propos des crimes des régimes totalitaires du XXème siècle ou d’épisodes tels que celui des mutineries de 1917 ou de la torture durant la guerre d’ Algérie. La police de la pensée veille et verrouille. Olivier Pétré-Grenouilleau en a fait l’amère expérience quand la horde des indignés conduits par Christine Taubira a prétendu lancer contre lui l’accusation d’apologie de crimes contre l’humanité parce qu’il avait simplement rappelé que la traite musulmane et l’esclavage interne au monde africain avaient été plus importants en durée et en nombre de victimes que la traite atlantique organisée pendant trois siècles par les Européens qui y mirent eux-mêmes un terme. Sylvain Gouguenheim fut lui même ostracisé pour avoir montré, dans son Aristote au Mont Saint Michel, que l’Europe médiévale n’avait pas attendu les traductions des auteurs arabes pour redécouvrir le Stagirite…

Le terrain est, on le voit, bien miné mais la résistance est en marche. L’enseignement de l’histoire est aujourd’hui, sauf en de trop rares exceptions, un champ de ruines mais la demande sociale a rarement été aussi forte. L’extraordinaire sursaut mémoriel observé à propos du centenaire de la première guerre mondiale est là pour le prouver. En d’autres domaines, l’histoire militaire, celle du Moyen Age, l’archéologie, la généalogie,   l’histoire napoléonienne, l’intérêt pour les reconstitutions et le quotidien de nos ancêtres, celui, grandissant, porté au patrimoine sous toutes ses formes, le succès d’émissions télévisées avancées aux heures de grande écoute, le maintien d’une production historique satisfaisante sur le plan éditorial, dans un secteur par ailleurs sinistré, sont autant de signes encourageants. Le succès des commémorations, en 1987 de l’avènement capétien, en 1989 de la Révolution (dans ce cas, pas forcément dans le sens espéré par ses promoteurs). en 1993 pour le bicentenaire de l’insurrection vendéenne confirment cette tendance lourde et doit nous encourager à écarter tout catastrophisme excessif. Une part importante de la société civile a en effet pris conscience, au niveau des familles, des désastres en cours depuis plusieurs décennies et la réaction est là. Elle profite aussi du retour identitaire très fort qui s’oppose partout aux effets catastrophiques du projet mondialiste, notamment sur le plan culturel. Contre le « village global » unifié par la technique et par le sabir angloïde, contre la pseudo-Europe de Bruxelles qui s’accommode très bien d’être privée d’histoire, notamment de ses racines chrétiennes (il ne faut pas décourager les masses de futurs immigrants en attente de l’autre côté de la Méditerranée), le combat engagé est une lutte de longue haleine qui doit mobiliser les esprits et les énergies, dans les salles de classe où officient encore d’authentiques professeurs, dans les familles demeurées attachées à la transmission du savoir et de la culture, dans les associations… Des exemples récents nous montrent que ce combat est porteur d’avenir. Libérée de soixante-dix ans d’un régime communiste censé « faire table rase du passé », la Russie a retrouvé tous ses fondamentaux historiques et culturels, une condition nécessaire à la reconstitution de sa puissance. Plus près de nous, le peuple suisse sanctionne régulièrement dans les urnes le « politiquement correct » que tente de lui imposer l’oligarchie transnationale et il en va de même du peuple hongrois, bien décidé à ignorer les diktats de Bruxelles ou de Berlin et les leçons de morale qui lui sont prodiguées.

Il ne tient qu’aux Français de se retrouver, au delà de clivages devenus obsolètes, dans la reconquête de leur identité devenue incertaine.

Philippe Conrad

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mercredi, 09 décembre 2015

Les peuples fondateurs de l'Europe...

Les peuples fondateurs de l'Europe...

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Le onzième numéro hors-série de La Nouvelle Revue d'Histoire est en kiosque. Il est consacré aux peuples fondateurs de l'Europe.

Au sommaire de ce numéro :

Éditorial : Qui sont les Européens ?
Par Philippe Conrad

L'Europe, du néolithique à l'âge de Bronze
Par Philippe Fraimbois

A la découverte d'un peuple
Par Henri Levavasseur

Les Indo-Européens
Entretien avec Jean Haudry, propos recueillis par Pauline Lecomte

Sur l'existence des Indo-Européens
Par Yann Le Bohec

L'Europe est née en Grèce
Par Philippe Conrad

Peuples d'Italie préromaine
Par Jean-Louis Voisin

Ce que nous a légué Rome
Par Jean-Louis Voisin

L'Europe des Celtes
Par Philippe Conrad

Des Gaulois aux Gallo-Romains
Par Yann Le Bohec

Le monde des Ibères
Par Philippe Parroy

Les Basques, le peuple le plus ancien d'Europe
Par Arnaud Imatz

L'Espagne des Wisigoths
Par Michel Savoie

L'essence de l'Espagne
Par Arnaud Imatz

La Catalogne, avec ou sans l'Espagne ?
Par Arnaud Imatz

Aux origines du monde germanique
Par Henri Levavasseur 

Bretons insulaires et armoricains
Par Yves de Tréséguidy

Quand la (Grande) Bretagne est devenue l'Angleterre
Par Philippe Parroy

L'exception irlandaise
Par Philippe Conrad

Les raisons du "miracle franc"
Par Philippe Conrad

L'Aquitaine, à la périphérie de l'espace franc
Par Bernard Fontaine

Le royaume ostrogoth de Théodoric
Par Bernard Fontaine

L'Italie des Lombards
Par Bernard Fontaine

A la recherche de l'homme scandinave
Par Nicolas Kessler

Des Magyars à la Hongrie historique
Par Henri Bogdan

Unité et pluralité des Allemagnes
Par Eric Mousson-Lestang

L'ethnogenèse des Russes
Par Jean-Pierre Arrignon

Comment la Russie retrouve ses racines
Par Jean-Pierre Arrignon

L'identité française, un produit de l'histoire
Par Pierre de Meuse

L'obsession de l'ailleurs
Par Ludovic Greiling

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lundi, 12 octobre 2015

Histoire, mémoire, identité

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jeudi, 06 novembre 2014

Philippe Conrad aux assises de la remigration

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samedi, 12 juillet 2014

Entretien avec Philippe Conrad, Président de l'Institut ILIADE

 

 

Entretien avec Philippe Conrad, Président de l'Institut ILIADE

(Breizh-info.com) - A la veille du 21 juin 2014, au sommet du Mont Olympe, a été fondé l’Institut ILIADE pour la longue mémoire européenne. Souhaité par Dominique Venner, cet Institut a pour vocation de transmettre les traditions de la civilisation européenne et de former à sa connaissance et à son histoire.
L’Institut accompagnera tous ceux qui refusent le grand effacement, matrice du grand remplacement. Son président est Philippe Conrad, que Breizh-info.com a interrogé en exclusivité afin qu’il présente les fondements de cette nouvelle université des Européens.

Breizh-info.com : Pouvez-vous présenter les évènements qui ont conduit à la création de l’Institut Iliade ?

Philippe Conrad : Par son sacrifice volontaire, le 21 mai 2013 dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, Dominique Venner entendait faire de son geste une protestation, mais également une fondation. Une protestation contre l’assoupissement des consciences face aux tentatives d’effacement de notre mémoire et de nos identités, et en particulier au « grand remplacement» justement dénoncé par l’écrivain Renaud Camus. « Alors que je défends l’identité de tous les peuples chez eux, je m’insurge aussi contre le crime visant au remplacement de nos populations« , écrivait Dominique dans sa dernière lettre. Il s’y insurgeait également « contre les poisons de l’âme et contre les désirs individuels envahissants qui détruisent nos ancrages identitaires et notamment la famille, socle intime de notre civilisation multimillénaire« .

Mais son geste se voulait également une fondation, pour contribuer au maintien de l’identité de la France et de l’Europe, au réveil de nos peuples et de notre civilisation. Il avait d’ailleurs exprimé plus explicitement la volonté que se continue son œuvre, à savoir un travail de réflexion, de méditation sur la longue histoire de l’Europe, en tant que prise de conscience indispensable au réveil civilisationnel. C’est cette volonté que nous confirmons aujourd’hui en créant l’Institut ILIADE pour la longue mémoire européenne. Au-delà de l’œuvre de Dominique Venner, il s’agit d’inscrire son travail dans la durée, notamment chez les jeunes générations, avec la certitude que Nietzsche avait raison : « Le futur appartient à celui qui a la plus longue mémoire« . Notre mémoire, notre histoire, nos valeurs constituent la matrice du nécessaire réveil européen. Encore faut-il les connaître et les transmettre !

Breizh-info.com : Quels sont vos objectifs? Quand l’institut va-t-il ouvrir ses portes?

Philippe Conrad : L’Institut ILIADEa pour vocation principale la transmission de la longue mémoire européenne. Cette transmission est de nature « verticale », en direction prioritaire des jeunes Européens qui souhaitent retrouver les racines de leur identité dans un monde en crise. Car les « temps de confusion » dont parle notamment Christophe Levallois pour caractériser la fin d’une certaine forme de Modernité appellent un réarmement intellectuel et moral qui passe par la réappropriation de ce que nous sommes. Cet objectif de transmission ne relève pas seulement de la formation. Il est également horizontal, basé sur la communication, la diffusion de toute information ou analyse utile à cette démarche d’ordre didactique. Il existe beaucoup d’initiatives, revues, cercles de réflexion qui participent de cet effort de réveil de la conscience européenne, et qui méritent d’être mieux connus. Une place essentielle sera bien sûr accordée à l’histoire, dont Dominique Venner faisait à juste titre la matrice d’une méditation profonde de l’à-venir et le lieu de l’imprévu, où tout reste possible. Mais notre approche se veut aussi plus large, en abordant les autres aspects de la civilisation européenne, comme le renouveau des traditions populaires ou la promotion de notre patrimoine.

C’est pourquoi, à côté de cycles de formation, de réunions que nous organiserons ou conseillerons à nos amis au regard de leur intérêt, et de commissions de travail interne sur des sujets particuliers, comme l’éducation, nous proposerons un site Internet qui sera à la fois une plateforme de diffusion, de relais des meilleures initiatives, et un centre de ressources où seront notamment mis en ligne une « bibliothèque idéale », un recueil de citations choisies, des suggestions de parcours « clé en mains » sur les hauts lieux de la culture et de la mémoire européennes… Le chantier est vaste ! Nous tablons sur un lancement de ce site Internet, comme du premier cycle de formation, au début de l’année 2015.

Breizh-info.com : Le faible engouement de la jeunesse notamment pour la lecture et pour l’apprentissage de son histoire vous inquiète-t-il? Comment y remédier?

Philippe Conrad : On ne soulignera jamais assez, de ce point de vue, la responsabilité du naufrage du système éducatif français. En particulier l’abandon de l’enseignement des Humanités, qui avait façonné l’univers mental, culturel, des Européens depuis plusieurs siècles, et dont on mesure aujourd’hui les conséquences délétères. En attendant celles que ne va pas manquer de produire le sacrifice de l’histoire de France dans les programmes du collège et du lycée… Mais la jeunesse est la première aujourd’hui à manifester un besoin de retour aux fondamentaux. J’en veux pour preuve, par exemple, son engagement résolu au sein du mouvement d’opposition au « mariage homosexuel », et plus largement aux réformes « sociétales » promues par le pouvoir politique. Ce mouvement générationnel atteste de nouveaux questionnements parfaitement en phase avec notre projet. Il porte en germe un renouveau possible.

Il y a d’autres signaux encourageants, comme la bonne santé de la littérature de jeunesse, d’où émergent des ouvrages et des auteurs tout à fait intéressants, et qui laissent à penser que le terreau est paradoxalement peut-être plus fertile aujourd’hui qu’il y a dix ou vingt ans. Ce qui nous oblige à être les plus performants possible en matière de transmission, en utilisant davantage les nouveaux moyens de communication propres aux nouvelles générations – même si le livre reste indispensable à la fois comme outil (de travail) et comme objet (culturel).

Breizh-info.com : Comment vous contacter? Vous aider? Quels sont vos besoins?

Philippe Conrad : D’ores et déjà, les internautes peuvent nous contacter via contact@institut-iliade.com, ne serait-ce que pour être tenu au courant des premières activités. Nous aurons bien sûr besoin de moyens financiers pour assurer le développement du site Internet, organiser les manifestations prévues et les sessions de formation – notamment pour parrainer des auditeurs qui ne disposeraient pas de ressources suffisantes pour se déplacer ou acheter les ouvrages et revues nécessaires. A rebours des dérives actuelles, nous entendons que l’argent ne constitue pas un critère de sélection des meilleurs !

Mais dans cette phase de fondation, l’essentiel est sans doute de diffuser l’information, notamment auprès des jeunes – mais pas seulement – qui pourraient être intéressés par les projets de formation. Transmettre la mémoire et la tradition européennes est une nécessité vitale, qui s’imposera encore davantage pour les générations à venir. Il revient à chacun que la flamme se transmette, et avec elle non seulement l’espoir mais la possibilité du réveil de notre civilisation !


[cc] Breizh-info.com, 2014, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.

vendredi, 11 juillet 2014

Fondation de l'Institut ILIADE

 

Fondation de l’Institut ILIADE:

A la veille du 21 juin 2014, au sommet du Mont Olympe, a été fondé l’Institut ILIADE pour la longue mémoire européenne.

Souhaité par Dominique Venner, cet Institut a pour vocation de transmettre les traditions de la civilisation européenne et de former à sa connaissance et à son histoire.

Son président est Philippe Conrad.

L’Institut accompagnera tous ceux qui refusent le grand effacement, matrice du grand remplacement.

Quand l’esprit se souvient, le peuple se maintient !

dimanche, 25 mai 2014

Dominique Venner: un regard inspiré sur l’Histoire

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Dominique Venner: un regard inspiré sur l’Histoire

par Philippe Conrad

Ex: http://www.zentropaville.tumblr.com

Quand j’ai fait sa connaissance au début des années 1960, rien ne semblait destiner Dominique Venner à un parcours intellectuel au long duquel l’Histoire allait prendre une place toujours plus grande. Engagé à dix-huit ans dans l’Armée avant d’être entraîné très tôt dans l’action politique, il milite pour l’Algérie française et contre la politique d’abandon alors mise en œuvre par le général De Gaulle, avant de faire l’expérience de la clandestinité et d’effectuer deux longs séjours en prison pour reconstitution de ligue dissoute.

La « critique positive » et l’expérience du terrain

Quand se tourne la page du conflit algérien, il formule sa « critique positive »  de l’échec que vient de connaître son camp et s’efforce de créer un mouvement politique porteur d’un « nationalisme » européen qu’il juge nécessaire dans le nouvel ordre du monde en train de s’établir. Les limites de l’action politique lui apparaissent toutefois rapidement et, soucieux  de préserver sa pleine indépendance,  il y renonce quelques années plus tard. Spécialiste des armes et amoureux de la chasse, de son histoire et de ses traditions, il va dès lors vivre de sa plume en conservant ses distances vis à vis d’un monde dans lequel il ne se reconnaît plus guère. Esprit cultivé et curieux, il est davantage tourné, à l’origine, vers la réflexion politique que vers l’histoire et le jeune militant activiste cherche surtout dans celle des grands bouleversements du XXème siècle les clés d’un présent qu’il entend transformer. L’expérience de l’action, le fait d’avoir été directement mêlé au dernier grand drame de l’histoire française que fut l’affaire algérienne lui ont toutefois fourni de multiples occasions  d’observer et de juger les acteurs auxquels il s’est trouvé confronté , d’évaluer concrètement des situations complexes, d’établir le bilan des succès et des échecs rencontrés. Autant d’expériences qui se révèleront utiles ultérieurement pour apprécier des moments historiques certes différents mais dans lesquels certains ressorts fondamentaux identifiés par ailleurs demeuraient à l’œuvre. Cette expérience de terrain, qui fait généralement défaut aux historiens universitaires, combinée avec une exigence de rigueur et une distance suffisante avec son propre parcours, s’est révélée précieuse pour aborder certaines séquences de notre histoire contemporaine, voire des épisodes plus lointains dans le cadre desquels passions et volontés fonctionnaient à l’identique.

L’historien spécialiste des armes et de la chasse renouvèle le genre

Dominique Venner s’est d’abord imposé comme un spécialiste des armes individuelles et c’est en ce domaine qu’il a d’abord séduit un vaste public, en introduisant l’histoire vivante en un domaine où ses pairs limitaient leurs approches aux seules données techniques. Exploitant la grande Histoire des conflits, les aventures personnelles ou les anecdotes significatives, il sut renouveler complètement ce genre bien particulier de la production historique. Ce fut en recourant à une inspiration identique qu’il réussit, auprès d’un vaste public, à rendre à l’art de la chasse sa dimension traditionnelle. Ce fut ensuite à travers l’histoire militaire que l’ancien combattant d’Algérie, qui avait rêvé enfant de l’épopée napoléonienne , retrouva le chemin de la grande Histoire. Il y eut ainsi la collection  Corps d’élite  qui rencontra auprès du public un succès d’une ampleur inattendue.

L’historien critique règle son compte à quelques mensonges bien établis…

Aux antipodes des idées reçues et des préjugés dominants, l’ancien militant se pencha également sur la guerre de Sécession en réhabilitant, dans Le blanc soleil des vaincus, la cause des Confédérés, l’occasion de régler leur compte à quelques mensonges bien établis. En écho aux Réprouvés d’Ernst von Salomon, il y eut ensuite Baltikum, qui retraçait l’épopée des corps francs allemands  engagés contre les révolutionnaires spartakistes, puis contre les bolcheviks russes en Courlande et en Livonie. L’intérêt porté à l’histoire de la révolution  communiste – la Critique positive de 1962 avait été comparée par certains au  Que faire  de Lénine -  conduit ensuite cet observateur des temps troublés nés de la première guerre mondiale et de la révolution soviétique à se pencher sur la genèse de l’Armée rouge. Il collabore entre temps, avec son ami et complice Jean Mabire, à Historia, la revue du grand public amateur d’Histoire, que dirige alors François-Xavier de Vivie. D’autres travaux suivront. Une Histoire critique de la Résistance, une Histoire de la Collaboration qui demeure l’ouvrage le plus complet et le plus impartial sur la question, Les Blancs et les Rouges. Histoire de la guerre civile  russe, une Histoire du terrorisme.  Après Le coeur rebelle,  une autobiographie dans laquelle il revient sur ses années de jeunesse et d’engagement, il réalise un De Gaulle. La grandeur et le néant.

L’historien méditatif et de la longue durée

Au cours des dix dernières années de sa vie et alors qu’il dirige la Nouvelle Revue d’Histoire – créée en 2002 pour succéder à Enquête sur l’Histoire disparue trois ans plus tôt – il oriente ses réflexions vers la longue durée et s’efforce de penser la genèse de l’identité européenne et les destinées de notre civilisation à travers des ouvrages tels que Histoire et tradition des Européens,  Le siècle de 1914 ou Le choc de l’Histoire.

Dominique Venner n’était pas un historien « académique » et n’a jamais prétendu l’être mais son insatiable curiosité et  l’ampleur du travail de documentation auquel il s’astreignait lui ont permis d’ouvrir des pistes  de réflexion nouvelles et de porter un regard original sur la plupart des sujets qu’il a abordés. D’abord tourné vers l’histoire contemporaine – de la Guerre de Sécession  aux années quarante en passant par la révolution russe ou les diverses formes que prit le « fascisme « – il a mesuré ensuite le poids de la longue durée en se tournant vers les sources gréco-romaines, celtiques ou germaniques de l’Europe. Il a ainsi trouvé chez Homère une œuvre fondatrice de la tradition européenne telle qu’il la ressentait. Contre l’image largement admise d’une Antiquité unissant l’Orient et la Méditerranée, il distinguait l’existence d’un monde « boréen » dont l’unité profonde, révélée par les études indo-européennes,  lui paraissait plus évidente. Il entretenait avec la culture antique, entendue comme allant du IIème millénaire avant J-C au IVème siècle de notre ère, une proximité qu’il entretenait à travers ses contacts et ses échanges avec des auteurs tels que Lucien Jerphagnon, Pierre Hadot, Yann Le Bohec ou Jean-Louis Voisin. Cette approche de la longue durée faisait qu’il inscrivait sa réflexion dans le cadre d’une civilisation européenne antérieure à l’affirmation des Etats nationaux et appelée éventuellement à leur survivre. Contre l’Etat administratif tel qu’il s’est imposé avec Richelieu et Louis XIV, ce « cœur rebelle » rêvait de ce qu’aurait pu être, à la manière du « devoir de révolte » qui s’exprimait dans les frondes nobiliaires,  une société aristocratique maintenant les valeurs traditionnelles d’honneur et de service face à celles, utilitaires, portées par l’individualisme et par la bourgeoisie. Il mesurait enfin combien la rupture engendrée par les Lumières et la Révolution française avait conforté  la « modernité » apparue en amont, au point de conduire aux impasses contemporaines et à la fin de cycle à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés.

Le visionnaire inspiré de la renaissance européenne

Contre les lectures canoniques, sottement engendrées par l’optimisme progressiste, de ce que fut en réalité le « sombre XXème siècle », il évaluait l’ampleur de la catastrophe survenue en 1914, point de départ de la suicidaire « guerre de trente ans » européenne. Générateur du chaos que l’on sait et de l’effacement de ce qui avait constitué cinq siècles durant, pour reprendre le mot de Valéry, « la partie précieuse de l’Humanité » cet effondrement de la « vieille Europe » n’avait cependant, selon Dominique Venner, rien de fatal. La part d’imprévu que recèle le cours  de l’Histoire, tout comme la volonté et le courage de générations capables de renouer avec leur identité faisaient, selon lui, que l’actuelle « dormition » de l’Europe n’était pas, dans le nouvel ordre du monde en train de s’établir, le prélude à sa disparition. Intimement pénétré de la dimension tragique de l’Histoire, l’auteur du Cœur rebelle demeurait convaincu que les seuls combats perdus sont ceux que l’on refuse de livrer. Contre les prophètes ahuris d’une mondialisation heureuse qui vire au cauchemar, les nombreux signaux qui s’allument en Europe et en Russie montrent, en lui donnant raison, que l’avenir n’est écrit nulle part et que les idées et les sentiments qui se sont imposés depuis les années soixante sont en passe de rejoindre les poubelles de l’Histoire. Attaché à sa liberté d’esprit et plaidant pour la lucidité nécessaire à l’historien, Dominique Venner apparaît ainsi, un an après sa disparition, comme le visionnaire inspiré d’une renaissance européenne toujours incertaine mais que  l’on peut considérer aujourd’hui comme une alternative vitale au processus mortifère engagé depuis près d’un demi-siècle.

Philippe Conrad

vendredi, 18 avril 2014

Philippe Conrad: 1914

L’été 1914 connaît des pluies diluviennes qui défoncent les grands boulevards et inondent les campagnes. La météo crie à la catastrophe ! L’Europe, concentrée sur le mauvais temps, semble ignorer l’imminence du cataclysme ô combien plus dévastateur qui va s’abattre sur elle. Grelottant sous leur parapluie, ni les Français ni les Belges, ni les Allemands ne pensent que la guerre est inéluctable. L’était-elle ? Contrairement aux assertions ultérieures, Philippe Conrad nous montre comment une autre histoire aurait pu s’écrire.
À côté des tensions belligènes manifestes, de nombreux éléments étaient susceptibles d’assurer le maintien de la paix : la mise en place effective d’une mondialisation économique favorable à toutes les nations occidentales, les débuts d’une organisation internationale extérieure aux systèmes d’alliances traditionnels (les conférences de La Haye, par exemple), les aspirations pacifistes et l’internationalisme socialiste, l’optimisme progressiste dominant, le maintien aux commandes de tous les grands pays européens – à l’exception de la France – des aristocraties traditionnelles, que rapprochent des liens familiaux. Enfin le règlement, avant 1914, des grands différends coloniaux.


À la lecture de nombreux courriers et documents inédits, l’auteur conclut que si le déclenchement du conflit ne peut être réduit à un simple allumage de mèche, l’imprévu a largement prévalu dans le déroulement des événements qui se succédèrent au cours des six semaines suivant l’attentat de Sarajevo.
Cette approche originale du sujet, aux limites de l’Histoire et de l’uchronie, met en avant diverses données généralement négligées. Il permet au lecteur de renouveler son regard sur l’Europe d’avant 1914 et de prendre la mesure de la part de malchance et d’imprévus dans l’Histoire.


Un siècle après les événements, alors que se multiplient les signaux inquiétants sur le plan international et que se dessine, de manière bien incertaine, un nouvel équilibre du monde, revenir sur l’épisode fondateur du siècle dernier présente aussi l’intérêt d’ouvrir un champ de réflexion nouveau.
 
Philippe Conrad a été professeur d’Histoire contemporaine et de géopolitique à l’Institut pratique de journalisme de Paris, directeur de séminaire au Collège Interarmées de Défense et professeur de géopolitique à l’École Supérieure de Guerre.


Journaliste indépendant depuis 1976, il collabore régulièrement à Historama, Histoire- Magazine, Perspectives, Valeurs Actuelles, Spectacle du Monde, le Figaro hors-série, Revue française de Géopolitique, Nouvelle revue d’Histoire, parmi d’autres. Il a également été rédacteur en chef de Nation-Armée de 1976 à 1979, d’Histoire-Magazine de 1979 à 1983, de Terres d’Histoire de 1988 à 1991.
Actuellement Philippe Conrad est rédacteur en chef du magazine électronique Les Nouvelles de Clio.


Philippe Conrad a une quarantaine d’ouvrages à son actif dont Le poids des armes, Guerres et conflits de 1900 à 1945 (Les PUF, 2004).

jeudi, 10 avril 2014

Oswald Spengler, le théoricien du déclin de l'Occident


Philippe Conrad

Oswald Spengler, le théoricien du déclin de l'Occident

par Cercle Ernest Renan