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samedi, 24 octobre 2009

Hommage à Ernst Jünger par Herbert Ammon, représentant de la gauche allemande

ernst_juenger.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

Hommage à Ernst Jünger par Herbert Ammon, représentant de la gauche allemande

 

Certes, jamais je ne pourrai entièrement effacer mes réserves à l'égard de l'écrivain politique Ernst Jünger, exposant du “nouveau nationalisme” dans les années 20. Face à l'admiration a-critique, une question non historique: l'histoire allemande en ce siècle aurait-elle été moins terrible sans cette “mobilisation totale” contre le système de Versailles, inspirée par Nietzsche et Machiavel, le nihilisme et le réalisme héroïque? Avec la distance que nous a apportée le temps, le pathos de ces écrits militants nous semble étrange, en lisant les Orages d'acier,  j'ai toujours distingué soigneusement entre l'esthétique de l'ouvrage et l'esthétique de la guerre. Ai-je ainsi fait des concessions à l'esprit gauchiste-libéral de la RFA élargie?

 

Intimidé par l'esprit “jüngerophobe” des feuilletons du Zeit de Hamburg, qui m'a accompagné pendant toutes mes années de lycée, j'appartiens  —contrairement à cette génération de l'après-guerre qui a été l'avant-garde de la révolte juvénile de 68 et qui a donné à l'insurrection étudiante quelques traits typiquement allemands—  à cette génération qui n'a lu l'œuvre du dernier des grands écrivains allemands de ce siècle que fort tard, qui ne l'a découvert qu'après de très longs détours. Certes, j'aurais pu me rapprocher de lui beaucoup plus tôt, car, pendant mes études, je suis tombé sur une anthologie des écrivains de la Beat Generation américaine, sur Howl d'Allen Ginsburg, sur Coney Island of the Mind  de Ferlinghetti. L'éditeur de ces textes était Karl Otto Paetel, émigré aux Etats-Unis, protagonistes de cet espace d'entre-deux, homme de gauche de la droite allemande, dont l'esprit de résistance au nazisme découlait de son engagement précédent dans la jeunesse “bündisch” et de l'esprit qu'avait répandu Ernst Jünger. Paetel avait souligné la parenté entre la geste protestataire de la Beat Generation et les sentiments de Jünger, au temps il s'était inscrit dans le mouvement de jeunesse. Je n'ai lu Jeux africains  qu'à l'âge adulte, quand il est trop tard pour cultiver et s'enthousiasmer de cette façon juvénile pour l'aventure.

 

A partir des écrits du jeune nationaliste Ernst Jünger, j'ai trouvé des références à Ernst Niekisch, après qu'un ignorant méchant et mal intentionné ait tenté de me dénigrer en me collant l'étiquette de “national-bolchevique”. En lisant Widerstand,  la revue de Niekisch, on apprend combien complexes, contradictoires et marginales étaient les voies de la résistance allemande. Pourtant les faits sont là: la “Rose Blanche” avait à voir avec le mouvement “d.j.1.11” d'Eberhard Köbel (dit “tusk”) et donc aussi avec Ernst Jünger; mais cette évidence historique est délibérément ignorée par le catalogue des bonnes vertus que veut nous faire avaler l'établissement bundesrepublikanisch.

 

Tard, fort tard, j'ai lu, pendant une lumineuse journée d'été, les Falaises de marbre. Quand on prend acte de l'œuvre de Jünger, on est généralement saisi par le doute, on découvre le geste de l'anarque, l'esthétique pure de la désinvolture, les jeux idéologiques du jeune Jünger. Mais ce glissement est démenti par une bonne lecture des Falaises de marbre. Il n'y a aucun doute, Ernst Jünger appartient au cercle des plus grands écrivains de ce XXième siècle. Nous, qui sommes nés après lui, après les guerres, jetterons un regard rétrospectif sur ce siècle qu'il a vécu tout entier, ce siècle des idéologies totalitaires. Réfléchissons aussi à la vanité de la résistance allemande que Jünger avait deviné anticipativement dans ses écrits, réfléchissons au hasard qui a permis la mémorable journée du 9 novembre 1989, alors nous connaîtrons “la sauvage mélancolie, qui s'empare de nous quand on se souvient du bonheur”.

 

Herbert AMMON.

(hommage extrait de Junge Freiheit,  n°9/98).

00:09 Publié dans Hommages | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : révolution conservatrice, ernst jünger, allemagne, gauche | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

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