dimanche, 01 novembre 2009
R. Steuckers: Propositions pour un renouveau politique (1997)
Propositions pour un renouveau politique
Intervention de Robert Steuckers au Colloque
de “Synergon-Deutschland”, Sababurg, 22-23 novembre 1997
L'effondrement du communisme depuis la perestroïka lancée par Gorbatchev en 1985, l'insatisfaction générale et planétaire que provoque la domination sans partage du libéralisme sur le globe tout entier, donne raison à tous ceux qui ont cherché d'autres solutions, des tierces voies ou une forme organique d'humanisme. La majorité de nos concitoyens, dans tous les pays d'Europe, sont désorientés aujourd'hui. Nous allons tenter de leur donner des repères.
Dans son ouvrage Zurück zur Politik. Die archemedische Wende gegen den Zerfall der Demokratie (1), Hermann Scheer constate (et nous partageons son constat):
- Il existe un fondamentalisme occidental, mixte de rationalisme outrancier, de moralisme universaliste, de relativisme délétère, d'économicisme plat et d'hostilité générale et pathologique à l'égard des legs de l'histoire;
- Ce fondamentalisme occidental ne se remet pas en question, ne s'ouvre à aucune nouveauté, ne révise pas ses certitudes, ne tient nullement compte de facteurs culturels non occidentaux, ce qui nous permet de le désigner comme un fondamentalisme équivalent aux autres, exhibant une dose équivalente ou supérieure de fanatisme;
- Ce fondamentalisme occidental est marqué d'hybris, de folie des grandeurs;
- Ce fondamentalisme occidental est subjectiviste, écrit Scheer; nous dirions qu'il est “individualiste” ou “hyper-individualiste”. Il réduit l'homme à sa pure individualité; le fondamentalisme occidental est dès lors un fondamentalisme qui exclut de son champ de prospection toutes les formes d'interrelations humaines. Le “sujet”, c'est-à-dire l'“individu”, n'a plus de devoirs à l'égard de la communauté au sein de laquelle il vit, car la notion même de “devoir” implique des relations réciproques, basées sur une éthique (Sittlichkeit) communément partagée.
Sans notion de “devoir”, le subjectivisme conduit au déclin moral, comme le constatent également les communautariens américains (2). De surcroît, les sociétés marquées par l'hyper-subjectivisme occidental, par le fondamentalisme individualiste, souffrent également d'une “monomanie économique”. Effectivement, le fondamentalisme occidental est obsédé par l'économie. Le double effet du subjectivisme et de la “monomanie économique” conduit à la mort de l'Etat et à la dissolution du politique. Telles sont les conclusions que tire Scheer. Elles sont étonnantes pour un homme qui s'inscrit dans le sillage des écologistes allemands et qui a le label de “gauche”. Cependant, il faut préciser que Scheer est un écologiste pragmatique, bien formé sur le plan scientifique; depuis 1988, il est le président de l'“European Solar Energy Association” (en abrégé: “Euro-Solar”).
Il a exprimé ses thèses dans deux ouvrages, avant de les reprendre dans Zurück zur Politik... (op. cit.):
- Parteien contra Bürger (1979; = “Les partis contre les citoyens”);
- Sonnen-Strategie (1993; = “Stratégie solaire”; cet ouvrage traite d'énergie solaire, clef pour acquérir une indépendance énergétique; à ce propos cf. Hans Rustemeyer, «Energie solaire et souveraineté», NdSE n°29, pp. 23-24).
Les autres constatations de Scheer sont également fort pertinentes et rejoignent nos préoccupations:
1. Dans la plupart des pays occidentaux, toute idéologie dominante ou acceptée, qu'elle soit au pouvoir ou provisoirement dans l'opposition, est influencée ou marquée par ce fondamentalisme occidental, par ce subjectivisme qui refuse de prendre acte des notions de “devoir” ou d'éthique communautaire, par cette monomanie économique qui dévalorise, marginalise et méprise toutes les autres activités humaines (les secteurs “non-marchands”, refoulés dans les sociétés occidentales).
2. La pratique des partis dominants ne sort pas de cette impasse. Au contraire, elle bétonne et pérennise les effets pervers de cette idéologie fondamentaliste.
3. Les intérêts vitaux des citoyens exigent pourtant que l'on dépasse et abandonne ces platitudes idéologiques. Dès 1979, Scheer constatait:
- que l'aversion des citoyens de base à l'encontre des partis ne cessait de reprendre vigueur;
- que les citoyens n'étaient plus liés à un seul parti dominant mais tentaient de se lier à diverses instances, soit à des instances de factures idéologiques différentes; le citoyen se dégage ainsi de l'étroitesse des enfermements partisans et cherche à diversifier ses engagements sociaux; le citoyen n'abandonne pas nécessairement les valeurs de sa famille politique d'origine, mais reconnait implicitement que les familles politiques d'“en face” cultivent, elles aussi, des valeurs valables et intéressantes, dans la mesure où elles peuvent contribuer à résoudre une partie de ses problèmes. Le citoyen, en bout de course, développe une vision de la politique plus large que le député élu ou le militant aliéné dans la secte que devient son parti.
- que les mutations de valeur à l'œuvre dans nos sociétés postmodernes impliquent un relâchement des liens entre les citoyens et leurs familles politiques habituelles;
- que les partis n'étaient plus à même de réceptionner correctement, de travailler habilement et de neutraliser efficacement les mécontentements qui se manifestaient ou pointaient à l'horizon (un chiffre: en France, aujourd'hui, plus de 25% des jeunes de moins de 25 ans sont sans travail et aucune solution à ce drame n'est en vue, dans aucun parti politique);
- qu'il est nécessaire que de “nouveaux mouvements sociaux” émergent, comme, par exemple: le mouvement populaire anti-mafia en Sicile, les mouvements populaires hostiles à la corruption politique dans toute l'Italie (dont la “Lega Nord”), les mouvements liés à la “marche blanche” en Belgique (qui n'ont mené à rien à cause de la naïveté de la population).
Scheer écrit (p. 97): «Les partis font montre d'une attitude crispée. Ils ne savent pas s'ils doivent considérer les idées nouvelles comme des menaces ou comme un enrichissement, s'ils doivent les bloquer, les intégrer ou coopérer avec elles». D'où l'indécision permanente qui conduit à la dissolution du politique et à l'évidement de l'Etat. Scheer constate, exactement comme le constatait Roberto Michels au début du siècle: «Il existe une loi d'airain de l'oligarchisation». Cette loi d'airain transforme l'Etat en instrument de castes fermées, jalouses de leurs intérêts privés et peu soucieuses du Bien commun. Quand ce processus atteint un certain degré, l'Etat cesse d'être le porteur du politique, le garant des libertés citoyennes et de la justice.
Plus loin, Scheer écrit (p. 111): «La démocratie partitocratique se trouve en plein processus d'érosion, car, comme jamais auparavant, elle connait une situation qu'Antonio Gramsci (...) aurait considéré comme la “plus aiguë et la plus dangereuse des crises”: “A un moment précis de l'évolution historique, les classes se détachent de leurs partis politiques traditionnels”. Il se constitue alors “une situation de divorce entre les représentés et les représentants”, qui doit immanquablement se refléter dans les structures de l'Etat». C'est précisément ce qui ne se passe pas: la masse croissante des exclus et des précarisés (même si leur statut est élevé, comme dans la médecine et dans l'enseignement) ne se reconnaissent plus dans leurs représentants et se défient des programmes politiques qu'ils avaient eu l'habitude de suivre.
Dans tous les pays, une situation analogue s'observe:
- en Allemagne, la contestation s'exprime dans les partis d'inspiration nationaliste, chez les Verts, dans les initiatives de citoyens (toutes tendances et inspirations confondues), chez les partisans du référendum (comme en Bavière);
- en Belgique, elle s'exprime dans les partis (VB, VU) inspirés par le nationalisme flamand (qui a toujours rassemblé en son sein les contestataires les plus radicaux de la machine étatique belge), en marge des partis libéraux qui prétendent défendre et refléter la révolte des indépendants et des classes moyennes spoliés (dans les années 60: le PLP/PVV; dans les années 90, le VLD de Guy Verhofstadt); ce dernier a prétendu canaliser “la révolte des citoyens contre la pillarisation de la société par les partis”; en Wallonie, cette révolte s'est d'abord exprimée chez les “écolos”, mouvement en lisière duquel des intellectuels comme Lambert et le Prof. Van Parijs ont développé une critique radicale et fondamentale du néo-libéralisme. Les travaux de Van Parijs ont acquis une notoriété internationale. Ensuite, la contestation, à partir de 1989, s'est exprimée dans le FN, scindé en deux clans depuis l'automne 1991; avec les scandales successifs (assassinat de Cools, disparition d'enfants, affaire Dutroux, scandales Agusta et Dassault), le mécontentement a débouché sur les manifestations d'octobre 1996, dont le point culminant fut la fameuse “marche blanche”, rassemblant 350.000 citoyens.
- en France, la contestation et le ras-le-bol s'expriment dans le vote FN; et, dans une moindre mesure, chez les Verts. La mouvance écologique n'est malheureusement plus dominée par une figure équilibrée comme Antoine Waechter, mais par l'aile pro-socialiste de Mme Voynet, qui s'est empressée de glâner quelques portefeuilles dans le gouvernement Jospin, condamné à l'échec face à l'ampleur de la crise en France.
- en Italie, où les formes de contestation de la partitocratie sont de loin les plus intéressantes en Europe, et les mieux étayées sur le plan théorique, la Lega Nord a cristallisé le mécontentement (nous y reviendrons lors d'un prochain séminaire).
Conclusion:
- Un mouvement comme le nôtre doit être attentif en permanence, afin de capter, de comprendre et de travailler les effervescences à l'œuvre dans la société. De percevoir et d'éliminer anticipativement les dysfonctionnements dès qu'ils se développent.
- Le fondamentalisme occidental repose sur une conception erronée de l'homme qui est:
a. non organique et donc non adaptée à l'être vivant qu'est l'homme;
b. hyper-individualiste (dans le sens où personne n'a plus de devoir à l'égard de l'autre, y compris à l'égard des membres de sa propre famille); le fondamentalisme occidental ruine la notion de “lignée”, donc de continuité anthropologique. Sur le plan pratique et quotidien, cela implique notamment la disparition de toute solidarité inter-générationnelle, tant à l'égard des ascendants que des descendants.
- Le fondamentalisme occidental débouche sur une pratique de la politique:
a. où les permanents des partis (les “bonzes”) sont irrémédiablement isolés de la vie réelle et inventent mesures, lois et règlements en vase clos, non pas dans la perspective de renforcer le Bien commun mais de conserver à leur profit personnel sinécures, avantages et passe-droits;
b. où le pur et simple fonctionnement des appareils des partis devient but en soi;
c. où ces appareils devenus buts en soi mènent tout droit au “malgoverno” qu'ont dénoncé les adhérents de la Ligue lombarde et le Professeur Gianfranco Miglio (cf. Vouloir n°109/113, 1993);
d. où les permanents des partis et les fonctionnaires d'Etat nommés par les partis se hissent sans vergogne au-dessus de la misère quotidienne des simples gens du peuple et, souvent aussi, au-dessus des lois (c'est le cas en Italie et en Belgique, où partis et magistrature sont manifestement liés à la pègre).
La notion de “malgoverno” désigne l'ensemble de toutes les conséquences négatives de la partitocratie. Les observateurs et les politologues italiens ont tiré des conclusions pertinentes de ce dysfonctionnement général. Mais, en France, des professeurs isolés, ignorés des médias aux ordres de la politique pégrifiée, ont également émis des constats intéressants; parmi eux, Jean-Baptiste de Foucauld et Denis Piveteau, dans Une société en quête de sens (3). Si Scheer était très dur et très critique, de Foucauld et Piveteau sont plus modérés. Ils sont en faveur de l'Etat social, de l'Etat-Providence. Celui-ci, à leurs yeux, est efficace, il peut mobiliser davantage de moyens que la solidarité spontanée et communautaire dont rêvent les réactionnaires et les idéalistes “fleur bleue”. Hélas, constatent de Foucauld et Piveteau, l'Etat-Providence ne suffit plus:
- Il ne peut plus intégrer tous les travailleurs de la communauté nationale;
- Il ne fonctionne plus que pour ceux qui disposent déjà d'un emploi, notamment les fonctionnaires et les salariés des grandes boîtes multinationales. En pratique, l'Etat-Providence n'est plus capable de résoudre le problème dramatique du chômage des jeunes;
- Les événements récents viennent de prouver que l'Etat-Providence peut affronter efficacement une situation donnée, à la condition que cette situation soit celle d'une “haute conjoncture”. En revanche, quand cette haute conjoncture se modifie sous la pression des événements internationaux ou d'innovations —bonnes ou mauvaises— l'Etat-Providence s'avère incapable de résoudre des problèmes nouveaux, soudains ou inattendus.
L'Etat-Providence est alors incapable de garantir la solidarité, parce qu'il ne remet pas en question des mécanismes de solidarité anciens mais devenus progressivement surannés. Les données et les faits nouveaux sont perçus comme des menaces, ce qui, dans tous les cas de figure, est une attitude erronée. A ce niveau, notre réflexion, dans ses dimensions “conservatrices-révolutionnaires”, c'est-à-dire des dimensions qui tiennent toujours compte des situations exceptionnelles, peuvent se montrer pertinentes: les processus à l'œuvre dans le monde sont multiples et complexes; ils ne nous autorisent pas à penser qu'il y aura ad vitam eternam répétition des “bonnes conjonctures”.
L'Etat-Providence repose sur une logique de l'intégration. Tout citoyen, tout travailleur immigré qui a été dûment accepté, devrait, dans un tel Etat-Providence, dans l'appareil social qu'il met en œuvre et organise, être pleinement intégré. Ce serait évidemment possible si les paramètres restaient toujours les mêmes ou si le progrès, immuablement, avançait selon une précision arithmétique ou exponentielle. Mais ce n'est jamais le cas... L'exception guette à tout moment, le pire survient à tout bout de champ. Ceux qui pensent et agissent en termes de paramètres immuables sont des utopistes et sont condamnés à l'échec politique. Ceux qui envisagent le pire font preuve de responsabilité.
Dans les médias, aujourd'hui, on ne cesse de parler d'intégration, mais la seule chose que l'on observe, c'est l'exclusion à grande échelle. Jadis, l'exclusion ne touchait que des gens sans revenus ou sans allocations de retraite. Aujourd'hui, de 10 à 20% de la population totale est exclue (derniers chiffres: 16% des personnes habitant la Région de Bruxelles-Capitale). Les exclus se recroquevillent dans leur cocon, se replient sur eux-mêmes, ce qui engendre un dangereux nihilisme, le sentiment de “no future”. Les liens communautaires disparaissent. Un isolement total menace l'exclu. Les intégrés sont immergés dans une cage de luxe, de réalité-ersatz, qui les tient éloignés du fonctionnement réel de la Cité.
J. B. de Foucauld et D. Piveteau analysent la situation et ne donnent pas de solutions toutes faites (personne ne croit plus d'ailleurs aux solutions toutes faites). Pour eux, la société est déterminée par une dynamique conflictuelle entre quatre pôles:
1. Le pôle de l'initiative: ceux qui prennent des initiatives n'acceptent que peu d'obstacles d'ordre conventionnel, notamment les obstacles installés par les administrations reposant sur une ergonomie obsolète ou sur des analyses vieilles de plusieurs décennies (exemple: il a fallu trente mois d'attente à une firme de pointe en Wallonie pour obtenir de la part des fonctionnaires —souvent socialistes, corrompus, incompétents et dépassés— le droit de lancer son initiative génératrice de 2500 emplois, alors que la région compte des zones où le chômage atteint 39% de la population active!). Le principe d'initiative peut aussi être pensé sur un mode exclusivement individualiste et relativiser ou transgresser le principe de “coopération”.
2. Le pôle de coopération.
3. Le conflit (inhérent à toute société), vecteur de changements.
4. La contrainte, qui peut avoir la fonction d'un régulateur.
Piveteau et de Foucauld dressent une typologie des sociétés bipolarisées (où seuls deux pôles entrent en jeu) et une typologie des sociétés tripolaires (où trois pôles sont en jeu). Pour ces deux auteurs, il s'agit de montrer que l'exclusion d'un ou de deux pôles conduit à de problématiques déséquilibres sociaux. Les valeurs qui se profilent derrière chaque pôle sont toutes nécessaires au bon fonctionnement de la Cité. Il est dangereux d'évacuer des éventails de valeurs et de ne pas avoir une vision holiste (ganzheitlich) et synergique des sociétés qu'on est appelé à gouverner.
Les sociétés bipolaires:
- Dans une société régie par le libéralisme pur, de facture hayekienne, où règne, dit-on, une “loi de la jungle” (bien qu'il me paraisse difficile de réduire l'œuvre complexe de Hayek à ce seul laisser-faire exagéré), les pôles de l'initiative et du conflit sont mis en exergue au détriment de la coopération (individualisme oblige) et de la contrainte (principe de liberté).
- Dans une société autoritaire, d'inspiration conservatrice (Salazar) ou communiste (la Pologne de Jaruzelski), les pôles de coopération et de contrainte sont privilégiés au détriment des pôles d'initiative et de conflit.
- Dans les sociétés où domine l'esprit civique, comme dans les nouvelles sociétés industrielles asiatiques, les pôles d'initiative et de coopération sont valorisés, tandis que les pôles de conflit et de contrainte sont mis entre parenthèses.
- Dans les sociétés purement conflictuelles et instables, les pôles du conflit et de la contrainte sont à l'avant-plan, ceux de l'initiative et de la coopération à l'arrière-plan ou carrément inexistants. Plus personne ne lance d'initiative, car c'est sans espoir, et personne ne coopère avec personne, car il n'y a ni confiance ni consensus. Aucune initiative et aucune coopération ne sont possibles. Exemples: les zones industrielles du début du XIXième siècle, décrites par Zola dans Germinal, ont généré des sociétés conflictuelles et contraignantes de ce type. Aujourd'hui, on les rencontre dans les bidonvilles brésiliens; les banlieues marginalisées des grandes villes françaises risquent à très court terme de se brasilianiser.
- Dans certaines sociétés sans esprit civique, l'initiative n'est possible qu'avec la contrainte. Piveteau et de Foucauld craignent que la France, leur pays, n'évolue vers ce modèle, car le dialogue social à la belge ou à l'allemande n'existe pas et que le syndicalisme y est resté embryonnaire.
- Au sein même des grandes sociétés industrielles, les grandes familles intactes, certaines organisations professionnelles, les minorités ethniques (y compris dans les banlieues à problèmes), développent un modèle principalement coopératif, dans un environnement fortement conflictuel, mais où l'initiative innovante est trop souvent absente et où la contrainte étatique est radicalement contestée. Avec, au pire, l'émergence de structures mafieuses.
Les sociétés tripolaires:
- Si seuls les pôles de la coopération, de l'initiative et de la contrainte entrent en jeu, le risque est d'évacuer tous les conflits, donc toutes les innovations, née de l'agonalité entre classes ou entre secteurs professionnels concurrents.
- Si le pôle de contrainte est évacué, le risque est d'assister à la contestation systématique et stérile de toute autorité féconde et/ou régulative.
- Si le pôle de coopération est exclu, la solidarité cesse d'exister.
- Si le pôle d'initiative est absent, l'immobilisme guette la société.
L'idéal pour de Foucauld et Piveteau est un chassé-croisé permanent et sans obstacle entre les quatre pôles. L'exclusion d'un seul ou de deux de ces pôles provoque des déséquilibres et des dysfonctionnements. Pour nos deux auteurs, les difficultés sont les suivantes:
1. Les partis politiques en compétition dans une société ne mettent que trop souvent l'accent sur un seul pôle ou sur deux pôles seulement. Ils n'ont pas une vision globale et synergique de la réalité sociale.
2. Les partis prennent l'habitude, parce que leur objectif majeur se réduit à leur propre auto-conservation, à ne défendre que certaines valeurs en excluant toutes les autres. Cette exclusion reste un vœu pieux, car les valeurs peuvent certes s'effacer, quitter l'avant-scène, mais ne disparaissent jamais: elles demeurent un impératif éthique. La vision politique des grands partis dominants est dès lors mutilée et mutilante. Elle conduit à la répétition de schémas et de routines politiques, en marge de l'évolution réelle du monde.
3. Un mouvement civil ou populaire comme le nôtre doit se donner la tâche (ardue) de réconcilier les quatre pôles, de les penser toujours simultanément, afin de favoriser un maximum de synergies entre eux.
4. De cette manière seulement, émergent une perception et une pratique holistes de la dynamique sociale.
5. Les schémas que nous proposent de Foucauld et Piveteau expliquent pourquoi diverses catégories de citoyens finissent par se lasser de la politique et des partis. Lorsqu'un pôle n'est pas pris en compte, de larges strates de la population sont frustrées, vexées, meurtries, marginalisées voire exclues. Ou ne peuvent plus exprimer leurs desiderata légitimes.
6. En plaidant pour une prise en compte de ces quatre pôles, Piveteau et de Foucauld visent à (re)donner du sens à la vie politique, car, s'il y a absence de sens, il y a automatiquement dissolution du politique, liquéfaction des institutions, effondrement de la justice et éparpillement des énergies.
La critique de Nicolas Tenzer
Un autre observateur français de la situation actuelle est le Prof. Nicolas Tenzer, énarque, enseignant auprès de l'Institut d'Etudes politiques de Paris. Dans Le Tombeau de Machiavel (4), Nicolas Tenzer part du constat que les “grands récits”, c'est-à-dire selon le philosophe Jean-François Lyotard, les visions vectorielles de l'histoire véhiculées par les progressistes, ne sont plus dans le grand public des objets de croyance et de vénération. L'électeur n'attend plus des partis et des hommes politiques qu'ils se mobilisent pour réaliser des projets téléologiques aussi “sublimes”. Mais ce désintérêt pour les grands mythes téléologiques recèle un risque: les sociétés ne formulent plus de perspectives d'avenir et les élites deviennent des “élites sans projet”. La pire conséquence de l'“effondrement des grands récits”, c'est que les partis et les hommes politiques se mettent à justifier sans discernement tous les faits de monde et de société présents, même ceux qui ne recèlent plus aucune potentialité constructive, ou ceux qui représentent un flagrant déni de justice.
Tenzer ne cite jamais Carl Schmitt, mais le jugement négatif qu'il pose sur cette médiocre justification des faits, indépendamment de ce qu'ils sont sur le plan des valeurs ou de l'efficacité, nous rappelle directement la critique négative que Carl Schmitt et Max Weber adressaient à la légalité, cage d'acier rigide emprisonnant la légitimité, qui, elle, est toujours souple et dynamique.
Pour Tenzer, la “deuxième gauche” (c'est-à-dire la gauche qui se considère comme modérée et socialiste et prétend ne pas vouloir gouverner avec les communistes) est une école politique qui légitimise, justifie et accepte les faits simplement parce qu'ils existent, sans plus déployer aucune prospective ni perspective, n'envisage plus aucun progrès et n'a plus la volonté de réaliser des plans, visant le Bien commun ou sa restauration. A ce niveau de la démonstration de Tenzer, nous sommes contraints d'apporter une précision sémantique. Tenzer condamne l'attitude de la “deuxième gauche” pour son acceptation pure et simple de tous les faits de monde et de société, sans esprit critique, sans volonté réelle de réforme ou d'élimination des résidus figés ou dysfonctionnants. Cette “deuxième gauche” prendrait ainsi, dit Tenzer, une attitude “naturaliste”. Pour la pensée conservatrice (du moins les “conservateurs axiologiques”) et les écologistes, il y a primat du naturel sur toutes les constructions. En règle générale, les gauches libérales et marxistes, accordent le primat aux choses construites. Mais en développant sa critique de la “deuxième gauche”, en la dénonçant comme “naturaliste”, Tenzer met les conservateurs (axiologiques) et les écologistes en garde contre une tendance politique actuelle, celle d'accepter tous les faits accomplis trop vite, de considérer toutes les dérives comme inéluctables, comme le résultat d'une “catallexie”, c'est-à-dire, selon Hayek, d'une évolution naturelle contre laquelle les hommes ne peuvent rien. Dans ce cas, la volonté capitule. Tenzer dénonce là la timidité à formuler des projets et la propension à faire une confiance aveugle à la “main invisible”, chère aux libéraux. Dans le fond, Tenzer ne critique pas le réalisme vitaliste de la pensée conservatrice et/ou écologiste, mais s'oppose à la notion néo-libérale de “catallexie”, réintroduite à l'époque de Thatcher, à la suite de la réhabilitation de la pensée de Hayek.
Dans la vie politique concrète, dans la situation actuelle, un “naturalisme” mal compris conduirait à accepter et à légitimer l'exclusion de millions de citoyens au nom du progrès, de la démocratie, de l'Etat de droit, de la morale, etc. Légitimer des faits aussi négatifs est évidemment absurde.
Tenzer nous avertit aussi du mauvais usage de la notion de “complexité”. Pour nous, dans notre perspective organique, la complexité constitue un défi, nous oblige à éviter toutes les formes de réductionnisme. En ce sens, nous avons retenu les leçons d'Arthur Koestler (Le cheval dans la locomotive), de Konrad Lorenz et, bien entendu, du biohumanisme qu'avait formulé Lothar Penz (5). Malheureusement, aux yeux d'un grand nombre de terribles simplificateurs, la complexité est devenu un terme à la mode pour esquiver les défis, pour capituler devant toutes les difficultés. Quand un problème se pose, on le déclare “complexe” pour ne pas avoir à l'affronter. Le réel est donc posé a priori comme trop “complexe” pour que l'homme ait la volonté de mener une action politique quelconque, d'élaborer des plans et de développer des projets. On accepte tout, tel quel, même si c'est erroné, injuste ou aberrant.
Tenzer ne rejette pas seulement le “naturalisme” (auquel il donne une définition différente de la nôtre) mais aussi
a) l'enthousiasme artificiel pour la complexité que répandent les journalistes qui se piquent de postmodernité et proposent insidieusement une idéologie de la capitulation citoyenne;
b) l'hypermoralisation; en effet, aujourd'hui, dans les médias, nous assistons à une inflation démesurée de discours moralisants et, en tant que tels, anesthésiants. La philosophie ne cherche plus à comprendre le réel tel qu'il est, mais produit des flots de textes moralisants et prescriptifs d'une confondante banalité, pour aveugler, dit Tenzer, le citoyen, le distraire du fonctionnement réel de sa communauté politique (Tenzer adresse cette critique à André Comte-Sponville notamment). Dans les médias, c'est sur base de telles banalités que l'on manipule les masses, pour les empêcher de passer à l'action. L'objectif principal de cet hyper-moralisme, c'est de “freiner toute action citoyenne”. Ceux qui veulent freiner cette action citoyenne entendent maintenir à tout prix le statu quo (dont ils sont souvent les bénéficiaires), se posent comme “légalistes” plutôt que comme “légitimistes”. Mais l'option légaliste (ou “légalitaire”) est foncièrement anti-politique, car elle refuse de considérer le politique comme une force qui chevauche et maîtrise la dynamique historique et sociale. Le légaliste-légalitaire est aussi celui qui conçoit le droit comme une idée abstraite, détachée de tout continuum historique. Dans le domaine du politique, ce qui est le produit direct d'un continuum historique est légitime. Une légalité rigide, en revanche, conduit à une rupture (souvent traumatisante) à l'endroit d'une continuité puis à la dissolution du politique et de l'Etat, car la dynamique qui émane du peuple, porteur du politique et acteur de l'histoire, est freinée et étouffée.
Dans le processus de dissolution de l'Etat, dans ses phases successives d'affaiblissement, celui-ci cesse d'être aimé, constate Tenzer, car, en effet, sa dissolution est toujours simultanément une dé-légitimisation, et, partant, une réduction à de la pure légalité.
Des élites sans projet
Revenons au débat allemand. Il y a quelques années, j'ai été étonné de découvrir que trois figures de proue de la politique allemande avaient écrit de concert un ouvrage très critique à l'encontre des partis. Ce livre s'intitulait Die planlosen Eliten (= “Les élites sans projet”) (6). Ses auteurs étaient Rita Süssmuth (aile gauche de la CDU démocrate-chrétienne), Peter Glotz (intellectuel en vue de la SPD socialiste) et Konrad Seitz (ministre de la FDP libérale). Dans ce livre, ils expriment:
- leur nostalgie d'une élite et d'une caste dirigeante cohérentes;
- leur souhait de voir cette élite résoudre les problèmes politiques, économiques et écologiques;
- leur inquiétude de voir la classe politique allemande décliner et tomber très bas dans l'estime des masses; ce déclin s'explique parce qu'il y a eu des scandales dans le financement des partis; parce que les promesses électorales n'ont jamais été tenues (p. ex.: réunification sans augmentation des impôts).
Nos trois auteurs écrivent (p. 181): «La fabrication en série de mythes et de grands sentiments conduit au cynisme et à l'apathie dans la population». Ensuite, ils déplorent que le procédé de recrutement de la classe politique reste le “travail à la base”; or celui-ci effraie les individualités créatives, imaginatives et intelligentes et les détourne de la politique. Süssmuth, Glotz et Seitz constatent à ce propos (p. 182): «C'est sans doute un paradoxe, mais on est bien obligé de constater qu'il est réel: la démocratisation des partis a conduit simultanément à leur fermeture. A l'époque de Weimar ou dans les premiers temps de la Bundesrepublik, les appareils dirigeants des partis pouvaient imposer des candidats à la “base”; de cette façon, des personnalités originales, des experts, des intellectuels, des conseillers de grandes entreprises et des représentants d'autres groupes s'infiltraient dans le monde politique. Mais aujourd'hui, celui qui refuse de se soumettre au contrôle des faciès opéré par les pairs des partis, n'a plus aucune chance». Ce constat affolant est suivi de plaidoyers:
- pour un changement dans la psychologie des hommes et des femmes politiques, où nos trois auteurs réclament plus de modestie (p. 192);
- pour une plus forte participation de la population aux décisions politiques directes (via des techniques de consultation comme le plébiscite et le referendum);
- pour une ouverture des partis politiques à la vie réelle des citoyens.
Enfin, Süssmuth, Glotz et Seitz émettent ce jugement terrible pour le personnel politique en place: «Quand on est âpre de prébendes, vulgaire et envieux, on ne doit pas s'attendre à susciter le respect des autres».
Les pistes que nous suggérons
La classe politique a failli partout en Europe. Elle n'est pas capable d'affronter les nouvelles donnes, parce que son personnel n'a ni l'intelligence ni la culture nécessaires pour orienter et réorienter les instances politiques sous la pression des faits. Telle est la situation. Mais quelles sont les réponses, ou les pistes, qu'un mouvement comme le nôtre peut apporter?
1. La première piste dérive d'une prise en compte des leçons du “communautarisme” américain.
- Le communautarisme américain constate que le modèle occidental est une impasse.
- Dans cette impasse, les citoyens ont perdu tous liens avec les valeurs qui fondent les sociétés et les maintiennent en état de fonctionner dans la cohérence. C'est ainsi qu'a disparu le sens civique. Et sans sens civique, il n'y a pas de démocratie viable. Sans sens civique, sans valeurs fondatrices, sans rejet explicite d'un relativisme omniprésent, il n'y a pas de justice.
- Nous devons coupler la réhabilitation de la notion de “communauté” que nous trouvons dans le communautarisme américain actuel à la notion schmittienne d'“ordre concret” (konkrete Ordnung). Pour Carl Schmitt, un ordre concret est un ordre produit par un continuum historique, par exemple un Etat né de l'histoire. A l'intérieur de tels Etats, nous trouvons, généralement, une façon précise et originale de dire le droit et d'appliquer une jurisprudence. Dès lors, les règles ne sont des règles réelles et légitimes que si elles sont imbriquées dans un ordre né d'une continuité historique précise.
En insistant sur la concrétude des ordres en place dans les sociétés traditionnelles et/ou légitimes, Carl Schmitt conteste le pur normativisme des Etats libéraux. Le normativisme libéral repose sur la norme, qui serait une idée générale propre à l'humanité toute entière, hissée au-dessus de toutes les contingences spatio-temporelles. La normativisation du droit conduit à un gouvernement du droit et non plus à un gouvernement d'hommes au service d'autres hommes. L'Etat de droit (où le droit est conçu comme le produit d'une histoire particulière) dégénère en Etat légal(iste), ce qui nous amène à l'actuelle “political correctness”. Par ailleurs, le pur décisionnisme, qu'avait défendu Carl Schmitt à ses débuts, en même temps que les fascistes, ne permet pas à l'homme d'Etat de saisir la dynamique historique, le noyau fondamental de la Cité qu'il est appelé à régir. Raison pour laquelle, l'homme d'Etat doit simultanément se préoccuper des institutions, de la continuité institutionnelle (selon la définition que donne Hauriou de l'institution, soit un “ordre concret”), et des décisions, à prendre aux moments cruciaux, pour trancher des “nœuds gordiens” et sortir la Cité d'une impasse mortelle. Au sein des ordres concrets, qui ont produit un système juridique au fil de l'histoire, les communautés humaines concrètes fondent du sens. Ces communautés charnelles d'hommes et de femmes de diverses lignées et générations acquièrent ainsi priorité sur les normes abstraites. Les communautariens américains s'efforcent de contribuer, comme nous, au rétablissement de l'Etat de droit, contre toutes les tentatives entreprises pour le remplacer par l'Etat normatif, “politiquement correct”, excluant en même temps que toutes les valeurs léguées par l'histoire, tous les possibles qui pourraient contredire ou atténuer la rigueur abstraite de la norme.
Ernst Rudolf Huber et le «Kulturstaat»
2. Ce débat de fond suscite d'autres questions. Par exemple: quelles facettes doit présenter un Etat porté par les ordres concrets qui vivent et se déploient en son sein? De notre point de vue, un tel Etat serait celui qu'Ernst Rudolf Huber a défini comme Kulturstaat (“Etat-culture”) (7). Pour Huber, “le Kulturstaat est le gardien de la culture populaire face à la destruction dont la menace la société” (i. e.: les intérêts privés, désolidarisés du Bien commun, ndlr). La “culture” dans ce sens est à la fois constitutive de la Staatlichkeit (de la substance de l'Etat) et la légitimise. L'action de l'Etat est soumise aux valeurs substantielles que véhicule cette culture. En conséquence, l'Etat n'est pas un pur instrument, car la culture n'est pas une fabrication faite à l'aide d'instruments, mais un héritage et une matrice de valeurs qui, en dernière instance, ne sont ni rationalisables ni normalisables. En ce sens, cette matrice est elle-même une valeur qu'il convient de préserver contre les intérêts matériels et factieux, contre les agents de déliquescence, intérieurs ou extérieurs. En théorisant la notion de Kulturstaat, Huber entend étoffer la notion hégélienne de Sittlichkeit (éthique, mœurs) en l'imbriquant dans une culture et la solidarisant d'office avec toutes les autres manifestations de cette culture. L'éthique cesse automatiquement d'être un jeu propret de concepts purs, détachés de la vie réelle et trépidante des peuples.
Tout Kulturstaat est nécessairement organisé selon un modèle fédéral, il est un Bundesstaat (qui respecte le principe de subsidiarité), car toute communauté au sein de cet Etat est un ordre concret, qui doit être respecté en tant que tel, auquel il faut assurer un avenir. Pour le juriste français Stéphane Pierré-Caps, dans son ouvrage intitulé La multination (8), le futur Etat mitteleuropéen ne pourra pas se bâtir sur le modèle unitaire, centraliste et jacobin de l'Etat-Nation, où la norme abstraite régente, oblitère et émascule tous les ordres concrets et toutes les institutions et les communautés concrètes, mais devra opter pour une forme d'Etat qui respecte et organise institutionnellement toutes les différences vivantes d'un territoire donné.
Ce principe est universellement valable, tant pour le territoire d'un Etat national classique que pour des territoires éventuellement plus vastes, comme les sphères culturelles (ex.: la Mitteleuropa, l'Europe en voie d'unification, des regroupements régionaux comme l'espace Alpes-Adriatique). Certes ces espaces connaîtront encore des frontières, mais celles-ci délimiteront les “civilisations” dont parle Samuel Huntington dans Le choc des civilisations (9). Ces civilisations diviseront demain l'humanité en vastes sphères différenciées voire antagonistes (dans le pire des cas), sans que l'on n'ait à appliquer globalement des normes générales, abstraites et universalistes, lesquelles ne sont en aucun cas des valeurs. Ces normes sont closes sur elles-mêmes, fermées et rigides, car elles sont des produits de l'esprit de fabrication et purement prescriptives. Les valeurs sont vivantes, ouvertes aux innovations fusant de toutes parts, effervescentes et dynamiques. Les valeurs ne sont jamais univoques, contrairement aux normes, elles sont “plurivoques”. Les normes ne recèlent en elles qu'un seul possible. Les valeurs sont à même de générer une pluralité de possibles.
Conclusion: Pour rétablir les communautés des communautariens, les ordres concrets qui fondent le droit selon Carl Schmitt, les Kulturstaaten selon Huber, les communautés de Kulturstaaten à l'intérieur de sphères culturelles ou de grands espaces de civilisation, nous devons renvoyer les “élites sans projet”, dénoncées par Süssmuth, Glotz et Seitz, et faire advenir des élites conscientes de leur devoir de respecter les acquis et de façonner l'avenir. De telles élites cultivent une éthique de la responsabilité. Celle-ci a été définie avec brio par des philosophes comme Max Weber, Hans Jonas et Karl-Otto Apel (10). Elle constituera le thème d'un prochain séminaire de “Synergies européennes”. Appelé à compléter celui d'aujourd'hui.
Robert STEUCKERS.
Forest, novembre 1997.
Notes:
(1) Hermann SCHEER, Zurück zur Politik. Die archimedische Wende gegen den Zerfall der Demokratie, Piper, München, 238 S., DM 29,80, ISBN 3-492-03782-8.
(2) Walter REESE-SCHÄFER, Was ist Kommunautarismus?, Campus, Frankfurt a. M., 1994, 191 S., DM 26,80, ISBN 3-593-35056-4. Voir également/Siehe auch: Transit. Europäische Revue, Nr. 5 («Gute Gesellschaft»), Winter 1992/93, Verlag Neue Kritik, Frankfurt a.M., ISSN 0938-2062.
(3) Jean-Baptiste de FOUCAULD & Denis PIVETEAU, Une société en quête de sens, Odile Jacob, Paris, 1995, 301 p., 140 FF, ISBN 2-7381-0352-9.
(4) Nicolas TENZER, Le tombeau de Machiavel, Flammarion, Paris, 1997, 546 p., 140 FF, ISBN 2-08-067343-2.
(5) Lothar PENZ, siehe Hefte von Junges Forum (genaue Angaben)
(6) Peter GLOTZ, Rita SÜSSMUTH, Konrad SEITZ, Die planlosen Eliten. Versäumen wir Deutschen die Zukunft?, edition ferenczy bei Bruckmann, München, 1992, 251 S., ISBN 3-7654-2701-2.
(7) Max-Emanuel GEIS, Kulturstaat und kulturelle Freiheit. Eine Untersuchung des Kulturstaatskonzepts von Ernst Rudolf Huber aus verfassungsrechtlicher Sicht, Nomos-Verlagsgesellschaft, Baden-Baden, 1990, 298 S., ISBN 3-7890-2194-6.
(8) Stéphane PIERRÉ-CAPS, La multination. L'avenir des minorités en Europe centrale et orientale, Odile Jacob, Paris, 1995, 341 p., 160 FF, ISBN 2-7381-0280-8.
(9) Samuel HUNTINGTON, Le choc des civilisations, Odile Jacob, Paris, 1997, 402 p., 150 FF, ISBN 2-7381.0499.1.
(10) Detlef HORSTER, Politik als Pflicht. Studien zur politischen Philosophie, Suhrkamp, stw 1109, Frankfurt, 1993, 281 S., DM 19,80, ISBN 3-518-28709-5.
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