Les opposants à ce projet, quand ils agissent au sein des instances de Bruxelles et de Strasbourg, utilisent les arguments habituels de la bien-pensance. Sur ce terrain toute discussion se révèle inutile avec eux. À leurs yeux le droit l’asile peut s’exercer partout et en tout lieu. Et l’Europe, seule au monde à le pratiquer systématiquement, doit s’incliner. Elle ne saurait non plus refuser de nourrir, de loger, d’éduquer, de subventionner la misère planétaire. Amen.
Évacuons par ailleurs les soi-disant arguments techniques. De bons esprits paradoxaux nous assurent que les barbelés, les tours de guets, les rondes de garde, les chiens policiers etc. se révèleraient inappropriés. Il faut hélas rappeler, s’agissant de frontières terrestres, que l’expérience a prouvé le contraire. Les Turcs eux-mêmes ont pu mesurer à Chypre, depuis 1974, l’efficacité du dispositif de cet ordre qu’ils ont installé, sous le nom parfaitement évocateur de ligne Attila, et qu’ils gèrent imperturbablement au mépris des résolutions des Nations Unies et du droit international. Également, à partir de l’indépendance de l’Arménie en 1991, et sous prétexte du conflit du Haut-Karabagh, qui ne la concerne pas, la Turquie a installé un verrouillage parfaitement abject et injuste de ce pays, mais qui, techniquement lui aussi a fait ses preuves et ne semble guère émouvoir les bonnes consciences professionnelles.
On peut donc et on doit s’interroger sur les motifs de cette campagne, venant de la part d’un pays qui prétend, par ailleurs, entrer un jour dans l’Union européenne.
Dès le traité signé à Amsterdam en 1997, la communauté aujourd’hui élargie à 27 États-Membres, prenait acte d’une évidence. À supposer qu’on veuille le résoudre, le problème de l’immigration illégale doit être abordé du point de vue de l’ensemble de notre continent. Et, dès cet accord qui entra en vigueur en 1999, diverses dispositions communautaires ont commencé à se mettre en place en application des articles 63 à 66.
Remarquons que, depuis lors, un argumentaire lamentable et pervers a été développé par divers consultants, sachants et autres technocrates. Selon leur discours les gentils arrivants du tiers-monde permettraient, par leurs cotisations, de financer la survie des retraites par répartition. À les entendre encore, les mêmes bienfaiteurs se destineraient par leurs soins diligents à entretenir nos vieillards dépendants abandonnés par leurs enfants. Cependant les accords européens ne sont pas tombés en désuétude. Au contraire.
La vérité crue et nue consiste, en effet, en ce que les pays de passage, situés notamment aux confins méditerranéens de l’Europe, l’Espagne, la Grèce ou l’Italie du sud ne représentent qu’une infime partie de la destination ultime des migrants extra-communautaires. Les pompes aspirantes se situent dans les perspectives d’emplois des centres industriels, dans le meilleur des cas, mais aussi dans les structures d’accueil et enfin dans la générosité des divers systèmes sociaux en Allemagne, au Royaume Uni ou, bien entendu, en France.
À partir de 2004 une agence a donc été mise en place sous le nom de Frontex et elle s’est installée l’année suivante à Varsovie, sous la responsabilité actuelle d’un directeur exécutif finlandais (3). À cet officier de 48 ans l’ancien rideau de fer n’a probablement pas laissé le souvenir d’une frontière passoire.
En février 2010, la Commissaire suédoise chargée des Affaires intérieures, Mme Cecilia Malmström proposait de renforcer la protection des frontières extérieures de l’Europe. Au même moment une opération franco-espagnole de gardes-côtes symbolisait la volonté commune représentée par Frontex. Et, pour des raisons techniques du même ordre que celles des Balkans, un mur a été érigé séparant, du Maroc, le territoire espagnol de Ceuta et Melilla.
On revient donc à la question : pourquoi la presse d’Istanbul et la diplomatie d’Ankara s’indignent-elles de mesures similaires que l’Europe va prendre sur la ligne représentée par la rivière Evros plus connue en France sous son nom bulgare de Maritza ?
Une première réponse vient à l’esprit. Il s’agirait en partie de tester le niveau de découplage entre les instances européennes et le gouvernement Papandréou. Celui-ci est jugé peut-être, et à tort, affaibli par sa politique d’assainissement financier. Certains l’estiment plus malléable puisqu’il cherche, aussi, à développer des relations de meilleure qualité avec le "pays voisin".
Les lecteurs de mon petit livre consacré à la Question Turque (4) n’ont pas manqué de comprendre cet apparent mystère. Ils savent qu'une puissance considérable est exercée dans ce pays, contre l’intérêt véritable de son peuple, par ce qu’on y appelle "l’État profond". On découvre de plus en plus son imbrication avec les réseaux mafieux, la direction de la gendarmerie, certains secteurs de la magistrature et de l’état-major, les bandes armées destinées à lutter contre la guérilla kurde, etc. Les mêmes filières organisent, tirent profit ou protègent, les trafics de migrants et incidemment, celui de la drogue.
Certains humanistes ou mondialistes aveuglés, utiles idiots et compagnons de route coutumiers, tel sans doute un Ziegler en Suisse, dénoncent la lutte de l’Europe contre l’immigration mafieuse. Il paraît au contraire nécessaire et légitime de la soutenir.
JG Malliarakis
Apostilles
- Sous la signature de Mme Beril Dedeoğlu.
- . Cf. Titre IV du Traité. Article 63 : Asile, politique d’immigration, visas de longue durée, immigration clandestine. Article 64 : Mesures provisoires en cas d’afflux soudain de ressortissants de pays tiers. Article 65 : Mesures relevant de la coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une incidence transfrontalière. Article 66 Coopération entre les administrations.
- . Il s'agit du général Ilkka Laitinen.
- . cf. "La Question turque et l'Europe". en vente au pris de 20 euros port compris par correspondance aux Editions du Trident 39 rue du Cherche Midi 75006 Paris.
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