Il paraît que le président Obama se dit chrétien. Je lui dédie donc ce texte avec plaisir.
Du temps de nos grands-mères, on n'eût pas imaginé, au soir du 2 février, chaque année, de ne pas faire des crêpes. Ce très vieil usage français remontait à on ne savait quand. Aujourd'hui, bien des gens soupirent, peut-être à juste titre, à propos de la déchristianisation de la France. Mais ils ne font en général que ronchonner, pour la plupart d'entre eux, comme s'il s'agissait d'une simple perte purement esthétique de ce qu'on appelle l'identité, sans jamais dire de quoi il retourne.
Chacun pourtant devrait s'interroger. Les origines de cette coutume et même la signification de cette fête de la chandeleur semblent ignorées du plus grand nombre.
Commençons par les crêpes. On attribue cet usage au pape nord-africain Gélase Ier (492-496) qui aurait imposé à Rome cette fête dite aussi la Sainte Rencontre. Adversaire ardent de l'hérésie monophysite, il voyait dans l'épisode évangélique, propre à saint Luc, chapitre II, versets 21 et suivants, une illustration des deux natures, divine et humaine, du Christ. En cette occasion auraient été distribuées les fameuses crêpes dont la coutume a été conservée, avec plus ou moins de talent culinaire, jusqu'à nos jours. Cette festivité fut aussi imposée aux habitants de l'ancienne Rome et aux occidentaux comme substitut de cérémonies païennes d'hiver, à Rome les lupercales, en Scandinavie et en Germanie le culte de la fécondité qui deviendra la sainte Brigitte, en Gaule et en Irlande la lustration d'Imbolc prendra le même chemin.
Mais en réalité cette commémoration de la présentation au Temple de l'Enfant Jésus, lors de son 40e jour a été instituée en Palestine. Elle existait déjà à l'époque du pèlerinage d'Éthérie à Jérusalem, c'est-à-dire au IVe siècle, plus de 150 ans avant Gélase.
Sur la rencontre, le récit de Luc est parfaitement explicite. On peut regretter à ce sujet que les lectures liturgiques commencent au verset 22.
Car, si l'on prend l'épisode, ce que les exégètes appellent la "péricope" évangélique dans son entier, à partir du verset 21, il y est d'abord mentionné la circoncision de l'enfant au 8e jour, selon la loi du Seigneur.
Puis, les deux parents, et pas seulement la sainte Vierge, verset 22 (1) observent une période de purification de 40 jours. Ce délai, que l'on retrouve dans toute la vie chrétienne reprend les 40 années de passage des Hébreux dans le désert, épreuve nécessaire, aux yeux des rédacteurs de la Bible, à ce que le peuple reçoive sa terre et sa loi. À la suite de quoi ils font l'offrande si poétique des deux tourterelles. (2)
Et enfin, c'est aussi en application de la Loi de Moïse que l'enfant premier-né est présenté au temple de Jérusalem. (3)
L'évangéliste Luc, comme l'on sait, écrivait directement en grec pour les païens de culture grecque. Il se basait en grande partie sur les souvenirs de témoins oculaires et notamment sur ceux de Marie elle-même (4).
Or, il souligne par ce récit, et il le fait précisément à l'usage des convertis venus du paganisme, que le Seigneur et Sauveur est bel et bien né dans le judaïsme (5). On peut en tirer, et on en a tiré, au cours de l'Histoire, des conclusions très contrastées. Les faits sont sacrés les commentaires sont libres.
Mais relativement à cette donnée scripturaire, que tout chrétien doit recevoir et comprendre, cette présentation de l'Enfant devient "sainte Rencontre", du fait de la présence de deux personnages prophétiques qui attestent la continuité des deux "alliances" : le vieillard Syméon et la prophétesse Anne. L'un comme l'autre reconnaissent en Jésus le Messie. Le consolateur d'Israël est entré dans son Temple.
Finalement, cette fête nous donne la clef de toute notre "culture de l'Incarnation", laquelle a toujours rencontré sur sa route les fausses gnoses, les diverses hérésies, y compris celle que combattait Gélase à Rome et qu'avait anathématisée, un demi-siècle plus tôt, en 451, le concile de Chalcédoine.
Affirmée en Égypte par le moine Eutychès cette doctrine dite "monophysite" (6) ne veut voir, au contraire, dans le Christ que la nature divine en laquelle la nature humaine aurait été "absorbée comme une goutte d'eau l'est par la mer". Mais cette tendance se retrouve tout au long de l'Histoire du christianisme. La gnose de l'hérétique Marcion (dès le IIe siècle) ne dit déjà pas autre chose, dans son désir d'évacuer l'Ancien Testament. Maurras aussi quoiqu'en disent les maurrassiens catholiques, parlait du "venin juif du Magnificat". En occident, un croyant aussi ardent que Pierre Chaunu allait jusqu'à reconnaître "au fond nous sommes tous monophysites. Nous avons beaucoup de mal à concevoir la nature humaine de Jésus".
Pour dire les choses crûment beaucoup de chrétiens ne veulent pas entendre parler, par exemple, du "Christ hébreu".
Il fallait bien pourtant qu'Il appartienne à un peuple pour faire partie de l'humanité.
Oui, le Christ est né dans une patrie, oui, il a grandi dans une famille, oui il a exercé un travail.
Proclamer ou même imaginer le contraire serait le commencement de l'affreuse et sanglante utopie mondialiste. C'est au nom de cette lubie, que certains trouvent normal, depuis Washington ou depuis Paris, de juger de la vie des autres pays sans la connaître. Mais je m'égare, j'ai l'impression de revenir à une certaine actualité médiatisée, et mondialisée.
Du temps de nos grands-mères, on n'eût pas imaginé, au soir du 2 février, chaque année, de ne pas faire des crêpes. Ce très vieil usage français remontait à on ne savait quand. Aujourd'hui, bien des gens soupirent, peut-être à juste titre, à propos de la déchristianisation de la France. Mais ils ne font en général que ronchonner, pour la plupart d'entre eux, comme s'il s'agissait d'une simple perte purement esthétique de ce qu'on appelle l'identité, sans jamais dire de quoi il retourne.
Chacun pourtant devrait s'interroger. Les origines de cette coutume et même la signification de cette fête de la chandeleur semblent ignorées du plus grand nombre.
Commençons par les crêpes. On attribue cet usage au pape nord-africain Gélase Ier (492-496) qui aurait imposé à Rome cette fête dite aussi la Sainte Rencontre. Adversaire ardent de l'hérésie monophysite, il voyait dans l'épisode évangélique, propre à saint Luc, chapitre II, versets 21 et suivants, une illustration des deux natures, divine et humaine, du Christ. En cette occasion auraient été distribuées les fameuses crêpes dont la coutume a été conservée, avec plus ou moins de talent culinaire, jusqu'à nos jours. Cette festivité fut aussi imposée aux habitants de l'ancienne Rome et aux occidentaux comme substitut de cérémonies païennes d'hiver, à Rome les lupercales, en Scandinavie et en Germanie le culte de la fécondité qui deviendra la sainte Brigitte, en Gaule et en Irlande la lustration d'Imbolc prendra le même chemin.
Mais en réalité cette commémoration de la présentation au Temple de l'Enfant Jésus, lors de son 40e jour a été instituée en Palestine. Elle existait déjà à l'époque du pèlerinage d'Éthérie à Jérusalem, c'est-à-dire au IVe siècle, plus de 150 ans avant Gélase.
Sur la rencontre, le récit de Luc est parfaitement explicite. On peut regretter à ce sujet que les lectures liturgiques commencent au verset 22.
Car, si l'on prend l'épisode, ce que les exégètes appellent la "péricope" évangélique dans son entier, à partir du verset 21, il y est d'abord mentionné la circoncision de l'enfant au 8e jour, selon la loi du Seigneur.
Puis, les deux parents, et pas seulement la sainte Vierge, verset 22 (1) observent une période de purification de 40 jours. Ce délai, que l'on retrouve dans toute la vie chrétienne reprend les 40 années de passage des Hébreux dans le désert, épreuve nécessaire, aux yeux des rédacteurs de la Bible, à ce que le peuple reçoive sa terre et sa loi. À la suite de quoi ils font l'offrande si poétique des deux tourterelles. (2)
Et enfin, c'est aussi en application de la Loi de Moïse que l'enfant premier-né est présenté au temple de Jérusalem. (3)
L'évangéliste Luc, comme l'on sait, écrivait directement en grec pour les païens de culture grecque. Il se basait en grande partie sur les souvenirs de témoins oculaires et notamment sur ceux de Marie elle-même (4).
Or, il souligne par ce récit, et il le fait précisément à l'usage des convertis venus du paganisme, que le Seigneur et Sauveur est bel et bien né dans le judaïsme (5). On peut en tirer, et on en a tiré, au cours de l'Histoire, des conclusions très contrastées. Les faits sont sacrés les commentaires sont libres.
Mais relativement à cette donnée scripturaire, que tout chrétien doit recevoir et comprendre, cette présentation de l'Enfant devient "sainte Rencontre", du fait de la présence de deux personnages prophétiques qui attestent la continuité des deux "alliances" : le vieillard Syméon et la prophétesse Anne. L'un comme l'autre reconnaissent en Jésus le Messie. Le consolateur d'Israël est entré dans son Temple.
Finalement, cette fête nous donne la clef de toute notre "culture de l'Incarnation", laquelle a toujours rencontré sur sa route les fausses gnoses, les diverses hérésies, y compris celle que combattait Gélase à Rome et qu'avait anathématisée, un demi-siècle plus tôt, en 451, le concile de Chalcédoine.
Affirmée en Égypte par le moine Eutychès cette doctrine dite "monophysite" (6) ne veut voir, au contraire, dans le Christ que la nature divine en laquelle la nature humaine aurait été "absorbée comme une goutte d'eau l'est par la mer". Mais cette tendance se retrouve tout au long de l'Histoire du christianisme. La gnose de l'hérétique Marcion (dès le IIe siècle) ne dit déjà pas autre chose, dans son désir d'évacuer l'Ancien Testament. Maurras aussi quoiqu'en disent les maurrassiens catholiques, parlait du "venin juif du Magnificat". En occident, un croyant aussi ardent que Pierre Chaunu allait jusqu'à reconnaître "au fond nous sommes tous monophysites. Nous avons beaucoup de mal à concevoir la nature humaine de Jésus".
Pour dire les choses crûment beaucoup de chrétiens ne veulent pas entendre parler, par exemple, du "Christ hébreu".
Il fallait bien pourtant qu'Il appartienne à un peuple pour faire partie de l'humanité.
Oui, le Christ est né dans une patrie, oui, il a grandi dans une famille, oui il a exercé un travail.
Proclamer ou même imaginer le contraire serait le commencement de l'affreuse et sanglante utopie mondialiste. C'est au nom de cette lubie, que certains trouvent normal, depuis Washington ou depuis Paris, de juger de la vie des autres pays sans la connaître. Mais je m'égare, j'ai l'impression de revenir à une certaine actualité médiatisée, et mondialisée.
JG Malliarakis
Apostilles
- Luc 2,22 : "Puis, une fois passé le temps prescrit par la Loi de Moïse pour leur purification (texte grec originel :"katharistou auton" génitif pluriel), les parents de Jésus l’emmenèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur."
- Lévitique 12.8 : "Si elle n’a pas de quoi offrir un agneau, elle prendra deux tourterelles ou deux pigeonneaux, l’un pour l’holocauste et l’autre pour le sacrifice pour le péché ; le prêtre accomplira le rite d’expiation pour elle, et elle sera rituellement pure."
- Exode 13.2 : "Consacre-moi tout premier-né qui naîtra parmi les Israélites ; qu’il s’agisse d’un garçon ou d’un animal, il m’appartient."
- Médecin et peintre, l'évangéliste réalisa les trois premières icônes en réalisant le portrait de celle que l'orthodoxie appelle la Mère de Dieu. L’une d'entre elles fut acquise en Palestine par l'impératrice Placidie. Rapportée dans la capitale de l'Empire, elle sert aujourd'hui encore de modèle à la "Conductrice" (Hodigitria) indéfiniment reproduite par les iconographes. On peut aujourd'hui encore la vénérer, sinon la contempler car elle est conservée à l'abri de la Lumière du jour, dans le monastère de Kykko, à Chypre.
- Dans son homélie du 2 février 2006, premier sermon comme pape de Rome, Benoît XVI donne un éclairage auquel les catholiques peuvent se référer.
- Ses adeptes s'adossaient à une citation malheureuse de saint Cyrille d'Alexandrie "une seule nature du Christ incarné". Le patriarche reniera plus tard cette formule.
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