jeudi, 15 novembre 2012
La Turquie menace l’Union Européenne et l’ENI italienne
Andrea PERRONE:
La Turquie menace l’Union Européenne et l’ENI italienne: intolérable!
Ankara veut entrer dans l’Union Européenne mais sa politique dite “néo-ottomane” cherche à empêcher les pétroliers italiens de l’ENI d’exploiter des gisements au large de Chypre!
La Turquie réclame que l’Europe fasse un pas décisif et prenne des décisions immédiates pour faire accéder définitivement la Turquie à l’UE mais, simultanément, elle menace une importante société pétrolière européenne, l’ENI italienne, parce que celle-ci s’apprête à signer des accords avec Chypre pour exploiter les gisements de gaz au large de l’île. Pour le gouvernement d’Ankara, les mesures visant à favoriser le plus rapidement possible l’entrée de la Turquie dans l’UE devraient être prises au terme de l’actuelle présidence cypriote. De plus, la Turquie compte entrer dans le club des Vingt-Sept d’ici 2023. Ce langage fort a été tenu par le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, flanqué de son ministre des affaires européennes, Egemen Bagis, dans les colonnes du quotidien turc “Hurriyet”: “A la fin de la présidence cypriote, nous attendons une avancée décisive de la part de l’UE. L’UE a actuellement une attitude contraire à ses propres intérêts. Elle doit se ‘repenser’ et accélérer le processus d’adhésion de la Turquie”, a conclu le ministre. “Nous avons dit qu’avant 2023, la Turquie devrait être un membre à part entière de l’UE”, a ajouté Bagis dans ses réponses au journaliste de “Hurriyet”, mais nous n’avons pas l’intention d’attendre jusqu’à la fin de l’année 2023”.
La République de Chypre va bientôt céder la présidence de l’UE à l’Irlande: ce sera en décembre de cette année. Le 31 octobre, Recep Tayyip Erdogan a lancé un avertissement aux technocrates de Bruxelles, en affirmant que si l’UE ne garantit pas l’adhésion d’Ankara pour avant 2023, la Turquie retirera sa candidature. Erdogan fixe ainsi pour la première fois une date-butoir pour l’adhésion définitive de son pays à l’UE. “Je ne crois pas qu’ils se tiendront sur la corde raide aussi longtemps”, a précisé Erdogan lors de sa visite récente à Berlin où il a répondu aux questions des journalistes allemands, “mais si nous retirons notre candidature, l’UE y perdra et, en bout de course, l’UE perdra la Turquie”.
Pour notre part, et nonobstant la croissance continue du PIB turc, qui frise aujourd’hui les 9%, nous ne pensons pas, à l’instar des derniers sondages, que les Européens et les Turcs souffriront tant que cela si Ankara s’éloigne de l’UE. Il nous semble plus intéressant d’observer les turbulences que crée le gouvernement turc lorsqu’il déclare se tenir prêt à réviser les accords actuels permettant à l’ENI de travailler sur territoire turc si l’entreprise pétrolière italienne forge un accord avec Chypre pour exploiter les gisements gaziers au large de l’île. Le ministre turc des affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, créateur de la nouvelle politique “néo-ottomane” vient d’annoncer dans un communiqué: “Comme nous l’avons déjà envisagé à maintes reprises, ..., les entreprises qui coopèrent avec l’administration grecque-cyptriote seront exclues de tous les futurs projets turcs dans le domaine énergétique”. Le contentieux qui oppose l’ENI à la Turquie, suite à l’accord prévu entre l’entreprise italienne et Nicosie, remonte déjà au 30 octobre 2012, immédiatement après que le gouvernement cypriote ait annoncé la concession de quatre licences d’exploitation de gaz, tout en précisant qu’il en négociera les termes de partenariat avec les Italiens de l’ENI, les Sud-Coréens de Kogas, les Français de Total et les Russes de Novatek. Aujourd’hui, le ministre des affaires étrangères turc a invité les entreprises et les gouvernements de ces quatre pays à “agir selon le bon sens”, les incitant à ne pas oeuvrer dans les eaux cypriotes et à retirer leurs offres.
Le ministre turc de l’énergie, Taner Yildiz, sûr de lui, a déclaré hier selon le quotidien “Hurriyet” qu’il était prêt à revoir tous les investissements de la société pétrolière italienne en Turquie, si celle-ci scelle un accord avec Chypre pour exploiter les gisements de gaz des eaux cyptriotes. “Nous soumettrons à révision leurs investissements en Turquie si l’ENI est impliquée”. Déjà au cours de ces derniers mois, Ankara avait protesté à plusieurs reprises auprès du gouvernement cypriote, qualifiant d’“illégales” toutes éventuelles activités d’exploitation au large de l’île et envoyant dans les eaux cyptriotes des militaires, des sous-marins et des navires de guerre. De son côté, Chypre est déforcée car elle est divisée en deux depuis l’été 1974, lorsque les troupes turques ont envahi l’île et occupé sa partie septentrionale, en réponse à un coup perpétré par des éléments philhellènes à Nicosie, qui voulaient réaliser l’ENOSIS, l’union de Chypre à la mère-patrie grecque. Depuis lors, l’île ne s’est plus jamais recomposée et les deux entités, nées des événements de 1974, ont continué à vivre séparément, hermétisées totalement l’une par rapport à l’autre mais en paix, en dépit d’une colonisation forcée favorisée en totale illégalité par la Turquie, qui a incité une fraction de ses concitoyens à prendre possession de la partie nord de Chypre.
Andrea PERRONE.
( a.perrone@rinascita.eu ; article paru dans “Rinascita”, Rome, le 6 novembre 2012; http://rinascita.eu/ ).
00:03 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique internationale, chypre, turquie, italie, gaz, hydrocarbures, méditerranée, méditerranée orientale, europe, affaires européennes, union européenne | | del.icio.us | | Digg | Facebook
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