samedi, 29 août 2020
Le « mystère russe » au chevet de l’Occident
Le « mystère russe » au chevet de l’Occident
Historiquement, l’Occident est issu du rationalisme grec, du droit romain et de la tradition chrétienne. J’appelle « naturelles » les valeurs morales qui en découlent. En rejetant son héritage chrétien, l’Occident tourne le dos à ces valeurs. Le libéralisme, tel qu’on le connaît justifie toute action individuelle qui ne dérange pas d’autres individus. Poussé à l’excès et sans encadrement, comme c’est le cas aujourd’hui, il donne lieu à une société où le matérialisme triomphe. L’Occident a perdu la notion d’éternité au profit de l’hédonisme et de la vision à court terme.
Le rejet de la religion est-il vraiment la source de tous les maux de l’Occident ?
« Si Dieu n’existe pas, tout est permis », écrivait Dostoïevski (c’est en fait la synthèse d’un passage des Frères Karamazov, N.D.L.R.). Quand il n’y a plus de points de repère, ou plutôt quand l’Homme fixe ses propres règles, il finit par les changer. Et sans toujours en imaginer les conséquences.
Si l’Occident va mal, que dire de la Russie où, pour ne prendre que l’exemple le plus récent, l’opposition est malmenée par le pouvoir en place ?
Y a-t-il vraiment plus de violences du pouvoir en Russie que contre les manifestants en France ? Plus sérieusement, je sais très bien que tout n’est pas parfait là-bas. La Russie, même si elle va mieux qu’il y a quelques années, est un pays qui est encore très mal organisé en comparaison de la France. Il y a encore des choses aberrantes, trop de corruption, trop de pauvreté, notamment dans les campagnes…
Malgré cela, vous estimez qu’elle a beaucoup à offrir à l’Europe…
Oui car, en dépit de tous ses défauts, elle ne tourne pas le dos à sa tradition et sa religion (majoritairement orthodoxe, N.D.L.R.). Malgré son histoire tourmentée, le pays revient toujours à ses fondamentaux. Il vit avec la conscience de son histoire et la volonté de la porter et de la transmettre. L’idée que la Russie est un « pays-messie » est partagée par de nombreux penseurs et écrivains russes.
Qu’est-ce que le « mystère russe » qui donne une partie de son titre à votre ouvrage ?
C’est cette façon de toujours se relever de ses malheurs et d’aller de l’avant sans jamais se couper de son passé ni s’enfermer dans un progressisme vide de sens. Le philosophe russe Nicolas Berdiaev (qui a d’ailleurs passé une partie de sa vie en France, N.D.L.R.) avait trouvé une formule pour expliquer cela : « La beauté des ruines appartient au présent ». Et puis il y a la littérature…
La littérature russe pour « sauver » l’Occident ?
Dans mon livre, je parle de « sainte littérature russe ». Le XIXe siècle est considéré à juste titre comme l’âge d’or avec Pouchkine, Dostoïevski, Tolstoï. C’est à la fois un manuel de morale et un remède au vide spirituel européen. Elle enseigne la pitié, la compassion et la charité.
L’Europe face au mystère russe : transcendance, nation, littérature (Anna Gichkina, éd. Nouvelle Marge, 91 p., 14 €).
«L'Europe face au mystère russe» par Anna Gichkina
10:10 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Entretiens, Littérature, Livre, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : anna gichkina, entretien, littérature, lettres, littérature russe, livre, lettres russes, russie, occident | | del.icio.us | | Digg | Facebook
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