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vendredi, 16 avril 2021

La guerre italo-grecque (1940-1941)

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La guerre italo-grecque (1940-1941)

Par Dominique LORMIER
Editions Calmann-Levy, 2008, 224 pages.
Cartes. Photos.

Source: Compte vk de Jean-Claude Cariou

Au début de 1939, l'Italie occupa l'Albanie, depuis longtemps sous influence italienne. L'Italie posséda alors une frontière directe avec la Grèce. Cette occupation modifia les plans grecs déclenchant alors les préparatifs contre une invasion italienne. Alors que la guerre éclate en Europe centrale, Metaxas essaie de conserver la neutralité de la Grèce ; mais au fur et à mesure que le conflit s'étend, Métaxas se rapproche de la Grande-Bretagne encouragé par l'anglophile Georges II de Grèce, et ce, bien que Metaxas ait été germanophile et entretenu de bonnes relations avec l'Allemagne d'Hitler.

Une campagne de propagande contre la Grèce commença en Italie au milieu de 1940, et des actes répétés de provocation, tels que le survol du territoire grec, atteignirent leur apogée avec le torpillage par un sous-marin du navire Elli dans le port de l'île de Tinos le 15 août 1940. Bien que la responsabilité italienne fût évidente, le gouvernement grec annonça que le sous-marin était de « nationalité inconnue ».

Le soir du 27 octobre 1940, l'ambassadeur italien à Athènes, Grazzi, apporta un ultimatum de Mussolini à Metaxas. L’Italie avait concentré son armée dans l’Albanie voisine et le Duce demanda le libre passage de ses troupes afin d’occuper des points stratégiques sur le sol grec.

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Ioannis Metaxas.

La Grèce avait eu un comportement amical envers l’Allemagne nazie, profitant notamment d’accords commerciaux mutuels, mais désormais l’Italie, alliée de l’Allemagne, était sur le point d’envahir la Grèce, sans qu’Hitler ne soit au courant, en partie pour prouver que l’Italie pouvait imiter les succès allemands en Pologne et en France.

Metaxas rejeta l’ultimatum le 28 octobre, faisant écho à la volonté du peuple grec de résister, exprimée selon la légende en disant Okhi (Non en grec). En réalité, Metaxas avait dit en français: « Alors, c'est la guerre ». Quelques heures plus tard, l’Italie envahit la Grèce.

Le front, s'étalant sur 150 km, était un terrain extrêmement montagneux avec peu de routes. La chaîne des monts du Pinde divisait pratiquement la région en deux théâtres d'opérations : l'Épire et la Macédoine de l'ouest.

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Le plan italien, au nom de code Emergenza G (Urgence Grèce), prévoyait une occupation du pays en trois phases : d'abord une occupation de l'Épire et des îles Ioniennes, puis une percée en Macédoine de l'Ouest vers Thessalonique afin de contrôler le nord de la Grèce. Dans un troisième temps, le reste de la Grèce aurait été occupé.

Le haut commandement italien mit en place un corps d'armée sur chaque théâtre d'opération. Le XXVe corps d'armée "Ciamura" en Épire (les 23e et 51e divisions d'infanterie Ferrara et Sienna, la 101e division blindée Centauro) devait avancer vers Ioannina et le long de la côte vers Prévéza. Le XXVIe corps d'armée Corizza se trouvait dans le secteur macédonien (les 19e, 29e, 49e divisions d'infanterie Venezia, Piemonte, Parma) et devait initialement observer une position passive, pendant que la division alpine Julia s'avançait entre les deux corps d'armée à travers les monts du Pinde. Au total, les forces italiennes étaient de 85 000 hommes.

Après l'occupation italienne de l'Albanie, le commandement général grec anticipa une attaque combinée de l'Italie et de la Bulgarie. Le plan prévoyait différentes options, selon la situation, mais prévoyait essentiellement une position défensive en Épire, ainsi que de maintenir une possibilité d'offensive en Macédoine occidentale.

Les principales forces armées grecques présentes sur zone à la veille du conflit étaient : la 8e division d'infanterie en Épire, sous les ordres du général Charalambos Katsimitros. En Macédoine de l'ouest, le corps d'armée TSDM (ΤΣΔΜ, Section de la Macédoine occidentale), sous le commandement du lieutenant général Ioannis Pitsikas, incluant le "détachement du Pinde" (Απόσπασμα Πίνδου) de la taille d'un régiment ; la 9e division d'infanterie et la 4e brigade d'infanterie. Les forces grecques s'élevaient à environ 35 000 hommes.

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L'offensive italienne (28 octobre 1940 - 13 novembre 1940)

Les Italiens attaquèrent dans des conditions météorologiques épouvantables, pluies diluviennes, froid glacial et neige en altitude rendant les itinéraires quasiment impraticables, avec une préparation inadéquate, une logistique complètement défaillante et malgré leurs attaques répétées et de multiples actes de bravoures, ne réussirent pas à percer.

Sur la côte, les chars d'assaut italiens CV-33 et M11/39 rencontrèrent des difficultés sur le terrain montagneux et les défenses anti-chars grecques se révélèrent terriblement efficaces. Les attaques italiennes, mal organisées et mal coordonnées, ne parvinrent pas à déborder les forces grecques bien positionnées, et ce malgré l'importante supériorité numérique.

Dans le secteur de l'Épire, l'offensive italienne s'arrêta le 9 novembre. Une plus grande menace fut celle de l'avancée de la division "Julia", mais celle-ci fut mise en échec par les troupes du IIe corps d'armée grec. Les Grecs réussirent à encercler et à pratiquement détruire "Julia" le 13 novembre.

En Macédoine occidentale, face à une inactivité italienne et dans le but de soulager le front de l'Épire, le Haut Commandement grec déplaça le 3e corps d'armée le 31 octobre vers l'Épire et ordonna de passer à l'attaque en Albanie avec le TSDM. Pour des raisons logistiques, cette attaque fut successivement retardée jusqu'au 14 novembre.

Cette résistance grecque inattendue surprit les Italiens. Plusieurs divisions furent dépêchées en renfort en Albanie, dont la 47e division « Bari », prévue initialement pour l'invasion de Corfou.

Mussolini remplaça Prasca par le général Umbaldo Soddu, son ancien vice-ministre de la guerre. Dès son arrivée, Soddu ordonna à ses forces de se placer sur la défensive. Il était alors clair que l'invasion italienne avait échoué.

unnamedsoldgr.jpgContre-attaque grecque (14 novembre 1940 - mars 1941)

Les réservistes grecs commencèrent à rejoindre le front au début du mois de novembre, et procédant à la mobilisation, le commandant en chef grec, le lieutenant général Papágos eut suffisamment de troupes pour lancer une contre-offensive.

La TSDM et le IIIe corps d'armée, renforcés continuellement par des unités venues de tout le nord de la Grèce, passèrent à l'offensive le 14 novembre en direction de Korytsa.

Après d'intenses combats sur les lignes fortifiées, les Grecs firent une percée le 17 et entrèrent dans Korytsa le 22 novembre. Cependant, des indécisions au sein du commandement grec permirent un regroupement aux Italiens, leur évitant ainsi une débâcle complète. Quelques unités albanaises échelonnées dans les divisions « Venice » et « Julia » furent liquidées par les Grecs car employées comme bouclier pour protéger la retraite italienne. Le colonel Pervizi (représentant du commandement albanais) décida alors de soustraire le bataillon « Tomorri » au risque d'un second massacre, en abandonnant par surprise le champ de bataille. Cela coûta une grande défaite aux Italiens. Le maréchal Badoglio parla de « trahison des Albanais » et décida le retrait de leur armée, qui fut cantonnée dans les montagnes du nord d’Albanie.

L'attaque depuis la Macédoine occidentale fut combinée à une offensive générale sur tout le front. Les Ier et IIe corps d'armée avancèrent en Épire et capturèrent Moschopolis (29 novembre) Saranda (6 décembre), Argyrokastron (8 décembre) et Himara début décembre, occupant pratiquement la région que les Grecs appelaient « Épire du Nord ». Cette région faisait partie des régions considérées comme grecques par la population grecque et revendiquées par l'irrédentisme de la Grande Idée. Cela explique le refus dans les mois qui suivirent de les évacuer. Un dernier succès grec fut la prise de la très stratégique et fortifiée passe de Klissoura (Këlcyrë) le 10 janvier par le IIe corps d'armée. Mais l'hiver rigoureux, la supériorité italienne retrouvée par l'envoi de très nombreux renfort venus d'Italie et la mauvaise situation logistique des Grecs créèrent une impasse à la fin du mois de janvier.

Seconde offensive italienne et offensive allemande (mars 1941 - 23 avril 1941)

Il n'y avait alors en Europe que deux pays qui s'opposaient aux forces de l'Axe : le Royaume-Uni et la Grèce qui étaient alliés. Les Britanniques avaient réussi à fournir à la Grèce une aide aérienne limitée. Churchill avait à de nombreuses reprises proposé à Métaxas de lui envoyer des renforts d'infanterie, ce que le chef du gouvernement grec avait refusé : il craignait que cela provoquât l'Allemagne. À la fin de janvier 1941, après le décès de Metaxas, son successeur, Alexandros Korizis accepta l'aide d'un corps expéditionnaire composé principalement d'Australiens et Néo-Zélandais. Des mésententes entre les états-majors britannique et grec retardèrent le déploiement du corps expéditionnaire.

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Malgré quelques actions locales, l'impasse continua étant donné que les deux ennemis étaient trop faibles pour lancer une attaque majeure. Malgré leurs victoires, les Grecs étaient dans une situation précaire du fait qu'ils avaient enlevé de leur frontière septentrionale des armes et des hommes afin de consolider le front albanais. Ils étaient alors trop faibles pour résister à une éventuelle attaque allemande qui se produirait à partir de la Yougoslavie.

Les Italiens, souhaitant obtenir un succès avant l'intervention de l'Allemagne, rassemblèrent leurs forces afin de lancer une nouvelle offensive au nom de code "Primavera" (Printemps). Dix-sept divisions furent rassemblées, opposées aux treize divisions grecques, et sous la supervision personnelle de Mussolini attaquèrent la passe de Klisura. L'offensive, s'enlisant à nouveau dans la boue et dans le sang, dura du 6 au 19 mars mais ne parvint pas à déloger les Grecs solidement retranchés.

À partir de ce moment, et jusqu'à l'intervention allemande, le statu quo s'installa, et les opérations diminuèrent des deux côtés.

Anticipant l'attaque allemande, les Britanniques et quelques Grecs préconisèrent un retrait de l'Armée d'Épire afin de ménager troupes et équipement en vue de pouvoir repousser les Allemands. Cependant, le sentiment national n'admettait pas que des positions si durement gagnées fussent abandonnées et une retraite face aux Italiens défaits eût été vécue comme une disgrâce. Ainsi, le gros des troupes grecques fut laissé loin dans les terres albanaises alors que les troupes allemandes approchaient. Finalement, avec l'avance rapide des Allemands, l'Armée d'Épire dut se retirer le 12 avril mais sa retraite fut coupée par les troupes allemandes et elle se rendit le 20. Le 23 avril, sur l'insistance de Mussolini, la cérémonie de reddition fut répétée afin d'y inclure des représentants italiens.

En six mois de combats contre les Grecs, l'armée italienne compta 154.172 soldats hors de combat dont 38.800 tués ou disparus et 115.000 blessés, gelés ou gravement malades. Face aux Italiens l'armée grecque déplora 120.000 pertes, dont 17.000 tués ou disparus et 102.000 blessés, gelés ou gravement malades ...

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Pour les Italiens, l'occupation des Balkans par leurs troupes allait nécessiter la présence permanente d'une trentaine de divisions qui auraient été bienvenues sur d'autres fronts, comme en Afrique ou en Russie. L'échec de Mussolini contre la Grèce en octobre-novembre 1940 plaçait l'Italie sous la totale dépendance de l'Allemagne. Pour Mussolini, le rêve d'une "guerre parallèle" à celle de l'Allemagne s'était définitivement dissipé dans les montagnes d'Albanie !

L'auteur Dominique Lormier, comme dans la plupart de ses autres livres, à tendance à se laisser emporter dans des morceaux de bravoure qui trouvent plus leur place dans une collection d'ouvrages style "troupes de choc" que dans une étude historique dépassionnée et rigoureuse. Ses références se limitent à trois indications de sources, assez imprécises il faut l'avouer: Archives militaires italiennes Rome, Archives militaires allemandes Fribourg en Brisgau, Archives militaires grecques Athènes. Il cite cependant avec justesse le travail de David Zambon, Lignes de front 1900-2000, un siècle de guerre terrestre, mais oublie (volontairement ?) l'ouvrage du grec Costa de Loverdo. La Grèce au combat : De l'attaque italienne à la chute de la Crète, 1940-1941, dont il se sert pourtant à l'évidence !

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