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samedi, 29 janvier 2022

Crise autour de l'Ukraine : la réalité géopolitique derrière la guerre de communication

Crise autour de l'Ukraine : la réalité géopolitique derrière la guerre de communication
 
L'invasion imminente de l'Ukraine par la Russie sera la plus grosse fake news de 2022 diffusée par les médias occidentaux.
La réaction de la Russie, qui cherche à desserrer l'étau des crises volontairement provoquées et instrumentalisées par les Etats-Unis et leurs alliées proches de l'OTAN, s'explique aisément par l'angle géopolitique.
 
Les bases de l'OTAN avec des soldats américains et les éléments du bouclier anti-missile sont installées aux frontières de la Russie, tandis que les soldats russes restent cantonnés au territoire de la Russie. Cette asymétrie territoriale est à la base de la perception russe d'encerclement. La position de principe des membres de l'OTAN sur le libre choix des alliances ne contribue en rien à la sécurité européenne, car l'adhésion à l'OTAN , notamment de l'Ukraine et de la Géorgie, servirait précisément à poursuivre le refoulement territorial de la Russie, et parachever son encerclement progressif. Si les Etats-Unis ne veulent pas de traité contraignant sur cette question, c'est bien la preuve qu'ils estiment que cet élargissement pourrait avoir lieu à l'avenir dans des circonstances plus favorables, idéalement après un changement de régime en Russie, par exemple.
 
Pour inciter les membres de l'OTAN et les Etats-Unis à engager des négociations sérieuses et faire émerger une nouvelle architecture de sécurité qui prenne en compte ses intérêts, la Russie a fait des propositions adressées aux Etats-Unis et l'OTAN. La Russie estime qu'elle a été suffisamment patiente, et qu'il était temps de tracer ses lignes rouges face au refus des Etats atlantistes d'engager des négociations substantielles. Ces propositions comme l'arrêt de l'élargissement de l'OTAN à l'Ukraine et la Géorgie, mais aussi la limitation des systèmes d'armement en Europe, missiles tactiques et stratégiques sont des propositions de bon sens et correspondent aux intérêts de la France, pour un meilleur équilibre géopolitique européen et mondial, et stopper la dérive qui consiste à faire du projet européen incarné par une Union européenne atlantiste, un instrument contre la Russie sans projet géopolitique propre, d'autant plus que la Russie ne menace pas la France.
 
La configuration géopolitique actuelle, visualisée sur cette carte démontre la pression que les Etats-Unis et leurs alliés proches de l'OTAN exercent sur la Russie. Cela fait plusieurs décennies, depuis la disparition de l'URSS que les Etats-Unis et l'OTAN cherchent à repousser la Russie dans ses terres continentales avec l'élargissement continu de l'OTAN, et la poursuite de l'encerclement de l'Eurasie (front européen contre la Russie et front Indo-Pacifique contre la Chine), enjeu géopolitique principal pour atteindre les objectifs suivants : afin de maintenir la suprématie des Etats-Unis dans la monde comme chefs de file d'un grand Occident, il s'agit de diminuer le rôle de la Russie et fragmenter l'Europe et l'Eurasie pour torpiller un rapprochement continental.
 
En effet, même si la Chine émerge comme l'adversaire majeur des Etats-Unis, la Russie reste une cible car elle persiste à promouvoir un monde multipolaire et justifie la suprématie des Etats-Unis en Europe. Un arc d'instabilité, avec le concours des Etats fronts et pivots qui servent de base arrière pour la conflictualité hybride (ingérence, soutien aux révolutions de couleur, guerre de communication, installation de bases militaires et livraisons d'armements...) est maintenu au frontières de la Russie d'où les crises en Ukraine, en Géorgie, en Biélorussie et dans le Caucase avec le soutien de la Turquie et jusque sur le territoire russe avec l'affaire Navalny. Les évènements au Kazakhstan en Asie centrale n'ont pas pu être instrumentalisés par les gouvernements atlantistes grâce à l'intervention rapide de l'OTSC.
 

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Ni les Etats-Unis, ni les Etats-membres de l'OTAN ne souhaitent de conflit frontal avec la Russie à propos de l'Ukraine, qui n'est pas membre de l'OTAN. De plus, la Russie aurait non seulement une position géographique avantageuse lors d'un tel conflit, mais possède aussi des systèmes d'armes, dont l'arme nucléaire, qui la rend invulnérable sur son territoire et ses approches. Les Etats membres de l'OTAN sont aussi divisés et la France et l'Allemagne, au delà des déclarations d'allégeance à l'OTAN ne sont absolument pas prêts à s'engager à un conflit avec la Russie. C'est donc la conflictualité indirecte qui est privilégiée, avec l'Ukraine comme proxy, la guerre de communication et les menaces de sanctions économiques et financières.
L'accusation par les Etats-Unis et leurs alliés d'une invasion imminente de l'Ukraine par la Russie, restera probablement dans les mémoires comme la plus grande fake news de 2022.
 
Toutefois cette dramatisation arrange paradoxalement tous les acteurs :
 
- Les Etats atlantistes sont ravis de présenter la Russie comme l'agresseur,
 
- Cela permet à Joe Biden de poursuivre les livraisons d'armes à l'Ukraine et de ne rien lâcher sur les élargissements futurs de l'OTAN,
 
- Cela arrange l'Ukraine, qui refuse de mettre en œuvre les accords de Minsk (la fédéralisation de d'Etat permettrait au Donbass autonome de mettre un droit de veto à l'élargissement de l'OTAN),
 
- Cela arrange la Russie qui démontre qu'elle est sérieuse face à une éventuelle provocation de l'Ukraine, et sans réelle intention d'intervenir militairement, de souligner qu'elle peut jouer le rapport de force si ses revendications ne sont pas prises en compte : les médias hystériques et moutonniers à souhait dans les pays occidentaux contribuent à cette tension surjouée !
 
La négociation que les Etats-Unis ont malgré tout accepté d'engager porte vraisemblablement sur les questions de désarmement, tant sur la limitation des forces conventionnelles que les missiles tactiques et stratégiques, mais elles vont prendre du temps. C'est un domaine où il y a plus de chances d'un accord, du moins provisoire. Toutefois, comme les Etats-Unis cherchent à éviter la question de l'élargissement de l'OTAN, les Russes vont insister sur cet enjeu car cela touche plus fondamentalement à l'ordre spatial, c'est à dire la configuration géopolitique qui doit nécessairement changer du point de vue de la Russie. Le rapport de forces va donc durer longtemps, sinon devenir permanent, tant qu'un nouvel ordre spatial et géopolitique pleinement multipolaire avec accord sur les zones d'influences respectives ne sera pas entériné par les grandes puissances. Les tensions et actions réciproques dans le registre de la conflictualité hybride vont donc durer, avec des périodes d'accalmie et des phases d'aggravation à la suite de provocations délibérées. Le risque d'un conflit armé entre l'Ukraine et la Russie reste une hypothèse à plus long terme, si les Etats-membres de l'OTAN livraient des armements à l'Ukraine susceptibles de menacer directement la Russie sans adhésion formelle à l'OTAN, en jouant de plus en plus le rôle de proxy contre la Russie.
 
Avec l'aggravation de cette crise, il y avait une occasion formidable à saisir pour la France, qui détient le présidence de l'UE, de reprendre les négociations avec la Russie à propos d'une nouvelle architecture de sécurité européenne, un enjeu essentiel pour les intérêts de la France, dans le prolongement de la vision gaulliste d'une Europe continentale. Comme l'UE et l'OTAN ne parviendront jamais à l'unité sur cette question, si ce n'est un alignement sur la posture des Etats atlantistes, c'était l'occasion de former une coalition d'Etats plus retreinte, voire au niveau bilatéral, pour dialoguer avec la Russie de manière indépendante, et de forcer le projet européen à évoluer et s'éloigner des principes ultra-atlantistes obsolètes de l'UE. Mis à part une timide tentative de médiation franco-allemande, les gouvernements français et allemands ne s'écartent pas beaucoup des éléments de langage mensongers des atlantistes sur une guerre imminente. Sans posture clairement différente de celle des Anglo-saxons et d'une vision géopolitique alternative à le vision euro-atlantiste exclusive, ni la France ni l'Allemagne, ne seront crédibles pour s'insérer dans la négociation bilatérale entre les Etats-Unis et la Russie.

L'Europe comme Révolution: hommage à Jean Thiriart

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L'Europe comme révolution

Par Augusto Marsigliante

Source: https://www.eurasia-rivista.com/leuropa-come-rivoluzione-2/

A l'occasion du centenaire de la naissance de Jean Thiriart et du trentième anniversaire de sa mort, les initiatives se succèdent pour explorer la pensée de cet important penseur européen. La publication d'une étude précise de Lorenzo Disogra (L'Europa come rivoluzione. Pensiero e azione di Jean Thiriart, Edizioni all'insegna del Veltro), une occasion précieuse pour approfondir la figure de Thiriart, a été consacrée à la rencontre organisée le 24 janvier 2022 par le Corriere Nazionale et animée par Matteo Impagnatiello.

Outre l'auteur du livre, ont participé à la réunion le directeur de la revue d'études géopolitiques Eurasia et un étudiant de Thiriart, Claudio Mutti, et Luca Tadolini, de l'association Centro Studi Italia. Comme nous le verrons à travers les différents discours qui ont suivi, la pensée de Thiriart est toujours d'une grande actualité, dans la perspective d'une souhaitable unification européenne en une entité politique souveraine et indépendante, enfin libérée de l'emprise étouffante de la superpuissance thalassocratique américaine.

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Dans ses remarques introductives, le professeur Mutti a souligné que la période actuelle connaît un important regain d'intérêt pour l'œuvre et la pensée de Thiriart, comme en témoigne la publication d'au moins une douzaine d'ouvrages qui lui sont consacrés, parmi lesquels on peut citer les suivants, outre, bien sûr, l'étude de Disogra - précédée d'une préface de Franco Cardini et d'une postface de Mutti lui-même, tous deux anciens militants du mouvement de Thiriart -, la biographie réalisée par Yannick Sauveur (Jean Thiriart, il geopolitico militante, Edizioni all'insegna del Veltro, Parma 2021). Dans le présent article, nous citerons d'autres ouvrages nécessaires à une étude approfondie de l'œuvre de Thiriart, redécouverte surtout grâce aux Edizioni all'insegna del Veltro, qui ont publié au fil des ans des dizaines de ses articles dans la revue d'études géopolitiques Eurasia.

Si nous voulons esquisser une synthèse de la pensée de Thiriart, nous pourrions penser à tort que nous sommes face à un itinéraire politique contradictoire, mais au contraire, comme nous le verrons, il a toujours maintenu une cohérence fondamentale, jusqu'au bout : en effet, l'idée de construire un sujet politique européen unitaire et souverain, de Brest à Bucarest d'abord et de Vladivostok à Dublin ensuite, n'a jamais disparu dans toutes les spéculations de Thiriart. Un idéal sans doute emprunté à la théorie schmittienne du Großraum, qui constitue une tâche historique inéluctable pour l'Europe. Nous sommes au milieu des années 60, et parler de la nécessité d'une "grande patrie européenne unitaire, puissante et communautaire" dans un continent écrasé par la rivalité entre l'OTAN et le Pacte de Varsovie constitue déjà une intention révolutionnaire en soi.

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Cette ébauche de perspective eurasienne a atteint sa pleine maturité au fil des ans, dans la perspective non plus d'une opposition mais d'une unification avec l'Union soviétique. Ce parcours a finalement abouti à un événement symboliquement important : le voyage de Thiriart à Moscou en 1992, au lendemain de la dissolution de l'URSS et quelques semaines seulement avant la mort du géopolitologue belge. L'empire européen théorisé dans les années 1960 est devenu un empire eurasien, à opposer à la thalassocratie américaine : la Russie est la principale puissance géopolitique du bloc eurasien (le "Heartland") et, en tant que telle, une composante indispensable d'un seul État indépendant et souverain. Thiriart assigne donc à la Russie, par rapport à l'Europe, un rôle unificateur semblable à celui joué par le Piémont dans le cas italien ou par la Prusse dans le cas allemand.

Thiriart peut donc à juste titre être considéré pour les peuples européens ce qu'Isocrate a représenté pour les Grecs. De même qu'Isocrate voyait dans le royaume macédonien le noyau de l'unité hellénique, le penseur belge espérait une réunification des peuples européens en une entité plus vaste, unitaire et géopolitiquement pertinente. Pour y parvenir, cependant, la Russie aurait dû se libérer du poids de la superstructure idéologique marxiste et abandonner toute prétention contre-productive de "russifier" l'Europe.

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Il va sans dire que l'Europe d'aujourd'hui n'est certainement pas l'Europe prônée par Thiriart. C'est une Europe à la merci de la politique expansionniste agressive de l'OTAN, qui menace la Russie, le seul État resté indépendant et souverain, presque jusqu'à ses frontières, et qui est divisée, comme une tenue d'Arlequin, en pas moins de vingt-sept États à la souveraineté quasi nulle. Dépourvu de souveraineté militaire, étant donné que le Haut Représentant de l'Union européenne pour la politique étrangère a récemment réaffirmé la complémentarité des forces de défense européennes avec l'Alliance atlantique. Privé de souveraineté monétaire, étant donné que la "monnaie commune" européenne n'est pas émise par un État européen, mais par une institution financière. Tout ce que nous avons, en somme, se réduit à une entité bureaucratique qui est perçue, au mieux, comme étrangère et hostile, quand elle n'est pas ouvertement hostile aux intérêts des peuples européens.

L'intervention centrale de cette intéressante rencontre a été celle de l'auteur du volume dédié à Thiriart, Lorenzo Disogra, un jeune politologue bien préparé qui a élargi et approfondi sa thèse de licence pour ce volume. Dans un premier temps, son discours s'est concentré sur l'actualité de Thiriart : pourquoi l'étudier aujourd'hui ? Les raisons sont éminemment géopolitiques : la situation actuelle est en effet la même que celle qui prévalait lorsque le penseur belge a exposé ses théories, puisque nous sommes confrontés à une Europe qui constitue un sujet politique totalement insignifiant sur la scène internationale, fragmentée en une myriade d'intérêts particuliers.

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En outre, le caractère purement politique, réaliste et pragmatique de la pensée de Thiriart - à la manière de Machiavel ou de Schmitt, pour être précis - la rend difficilement intégrable dans des frontières idéologiques rigides. Malgré l'apparente incohérence qui lui a été attribuée à tort (son passage du militantisme de gauche à la collaboration avec le Troisième Reich dans sa jeunesse, son soutien à des groupes pro-colonialistes tels que l'OAS, et enfin son soutien controversé à l'Europe de Maastricht en 1992), il existe une cohérence fondamentale qui a caractérisé toute sa vie et son œuvre : l'idéal d'une Europe unitaire et souveraine en tant qu'acteur géopolitique enfin autonome. La réalisation de cet idéal a toujours été la base du pragmatisme politique thiriartien. Nous pouvons donc le définir comme un authentique radical pro-européen, toujours engagé dans la réalisation du projet d'une Europe de type jacobin en tant que nation (l'influence de la Révolution française sur un modèle d'État centralisé et unitaire est remarquable).

Comme mentionné plus haut, la jeunesse de Thiriart, issu d'une famille libérale et progressiste, a été marquée par le passage du militantisme au sein de la gauche belge à la collaboration, qui lui a coûté la prison et l'a éloigné de la vie politique pendant une quinzaine d'années. Dans les années 1960, la proclamation de l'indépendance du Congo - dans une période historique marquée par l'émancipation progressive des États africains du colonialisme européen - a de nouveau suscité un retour à la politique pour Thiriart. Il ne faut cependant pas le confondre avec un nostalgique du colonialisme, mais plutôt avec un fervent défenseur des intérêts européens, plus que jamais en question à ce moment de l'histoire.

En 1961, Jeune Europe a été fondé, le premier mouvement pro-européen transnational avec des racines européennes. En 1963, l'ouvrage fondamental de Thiriart, Un Empire de 400 millions d'hommes, l'Europe (récemment réédité par Avatar éditions, Dublin 2011), sort de l'imprimerie. Pour la première fois, l'idée d'une unité supranationale européenne, de Brest à Bucarest, dans un seul État-nation autocratique et descendant (certainement pas un État démocratique parlementaire) y fait son chemin. Une Europe unie deviendrait ainsi la troisième puissance géopolitique du monde, une alternative indépendante et souveraine à Moscou et Washington.

Au milieu des années 1960, Jeune Europe a progressivement évolué vers des positions plus ouvertement pro-soviétiques. L'Europe devrait donc s'unir à la Russie, dans leur intérêt mutuel, pour chasser l'ennemi commun, les États-Unis d'Amérique. C'est également au cours de ces années que nous trouvons un soutien explicite à la résistance vietnamienne, une appréciation de la lutte de Fidel Castro et de Che Guevara à Cuba, et une solidarité avec la résistance palestinienne.

Thiriart cherche également à obtenir le soutien de Nasser dans une tentative d'instaurer une lutte mondiale quadri-continentale (Europe et Russie, Asie, Afrique, Amérique latine) contre l'Occident. Les "Brigades européennes" ne se concrétisent cependant jamais et 1969 marque la fin de l'expérience militante de Jeune Europe. Cette expérience aura un prolongement dans notre pays, où certains des étudiants les plus précieux de Thiriart donneront vie à des expériences politico-militantes significatives, parmi lesquelles il convient de mentionner l'Organisation Lutte Populaire - identifiée par le monde journalistique comme nazie-maoïste -, à laquelle est consacrée une importante étude d'Alfredo Villano, Da Evola a Mao, Luni editrice, Milan 2017.

imagesalevmao.jpgAprès une nouvelle période d'éloignement de la scène politique, son retour dans les années 1980 avec une série d'écrits - voir notamment le livre L'impero euro-sovietico da Vladivostok a Dublino (Edizioni all'insegna del Veltro, Parma 2018) - coïncide avec une élaboration plus mature du théoricien belge : le concept d'intégration continentale eurasienne dans un "Empire euro-soviétique de Vladivostok à Dublin" est renforcé : l'Union soviétique et l'Europe sont indispensables l'une à l'autre pour atteindre le "seuil" territorial et démographique permettant de s'opposer à la puissance hégémonique atlantique. Dans cette vision, il y a un dépassement définitif de la critique thiriartienne du communisme, auquel on reconnaît un mérite indiscutable : celui de la domination du politique sur l'économique, indispensable à la protection de la souveraineté. L'approche de Thiriart sur le communisme mérite un examen plus détaillé, pour lequel nous renvoyons aux études citées dans cet article ; il suffit ici de souligner comment il a interprété un communisme "démarxisé" en faveur d'un communisme "hobbesien" (sur ce thème, voir, entre autres, AA. VV., Europa Nazione, AGA Editrice, Milan 2021).

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En 1992, comme nous l'avons déjà mentionné, le dernier acte significatif de la vie de Thiriart fut un voyage à Moscou, dans une Russie dévastée par la fin de l'expérience soviétique et les misérables "réformes" d'Eltsine. C'est précisément sur la dernière année de la vie de Thiriart, et en particulier sur ses prises de position controversées sur l'Europe de Maastricht, que Luca Tadolini a centré son intervention. En citant de larges et éclairants extraits d'un débat radiophonique, il a eu le mérite de rappeler que, même dans ce cas, il faut reconnaître la cohérence fondamentale du "géopoliticien militant".

Dans son dernier discours public, Thiriart s'est prononcé en faveur de l'adhésion de la France à l'Europe de Maastricht - nous sommes dans l'imminence du référendum - parce que la France, seule, ne peut rien contre la puissance excessive de l'Atlantique : une entité étatique de moins de 250 millions d'habitants ne peut même pas penser constituer une entité politique assez forte pour compter pour quelque chose. Bien sûr, c'est une Europe de banques, de bureaucrates, asservie aux États-Unis et à son bras militaire, l'OTAN, mais de manière pragmatique, nous devons reconnaître que l'Europe est déjà aux mains des États-Unis depuis 1945. Il faut donc sortir de la logique de Yalta, il faut faire l'Europe à tout prix, "il faut commencer par des mollusques", pour reprendre une expression pittoresque de Thiriart.

Une fois de plus, conformément à ce qu'il a toujours affirmé, il réaffirme avec force la nécessité d'une unification continentale menée par la Russie, qui ne commette pas les mêmes erreurs fatales que l'Europe allemande ou, plus loin dans le temps, l'Europe napoléonienne menée par la France, lorsque les intérêts particuliers des différentes puissances l'emportaient sur une vision commune, détruisant ainsi le rêve de la "grande Europe" : l'Europe a besoin de la Russie autant que la Russie a besoin de l'Europe, et il faut toujours garder cela à l'esprit.

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Il ne s'agit donc pas de subir l'impérialisme en créant une Europe unie, mais de construire un empire. Une Europe, comme nous l'avons vu, non pas démocratique et parlementaire, mais jacobine, centralisée et unitaire. Le seul précédent historique de cette situation se trouve dans l'Empire romain, ennemi mortel de Carthage, le précurseur de l'impérialisme américain.

En 1989/90, après la dissolution de l'Union soviétique, nous n'avons heureusement pas assisté à la "fin de l'histoire" qui avait été prédite ; cependant, l'élargissement de l'Alliance atlantique à l'Est constitue une menace qui n'est pas du tout propice à une conciliation fructueuse des intérêts communs russo-européens, comme le démontre malheureusement la crise ukrainienne actuelle. En conclusion, du point de vue de la réalisation souhaitable d'un monde multipolaire dans lequel la superpuissance atlantique n'exerce plus son emprise, la pensée de Jean Thiriart reste d'une pertinence déconcertante, grâce aussi au travail méritoire de réédition de ses écrits et de redécouverte de sa pensée.

Entretien avec Leonid Savin: "Lorsque les Européens auront retrouvé une identité forte, personne ne pourra les dominer spirituellement et culturellement"

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Entretien avec Leonid Savin: "Lorsque les Européens auront retrouvé une identité forte, personne ne pourra les dominer spirituellement et culturellement"

Entretien avec le journal Deutsche Stimme réalisé par Alexander Markovics

Cher Monsieur Savin ! Actuellement, les relations diplomatiques entre l'Occident et la Russie sont tendues. L'UE accuse la Russie et la Biélorussie de mener une guerre hybride. L'Occident déclare craindre une intervention militaire russe en Ukraine et accuse la Russie de vouloir déclencher une guerre alors qu'elle a elle-même rompu les accords de Minsk. La ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock appelle même à l'arrêt du Nord Stream 2.  La Russie mène-t-elle une guerre hybride contre l'UE et les Etats-Unis ou les politiques occidentaux accusent-ils le président Poutine de crimes dont ils sont eux-mêmes responsables ?

En fait, l'UE et les Etats-Unis affirment depuis six ans déjà que Moscou mène une guerre hybride et que la Russie est intéressée par la division de la société occidentale. En réalité, les gouvernements occidentaux jouent ce jeu de manière bien plus efficace, en raison des erreurs politiques et idéologiques qu'ils commettent chaque jour et de l'état actuel de la démocratie dans leurs pays (n'oublions pas que les bureaucrates de la Commission européenne ne sont même pas élus par leurs propres peuples). Le coup d'État de 2014 en Ukraine a été organisé par l'Occident (notamment avec le soutien financier et diplomatique des États-Unis) et, lors de la "révolution orange" précédente, en 2004, les pays européens et les États-Unis ont également soutenu des politiciens qu'ils ont choisis dans ce pays. Où est donc ici la "guerre hybride de la Russie" ?

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Après le référendum en Crimée qui a conduit à la réunification avec la Russie, l'Occident a affirmé qu'il s'agissait d'une "annexion", mais les pays occidentaux oublient la sécession du Kosovo en 1999, qui a été soutenue par l'OTAN. Lorsque 100 personnes ont été brûlées vives par des néonazis à Odessa et que les autorités ne les ont pas empêchées, l'Occident n'a pas daigné jeter le moindre regard. La Russie ne pouvait pas rester les bras croisés et attendre que le même scénario se produise en Crimée (et c'est en fait ce qui a été préparé par les forces qui ont mené à bien le putsch de février 2014).

Le terme de "guerre hybride" a été inventé à l'origine par la marine américaine pour décrire des situations de combat complexes impliquant différents acteurs. Plus tard, c'est devenu une marque d'infamie politique, qui a été utilisée pour stigmatiser toute forme d'activité russe (économique, politique, diplomatique, etc.). Si Moscou fait un pas quelconque dans ses relations économiques ou initie de nouveaux contacts, l'Occident le qualifie immédiatement de "guerre hybride". Mais je suis tout à fait certain que toute inactivité serait également qualifiée de "guerre hybride". L'Occident affirmerait immédiatement que la Russie est en train d'ériger un nouveau rideau de fer. Nous nous trouvons dans une situation étrange, ne pensez-vous pas ? 

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Depuis la fin de la guerre froide, l'Occident dirigé par les États-Unis a pris plusieurs mesures unilatérales et a fait la guerre à la Yougoslavie, à l'Irak, à l'Afghanistan et à la Libye. Ce "moment unipolaire" a provoqué le chaos, une violence massive et des mouvements de réfugiés aux quatre coins du globe. Dans votre livre récemment paru Ordo Pluriversalis. The End of Pax Americana & the Rise of Multipolarity, vous vous prononcez en faveur d'un monde multipolaire avec plusieurs centres de pouvoir au lieu de la domination occidentale. Les détracteurs occidentaux de ce concept affirment qu'un ordre mondial multipolaire entraînerait davantage de conflits et une plus grande instabilité dans le monde. Quels sont les avantages d'un système multipolaire par rapport à l'hégémonie occidentale, notamment pour les Européens ? 

Du point de vue de l'Occident, la multipolarité sera toujours présentée comme un désordre instable et semi-anarchique, car la vision occidentale de la multipolarité est basée sur l'époque multipolaire précédente, qui était eurocentriste et colonialiste. Aujourd'hui, la situation a changé et le centre de l'économie mondiale s'est déplacé vers l'Asie. Toutefois, la multipolarité n'est pas seulement une question d'équilibre des forces, mais aussi et surtout une question de restauration prudente de l'histoire elle-même, des traditions et du développement du potentiel culturel des groupes ethniques et des peuples du monde entier. Il existe de nombreuses formes uniques de gouvernance, de juridiction et de droits, enracinées dans une expérience millénaire.

Le néolibéralisme (même s'il a malheureusement connu un grand succès dans les années 1990 et jusqu'à récemment) ne peut pas prétendre à une validité mondiale (ce qui vaut bien sûr aussi pour d'autres types d'idéologies politiques). Un seul système peut être valable pour le monde entier, et c'est le pluriversalisme. Celui-ci peut contenir des éléments controversés, mais c'est normal parce que c'est naturel. Regardez la carte du monde et vous verrez que l'Occident politique (l'alliance transatlantique) n'est qu'une partie du monde, et même pas la plus grande ! Jusqu'à présent, il a eu une influence énorme sur le monde entier, mais celle-ci est aujourd'hui en déclin.

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Du point de vue européen, la multipolarité signifie davantage de souveraineté et d'indépendance vis-à-vis des États-Unis. Il existe déjà des initiatives pour une autonomie européenne, soutenues par l'Allemagne et la France, mais elles ne sont pas réalisables dans le futur proche tant que l'on ne se sépare pas de Washington. Les Etats-Unis poursuivent leur propre agenda au sein de l'UE et diffusent ainsi une propagande anti-chinoise et anti-russe afin d'attiser diverses craintes chez les Européens. Mais l'Europe est destinée à coopérer avec la Russie (et, dans une moindre mesure, avec la Chine) parce que nous sommes voisins et que nous vivons ensemble sur le continent eurasien. C'est un fait évident.

Dans ce contexte, il est tragique de voir la cancel culture se répandre en Europe et une nouvelle forme de décadence entraîner de nombreux pays vers l'abîme. La reconfiguration du monde dans le cadre de la multipolarité aurait le pouvoir de guérir l'Europe et de l'aider à trouver sa propre place et sa propre voie dans la politique mondiale. 

L'avenir des relations internationales et de la géopolitique est un sujet très discuté par les experts. Alors que Samuel Huntington a avancé la thèse du "choc des civilisations", Mohammad Khatami parle d'un "dialogue des civilisations". Selon vous, quelle prédiction est la plus probable et que peuvent faire les militants et partis politiques à tendance antimondialiste pour permettre une coexistence pacifique des civilisations ?

Huntington a parlé du "choc des civilisations" non pas dans le sens d'une fatalité inéluctable, mais comme un avertissement. Beaucoup ne lisent pas correctement son œuvre, voire pas du tout, tout comme beaucoup de libéraux de notre époque ne lisent pas Adam Smith. Mais ce qui est important dans son œuvre, c'est la constatation claire qu'il existe plusieurs civilisations ! Pas une seule, comme l'ont suggéré de nombreux érudits occidentaux auparavant, mais plusieurs ! Une multitude de civilisations signifie à son tour qu'il existe automatiquement une multitude de systèmes politiques différents.

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Le problème de nombreux antimondialistes est qu'ils voient la culture politique des autres peuples à travers la lentille de leurs propres modèles d'ennemis.  Il s'agit d'une nouvelle forme d'exclusivité. Nous devons oublier le principe de l'ethnocentrisme, qui repose sur le double codage du "groupe du nous" et du "groupe des autres", et commencer à penser à partir d'un point d'inclusion approfondi. Je suis conscient que tout cela n'est pas facile. Mais nous devons enfin commencer ! Si nous avons l'intention de construire un pont entre les civilisations, il est plus sage de parler dans les langues de ces civilisations et de ne pas utiliser le langage de la pseudo-"civilisation" représentée par la société mondiale actuelle de la consommation et du capitalisme financier.   

En raison du matérialisme dominant, du chaos social, de l'individualisme et de l'aliénation dans l'Occident moderne, le nombre d'Européens qui cherchent à revenir à la forme traditionnelle de leur civilisation augmente. Dans votre livre Ordo Pluriversalis, vous proposez le concept de pluriversalité pour prouver qu'une alternative à la société capitaliste et moderne de l'Occident est possible. Veuillez expliquer le concept de pluriversité/pluralité et sa signification pour un futur monde multipolaire !   

La société capitaliste et moderne est fondée sur l'uniformisation et le nivellement de tout vers un standard unique. D'où le sentiment de supériorité et le racisme profondément enracinés dans la société occidentale. Paradoxalement, cet état d'esprit se développe également dans les sociétés non occidentales. Des phénomènes tels que les traitements médicaux visant à éclaircir la peau dans certains pays arabes sont le résultat de la domination occidentale imposée à cette région (car il existe aussi des personnes à la peau blanche en Yakoutie, au nord-ouest de la Russie, mais elles n'ont jamais conquis le Moyen-Orient).

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Lorsque nous parlons de plurivers, nous entendons par là la multiplicité des visions du monde. Dans la région andine de l'Amérique latine et dans l'Afrique profonde, les gens suivent leurs propres traditions ancestrales. Certains éléments ressemblent à la tradition indo-européenne (parce que nous vivons sur la même planète et voyons le même soleil et la même lune), mais d'autres non. Nous pouvons y trouver des systèmes de débat public et des modèles d'auto-organisation politiques et économiques très uniques - tous doivent être préservés et développés. L'expérience d'autres peuples peut également être instructive et utile pour les sociétés "avancées".

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Tout d'abord, nous devons considérer les autres peuples comme des entités similaires. Le géographe russe Nikolaï Miklukho-Maklay (photo, ci-dessus) a probablement été le premier anthropologue culturel à contester l'existence d'une hiérarchie raciale et à affirmer que les peuples "primitifs" d'autres régions du monde sont égaux aux Européens. Aujourd'hui, sous l'égide de l'idéologie néolibérale, nous entendons des slogans similaires en Occident, mais dans la pratique, ils ne se manifestent que par des actions telles que "Refugees welcome !", le "Cancel Culture", etc. En fin de compte, nous n'avons pas un seul système politique mondial, car la Terre n'est pas un disque, mais un système composé de nombreux systèmes avec différentes couches d'organisation.

De nombreux détracteurs du mondialisme en Occident ont d'une part une opinion très positive de la résistance russe à l'impérialisme américain, mais sont d'autre part sceptiques quant à une coopération avec la Chine et l'Iran en raison de leurs systèmes politiques et de leurs convictions religieuses divergents. En cas d'alliance, ils craignent une exportation de systèmes comme celle que les Européens ont connue avec l'américanisation. En tant qu'expert en géopolitique et connaisseur des pays musulmans d'Asie, pensez-vous que ces craintes sont justifiées ? 

Outre l'Iran et la Chine, l'Asie compte de nombreux autres pays et cultures. Le soufisme se distingue de l'islam sunnite d'inspiration saoudienne. L'islam chiite n'est pas seulement présent en Iran, mais aussi en Azerbaïdjan (où les gens boivent de l'alcool), ainsi que sous des formes spécifiques en Syrie et au Liban, mais aussi en Afghanistan et au Pakistan. Il serait particulièrement simpliste de considérer les pays musulmans d'Asie comme un bloc musulman unique, car il existe en leur sein de nombreuses coutumes et traditions culturelles, qui possèdent à leur tour différents marqueurs en tant que nomades, clans, groupes ethniques et tribus. Chacun d'entre eux a une signification.

Même si nous considérons le monde musulman du point de vue de la multipolarité, il ne se compose pas d'un seul pôle, mais de plusieurs. En Afrique du Nord et en Asie occidentale, nous trouvons un mélange très intéressant de traditions soufies, de culture berbère et de vestiges des empires byzantin et ottoman. En Asie centrale, nous trouvons de très fortes influences d'éléments nomades et de nostalgie postsoviétique, et en Asie du Sud-Ouest, un melting-pot d'éléments indigènes, de nouvelles écoles de renaissance islamique, qui ont vu le jour dans le cadre d'une matrice postcoloniale/anticoloniale. Mais ce qui est important dans tout cela, c'est que toutes les régions mentionnées se trouvent en Eurasie (l'Afrique du Nord y est historiquement et géographiquement liée, c'est pour cette raison que Halford Mackinder a considéré l'Eurasie et l'Afrique comme une unité appelée l'île mondiale).

La Russie se trouve au centre de l'Eurasie. Un mur mythique a été construit par Alexandre le Grand pour se protéger de Gog et Magog sur la côte caspienne près de la ville de Derbent - il s'agit de la ville la plus au sud de la Russie, dans l'actuelle République du Daghestan (en fait, il a emprunté un autre chemin lors de sa campagne en Bactriane et en Inde). C'est la raison pour laquelle la Chine est si intéressée par la construction d'infrastructures dans le cadre de la Nouvelle route de la soie via la Russie, afin d'établir une connexion avec l'Europe.

Le corridor nord-sud relie l'Iran et donne à la Russie un accès à des ports libres de glace. Un corridor similaire sera également créé via le Pakistan.  C'est la question de la géopolitique eurasienne et elle ouvre de formidables perspectives. Pour les Européens, tout cela peut sembler un peu suspect. D'un point de vue pragmatique, vous pouvez poser la question suivante : "Qu'allons-nous accomplir dans ces circonstances ?" Le moteur économique du monde n'est plus l'Occident, mais l'Asie.

Enfin, toute exportation de valeurs culturelles et religieuses n'est pas possible si vous la refusez. Par exemple, après l'effondrement de l'Union soviétique, il y avait en Russie beaucoup d'émissaires de sectes occidentales et de religions orientales, mais ils n'ont pas réussi. Les Russes sont en effet retournés à leurs propres racines, le christianisme orthodoxe (il y a bien sûr aussi des adeptes du bouddhisme, de l'islam et du judaïsme chez nous). La Russie est d'ailleurs l'un des pays où l'on trouve des adeptes d'un paganisme traditionnel tel qu'il existait en Europe. Lorsque les Européens auront retrouvé une identité forte, personne ne pourra les dominer spirituellement et culturellement. Vous pouvez étudier l'expérience russe en ce qui concerne la reconquête de sa propre souveraineté spirituelle et nous serons heureux de vous aider !  

    Merci beaucoup pour cet entretien !  

Leonid Savin est chef de l'administration du Mouvement eurasien international, membre de la Société des sciences militaires du ministère de la Défense de la Fédération de Russie et membre du comité directeur du Forum international de lutte contre le terrorisme à Islamabad. Il est l'auteur de nombreux livres, publications scientifiques et études spéciales sur les relations internationales, la philosophie politique, la géopolitique et les conflits internationaux. 

Radiographie de l'homme dissolu

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Radiographie de l'homme dissolu

Le vieil Epicure, le tetrapharmakos et l'hédoniste contemporain

Diego Chiaramoni

Ex: https://www.geopolitica.ru/es/article/radiografia-del-hombre-disoluto

"Personne parce qu'il est jeune n'hésite à philosopher, ni parce qu'il est vieux à philosopher ne devient blasé. Personne est jeune ou vieux pour la santé de son âme" Lettre à Ménécée, 122. 

Les processus conjoncturels de l'histoire ont toujours invité certains hommes à la noble tâche de penser. La décadence, dont la loi spirituelle intime est de ne pas trouver de fond, c'est-à-dire qu'on peut toujours être plus décadent, a fait émerger certaines balises dans les nuits sombres de l'histoire. Le Danois Kierkegaard, par exemple, écrivait dans son journal : "Il y a un oiseau (le falco osiphraga ou halieto au Mexique) qui est appelé le précurseur de la pluie. Je le suis aussi. Lorsque la tempête commence à se former sur une génération, les individualités de mon espèce apparaissent" (1). Lorsque la communauté se désagrège, lorsque le "nous" qui galvanise les liens humains se fracture, des tentatives d'auto-préservation apparaissent toujours. Cela s'est produit hier et cela se produit aujourd'hui, bien qu'avec des nuances très différentes. 

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Épicure, né à Samos (Grèce) vers 341 avant J.-C., s'inscrit dans cette tradition qui tente de faire de la philosophie une médecine de l'âme. La crise des cités-États grecques, l'effondrement des traditions, le lent déclin de la Polis, ont incité certaines consciences à tenter de trouver des réponses à l'un des grands drames de l'homme : celui d'habiter un monde désenchanté. Platon et Aristote avaient défendu avec lucidité et autorité la Polis comme cadre de référence pour l'épanouissement du potentiel humain. L'homme isolé doit être une bête ou un dieu, mais jamais un homme.

Épicure va tenter de retrouver, désormais au sein de la vie intrapersonnelle, la sécurité que procurait autrefois la communauté civique. Ce nouveau support sur lequel l'homme doit trouver son bonheur est l'autarkia, c'est-à-dire le pouvoir sur lui-même, l'autosuffisance. En ce sens, le but de l'œuvre d'Épicure est donc de devenir une ascèse du plaisir qui, à son tour, doit nécessairement être interprétée comme un repli de l'individu dans la seule sphère du cosmos où il peut encore trouver sécurité et sens, la sphère intrapersonnelle. Comme on peut le constater, la politique avait été laissée trop loin derrière. Cette expérience d'impuissance, ce sentiment de vivre dans un monde pour lequel ma propre présence ne compte pas, engendre comme réaction la culture de l'indifférence (ataraxie).

Pour Épicure, vivre n'est alors plus, comme le voulait Platon, "une préparation à la mort", mais une adaptation à la vie. Ceci n'est pas accidentel, mais s'enracine également dans le fond ontologique de sa philosophie, qui est essentiellement sensualiste et tend donc à se désengager des questions spéculatives. Pour Épicure et son école, la philosophie devient une tâche stérile si elle n'est pas orientée vers l'atteinte du bonheur. 

Après avoir exposé ces lignes propédeutiques, analysons ensuite la proposition épicurienne connue sous le nom de "tétrapharmachus" (τετραφάρμακος). Quatre sont les grandes peurs humaines que le philosophe de Samos développe entre autres dans sa célèbre Lettre à Ménécée, l'une des rares œuvres conservées au fil du temps et qui résume sa conception éthique. Ces peurs sont: des dieux, de la mort, de la douleur et de l'échec (qui concerne sans doute l'avenir). Epicure s'est inspiré d'un ancien médicament utilisé par les Grecs, fabriqué à partir d'un mélange de quatre éléments naturels: cire jaune, résine de pin, colophane et suif de bélier. Les propriétés médicinales de cette pommade étaient la purification et l'analgésie.  Épicure donne alors forme à une pharmacologie des peurs. Voyons ce qu'il nous dit :

"N'est pas impie celui qui rejette les dieux du vulgaire, mais celui qui impute aux dieux les opinions du vulgaire. Car les affirmations du vulgaire sur les dieux ne sont pas des prénotions, mais de fausses suppositions" [2]. Les dieux ne sont pas à craindre car ce sont des êtres divins, d'une nature différente de la nature humaine. Par conséquent, la colère ou le courroux sont des projections anthropologiques qui sont imposées aux dieux. En tout cas, s'ils existent, les dieux devraient être un modèle à imiter".
     
"Habituez-vous à considérer que la mort n'est rien par rapport à nous. Car tout bien et tout mal est dans la sensation ; or la mort est la privation de la sensation. Il s'ensuit que la juste connaissance que la mort n'est rien par rapport à nous rend joyeuse la condition mortelle de la vie" [3].

Épicure montre sans équivoque sa conception sensualiste de l'existence. Tout est dans la sensation et, par conséquent, "le plus terrifiant des maux, la mort, n'est rien par rapport à nous, car, quand nous sommes, la mort n'est pas présente, et quand la mort est présente, nous ne sommes plus" [4].

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La peur de la douleur, qu'Épicure développe en termes de tension avec le plaisir, est pour le philosophe de Samos une peur infondée, car toute douleur est en réalité facilement supportable. S'il s'agit d'une douleur intense, sa durée sera courte, alors que, si la douleur est légère, malgré sa possible longue durée, elle sera facile à supporter. Ce principe est appelé "catastrophique" et concerne précisément l'évitement de la douleur. 
     
"Il faut se rappeler que l'avenir n'est ni tout à fait à nous, ni tout à fait pas à nous, de sorte que nous ne l'attendons pas avec une certitude totale comme s'il devait être, ni ne le désespérons comme s'il ne devait pas être du tout" [5]. Dans ce cadre situationnel, il n'y a pas lieu de craindre l'avenir ou l'échec, puisque ce qui se passe dans le futur ne nous concerne pas directement, et que nous ne pourrions donc guère le changer.

Voilà pour Épicure et sa pharmacologie face aux grandes et éternelles peurs de l'homme. A ce stade, et comme promis dans le titre de cet article, la question suivante se pose : cette conception épicurienne peut-elle être mise en relation avec l'hédonisme contemporain ? Le premier point d'ancrage d'une réponse possible se trouve chez le philosophe de Samos lui-même, qui, semble-t-il, avec un zèle responsable envers sa doctrine, nous met en garde contre les déformations possibles de celle-ci. Épicure écrit :

" (...) Quand nous disons que le plaisir est la fin, nous ne parlons pas des plaisirs des dissolus ni à ceux qui résident dans la jouissance douée, comme le croient certains ignorants ou en désaccord ou qui interprètent mal la doctrine, mais du fait de ne pas souffrir de douleur dans le corps ou de trouble dans l'âme" [6].

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Nous pensons que le terme "dissolu" est une définition exacte de l'homme contemporain. Un dissolu, selon son étymologie latine dissolutus, est celui dont la nature répond à la dissipation, celui qui dissout l'essentiel des choses. Un dissolu est un être dégradé dans son humanité profonde. L'hédoniste contemporain répond à un impératif catégorique: "tu dois jouir". Cette exigence de jouissance, liée à l'empire de la consommation et à la réification de l'autre, ternit la vie et les relations humaines avec l'encre visqueuse d'une fausse autosatisfaction.  À cet égard, nous retrouvons les mots de Byung-Chul Han qui, dans son ouvrage L'agonie d'Eros, note avec lucidité :

"Le corps, avec sa valeur d'exposition, est assimilé à une marchandise. L'autre est sexualisé comme un objet excitant. On ne peut pas aimer l'autre dépouillé de son altérité, on ne peut que le consommer" [7]. L'hédoniste contemporain ne veut pas être une marchandise.

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L'hédoniste contemporain ne craint pas les dieux, mais vénère des idoles. Comme le disait le grand Dostoïevski, la nature humaine ne peut vivre sans génuflexion et si elle ne s'agenouille pas devant Dieu, elle s'agenouille devant d'autres choses, car à proprement parler il n'y a pas d'athées mais des idolâtres. Le monde, sans charme ni transcendance, ne vaut pas le temps de la contemplation. 

L'hédoniste contemporain ne craint pas la mort parce qu'elle est superficielle et improductive, ou peut-être la craint-il, ou même plus, il en a une terreur évitante, et pour cette raison, non seulement il a transformé les cimetières en prairies artificielles, mais il a vidé le culte des morts de son contenu pour imposer la procédure administrative de crémation soudaine et de pulvérisation des cendres.

L'hédoniste contemporain, lui aussi, ne regarde pas la douleur en face, car la souffrance n'a pas de sens et ne possède même pas la valeur d'offrande ou de purification. Même les nouvelles pseudo-religions ont inventé un slogan dans l'air du temps : "Arrêtez de souffrir".

Enfin, l'hédoniste contemporain ne craint pas l'avenir, non pas parce que "aujourd'hui son affliction lui suffit" comme l'écho de l'Évangile, mais parce que l'hédoniste d'aujourd'hui est un court-termiste. Son "carpe diem" ne fait pas référence à un profond carpir dans le verger du jour pour en saisir l'écho d'éternité, mais à presser la seule orange qu'il peut voir dans le tiroir. 

Parmi nous, Argentins, le philosophe Silvio Maresca a consacré de fructueuses heures d'étude à la subjectivité moderne et à son écho dans la société contemporaine. Dans sa pratique pédagogique, il répétait sans cesse que le sujet moderne naît vide, est pensé de la pensée et, par conséquent, au cours des siècles, augmentera son besoin de compléter ce qu'il n'a pas. Ce caractère illimité du désir entraîne à son tour une illusion de plénitude. C'est la clé de voûte de l'hédonisme contemporain, que le lucide Schopenhauer observait aussi d'un œil clinique : à l'instant de plaisir succède l'ennui. 

L'ennui est le noyau latent de l'hédoniste contemporain, de l'homme dissolu, car qu'est-ce que l'ennui sinon une tristesse sans amour ?

Notes:

[1] Kierkegaard. S. Journal intime. Santiago Rueda, Buenos Aires, 1955 : p. 141.

[2] Épicure. Lettre à Ménécée, 123-124. Traduction de Pablo Oyarzún (Université catholique du Chili). 

[3] Ibidem, 124.

[4] Ibidem, 125.

[5] Ibidem, 127.

[6] Ibidem, 131.

[7] Byung-Chul Han. L'agonie d'Eros. Ed. Herder, Barcelone, 2014 : p. 23.

 

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Cauchemars germaniques

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Cauchemars germaniques

par Georges FELTIN-TRACOL

L’attirance des écrivains français pour la germanité est ancienne et tenace. Voltaire discute avec Frédéric II de Prusse. Ernest Renan admire la culture allemande avant les déboires de 1870. Au XXe siècle, Alphonse de Châteaubriant y place tous ses espoirs. Pendant la Guerre froide, les communistes célèbrent la RDA. Quant aux conservateurs chrétiens, ils saluent dans l’Autriche-Hongrie un modèle d’organisation socio-politique exemplaire. Certains vont même jusqu’à s’extasier devant les dernières assemblées de citoyens des cantons alpins en Suisse.

Cet attrait compréhensible laisse maintenant la place à un effroi certain. En Autriche, le «petit prodige» du conservatisme libéral, Sebastian Kurz, chancelier fédéral à 31 ans, a démissionné de ses fonctions et quitté la vie politique, suite à des révélations tonitruantes de détournement de sondages aux frais des contribuables. Qu’on se rassure, Kurz travaille pour le libertarien transhumaniste Peter Thiel et préside un cénacle mémoriel subventionné. N’oublions pas que ce bébé chancelier a souhaité combattre le mouvement identitaire. D’ailleurs, les symboles du réveil albo-européen en Autriche sont prohibés ! Son successeur, Alexander Schallenberg (photo), ne reste que deux mois à ce poste prestigieux avant de regagner le ministère des Affaires étrangères. Ces péripéties n’empêchent pas le maintien de l’entente conclue en 2019 entre les conservateurs et les Verts.

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Connu pour son multiculturalisme et son atlantisme, Schallenberg fait hisser au-dessus de son ministère en mai 2021 le drapeau israélien ! Devenu chancelier, Schallenberg considère probablement les non-vaccinés comme des Palestiniens de langue allemande. Il impose à ses compatriotes un strict reconfinement ainsi que l’obligation vaccinale. Les nouveaux pestiférés (ou « covidés » sociologiques) ne peuvent plus par exemple se faire coiffer ou aller acheter un livre. Si attentifs aux droits de l’homme, de la femme et du non-binaire, les Verts autrichiens approuvent cet apartheid sanitaire. Très vite impopulaire, Alexander Schallenberg vient de céder sa place à Karl Nehammer (photo) dont la ligne serait plus conservatrice. Le nouveau chancelier a en effet exprimé une timide intention d’abroger quelques limitations hygiénistes qui pèsent sur les néo-exclus covidiens.

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La voisine allemande poursuit sa route vers le despotisme sanitaire. Le 8 décembre 2021 s’achevait enfin seize années de gouvernement d’Angela Merkel. Son vice-chancelier et ministre des Finances, le social-démocrate Olaf Scholz, lui succède et anime pour la première fois une « coalition du feu tricolore » inédite ("Ampel-Koalition"), l’alliance entre la sociale-démocratie rouge, les Verts et le FDP (Parti libéral-démocrate) de couleur jaune.

La « coalition tricolore » coche toutes les cases du politiquement correct. Mieux encore que le macronisme hexagonal, on se trouve en présence d’un gouvernement à la fois multiculturaliste, cosmopolite, gendériste, libéral-libertaire et bankstériste. Bref, c’est un Angela Merkel V en pire. La vice-chancellerie revient au Vert Robert Habeck, par ailleurs ministre de l’Économie et du Climat. À quand un ministère de l’Intérieur et de la Digestion? Les Finances reviennent au chef du FDP, Christian Lindner, qui prône le retour dès l’an prochain à une stricte austérité budgétaire. Le secrétaire d’État à la chancellerie pour les Affaires économiques et européennes, Jörg Kukies (photo), est un ancien coprésident du directoire de Goldman Sachs. Ce gars conseille Scholz en toute indépendance bien évidemment. Le nouveau gouvernement fédéral s’accorde sur la légalisation de la consommation récréative du cannabis, la ratification du traité sur l’interdiction des armes nucléaires, l’achat de drones de combat de nouvelle génération et l’arrêt définitif immédiat des dernières centrales nucléaires.

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L’atlantisme se réaffirme avec la Verte Annalena Baerbeck au ministère des Affaires étrangères. Elle met tout en œuvre pour fermer North Stream 2. La portée russophobe de cette entente hétéroclite s’exprime à travers la sociale-démocrate Christine Lambrecht (photo). Le 18 décembre 2021, la nouvelle ministresse de la Défense (un ministère secondaire dans un pays châtré depuis si longtemps !) déclare que « l’Allemagne et ses alliés doivent avoir dans le viseur le président russe Poutine et son entourage ». Des propos quasi-terroristes ! Que n’aurait-on pas protesté si un responsable iranien ou russe avait annoncé avoir dans sa ligne de mire Emmanuel Macron ou Boris Johnson !

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Ce bellicisme incantatoire accroît l’instabilité grandissante des marches orientales de l’Europe. Il entre en résonance avec l’autoritarisme intérieur en vigueur. La vaccination obligatoire pour le plus grand bonheur de Big Pharma est prévue dans les prochains mois. Les vaccinés doivent montrer en plus un test négatif pour manger au restaurant. Avec le trio Scholz – Habeck – Lindner, il ne fait pas bon d’être vaccinosceptique. Les élus du FDP restent néanmoins les plus réticents à l’égard de ces contraintes. La répression s’intensifie aussi à l’encontre de la dissidence intellectuelle et civique. Le 15 décembre dernier, lors d’une de ses premières déclarations officielles, Scholz a estimé que « l’extrémisme de droite est la plus grande menace pour la démocratie en Allemagne. Le gouvernement luttera donc de toutes ses forces contre l’extrémisme de droite ». Cette obsession quasi-psychiatrique se traduit dans les faits par un harcèlement quotidien.

Dans Libération du 27 décembre 2021, le journaliste Christophe Bourdoiseau se rend à Freiberg où « en Saxe, les identitaires font main basse sur les antivax ». Les opposants aux vaccins et/ou au passeport vaccinal manifestent avec l’appui résolu des militants issus de l’AfD, de Troisième Voie ou des « Saxons libres ». L’envoyé spécial du quotidien gaucho-bancaire cite un certain Hans Vorländer, politologue à l’université de Dresde – respect ! -, auteur d’un rapport sur « Coronavirus et populisme d’extrême droite ». On attend toujours une enquête sérieuse sur « Sida et gauchisme »...

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Diverses régions allemandes interdisent les manifestations de plus de dix personnes. Pour contourner ce viol légal, les opposants traversent sur les passages piétons dans les deux sens, entrent et sortent des supermarchés, se baladent dans les parcs publics. Bref, explique sur un ton sentencieux, l’universitaire bien-pensant, « la force publique est incapable d’imposer une quelconque autorité. L’État est tourné en ridicule. C’est l’expression de leur mépris pour la démocratie ». Ah ! Si c’étaient des migrants…

Deuxième parti d’opposition derrière la CDU et devant Die Linke, l’AfD subit des vexations permanentes de la part des autres groupes. Ainsi des députés de l’AfD devaient-ils présider trois commissions au Bundestag, dont celle de l’Intérieur. Au mépris des habitudes parlementaires, leur désignation se fait à bulletins secrets et les candidats de l’AfD ne sont pas élus. Les présidences restent pour l’heure vacantes. En région, les Offices régionaux de protection de la Constitution, soit la police politique allemande qui cherche à dissoudre tout mouvement patriotique et identitaire, surveillent les sections locales du principal mouvement d’opposition nationale.

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En juin 2021, l’Office fédéral de protection de la Constitution a même placé comme « cas suspect » les éditions Antaios. Fondée et animée par Götz Kubitschek et son épouse Ellen Kositza (photo), cette honorable maison d’édition ose publier des penseurs de la Révolution conservatrice et traduire des livres de Jean Raspail, de Renaud Camus, de Richard Millet, d’Alain de Benoist. Père de sept enfants, Götz Kubitschek est une figure importante de la Neue Rechte. Rédacteur au journal Junge Freiheit, il inaugure en compagnie de Karlheinz Weißmann en 2000 l’Institut für Staatspolitik (« Institut pour la politique d’État »), un laboratoire d’idées nationales-conservatrices. En 2003, il lance l’excellente revue Sezession. Toutes ces activités indisposent les autorités régionales et fédérales. Si Götz Kubitschek s’était agité en faveur du bien-être des immigrés clandestins ou pour le rendement optimal du chanvre, le Système l’aurait encouragé. Il préfère plutôt lutter pour l’avenir des siens.

Une vraie guerre culturelle se déroule outre-Rhin. Ce conflit est total. Ses auteurs rêvent de notre extinction en tant qu’Albo-Européens sur notre propre sol ancestral. Il faut réagir et riposter. Établissons dès à présent des liaisons solides avec tous les opposants convaincus au « Vieux Désordre cosmopolite ».

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 17, mise en ligne le 25 janvier 2022 sur Radio Méridien Zéro.