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vendredi, 31 octobre 2025

Hegel et l’Intelligence Artificielle

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Hegel et l’Intelligence Artificielle

Un essai dialogique d’Enrico Arduin : le volume est ouvert par la préface de Massimo Donà, directeur de la collection, et par une contribution de Gianfranco Bettin

de Giovanni Sessa

Source: https://www.barbadillo.it/125712-hegel-e-lintelligenza-ar...

Arduin_.jpgNous avons lu un volume original et très actuel. Original, mais attention, non dans le sens commun du terme, renvoyant, dans le cas d’une production intellectuelle, à quelque chose d’inhabituel et de singulier, mais dans un sens profond, comme une production centrée sur la confrontation avec l’origine.

Ce livre est très actuel pour une autre raison: il aborde, au-delà de tout canon herméneutique déjà expérimenté, le problème de l’Intelligence Artificielle (IA). Il s’agit du essai dialogique du philosophe Enrico Arduin, récemment paru dans le catalogue des éditions InSchibboleth, dans la collection « Facéties, sagacités et minuties », Hegel e l'intelligenza artificiale. Dialogo su Assenza e Esistenza (= Hegel et l’Intelligence Artificielle. Dialogue avec ChatGPT sur l’Absence et l’Existence). Pour toutes commandes : info@inschibbolethedizioni.com).

Le volume commence par la préface de Massimo Donà, directeur de la collection, ainsi que par une contribution de Gianfranco Bettin. Ces deux textes synthétisent, avec une argumentation pertinente, les thèses d’Arduin et introduisent le lecteur dans l’univers idéal des thèmes complexes abordés dans les pages du volume.

Jusqu’à présent, la bibliographie critique sur le thème de l’IA a été marquée par des positions divergentes. D’un côté, les partisans de l’IA, qui en exaltent les avantages et les aspects positifs, de l’autre, ses détracteurs, qui la considèrent essentiellement comme un danger pour la liberté et la pensée. Arduin, en revanche, part d’un échange direct et actif avec l’IA, un dialogue sur des thèmes que certains pourraient considérer inhabituels pour l’IA, concernant les aspects les plus significatifs de la spéculation d’un des grands pères de la philosophie, Hegel.

Dans la première partie du volume, l’auteur a choisi, en tant que deutéragoniste, le plugin « Mr. Logical », basé sur ChatGPT ; dans la seconde section, Arduin dialogue avec un modèle plus avancé de ChatGPT, produit au cours des premiers mois de 2024, tandis que, dans les conclusions, le dialogue devient le chat de la toute dernière génération, GPT-4.5.

Arduin est conscient que, dans le contexte actuel, marqué par des dispositifs synthétiques constitués de PC et de téléphones, il existe une possibilité d’intégration entre la dimension physiologique-biologique de l’humain et celle représentée par la nouvelle technologie. La comparaison qu’il met en scène, remarque Donà, est celle qui existe entre « la fragilité et l’imperfection de notre être sensible et l’action symbolique générée par les articulations synaptiques complexes conservées par un processus computationnel sans identité matérielle ni corporelle » (p. 10). De ce processus, il ressort, à la manière nietzschéenne, la disparition du sujet, de l’agent, puisque tout est action.

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Les questions pressantes, critiques, parfois subtiles, que pose Arduin à l’IA, l’éclairent. L’incipit du dialogue avec l’IA revient tout au long de la discussion et est représenté par la dialectique hégélienne, relue au-delà des exégèses scolastiques accumulées dans la philosophie depuis plus de deux siècles.

La conversation montre que chez le philosophe allemand, les concepts de Dieu et de la Religion ne renvoient jamais, souligne le préfacier, à quelque chose de semblable à une réification conceptuelle fallacieuse, qui ne peut être ramenée au mouvement général de l’Esprit (p. 12). De cette conceptualisation, conçue de façon dynamique, non statique, découle l’auto-cancellation à laquelle toute détermination de l’Absolu est destinée.

Le philosophe vénitien Andrea Emo en a pris conscience dans son ultra-temporalité. Dans la logique de l’essence, Hegel a saisi la négativité du principe, qui se répercute perpétuellement dans l’apparition « positive » des multiples. L’auteur conclut: « Adopter cette perspective exige une ouverture philosophique à la fluidité de la réalité et à la nature provisoire de nos horizons conceptuels. Elle nous invite à voir le monde [...] comme un processus dynamique et interconnecté en devenir » (p. 21). Arduin évoque et confronte, dans le dialogue avec l’IA, la thèse du « manque » lacanien.

Le « manque », que nous expérimentons concrètement dans la vie, donne lieu à un mouvement désirant sans fin, destiné à déstabiliser [...] toute tentative de « fixer » la substance du réel » (p. 13). L’origine est infondée, c’est la liberté non réduite aux catégories eidétiques, aux universaux.

Hegel et Lacan sont envisagés comme des auteurs capables de résoudre le problème complexe du rapport entre nos existences individuelles, «incorporées», et «le réseau extrêmement compliqué de processus computationnels rendu à l’humain [...] par une action inexistante mais hyper efficace capable de modifier [...] notre rapport [...] avec la réalité» (p. 13). La vision de Lacan, selon l’auteur, « offre une voie valable pour comprendre le processus dialectique [...] en intégrant les dimensions physiques, existentielles et symboliques de l’expérience humaine » (p. 22), nous rendant donc, selon Bettin, conscients que l’histoire de l’individu est l’histoire de la physis.

L’exégèse de Hegel est menée par Arduin à la lumière de la notion de «contradiction». Elle clarifie l’interrelation entre être et non-être et présente cinq configurations. La confrontation avec l’IA permet aussi d’accéder aux thèmes éthico-politiques vivants: entre autres, avec le lien qui unit pouvoir et liberté, toujours entrelacés, de façon à ce que, précise Donà, «reconnaître l’un, c’est aussi reconnaître, dans l’un, l’autre» (p. 15).

La thèse centrale du livre doit être saisie dans la discussion sur les développements futurs de l’IA, qui prévoient la nullification de la distance entre processus neuronaux numériques et l’expérience de la conscience analogique. Les premiers, attention, tendent toutefois à nier le flux de conscience humaine. La solution se trouve encore une fois dans la notion de «contradiction» chez Hegel, où les «dépassés» (intelligence analogique et computationnelle) ne sont pas effacés, mais radicalisés dans leur incommensurabilité. Une «synthèse», donc, incapable d’être vraiment telle, et de statuer et d’atteindre un nouveau positivum. En fin de compte, l’auteur remarque que la révolution informatique ne fait que remettre en question le problème de la signification, sur lequel la réflexion philosophique s’est penchée, dès l’origine, de manière sceptique et critique.

Enrico Arduin, Hegel e l'intelligenza artificiale. Dialogo con ChatGPT su l'Assenza e l'Esistenza (= Hegel et l’Intelligence Artificielle. Dialogue avec ChatGPT sur l’Absence et l’Existence), Edizioni InSchibboleth, pp. 345, 26 euros

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