mercredi, 19 novembre 2025
Emanuele La Rosa: “Julius Evola en Mitteleuropa et les contacts avec le monde völkisch”

Emanuele La Rosa: “Julius Evola en Mitteleuropa et les contacts avec le monde völkisch”
Brève conversation avec l'éditeur de l'anthologie des textes d"Evola, intitulée De la Méditerranée à l'Olympe nordique - articles et conférences en Mitteleuropa
par les Edizioni Mediterranee
Source: https://www.barbadillo.it/125426-emanuele-la-rosa-julius-...
Dans la première moitié des années trente, Julius Evola entama de longs séjours en Allemagne et en Autriche. Son intervention dans divers domaines culturels, à travers des conférences, des collaborations avec des périodiques et des revues scientifiques, ainsi que les propositions qui lui furent faites de publier écrits et livres, s'avère, avec le recul, d’une importance fondamentale. À partir de la recherche et de l’analyse de ce matériau est née l'anthologie intitulée De la Méditerranée à l'Olympe nordique - articles et conférences en Mitteleuropa (1920-1945). Que représente cette période pour le philosophe romain? Nous en avons discuté avec l'éditeur de ce volume, Emanuele La Rosa, que nous remercions pour cet aimable entretien.
Dans les années trente et quarante, Evola fut une référence pour d’importants cercles intellectuels mitteleuropéens, souvent très élitistes: aristocrates, fonctionnaires d’État, personnalités “imperméables” aux influences culturelles extérieures. Comment parvint-il à effectuer cette percée?
“L’action d’Evola est essentiellement machiavélique, elle repose sur le principe de la Realpolitik. En laissant de côté la prémisse de son action métapolitique – la désintégration de l’esprit aryen en Occident – et l’objectif qu’elle vise – le rétablissement des lois de la Tradition –, Evola sait qu’il ne peut pas utiliser le même ‘vocabulaire’ que celui qu’il emploie en Italie pour pénétrer dans le monde culturel des élites allemandes. C’est dans cette optique qu’il faut interpréter le passage du monde aryo-méditerranéen d’Impérialisme païen à celui de l’Heidnischer Imperialismus, où – presque pour créer un rapport d’empathie avec le public allemand – les fasces sont remplacés par l’aigle d’Odin. À cela s’ajoutent la manière aristocratique de faire et de se présenter d’Evola, sa pensée élitiste tournée vers l’individu plutôt que vers la masse, et ce que nous appellerions aujourd’hui une opération de marketing habile, où le philosophe romain n’est pas seulement baron, mais aussi descendant d’une noble famille normande.”
Quel est le sens de l’action culturelle menée par le philosophe durant ces années, principalement à travers des conférences et des articles ?
“Plus qu’un sens unique, je parlerais plutôt de sens qui s’entrelacent de manière synchrone. Le premier consiste, comme déjà mentionné, à faire revivre dans le monde moderne les structures et l’esprit de la Tradition à travers la réappropriation et la réutilisation de concepts, mythes et symboles qui y sont liés. Le second est celui de créer une élite politico-spirituelle qui puisse guider l’Occident dans une fonction anti-communiste et anti-matérialiste (c’est-à-dire anti-soviétique et anti-américaine). Le troisième consiste à ‘corriger’ ce qui, dans les mouvements de renouveau germanique, était faux, dégénéré et diviseur, et de placer le tout dans une optique d’alliance italo-allemande qui pourrait être symbolisée par l’union de l’aigle impérial romain et celui d’Odin.”
Comment évolue la contribution d’Evola durant cette période particulière ?
“Le premier article que Julius Evola publie en allemand date de 1928 et paraît dans la revue Die Eiche. Viennent ensuite une quinzaine d’autres articles, jusqu’à ce qu’en mai 1934, le philosophe soit invité à donner une série de conférences à Brême et à Berlin, ce qui lui permet d’établir des contacts directs avec le monde völkisch (folciste), dont il voulait devenir l’interlocuteur principal en Italie. Jusqu’à cette date, il est principalement connu dans des cercles révolutionnaires-conservateurs, mais à mesure que ses activités de journaliste et de conférencier entre l’Allemagne et l’Autriche s’intensifient et que ses œuvres sont traduites en allemand, son nom commence aussi à circuler dans les cercles nationaux-socialistes. La série de trois conférences qu’il donna à Berlin en juin 1938, sur invitation de Heinrich Himmler, devant la SS et plusieurs personnalités de l’Ahnenerbe, est particulièrement significative. Les thèmes abordés couvrent tous les domaines d’intérêt du philosophe: la morphologie du mythe, la question de la race et du judaïsme, les réflexions sur l’éthique héroïque-guerrière, ainsi que les ‘affinités et divergences’ entre Nord et Sud occupent une place centrale.”
Qui étaient les figures proches du philosophe à cette époque ?
“Les principaux interlocuteurs d’Evola étaient le baron Heinrich von Gleichen-Rußwurm (photo), fondateur du Herrenklub à Berlin et éditeur de Der Ring; le prince autrichien Karl Anton von Rohan, directeur de la Europäische Revue et animateur du Kulturbund viennois ; les révolutionnaires-conservateurs Wilhelm Stapel et Ernst Niekisch, éditeurs respectivement de Deutsches Volkstum et Widerstand; et le comte Richard Nikolaus Coudenhove-Kalergi, fondateur du mouvement paneuropéen. La relation avec la comtesse hongroise Antonia Zichy, qui l’introduisit dans les milieux conservateurs hongrois, est également à noter. En revanche, la relation avec Alfred Rosenberg, idéologue du NSDAP et éditeur des Nationalsozialistische Monatshefte et du Völkischer Beobachter, était plutôt fluctuante.”
En ce qui concerne le “problème de la modernité”, que met en évidence le rôle d’Evola dans ce cycle mitteleuropéen d’articles et de conférences?
“À première vue, cela peut sembler contradictoire, mais Julius Evola — un philosophe archaïsant, car ses catégories appartiennent à un monde très éloigné dans le temps et l’espace — ne pourrait exister en dehors de la modernité. C’est un penseur de la décadence, et cela correspond à la condition de notre époque: sans cela, il n’y aurait pas de sens à parler d’un recouvrement des valeurs de la Tradition. Sa réaction est une réponse à la dégénérescence de la civilisation et de l’homme moderne, éloigné de lui-même et esclave de facteurs externes, pris au piège dans le matérialisme comme moteur du monde, aveuglé par la manie du collectivisme comme synthèse de la société, et habitué à l’utilitarisme comme base de la conception de l’État. En ce sens, en reprenant une formule qu’il a utilisée il y a quelque temps, sa pensée est vraiment celle de quiconque veut survivre ‘droit et debout’ sur les ruines du Troisième Millénaire.”
17:40 Publié dans Entretiens, Révolution conservatrice, Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : julius evola, tradition, entretien, traditionalisme, révolution conservatrice |
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Visionnaires dans l'erreur

Visionnaires dans l'erreur
Par Juan Manuel de Prada
Source: https://noticiasholisticas.com.ar/visionarios-equivocados...
Beaucoup de récits de science-fiction se sont révélés, avec le temps, prophétiques. Leurs auteurs, de véritables visionnaires capables d’apercevoir des réalités qui, à leur époque, pouvaient sembler inconcevables, ont anticipé avec leur imagination ce que le développement scientifique et technologique rendrait possible plusieurs décennies plus tard. C’est le cas, par exemple, de Jules Verne, qui a prédit l’invention d’engins tels que la télévision, le sous-marin ou les vaisseaux spatiaux. Ou celui de Karel Čapek, qui a anticipé la création de machines qui remplaceraient le travail de l’homme, allant jusqu’à usurper sa place dans la société, machines qu’il a nommées « robots ».
Et, pour couronner le tout, l’influence de ces récits spéculatifs a largement dépassé le domaine purement scientifique pour envahir ceux de la politique et de la sociologie, comme c’est le cas, par exemple, avec des auteurs comme George Orwell ou Aldous Huxley, qui ont anticipé de nouvelles formes de tyrannie, avec une surveillance omniprésente, un langage manipulé et un divertissement « immersif » et idiotisant, des délices sur lesquels reposent nos régimes démocratiques merveilleux et opulents.


Parmi tous les auteurs classiques de science-fiction, c’est peut-être Herbert George Wells (1866-1946) qui a bénéficié de la plus grande reconnaissance littéraire, avec des œuvres emblématiques telles que La Guerre des mondes, La Machine à explorer le temps ou L’Homme invisible; cependant, aucune de ses anticipations ne s’est réalisée.
Un siècle après que Wells les ait imaginées, ses romans restent, en effet, dans son univers de fiction: les hommes n'ont pas voyagé dans le futur, les martiens n’ont pas envahi notre planète, l’invisibilité n’a pas éliminé notre pauvre enveloppe charnelle. Peut-être ma préférée parmi toutes les œuvres de Wells est La Machine à explorer le temps, où son auteur n’a pas encore sombré complètement dans le pessimisme funeste où il finira par s’engluer dans ses dernières œuvres. Le roman contient des réflexions sur certaines des obsessions les plus récurrentes de Wells (le communisme et le darwinisme, en particulier), mêlées à une intention moraliste peut-être trop accentuée, qui met en garde contre la possibilité d’un avenir inhabitable. La division de l’Humanité en deux races opposées (et également déshumanisées), une belle et douce humanité qui habite à la surface de la Terre, une monstrueuse humanité confinée dans un monde souterrain, constitue une allégorie du destin atroce où nous conduisent les différences de classe; et la fin inexorable – nous avertit Wells – d’une Humanité déshumanisée, sans solidarité ni courage, ne sera autre que l’extinction pure et simple.

Lorsque Wells exploitait sa faculté singulière de rêver (surtout de cauchemarder), il s’avérait un narrateur inégalé dans l’artifice, la technique, la finesse, la force plastique, l’humour, la variété et la pénétration intellectuelle, bien que sa conception manichéenne de l’univers l’incline toujours à la désespérance, malgré ses proclamations progressistes (ou peut-être justement pour cela).
En revanche, lorsqu’il essayait d’écrire des livres avec des programmes rigoureusement charpentés pour réformer le monde et créer des paradis sur terre (une manie messianique qui s’est approfondie au fur et à mesure qu'il vieillissait), ses livres devenaient de véritables boulets, aussi prolixes que grotesques; souvent contradictoires, mais toujours unis dans sa haine implacable contre le christianisme.
Homme d’origine modeste, de santé robuste, avec une vie sentimentale tumultueuse et des habitudes de travail très disciplinées, moitié communiste, moitié socialiste, mais toujours très anglais et obstinément antireligieux, Wells a évolué, passant de l’euphorie optimiste de sa jeunesse, propre à celui qui croit pouvoir réparer le monde en un clin d’œil, jusqu’au désespoir amer de ses dernières œuvres, où il déclare sans ambiguïté que l’espèce humaine va droit dans le mur, qu’il n’y a pas de sortie possible à cette impasse dans laquelle l’Humanité est entrée, que Homo sapiens a épuisé son cycle et qu’un autre animal devrait venir prendre le relais, suivant les lois du darwinisme.
Les anticipations littéraires de Wells ne se sont pas réalisées; cependant, en ce qui concerne les voyages dans le temps, on pourrait toujours soutenir que notre vie est un voyage constant à la vitesse d’une heure par heure. Mais que Wells n’ait pas démontré dans ses romans la prescience – prenons Verne comme exemple – ne diminue en rien leur valeur littéraire. Au contraire, ses visions politiques sur l’avenir et ses délires darwinistes nous paraissent aujourd’hui, en plus d’être ennuyeuses, complètement erronées (d’où le fait que plus personne ne les lit). Lorsque l’on professe des idées erronées ou délirantes, il vaut mieux se consacrer à une littérature pure et agréable.
17:08 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, lettres, lettres anglaises, littérature anglaise, h. g. wells, science fiction |
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