mardi, 20 mai 2008
Le "modèle romain" de la nouvelle doctrine stratégique américaine
Le modèle "romain" de la nouvelle doctrine stratégique américaine
La nouvelle doctrine sécuritaire autorise la guerre si les intérêts américains sont en danger
«Les Etats-Unis ont pris en charge le rôle du sheriff international. Les vassaux européens sont là pour débarrasser la scène des "dégâts collatéraux"».
Le Congrès américain vient de donner les pleins pouvoirs au Président Bush jr., avec une confortable majorité, pour déclencher une guerre contre l'Irak. Tant dans la Chambre des représentants qu'au Sénat, on trouve bon nombre de démocrates pour soutenir cette décision. Bush interprète ce soutien comme un signal clair et net: il annonce que les jours de l'Irak, en tant qu'«Etat sans lois» sont comptés, s'il n'accepte pas la résolution de l'ONU. Le Président américain peut considérer le vote des assemblées américaines comme une étape supplémentaire dans la mise sur pied de sa "National Security Strategy". La ligne directrice de cette nouvelle politique étrangère et militaire consiste à autoriser le Président américain à intervenir militairement partout et à tout moment dans le monde, contre n'importe quel pays, qui, aux yeux des Etats-Unis, constituerait une menace pour les intérêts américains ou, pire, qui pourrait éventuellement, le cas échéant, le devenir. Cette prétention à vouloir exercer une puissance sans limites, selon ses propres décisions prises arbitrairement, avec tout le poids de la machine de guerre américaine, est étayée aujourd'hui par des arguments qui ne résistent même pas à un examen critique superficiel.
Comment expliciter cette nouvelle doctrine de "sécurité"? Par exemple, en examinant les thèses énoncées par Robert D. Kaplan, l'un des journalistes les plus intelligents et les plus percutants d'Amérique. Dans l'espace linguistique allemand (ndlr: et français), ses thèses sont à peine connues. Kaplan s'est fait un nom comme spécialiste des Balkans, du Proche-Orient et d'autres régions en crise. Dans un ouvrage déjà paru depuis quelques mois, Warrior Politics. Why Leadership Demands a Pagan Ethos [= De la politique du guerrier. Pourquoi le leadership exige une éthique païenne], il explique clairement quels sont, pour l'essentiel, les objectifs de la politique hégémonique américaine.
Dans un paragraphe fort significatif, Kaplan écrit : «Plus notre politique étrangère connaîtra le succès, plus l'Amérique pourra influencer la marche du monde. Très probablement, les historiens du futur décriront les Etats-Unis du 21ième siècle non pas simplement comme une République, mais bien plutôt comme un empire mondial, même s'ils diffèreront de Rome ou de tous les autres empires de l'histoire». Au fur et à mesure que les décennies voire les siècles passeront et que les Etats-Unis n'auront pas eu seulement 43 présidents, mais 100 ou 150, les historiens, très probablement, en dresseront la liste comme ils avaient dressé la liste des empereurs des empires défunts, comme Rome, Byzance ou la Sublime Porte; de cette manière, la comparaison entre les Etats-Unis actuels et futurs et l'histoire antique sera licite. C'est surtout Rome qui pourra servir de modèle aux futurs dirigeants des States, car Rome représente une forme d'hégémonie mettant en œuvre des moyens diversifiés pour donner un minimum d'ordre à un monde désordonné.
La position de Kaplan n'est pas originale. Dans les cercles intellectuels américains, on débat intensément, depuis les événements du 11 septembre 2001, sur la forme que devra prendre l'imminente domination totale des Etats-Unis sur le globe. La meilleure expression de ce débat a été consignée dans une édition de la revue Wilson Quartely, titrée significativement "An American Empire?". Dans l'un des nombreux commentaires figurant dans cette édition, on peut lire que le concept d'«Imperium» avait jadis été utilisé comme un reproche voire comme une injure à l'adresse des Etats-Unis, mais, poursuit l'auteur de ce commentaire, depuis l'entrée des troupes américaines en Afghanistan et la guerre globale menée contre l'hydre terroriste, on peut se demander, en toute légitimité, "si le concept d'«Imperium» n'est pas en fait le terme exact pour décrire le rôle des Etats-Unis dans le monde".
Richard Haas, conseiller de Colin Powell, Ministre américain des affaires étrangères, expliquait récemment qu'il donnerait aujourd'hui un autre titre à son livre paru en 1997 et qu'il avait intitulé "Le Sheriff malgré lui". L'expression "malgré lui" doit dorénavant être biffée. De moins en moins de voix, Outre Atlantique, critiquent l'impérialité en marche de Washington. Un historien comme Immanuel Wallerstein, qui affirme que les Etats-Unis ont déjà dépassé leurs dimensions, sont minoritaires désormais. Rien ne permet effectivement d'affirmer aujourd'hui que les Etats-Unis se situent dans une phase de déclin. Washington impose en toute souveraineté sa volonté au monde et, pour paraphraser la célèbre expression de Carl Schmitt, décide s'il y a ou non "état d'exception" (Ausnahmezustand).
L'Union Européenne n'a évidemment rien à opposer à cette volonté hégémonique bien affirmée. Cela a été prouvé maintes fois. Le rôle de l'UE est désormais déterminé à l'avance. Quand la "guerre préventive" contre l'Irak aura été achevée avec succès, les Européens seront là pour assurer la reconstruction du pays, pour lui donner de nouvelles infrastructures et pour assurer le "processus de démocratisation". De cette façon, Washington bétonnera le nouvel ordre international à deux vitesses: les Etats-Unis prendront le rôle du sheriff international, ce qui revient à dire qu'ils seront la puissance militaire garante de l'ordre. Les vassaux européens, eux, seront responsables de l'élimination des effets indésirables des "dégâts collatéraux", dus aux guerres de "démocratisation" engagées par Washington.
La prochaine guerre contre l'Irak entraînera à l'évidence des "dégâts collatéraux" de bien plus grande ampleur que la précédente. Ainsi, la Turquie, pourtant très fidèle alliée des Etats-Unis contre l'Europe, la Russie et l'Arménie, s'inquiète à la vue des préparatifs américains, qui visent notamment à armer les Kurdes irakiens et à les préparer à un rôle politique pour l'après-Saddam, quand l'Irak aura été "normalisé" par l'armée américaine. Le Premier Ministre turc Ecevit a déclaré en octobre 2002, que, dans ce cas, la situation échappera à tout contrôle. Les Kurdes, eux, voient qu'ils ont enfin une chance de créer un Etat kurde. Ecevit estime qu'il y a là une nouvelle donne que la Turquie ne peut accepter. La prochaine guerre contre l'Irak, on le voit, ne mènera pas le monde vers plus de démocratie et de paix, en dépit des trémolos de la propagande américaine, qui affirme de manière impavide que Washington instaurera un nouvel ordre politique international, mais, au contraire, va entraîner toute une région du monde dans un processus de déstabilisation de très longue durée.
Michael WIESBERG.
(article paru dans "Junge Freiheit", n°43/octobre 2002; http://www.jungefreiheit.de ).
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dimanche, 27 avril 2008
Cosaques au combat
Cosaques au combat
Superbe ouvrage que proposent les éditions normandes Heimdal: la somme sur les unités cosaques engagées aux côtés de l’Allemagne contre Staline entre 1942 et 1945. Le livre bilingue (français/anglais), magnifiquement illustré, retrace la tragique histoire récente de ces « Cosaques sans patrie » pour reprendre le titre d’un beau roman de F. Traut publié en 1962 à La Table ronde. Apparus au XIVème siècle, les Cosaques sont les héritiers directs des peuples indo-européens de cavaliers de la steppe, Scythes et Sarmates. Rapidement slavisés, les Cosaques serviront les Tzars en échange de libertés concrètes: statut de paysans libre et exemption d’impôt, droit d’élire leurs atamans, ignorance superbe de la propriété individuelle, ...
Leur mission est de défendre les frontières de l’Empire russe face aux Mongols; ils servent aussi dans les opérations de maintien de l’ordre face à la canaille. A la veille du coup d’état bolchevique, ils sont 5 millions répartis en 5 groupes distincts: Don, Oural, Kouban, Térek, Orenbourg. Massivement engagés aux côtés des Blancs, ils subissent une répression féroce sous le régime communiste. Pour eux, l’arrivée des Allemands est vécue comme une libération: c’est d’ailleurs le cas d’une grande partie des peuples soumis à la botte soviétique, qu’ils soient du Caucase ou de la Baltique. Tous paieront très cher cette tentative de se libérer du joug soviétique: déportations en masse dans les camps de la mort sibériens, extermination des élites, relégation lointaine pour les survivants et calomnie généralisée... jusque chez des universitaires européens, par exemple un certain François Arzalier, communiste bon teint qui publie encore en 1990 (!) un ouvrage de propagande soviétique (et donc bourré d’inexactitudes): Les perdants. La dérive fasciste des mouvements autonomistes et indépendantistes au XXème siècle (La Découverte). L’album de Fr. de Lannoy que publie Heimdal ne tombe pas dans ces travers. Rien que la qualité, la rareté des 350 documents photographiques en fait un objet de collection: superbes gueules de cavaliers (qui ne devaient certes pas être des anges), d’officiers comme ce beau reître le général von Pannwitz, armement et uniformes d’un autre temps, bref l’ouvrage sauve tout un monde de l’oubli. Il rappelle aussi l’abjecte félonie des Britanniques qui livrent les Cosaques aux Rouges malgré leur promesse... mais, en vrais gentlemen, gardent les chevaux. Il est vrai que les Alliés ne font rêver personne au contraire des chevaleries vaincues.
Patrick CANAVAN.
Fr. de Lannoy, Les Cosaques de Pannwitz 1942-1945, Heimdal, 2000. A commander à Heimdal, Château de Damigny, BP 320, F-14403 Bayeux cedex, internet: Editions.Heimdal@wanadoo.fr .Voir aussi le film d’Enrico, Vent d’est avec Malcolm McDowell et un court roman de Claudio Magris, Enquête sur un sabre, Desjonquères 1987.
00:31 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : russie, cosaques, militaria | | del.icio.us | | Digg | Facebook