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jeudi, 15 septembre 2011

Obama a adopté la "Doctrine Nixon"

 

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Ferdinando CALDA:

Obama a adopté la “Doctrine Nixon”

 

Bombardements aériens, opérations secrètes et vietnamisation du conflit: c’est ainsi que les Etats-Unis étaient sortis du conflit vietnamien!

 

La comparaison qui s’impose entre le conflit qui secoue aujourd’hui l’Afghanistan et la guerre du Vietnam a été faite à maintes reprises au cours de ces dernières années. Souvent, cette comparaison a été émise de manière inflationnaire et hors de propos, dans les descriptions que faisaient les observateurs du bourbier sanglant dans lequel les Etats-Unis semblent empétrés depuis peu. Quoi qu’il en soit, Barack Obama lui-même, dans son discours tenu à la fin de l’année 2009 à l’Académie militaire de West Point, a bien dû reconnaître qu’il y avait plus d’un parallèle à tracer entre les deux conflits.

 

Il est tout aussi vrai que les différences entre les deux guerres sont nombreuses; d’abord, parce que l’époque n’est plus la même et parce que les équilibres internationaux et les acteurs en jeu ont changé. On demeure dès lors stupéfait de constater que les stratégies adoptées par les locataires successifs de la Maison Blanche sont fort similaires. Cette similitude frappe d’autant plus que nous avons, d’une part, le démocrate Barack Obama, Prix Nobel de la Paix, et d’autre part, le républicain Richard Nixon, considéré comme le président belliciste par excellence.

 

Nixon avait hérité de son prédécesseur démocrate Lyndon B. Johnson (qui avait accédé à la Maison Blanche après l’assassinat de John F. Kennedy) une guerre toujours plus coûteuse et impopulaire. Nixon avait donc élaboré la fameuse “Doctrine Nixon” pour tenter d’obtenir en bout de course une “paix honorable”, permettant aux Etats-Unis de se “désengager” sans perdre la face. La nouvelle stratégie visait à réduire les pertes en hommes, toujours mal acceptées par l’opinion publique, en recourant massivement à l’utilisation des forces aériennes, y compris pour bombarder des pays voisins comme le Laos ou le Cambodge (ce qui n’a jamais été reconnu officiellement; le scandale a éclaté ultérieurement à la suite de la publication des “Pentagon Papers”). Parallèlement aux bombardements, la “Doctrine Nixon” prévoyait des opérations secrètes dirigées contre des objectifs stratégiques et doublées d’une vaste opération de renseignement pour identifier et frapper les combattants du Vietcong (c’est ce que l’on avait appelé le “Programme Phoenix”).

 

Dans le “Quadriennal Defence Review”, le rapport du Pentagone qui paraît tous les quatre ans, le ministre de la défense américain Robert Gates présentait, début février 2010, les principales lignes directrices de la nouvelle stratégie de guerre, annonçait l’augmentation du financement des opérations spéciales et secrètes et un recours croissant aux bombardements par drônes (avions sans pilote). Ces avions sans pilote ont mené à bien des centaines d’attaques “non officielles” en territoire pakistanais. Toutes ces manoeuvres ont été flanquées d’un reforcement général des appareils destinés à glaner du renseignement.

 

Mais les analogies entre la “Doctrine Nixon” et l’ “exit strategy” d’Obama ne s’arrêtent pas là. Il y a aussi la tentative d’acheter le soutien de la population par l’intermédiaire de “projets de développement”, comme l’était le “Civil Operations and Rural Development Support” (CORD; = “Opérations civiles et soutien au développement rural”) au Vietnam et comme l’est actuellement son équivalent afghan, le “Provincial Reconstruction Team” (PRT; =”Equipe de reconstruction des provinces”). On constate aussi que se déroulent des tractations secrètes avec le parti ennemi (ou, du moins, des tentatives de dialogue), qui se font en dehors de toutes les rencontres officielles. Il y a ensuite et surtout le programme mis en oeuvre pour un retrait graduel qui implique de transférer les missions proprement militaires à l’armée du “gouvernement local”.

 

Selon la stratégie vietnamienne élaborée en son temps par le Secrétaire d’Etat Henry Kissinger, le renforcement de l’armée sud-vietnamienne et la vietnamisation du conflit devaient assurer aux Etats-Unis un “espace-temps satisfaisant”, un “decent interval”, entre le retrait américain et l’inévitable victoire du Vietcong; ou, pour reprendre les paroles mêmes de Henry Kissinger: “avant que le destin du Sud-Vietnam ne s’accomplisse”. Tout cela était mis en scène pour que le retrait américain ne ressemble pas trop à une défaite. Comme prévu, l’armée nord-vietnamienne est entrée à Saigon, quatre années après le départ des troupes américaines.

 

Aujourd’hui cependant, Obama doit se contenter d’une armée afghane à peine capable de tenir pendant le “decent interval” envisagé, c’est-à-dire pendant l’espace-temps entre le retrait définitif des troupes américaines et la rechute terrible et prévisible de l’Afghanistan dans une guerre civile où s’entre-déchireront les diverses ethnies qui composent le pays.

 

Ferdinando CALDA (f.calda@rinascita.eu).

(Article tiré de “Rinascita”, Rome, 27 mai 2011 – http://www.rinascita.eu/ ).