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mercredi, 30 juin 2010

Lettre à un ami, trop sensible à la propagande de CNN...

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SYNERGON - SYNERGIES EUROPÉENNES

Bruxelles/Metz

Mardi 20 avril 1999

ATELIER "MINERVE"

Lettre à un ami, trop sensible à la propagande de CNN...

par Robert Steuckers,

Secrétaire Général du Bureau Européen de SYNERGIES EUROPEENNES

Mon cher Quentin,

J'ai promis de répondre par une lettre ouverte à tes questions, traduisant l'inquiétude de nos contemporains face aux problèmes qui affectent la population albanaise du Kosovo aujourd'hui. Effectivement, plusieurs personnes m'ont posé les mêmes questions que toi: pourquoi nous sommes-nous engagés de manière aussi décisive contre l'intervention de l'OTAN, apparemment sans tenir compte des tragédies humaines qui plongent le Kosovo dans les horreurs de la guerre? Nous ne l'avons pas fait pour des raisons morales, mais pour des raisons historiques et géopolitiques, que je t'explicite dans cette lettre. Les souffrances des civils ne nous laissent pas indifférents et nous souhaitons que le programme de la Croix Rouge Internationale (CICR) pourra mettre ses structures au profit de toutes les victimes de cette guerre, dans l'esprit d'impartialité qui a fait la grandeur de Henri Dunant. Sur le plan géopolitique, je reste toutefois inébranlablement fidèle à un principe: l'espace européen, notre espace civilisationnel, ne peut en aucun cas subir des interventions américaines, chinoises, turques, islamistes ou autres. Ce doit être un axiome inébranlable dans notre pensée et notre action politiques.

 

Dans l'un de mes derniers communiqués, j'ai dit clairement que cette guerre n'a rien à voir avec les droits de l'homme, ni même avec le Kosovo ou les Albanophones de cette province d'Europe, ni même avec les Serbes ou avec Milosevic. Mais, pour les Américains et les Européens décérébrés et félons qui servent l'OTAN, instance foncièrement anti-européenne visant la ruine de notre culture, il s'agit avant toutes choses de bloquer le Danube, de bloquer l'Adriatique, de fermer l'espace aérien dans le Sud-est européen, de contrôler à leur guise la Méditerranée orientale et, enfin, de créer et d'entretenir le chaos dans un bon quart de notre continent pendant plusieurs décennies. Je raisonne en termes géopoltiques et rien qu'en termes géopolitiques, car un cadre géographique et historique cohérent est le seul garant possible d'une convivialité politique et civilisationnelle harmonieuse. Je ne suis l'apôtre d'aucune morale toute faite, prête-à-ânonner, d'aucune éthique de la conviction qui, dans tous les cas de figure, fait la bête en voulant faire l'ange. Bien sûr, je ne vais pas aller dire que Milosevic et ses soldats sont des enfants de choeur, tout comme les combattants de l'UCK kosovar ne sont pas davantage des enfants de choeur. Mais en temps de guerre, en politique, qui ose lever le doigt et dire: "moi, m'sieur, j'suis un bon, un gentil, un tout propre". Et les généraux de l'OTAN ne font certainement pas plus partie de la confrérie des enfants de choeur que les miliciens d'Arkan ou de l'UCK. Même s'ils prétendent qu'à coups de missiles, de bombes ou de roquettes, ils vont apporter le "Bien" (avec un grand "B") dans les Balkans, comme les cloches ou le Lapin de Pâques apportent des oeufs en chocolat à nos chères têtes blondes. Croire au "kalokagathon" des militaires de l'OTAN ou du SHAPE, c'est de la pure déraison!

 

Au lieu de hurler avec CNN, les intellectuels auto-proclamés et la sordide canaille journalistique (dont les plus répugnants exemplaires grenouillent à Paris) feraient bien mieux de lire quelques solides bouquins sur l'histoire de la péninsule balkanique. Dans les événements de ces dix dernières années, ni les Serbes ni les Croates ni les Albanais ne sont les "coupables" en dernière instance: les malheurs et les tragédies des Balkans sont le triste résultat de 500 ans de domination ottomane. Au cours de cette période horrible, les peuples des Balkans ont été écrasés, martyrisés, des populations entières ont été expulsées de leurs patries d'origine: les Serbes ont fui les armées ottomanes pour se réfugier en Croatie; les Croates se sont repliés en Slovénie, en Carinthie, en Italie et dans tout le reste de l'Europe (en France, il y avait des régiments croates), une partie des Albanais de souche ont dû s'installer en Italie du Sud. Les Ottomans et les convertis à l'Islam ont dominé sans partage. Chaque année, 10% des garçons étaient enlevés à leur famille, déportés en Anatolie, dressés dans des écoles de janissaires, transformés en mercenaires de la "Sublime Porte". Dans notre Occident pourri de confort, on a du mal à s'imaginer la profonde horreur que fut cette domination ottomane en Albanie, en Serbie, en Bosnie et en Croatie. Très tôt, les techniques de la guerre des partisans ont été appliquées contre les occupants dans les Balkans ottomanisés: les partisans de ces siècles d'oppression s'appelaient les Haiduks; en Albanie, ils ont été conduits par un capitaine sublime, surnommé Skanderbeg. Il avait été enlevé à sa famille, éduqué pour devenir janissaire: il s'est évadé d'Anatolie pour rejoindre son peuple dans les montagnes et combattre le joug ottoman. Dans les Balkans, il y a assez de thématiques historiques pour créer un cinéma européen pendant 300 ans, avec des films autrement plus captivants que les fades historiettes de cow-boys ou les soap-operas de la sous-culture américaine! Tout le folklore croate de Dalmatie et d'ailleurs, avec ses costumes magnifiques, rappelle la lutte pluriséculaire contre les Turcs. Pendant 500 ans, les Balkans se sont insurgés contre la culture composite de l'empire ottoman, exécrable préfiguration de la multiculture qu'on cherche à nous fourguer aujourd'hui comme la panacée définitive, qui mettra un terme aux tumultes de l'histoire et dissolvera toutes nos traditions, tous les ressorts de notre identité, toutes les constantes de nos systèmes juridiques. Relis les retentissantes sottises qu'ont écrites des Bernard-Henry Lévy et des Alain Finkielkraut. Mais cette mutliculture, on est bien forcé de le reconnaître, ne peut pas fonctionner. Elle laisse des séquelles indélébiles, elle provoque des tragédies que les siècles ne parviennent pas à effacer, elle déboussole les peuples, elle ne leur procure aucun apaisement. La preuve? La succession ininterrompue des tragédies balkaniques en ce siècle.

 

En Espagne, quand les armées asturiennes, aragonaises, castillanes et basques prennent enfin pied en Andalousie pour ramener cette terre à la grande patrie européenne, mettre ainsi un terme à la Reconquista et faire de la péninsule ibérique un Etat viable, ils se rendent rapidement compte qu'aucune culture composite ne permettra de donner une colonne vertébrale solide à cet Etat en jachère. Ou bien l'Ibérie était musulmane et appliquait un droit dérivé du Coran (ce qui est parfaitement respectable en soi), ou bien l'Ibérie était chrétienne et appliquait un droit dérivé du droit coutumier wisigothique (en vigueur en Espagne avant l'islamisation forcée et dans les régions non conquises par les Arabes). Un mixte de droit coranique et de droit coutumier germanique ne peut fonctionner harmonieusement, donc aucune convivialité sociale ne peut surgir si des règles boiteuses et peu claires sont appliquées dans la société. Cette impossibilité d'un droit composite a scellé le sort des vaincus, qui ont dû se replier en Afrique du Nord ou dans les provinces ottomanes, jusqu'à Istanbul, où ils pouvaient vivre sous le droit coranique selon leurs voeux et leurs convictions.

 

Dans les Balkans, après la terrible défaite des Serbes et de leurs alliés bosniaques, croates et albanais dans la Plaine du Kosovo, au Champ des Merles en 1389, les armées chrétiennes n'ont plus pu s'imposer. Une croisade hongroise du Roi Sigismund, aidée de chevaliers français et allemands, n'a pas pu délivrer les Balkans: elle a été écrasée en 1396 par le Sultan Bayazid Yildirim. La date de 1389 marque le début d'une affreuse tragédie pour l'Europe, qui s'agravera encore par la trahison du Roi de France, François Ier, qui s'allie aux Turcs pour prendre l'Europe centrale dans une redoutable tenaille: à l'Ouest les Français, à l'Est les Turcs. Cette alliance va durer 300 ans. Qu'on en juge: en 1526, François Ier veut s'emparer de la ville impériale de Milan. Charles-Quint, Empereur, le bat à Pavie, avec l'appui, notamment, d'une troupe d'élite: les bandes d'ordonnance des Pays-Bas, regroupant les meilleurs guerriers de la noblesse du Brabant, des Flandres, du Luxembourg et du Hainaut. Mais, l'alliance franco-turque déploie déjà sa logique implacable, celle des attaques concertées et simultanées, sur deux fronts: la même année que Pavie, les Ottomans envahissent et dévastent la Croatie, après leur victoire à Mohacs. Le vieil Etat médiéval croate, havre d'une culture incomparable, cesse d'exister, connait le même sort que la Serbie en 1389. La perte de la Croatie a été une tragédie pour l'Europe. Présents en Croatie, les Ottomans peuvent menacer et envahir la Hongrie et la Basse-Autriche à leur guise. Deux fois, Vienne sera assiégée et sauvée par le courage et la tenacité de ses milices bourgeoises et des troupes impériales et polonaises (Jan Sobiesky). Chaque fois que les Ottomans attaquent à l'Est, les Français attaquent à l'Ouest. Le Reich se défendra bec et ongles pour échapper à cette tenaille, épuisant toutes ses forces.

 

A la fin du 17ième siècle, se constitue la SAINTE-ALLIANCE (Bavière, Saint-Empire, Autriche-Hongrie, Pologne-Lithuanie, Russie), sous l'impulsion d'un Capitaine exceptionnel, le Prince Eugène de Savoie, qui force les Ottomans à céder 400.000 km2 aux pays de cette Sainte-Alliance. L'Empire ottoman recule partout, de la Dalmatie au Caucase. Le Reich peut respirer, mais insuffisamment: Louis XIV attaque à l'Ouest, ravage la Lorraine (50% de morts ou de réfugiés parmi les autochtones), la Franche-Comté (60% de morts et de réfugiés, notamment au Val d'Aoste), le Palatinat (66% de morts et de réfugiés). Comme dans les Balkans, les ressortissants du Saint-Empire de langue romane fuyent devant les Français comme leurs infortunés confrères des Balkans fuyaient devant les Turcs. Les Lorrains ont été recasés en Allemagne, en Suisse, dans les Pays-Bas, dans le Banat serbe et roumain, en Italie  (où 6000 d'entre eux mourront de paludisme en tentant d'assécher les marais pontins près de Rome, que leur avait donnés le Pape...). En 1695, le Maréchal de Villeroy, pour soulager les Turcs et attirer vers l'Ouest une parties des armées impériales, fait bombarder à boulets rouges Bruxelles, gratuitement. C'est le premier bombardement terroriste de l'histoire, la sinistre préfiguration de Coventry, Dresde, Berlin, Hambourg, et, plus récemment, Hanoi, Bagdad et aujourd'hui Belgrade, Novi Sad, etc. La Sainte-Alliance et le Saint-Empire ont certes vaincu à l'Est, mais ils ont perdu à l'Ouest de belles provinces: la Flandre méridionale, l'Artois, le Cambrésis, la Bresse, la Franche-Comté, la Lorraine et l'Alsace. Preuve, s'il en est, qu'il est impossible de guerroyer sur deux fronts. En 1718, Belgrade est libérée par un régiment de Huy, ville de la vallée de la Meuse, où les drapeaux du Sultan, prix comme trophées, ont longtemps été conservés dans la collégiale.

 

En 1791, les Anglais se décident à soutenir en toutes circonstances la Turquie moribonde contre TOUTES les puissances européennes s'approchant de la Méditerranée orientale, point de passage obligé pour atteindre l'Egypte convoitée, où l'on envisageait déjà de creuser le Canal de Suez, pour rejoindre plus facilement les Indes, via la Mer Rouge. Cette politique de "containment" avant la lettre est consignée dans un mémorandum remis à Pitt, Premier Ministre anglais. Les axiomes de la politique maritime de l'Angleterre y ont été fixés une fois pour toutes: les Autrichiens ne doivent pas avancer trop loin dans les Balkans; les Russes, qui occupent la Crimée depuis 1783, doivent être contenus au Nord du Bosphore et ne pas se rendre totalement maîtres de la Mer Noire. Il faut réfléchir à ce mémorandum quand on analyse les événements d'aujourd'hui. La révolution française, en envahissant les Pays-Bas autrichiens en 1792, obligent, par leur diversion, les Serbes à capituler une nouvelle fois devant les Ottomans, à abandonner leur vague autonomie, récente et précaire, parce qu'ils ne bénéficient plus de l'appui militaire autrichien, Vienne étant obligée de mobiliser ses réserves, y compris ses régiments croates, pour faire face au déferlement des sans-culottes qui pillent et assassinent à qui mieux mieux de Tournai au Rhin (la magnifique abbaye de Villers-la-Ville sera ainsi réduite en cendres et jamais reconstruite). Ces hordes "révolutionnaires" faisaient le travail des Anglais: elles allaient éliminer quelques mois plus tard un Roi qui avait fait alliance avec l'Autriche et renoncé à la calamiteuse politique des François Ier, Richelieu et Louis XIV. Louis XVI avait mis sur pied de guerre une flotte redoutable qui avait réussi à battre la Royal Navy à Yorktown en 1783, humiliant ainsi Londres. Il avait ensuite lancé des expéditions lointaines (dont celle de La Pérouse qui l'a obsédé jusqu'au pied de l'échafaud: "A-t-on des nouvelles de La Pérouse?" a demandé ce Roi sage avant d'être décapité). L'Angleterre se débarrassait machiavéliquement d'un Roi apparemment débonnaire, mais dont la politique était européenne, offensive en direction de l'Atlantique et clairvoyante. Louis XVI est mort parce qu'il avait tourné le dos à l'alliance franco-turque, renoncé à la séculaire hostilité du Royaume de France au Saint-Empire, aperçu l'avenir de son pays au Canada (ces "arpents de neige" de la Pompadour...), dans l'Atlantique, sur les océans. Face à l'Ouest, dos au Reich, comme celui-ci pouvait désormais sans craindre de coup de poignard dans le dos, faire face aux Ottomans.

 

Ce n'est qu'à la fin du XIXième siècle que la France et la Russie manipuleront la Serbie contre l'Autriche. Mais avant cela, il a fallu éliminer totalement en 1903 la famille régnante des Obrenovic, qui seront remplacés par les Karageorgevic, qui dénonceront tous les liens antérieurs de la Serbie avec l'Autriche, détentrice de la dignité impériale. L'attentat de Sarajevo est le triste et dramatique aboutissement de cette prise du pouvoir par les Karageorgevic au détriment des Obrenovic. Après 1919 et la révolution bolchevique, la France exsangue utilise son or pour financer les gigantesques budgets des armées polonaises et yougoslaves (serbes), afin de contenir l'Allemagne, ni la nouvelle Turquie kémaliste ni la Russie bolchevique ne pouvant ou ne voulant plus jouer ce rôle. C'est une ironie de l'histoire de voir que la Serbie a accepté le rôle d'"ersatz" de la Turquie après le Diktat de Versailles. Mais rapidement des hommes d'Etat serbes s'apercevront que cette situation est artificielle et intenable sur le long terme; elle risquait de faire de la Yougoslavie un Etat assisté, incapable de développer de manière autonome une économie viable, en harmonie avec ses voisins. En 1934, la diplomatie de Goering (décrite par les Américains comme la tentative de construire dans le Sud-Est européen "a German informal Empire") réussit une réconciliation entre l'Allemagne et le Royaume de Yougoslavie, dirigée par la poigne de l'économiste serbe Milan Stojadinovic (1888-1961), qui comprend qu'une Yougoslavie isolée de ses voisins ne peut survivre économiquement. Stojadinovic renoue avec l'Italie et la Bulgarie (ennemie héréditaire de la Serbie) et s'appuie sur les Serbes, les Slovènes et les Bosniaques musulmans; sa popularité est nettement moindre chez les Croates catholiques (qui implicitement refuse l'alliance allemande, alors qu'on leur reproche aujourd'hui d'être des germanophiles inconditionnels!). L'alliance germano-yougoslave durera jusqu'en 1941. La Yougoslavie adhèrera à l'Axe. En mars 41, un putsch pro-britannique (Colonel Simovic) renverse le gouvernement légal. Les troupes de l'Axe entrent dans le pays pour sauver une légalité qui leur convenait. Les Croates changent de camp, trouvant dans une alliance avec l'Allemagne et l'Italie une chance de quitter l'Etat yougoslave qu'ils jugent composite (comme quoi rien n'est simple dans les Balkans, où les alliances changent souvent!). Avec l'entrée des troupes allemandes, hongroises, bulgares et italiennes, une tragédie sans nom s'abat sur tous les peuples de la Yougoslavie, avec, en plus, de nouveaux tracés pour les frontières intérieures, toujours contestés par les toutes les parties aujourd'hui, tant les populations, dispersées antérieurement par la terreur ottomane vivent les unes dans les autres, sans frontières précises. De 1941 à 1945, le gouvernement serbe du Général Nedic reste en selle, assez fidèle à l'Axe malgré le chaos dans lequel il plonge les Balkans. Il s'appuie sur une armée de 10.000 hommes bien entraînés et très disciplinés, dont les militaires allemands feront l'éloge. Mais le pays est plongé dans une abominable guerre civile: ethnie contre ethnie, mais aussi Serbes contre Serbes (soldats de Nedic, tchetniks royalistes et partisans titistes dans une terrifiante lutte triangulaire), Croates contre Croates (Oustachistes contre Partisans, Tito étant, ethniquement parlant, un Croato-slovène; Tudjman, l'actuel président croate, était partisan communiste, alors que des esprits simples, mal intentionnés et mal informés en font un fasciste de toujours!), Slovènes contre Slovènes (Domobrans contre Partisans), etc.

 

Aujourd'hui, après la mort de Tito, après l'indépendance de la Croatie et de la Slovénie, l'alliance franco-turque de 1526 à 1792, l'alliance anglo-turque de 1791 à nos jours, fait place à un Axe américano-turc, visant à recréer une chaîne de petits Etat inféodés à l'OTAN et à la Turquie, pour faire pièce aux Européens dans le Sud-Est balkanique et y entretenir des foyers de tensions permanentes, semant la zizanie dans toute l'Europe. Ce sont essentiellement les Russes et les Allemands qui sont visés, mais aussi les Italiens qui ont toujours eu des intérêts en Méditerranée orientale (Rhodes, Cilicie), les Grecs (Chypre), les Chrétiens d'Orient (Liban, Syrie), la France (qui ne pourra plus jamais jouer son rôle de protectrice des chrétientés d'Orient). Le mémorandum adressé à Pitt est toujours d'actualité, mais c'est le Pentagone qui le concrétise dans les faits. Cette politique est inadmissible pour tous les Européens. Cette politique est anti-impériale, elle empêche l'Europe de retrouver une conscience impériale au sens de la Sainte-Alliance de 1690 à 1720. Tous ceux qui refusent de voir ce nouvel état de choses, de tirer clairement les leçons de l'histoire, sont des imbéciles. Ceux qui travaillent à occulter les leçons de l'histoire, ceux qui entretiennent délibérément l'ignorance des masses et des élites, ceux qui occupent des postes importants, ministériels ou autres, diplomatiques ou économiques, et qui ne raisonnent pas en termes d'histoire, sont de vils traîtres. Leur sort doit être mis aux mains d'une nouvelle Sainte-Vehme, tribunal occulte oeuvrant au seul salut du Saint-Empire. Et qui ne connait que deux sentences: l'acquittement ou la mort.

 

- Je suis un héritier spirituel des Bandes d'Ordonnance des Pays-Bas qui ont combattu contre François Ier à Pavie en 1526.

- Je suis un héritier spirituel de Don Juan d'Autriche, vainqueur à la bataille navale de Lépante en Méditerranée orientale en 1571, en tentant de reprendre Chypre aux Ottomans (puisse une flotte hispano-italo-franco-germano-croato-serbo-russo-grecque, totalement dégagée du machin OTAN, cingler très bientôt vers cette île et en faire un bastion inexpugnable de la Grande Europe!).

- Je suis un héritier spirituel du Prince Eugène de Savoie, que l'on nommait le Noble Chevalier ("Der edle Ritter").

- J'admire le long combat héroïque des Haiduks slaves et roumains et l'épopée du héros albanais Skanderbeg (tout Albanais qui ne rend pas hommage à Skanderbeg est un traître à son albanitude; tout Albanais qui ne combat pas pour son albanitude face au sud, dos au nord, n'est pas un Albanais, mais un mercenaire ottoman).

- Je place mes travaux géopolitiques sous le signe de la Sainte-Alliance de 1690 à 1720.

- Je suis un héritier spirituel des milices de la Ville de Bruxelles qui ont défendu leur ville contre les artilleurs terroristes du Maréchal de Villeroy, à côté des soldats bavarois et savoisiens de la garnison. Je te rappelle aussi, cher Quentin, qu'à l'âge de huit ans, mon cousin, de 22 ans mon aîné, m'a dit de toujours regarder la façade d'une maison de la Grand'Place de Bruxelles, sur laquelle figure un Phénix, symbolisant la cité et le Brabant résistant aux assauts du Roi Soleil et lui faisant la nique. Mon cousin m'a demandé de ne jamais oublier ce symbole. Je ne l'ai jamais oublié.

- Je suis un héritier spirituel des soldats hutois de l'armée autrichienne qui ont enlevé Belgrade en 1718, l'ont rendue à l'Europe.

- Je suis un héritier spirtuel des soldats des régiments de Baulieu, de Clerfayt, de Ligne, de Latour, qui ont tenté d'endiguer le flot des sans-culottes se déversant vers le Rhin en 1792, tandis que leurs alliés turcs reprenaient Belgrade sur le Danube et privaient les Serbes de leurs libertés.

- Je suis un héritier politique de Bismarck (et de Léopold I) qui s'opposaient à l'alliance anglo-franco-turque lors de la Guerre de Crimée contre la Russie, ancienne puissance de la Sainte-Alliance de 1690 à 1720.

- Je me souviens avec horreur de l'attentat de Sarajevo qui a coûté la vie à l'Archiduc d'Autriche et à son épouse, la Comtesse Chotek, tout comme je me souviens avec horreur du sort de la famille Obrenovic.

- Je déplore l'alliance franco-serbe d'après 1918, où la Serbie a été un "ersatz" de la Turquie ottomane et a été infidèle à son histoire.

- Je respecte rétrospectivement la politique économique et diplomatique de Milan Stojadinovic, soucieux de replacer son pays au sein de la famille des peuples de la Mitteleuropa et des Balkans.

- Je respecte l'attitude de Nedic, jeté dans un désarroi indescriptible, à l'époque la plus tragique de notre siècle.

- Je respecte tous les Yougoslaves, de quelle qu'ethnie que ce soit, qui ont combattu au cours de l'histoire du côté du Saint-Empire et de la Sainte-Alliance comme haiduks ou comme soldats réguliers, en particulier comme "granicar" (garde-frontières) le long du limes organisé par l'Autriche pour défendre l'Europe contre les Ottomans.

- Je déplore que Tito se soit laissé manoeuvrer par les Anglais contre les Allemands, les Hongrois, les Italiens et les Russes, sans pour autant condamner a priori sa politique de non-alignement (Bandoeng, etc.) et son socialisme fédéral et auto-gestionnaire, sorte de troisième voie entre le capitalisme et le panzercommunisme, à une époque où rien d'autre n'était possible.

- J'ai accepté l'indépendance de la Slovénie et de la Croatie en 1991, parce que je sais que des Etats composites sont inviables, incapables de susciter l'adhésion à des codes de droit précis (curieux que les défenseurs, en théorie, des droits de l'homme, sont ceux qui manipulent des idéologies qui nient le droit concret, seul vecteur de civilité viable!). De plus, ces deux pays offraient enfin une façade méditerranéenne-adriatique aux pays d'Europe centrale, ce que la France et l'Angleterre ont toujours voulu leur confisquer, les condamnant à l'enclavement continental (on se souviendra ici des "départements illyriens" inventés par Napoléon pour couper la Hongrie et l'Autriche de la mer, fonction que devait reprendre la Yougoslavie selon Poincaré et Clémenceau).

- Je défends l'indépendance de ces deux pays, mais sans développer de serbophobie, à la manière de certains philosophes parisiens.

- Je pense que la Serbie a droit à sa spécificité au même titre que l'Albanie illyrienne, la Bosnie bogomil, la Croatie et la Slovénie. Toutes ces identités et spécificités s'enracinent et doivent nécessairement s'enraciner dans l'esprit haiduk (ou granicar).

- Je m'oppose à l'alliance américano-turque d'aujourd'hui, tout comme Bismarck s'est opposé à l'alliance anglo-franco-turque lors de la Guerre de Crimée.

- Je demeure un fidèle lecteur de Carl Schmitt (dont les deux épouses ont été serbes!), qui a théorisé l'interdiction d'intervention des puissances extérieures à un espace donné.

- Je demeure un fidèle disciple de Carl Schmitt, car je me souviens qu'il a décrit, avec force arguments juridiques solidement étayés, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis comme des Etats pirates.

- Je demeure encore et toujours un fidèle disciple de Carl Schmitt, dans le sens où il a toujours décrit les bons apôtres de la morale internationaliste comme de dangereux ferments de la dissolution des Etats, donc de la civilisation, de l'urbanité, de la culture et surtout du droit.

Telles sont mes positions. Je persiste et je signe. Rien ne m'ébranlera. Je suis dans la continuité historique donc dans le réel. Tant pis pour ceux qui restent en dehors de l'une et de l'autre.

Je reste à la disposition de mes lecteurs pour leur conseiller de bonnes lectures sur tout ce qui précède.

A bientôt, cher Quentin, meilleures amitiés.

Robert Steuckers.   

 

dimanche, 25 avril 2010

Si vis pacem, para bellum

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES  -  1999

SI VIS PACEM, PARA BELLUM

 

La leçon infligée à l’Union Européenne, au terme de quatre mois de conflit qui opposèrent l’OTAN à la R.F. de Yougoslavie sur le devenir du Kosovo, aura été sévère mais bien méritée. Ce qu’on appelle la justice géopolitique. Faute de s’être dotée dune force commune de projection armée conséquente, intégrée aux trois piliers de la construction européenne, Commission et Conseil de l’Union auront assisté impuissants à la dernière démonstration de force américaine du XXème siècle. Américaine parce qu’en cette année de célébration du cinquantième anniversaire de l’Alliance Atlantique, M. Clinton et Mme Albright ont clairement réaffirmé que l’objectif dévolu à l’OTAN est et reste aujourd’hui et demain la défense et la promotion des intérêts exclusifs des USA. Les stratèges du Pentagone auront eu tout loisir de se tailler la part du lion dans le redéploiement des zones d’influence balkanique post-communiste, en achevant leur travail d’isolement de la Russie et de satellisation de l’Europe (amorcé rappelons-le par l’extension de l’OTAN aux frontières occidentales de la Russie le 12 mars 1999 avec les adhésions de la Hongrie, de la Pologne et de République Tchèque).

 

Avec, en prime, le satisfecit consentant dune UE incapable de déployer sur les lieux plus qu’une force d’appoint, adjointe à l’armada américaine déjà en place (du côté français: 9000 hommes + cavalerie lourde et matériel de déminage et de franchissement, pour un budget de 4 milliards de F). Déjà le 22 avril dernier, Jacques Baumel, pdt de la Commission politique de l’UEO, s’insurgeait dans une lettre adressée au quotidien Le Figaro contre l’incurie européenne: «Jusqu’à quand les Européens se résigneront-ils à dépendre, pour leur sécurité et leur défense, dune puissance dont les intérêts ne coïncident pas forcément avec ceux de notre continent? (...) Il est vain de protester contre le rôle dominant de l’OTAN dans les conflits régionaux si l’on n’est pas capable de mettre sur pied une véritable armée européenne dirigée par des Européens et étroitement associée à une nouvelle Otan, nettement rééquilibrée en faveur de l’Europe (...) Il est donc urgent de construire cette identité de défense européenne, quitte à la mettre sur pied avec les seuls Etats de l’Union décidés à agir, en laissant de côté certains nouveaux membres de tradition neutraliste refusant par principe toute participation à un conflit.» Deux objectifs président selon M. Baumel au rattrapage de ce déficit vieux de dix ans:

1)      l’institution d’un 4ème pilier de la construction européenne bénéficiaire des acquis de l’UEO, à base intergouvernementale et commandé par un «véritable état-major multinational de commandement des forces mises à la disposition de l’Union, ne dépendant plus du seul bon vouloir de lOTAN.

2)      restructurer et regrouper les industries européennes de défense prioritaires que sont l’aéronautique, l’informatique et les missiles.

 

Dans cette idée, c’est au sommet européen de Cologne que M. Baumel assignait la responsabilité de prendre les décisions urgentes qui s’imposent.

 

Un dossier opportunément récupéré par des élections européennes jusque là bien mises à mal par le cirque médiatique entourant le Kosovo, et les politiques de renouer avec la question, soudain aussi préoccupante que le suivi de l’EURO. Mais la velléité de nos gouvernants est légendaire et, la situation du Kosovo en cours de «normalization» selon les propos du Gal W. Clark, l’heure est venue d’examiner plus en détail les faiblesses qui concourent à ralentir le processus de fédéralisation de nos défenses nationales respectives. Des faiblesses, ce qui est grave, d’ordre d’abord structurel.

 

«Monsieur PESC»:

 

Logiquement, la réunion de Cologne déboucha sur un projet commun d’«identité européenne de sécurité et de défense» (IESD) avec nomination d’un haut représentant chargé de la politique étrangère et de sécurité commune des Quinze, «Monsieur PESC». Le rôle échut tout aussi logiquement à Javier Solana. Au traité de Maastricht, qui initiait un «second pilier» à l’Union (position commune + action conjointe) châtré par l’unanimité des décisions, le traité d’Amsterdam a ajouté un concept d «unité de planification et d’alerte rapide» guère plus efficace, l’unanimité restant de mise, «(...) mais une petite dose de votes à la majorité qualifiée est introduite. De plus, la notion d abstention constructive fait son apparition pour éviter le blocage par un seul Etat, même si le veto demeure possible pour des raisons importantes et déclarées de politique nationale.» (Pierre Bocev, Monsieur PESC, la voix des Quinze in Le Figaro du 3 juin 1999) Une avancée insuffisante, et sans organigramme précis (livre blanc), pour François Heisbourg, pdt du Centre de politique de sécurité de Genève, qui proposait, toujours dans Le Figaro du 3 juin, de passer du concept inapproprié de défense du territoire à «un système qui privilégie la projection des forces (...) capacité d’intervention sur des théâtres extérieurs d’intervention», transformation sur le modèle britannique. A la question de savoir comment harmoniser des armées si différentes? M. Heisbourg répondait: «Je propose de retenir des critères de convergence, comme ceux adoptés pour la monnaie unique. Le premier critère concernerait les budgets de la défense consacrés à la recherche et au développement et au maintien des conditions opérationnelles (...) Le second critère concerne la proportion des effectifs par rapport à la population (...) Le troisième critère prendrait en compte l’engagement de non-réduction des budgets militaires». Un ensemble de mesures pragmatiques applicables à moyen, voire à court terme, qui implique dans sa réalisation une harmonisation opérative des budgets et une mise en commun des énergies ingénieuriales. C’est précisément là que le bât blesse.

 

Un besoin pressant d’harmonisation:

 

Mis bout à bout, les pays de l’Union Européenne investissent 165 milliards de dollars dans leur défense, soit 60% du budget militaire américain, et dix fois plus que la Russie. La logique voudrait donc que les Européens disposent de 60% de l’arsenal des USA. Il n’en est rien. Un tiers seulement de ce qu’investissent les américains à la recherche-développement y est consacré par les Européens, 5% vont au renseignement, et 30% maximum aux forces terrestres projetables. Le reste se disperse dans l’entretien d’effectifs coûteux et caduques (1,9 M de soldats en Europe, 1,4 M aux USA). Résultat de cette gabegie, sur mille appareils engagés dans l’opération «Force Alliée», 800 étaient alignés par la seule US Air Force. En comparaison, la France ne disposa que de 50 avions de combat. Le magazine L’Usine nouvelle du 6 mai 1999 (n°2686, L’Europe de l’armement à la traîne) se veut alarmiste: faiblesse des moyens d’observation satellite (un contre cinquante aux Etats-Unis), limitation de la capacité d’attaque «tous temps», pénurie de missiles, manque d’avions de transport lourds. Soit une capacité opérationnelle européenne d’à peine 10% de celle américaine (source Rand Corp.)

 

Pour juguler l’incurie, l’UE s’est doté d’un Organisme commun de coopération en matière d’ar­mement (OCCAR), au statut juridique en cours de définition. Au banc des accusés, on retrouve la baisse des budgets militaires (amputés de 30% pour la France, 43% pour la Grande-Bretagne!), con­traire au bon déroulement des lois de programmation, et cause du retard accumulé dans le dévelop­pe­ment des hautes technologies. Mais surtout la restructuration industrielle en panne, qui, avec quinze groupes d’armement (BAe-Marconi, Thompson-CSF, Dassault-Dasa, Matra, Alcatel Space etc) ne permet pas d’amortir cette même baisse des budgets. «Les Américains ont su amortir ces coupes claires par une vaste restructuration de leur industrie de défense autour de quatre méga­groupes. Mois nombreux, les industriels dépensent plus efficacement. L’équation est implacable.» (Jean-Pierre Jolivet) Au contraire les Européens continuent à privilégier, au mieux les alliances (Matra Marconi Space), au pire la concurrence et la gestion des joint-ventures. Economie de marché ob­lige... Le constat de Philippe Camus, vice directeur général d’Aérospatiale-Matra, est éclairant: «Une société regroupant les activités aéronautiques et d’électronique de défense semble désormais peu crédible, car trop difficile à réaliser. Nous allons vers une industrie européenne en deux ou trois pôles.»

 

... un coup d’épée dans l’eau

 

L’inadéquation résultante des diversités des besoins et des budgets a torpillé de nombreux projets, abandonnés en route (la frégate Horizon, lancée en 1989 par huit pays, réduits à l’Italie, la France et la Grande-Bretagne. Laquelle en se retirant en avril dernierenterre le projet. Le satellite d’ob­servation radar Horus, abandonné après défection allemande en 1995) ou gravement retardés (le satellite franco-espagnol Hélios-II, en panne de financement depuis 1992, l’hélicoptère franco-allemand Tigre, programmé en 1984, dont les commandes pour 2003 ne sont toujours pas signées, les avions Rafale et Eurofighter toujours pas en service, quinze ans après leur mise en chantier). Le drame de l’histoire est que pendant ce temps l’arsenal en place se déprécie, s’appauvrit sans que leur modernisation suive. Faute de budget en recherche-développement. Souvent réduites à elles-mêmes, les nations européennes s’encombrent de projets périlleux. Le cas français est exemplaire. La France assume seule aujourd’hui le financement du Rafale, pour 188 milliards de francs. Le char Leclerc, conçu pendant la guerre froide, s’est enlisé dans le désert des Emirats arabes unis. Sa conception-réalisation aura coûté 34 milliards de F. Il est aujourd’hui obsolète. Le satellite Hélios-I, 8 milliards pièce, est aveugle par temps couvert! Quant au porte-avions «Charles de Gaulle», que cer­tains voyaient déjà en chef de file de la flotte des porte-avions européens (cf. Le Point n°1376), sa réalisation, passée de 1985 à 1999 de 16 à 19,3 milliards de F, confine au bricolage. Pour un vaisseau deux fois inférieur en tonnage au «Roosevelt» américain.

 

Sans compter que sans escorte ni appareils embarqués, un porte-avions n’est rien. Or, avec les pro­jets Rafale et Horizon en berne... La constitution dune flotte européenne reportée aux calendes grec­ques (on parle bien d’un hypothétique porte-avions franco-britannique, à propulsion gazole), cha­cune des nations en présence rechignant à se spécialiser, le porte-avions «Charles de Gaulle» risque fort d’être... un coup d’épée dans l’eau.

 

Les recherches en amélioration de l’équipement du combattant individuel (armement «intelligent», vision déportée etc) restent quant à elles à la discrétion des armées nationales( systèmes ECA en France, Fist en GB)

 

Pour une économie de combat:

 

«Mais comment les américains font-ils?» La réponse à la question nous vient du livre de MM Christian Harbulot et Jean Pichot-Duclos, La France doit dire NON. (Plon 1999) Elle a un nom: l’économie de com­bat. Priorité n°1 de William Clinton depuis son investiture, la diplomatie-économique offensive de son gouvernement a une devise: «L’intérêt privé doit s’effacer devant la défense des intérêts stratégiques des Etats-Unis». Point d’ultralibéralisme ici mais bien plutôt un libéralisme patriotique à l’échelle continentale du pays. A la différence des Européens, les USA ont déjà intégré le concept d’intelligence globale et compris qu’un Conseil de sécurité unique devait incorporer en son sein les données politiques, économiques, technologiques et militaires seules en mesure de s’adapter aux nouveaux conflits: «affrontements économiques, luttes d’influence entre puissances, fractures in­ternes menaçant la cohésion du pays». La gestion de l’information dispensée par les spécialistes du bureau ACM (affaires civilo-militaires), détaché de la DGSE doit s’accorder à la complexité nouvelle de la mondialisation. L’efficacité US trouve sa source dans sa capacité à se conformer aux nouveaux enjeux géopolitiques, qui exigent une force militaire d’influence assouplie adaptable à toutes les configurations d’intervention, à la pointe constante du progrès technologique. Ce qui nécessite une parfaite concorde entre les consortia militaro-industriels. Car désormais, l’adversaire économique n°1, c’est l’Europe. Henry Kissinger l’a écrit: «Les empires n’ont aucun intérêt à opérer au sein d’un système international: ils aspirent eux-mêmes à être un système international. Les empires n’ont que faire d’un équilibre des forces. C’est ainsi que les Etats-Unis ont mené leur politique étrangère.» (in Diplomatie, Fayard 1996) La puissance militaire devient en ce sens un puissant adjuvant à la concurrence internationale. Vous avez dit mondialisme?

 

«Rétrogradée en moins d’un siècle du rang de grande à celui de puissance moyenne, la France est au­jourd’hui à la croisée des chemins: reprendre l’initiative ou décliner». Pourvue d’une solide cul­tu­re scientifique, à l’industrie innovante, la France doit tirer la leçon des évènements récents du Ko­sovo pour accélérer le processus d’unification militaire européen. Dans le monde fracturé en nou­veaux espaces géoéconomiques antagonistes que nous promettent MM Brzezinsky et Huntigton, l’Europe doit prendre conscience que la bipolarité du temps de la guerre froide est bien révolue. Sans quoi...

 

La sagesse romaine demeure, imperturbable:

 

Si vis pacem, para bellum.

 

Laurent SCHANG.