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mardi, 08 novembre 2011

Le recyclage des terres rares, un enjeu stratégique

Le recyclage des terres rares, un enjeu stratégique

Ex: http://fortune.fdesouche.com/

Elles font aujourd’hui partie des métaux les plus précieux. Les terres rares, ce groupe de 17 minerais qui se nomment terbium, néodyme ou yttrium, s’avèrent très convoitées car indispensables à la production de la plupart des produits de haute technologie – ordinateurs, téléphones portables, écrans plats, éoliennes ou batteries des voitures électrique.

Mine chinoise

Contrairement à ce que laisse entendre leur nom, elles ne sont pas si rares, puisqu’il existe de nombreux gisements de par le monde, mais leurs stocks sont finis et leur extraction est difficile, coûteuse et extrêmement polluante. Surtout, elles sont le monopole de la Chine, qui détient 37 % des réserves mondiales mais contrôle 97 % de leur exploitation et réduit chaque année les quotas d’exportation. Or, la demande mondiale augmente chaque année de 6 %, mettant le marché sous pression.

L’enjeu, aujourd’hui, est donc pour les pays de sécuriser leur approvisionnement à des prix raisonnables et limiter l’impact de la raréfaction des terres rares au niveau mondial. Trois moyens existent : réduire leur utilisation, diversifier les sources en exploitant des mines en dehors de la Chine et recycler ces minerais.

C’est la troisième piste que cherche à développer la France, qui ne possède aucune mine de terres rares. Début 2012, le groupe chimique Rhodia rendra ainsi opérationnel, dans son usine de La Rochelle, un nouveau procédé, sur lequel il travaille depuis dix ans, permettant de recycler ces métaux.

 

L’objectif sera, dans un premier temps, de réutiliser les poudres luminophores qui recouvrent l’intérieur des lampes basse consommation (LBC) et qui contiennent plusieurs terres rares : terbium, yttrium, europium, gadolinium, lanthane et cérium. Pour l’instant, cette poudre est isolée et mise en décharge, lorsque les ampoules arrivent en fin de vie, alors que le reste des composants – verre, plastique, cuivre et aluminium – sont valorisés. Or, le terbium et l’yttrium font partie des terres rares les plus difficiles à trouver, les plus demandées et donc les plus chères (le terbium a ainsi vu son prix passer de 600 à 4 000 dollars le kilo en seulement deux ans). Au rythme actuel de consommation, leur approvisionnement sera critique d’ici 2014, estime, dans un rapport, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

« Grâce à ce nouveau procédé de récupération et de séparation des terres rares, il sera possible d’extraire 17 tonnes de ces minerais, dont 15 tonnes d’yttrium, 1 tonne de terbium et 1 tonne d’europium, sur les 4 000 tonnes de lampes fluocompactes que nous recyclons », détaille Hervé Grimaud, directeur général de Récylum, l’éco-organisme en charge de l’élimination des lampes usagées. Et cette quantité pourrait considérablement augmenter si les LBC étaient davantage triées. Car aujourd’hui, seulement un tiers de ces lampes sont ramenées dans les 19 000 points de collecte que compte le territoire.

Pour augmenter ce taux de recyclage, Récylum a réalisé une opération de communication, le 17 octobre dernier, en érigeant un faux chantier d’exploitation minière en plein cœur du quartier d’affaires de La Défense. Une mine urbaine qui s’est avérée être, une fois les barrières tombées, une boîte géante pour recycler les lampes basse consommation. Le message est clair : le plus grand gisement de métaux rares qui existe en France se trouve aujourd’hui dans nos bureaux. Une fois récupérés, les débouchés de ces minerais seront les mêmes qu’actuellement : la catalyse automobile, l’industrie verrière, les alliages métalliques, lampes ou aimants permanents.

Après la mise en place de cette filière pour les lampes, ce sera au tour des terres rares contenues dans les batteries rechargeables et les aimants des voitures électriques et des disques durs de pouvoir être recyclées, sans doute au cours de l’année 2012.

Une question se pose toutefois : le recyclage, s’il est nécessaire, sera-t-il suffisant pour faire face à la demande galopante des pays développés ? « Non, le recyclage ne pourra remplir qu’une petite partie de la demande en terres rares dans les années à venir », assure John Seaman, chercheur à l’Institut français des relations internationales, spécialiste de la politique énergétique en Chine et des terres rares. Car si les lampes fluocompactes utilisent des quantités infimes de terres rares, il n’en est pas de même pour d’autres produits technologiques. Un moteur de Prius nécessite par exemple 1 kilo de néodyme pour ses aimants. Les éoliennes offshore, elles, consomment 600 kilos par turbine pour améliorer leur fonctionnement tout en diminuant les coûts de maintenance.

« Il faut donc, dans le même temps, trouver des approvisionnements en dehors de la Chine, utiliser ces minerais de façon plus efficace et leur trouver des substituts », précise le chercheur. C’est pourquoi des entreprises commencent à développer des alternatives à l’utilisation de terres rares. Dans le secteur automobile, Toyota cherche ainsi à développer pour ses voitures hybrides, un moteur à induction sans aimant. Dans l’énergie, General Electrics a annoncé en août la mise en place d’une turbine pour éolienne moins gourmande en terres rares. Mais ces produits sont encore loin de voir le jour.

Le Monde

samedi, 06 novembre 2010

Les robinets de matières premières se fermeront-ils?

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Michael WIESBERG :

 

Les robinets de matières premières se fermeront-ils ?

 

Bon nombre d’indices nous signalent que la Chine est actuellement sur la bonne voie pour détricoter les règles du jeu qui régissent le processus de globalisation, règles aujourd’hui toujours dominées par les Etats-Unis. Son objectif ? Reprendre à son compte le rôle de chef d’orchestre international pour promouvoir son propre modèle de capitalisme.

 

Les exemples les plus récents dans ce conflit : 1) la querelle concernant le dumping monétaire pratiqué par les Chinois et, plus récemment encore, 2) la politique chinoise de diminuer drastiquement l’exportation de minerais critiques (de terres rares) qui sont d’une importance vitale surtout pour l’industrie occidentale des hautes technologies. En ce domaine, la Chine détient une position dominante sur le marché parce qu’elle extrait 95% de ces minerais critiques (terres rares). La Chine limite depuis environ trois ans ses exportations, ce qui pousse les industries occidentales vers des goulots d’étranglement, comme on le ressent actuellement en Allemagne. D’après le site « Spiegel-Online », certaines firmes allemandes cessent de recevoir les métaux nécessaires pour la production de hautes technologies.

 

En menant cette politique de raréfaction de ses exportations de minerais critiques et de terres rares, la Chine vise manifestement à ce que la production de technologies clefs se fasse sur son territoire, comme le subodore, par exemple, le « New-York Times Online » (NYTO).

 

Constituer une « réserve stratégique »

 

Pour bon nombre d’observateurs, cette thèse du NYTO se révèle caduque et ne reflète que la plainte émise par des entreprises occidentales, d’avoir été discriminées en Chine au profit de firmes nationales chinoises. C’est là un argument assez faible contre l’hypothèse posée par le NYTO. Quoi qu’il en soit : la raison fondamentale qui explique cette polémique vient probablement du fait que la Chine cherche à se constituer une « réserve stratégique » qui lui permettrait de contrôler le marché des minerais critiques et des terres rares, pour lequel la concurrence est âpre et l’enjeu stratégique très important.

 

Les activités déployées par la Chine en Afrique confirment par ailleurs la thèse du NYTO, surtout dans une région ravagée par la guerre comme le Congo, où l’on exploite le manganèse, divers autres minerais, les sels potassiques et le phosphate. Tandis que l’UE aborde le problème congolais en termes de ratiocinations oiseuses et de thématiques « humanitaires », les Chinois, qui n’ont cure de tout cela, se sont depuis assez longtemps déjà assurés de droits d’exploitation. Il n’y a donc aucun doute : la Chine a reconnu le talon d’Achille de l’Occident et ce talon d’Achille, entre autres faiblesses, est le goulot d’étranglement que constitue l’obtention de minerais critiques et de terres rares pour les Etats occidentaux industrialisés. La Chine joue désormais ses atouts en ce domaine, en toute bonne conscience.

 

« Nous sommes menacés par plusieurs goulots d’étranglement »

 

Si les Chinois ne modifient pas leur politique actuelle, les Etats industrialisés de l’Occident, et donc aussi l’Allemagne, se retrouveront dans une situation fort désagréable.  « Nous sommes menacés de dangereux goulots d’étranglement », a expliqué le géologue Peter Buchholz, attaché à l’Institut Fédéral allemand des Sciences géographiques et des Matières premières (« Bundesanstalt für Geowissenschaften und Rohstoffe », BGR), sur le site « Spiegel-Online ». La fabrication d’un grand nombre de produits électroniques, dont les ordinateurs et les moniteurs informatiques, les accus, les téléphones portables, certains biens d’équipement civils et militaires, les semi-conducteurs, etc. pourrait s’interrompre, si aucun nouveau fournisseur de minerais critiques  ou de terres rares ne se présente dans des délais prévisibles.

 

Petit à petit, le gouvernement fédéral allemand se rend compte qu’il y a urgence à agir, mais autrement que dans le cadre conventionnel des « missions pour les droits de l’homme et la dignité de chaque personne humaine » qui structure depuis longtemps l’action gouvernementale de la RFA ; c’est ce que l’on peut lire, par exemple, dans un dépliant de Günter Nooke, qui fut jusqu’en mars 2010, le chargé d’affaires de la politique des droits de l’homme et de l’aide humanitaire du gouvernement fédéral allemand.

 

Nous dépendons pour près de 100% de la Chine

 

La Russie est la seule puissance capable de nous aider ; mais, en déployant des activités similaires aux Etats-Unis, en Australie ou en Afrique du Sud, nous pouvons espérer améliorer notre situation. Le plus grand espoir actuel, nous le plaçons dans la région de Kvanefjeld au Groenland, où l’on pourrait, paraît-il, extraire chaque année jusqu’à 100.000 tonnes de minerais critiques et/ou de terres rares. C’est en tous cas ce que nous laissent miroiter les pronostics les plus prometteurs. Cependant, l’extraction proprement dite ne pourrait démarrer au plus tôt qu’en 2015.

 

Mais que se passera-t-il d’ici là ? D’ici à ce que les espoirs placés dans le site groenlandais deviennent réalité ? Jusqu’à la fin de l’année 2011, nous explique Peter Buchholz, l’Allemagne restera à près de 100% dépendante du bon vouloir de la Chine en ce qui concerne les minerais critiques. Tout esprit rationnel peut déplorer que le gouvernement de la RFA ne réagit que maintenant, alors que ce processus de dépendance est à l’œuvre depuis assez longtemps. Evidemment, les « missions pour la dignité de chaque personne humaine » avait pris quasiment 100%  du temps de nos excellences politiciennes.

 

Michael WIESBERG.

(article tiré du site http://www.jungefreiheit.de/ - 25 octobre 2010).