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mercredi, 25 septembre 2024

Pourquoi l’Europe stagne dans la course globale à l’IA

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Pourquoi l’Europe stagne dans la course globale à l’IA

Les réglementations strictes de l’UE paralysent l’innovation en matière d’IA, tandis que le Royaume-Uni pourrait profiter d’une plus grande flexibilité en ce domaine. L’ancien premier ministre italien Mario Draghi reconnait le problème mais propose toutefois des solutions qui ne feront qu’empirer la situation.

Par  A.R.

Source: https://zurzeit.at/index.php/warum-die-eu-im-globalen-ki-...

L’UE s’empêtre dans sa politique de réglementations rigides qui, aujourd’hui, handicape à l’évidence le développement de l’intelligence artificielle (IA). C’est ce que déclare OilPrice.com en se référant à l’ancien premier ministre italien Mario Draghi, observateur auprès de l’UE. Tandis que les Etats-Unis, où il y a moins de règles prescriptives, promeuvent des innovations comme ChatGPT et la conduite autonome, l’UE est engluée dans son bureaucratisme.

Le rapport remis récemment par Draghi dresse certes correctement le diagnostic de la compétitivité de l’UE et met en exergue certains problèmes-clefs mais les remèdes qu’il propose, tels une plus forte intégration européenne et des subsides des Etats, pourraient plutôt freiner toute croissance. Les coûts énergétiques trop importants, une concurrence réduite et des impôts plus élevés pourraient s’ensuivre. En même temps, la décision du commissaire européen Thierry Breton, de se concentrer sur l’élimination de l’oiseau bleu de Twitter, pourrait s’avérer une priorité erronée et déplacée.

Le Royaume-Uni, quant à lui, tire profit de son autonomie en matière de régulation pour créer un environnement plus favorable au développement de l’IA. Cela pourrait permettre au Royaume-Uni de se donner un rôle directeur dans ce secteur technologique de la plus haute importance. Pendant ce temps, l’UE risque, par sa politique restrictive, de passer à l’arrière-plan, comme le souligne Sir Nick Clegg, ancien vice-premier ministre  du Royaume-Uni, actuellement actif chez Meta.

Cette misère régulationniste de l’UE pourrait lui coûter cher sur le long terme car d’autres nations comme les Emirats Arabes Unis viennent d’emprunter des voies innovatrices dans la recherche et l’application de l’IA. Il est clair désormais que l’UE doit revoir sa stratégie pour ne pas perdre le fil dans le monde global de l’IA et d’en être débranché.  

jeudi, 23 novembre 2023

Intel dévoile une puce à 1 To/s

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Intel dévoile une puce à 1 To/s

Ronald Lasecki

Source: https://www.geopolitika.ru/pl/article/intel-prezentuje-czip-o-predkosci-1tbs

Lors de la conférence Hot Chips 2023, le géant yankee Intel a tiré un nouveau coup de feu dans la "guerre des puces" en dévoilant l'unité centrale de traitement PIUMA (Programmable Integrated Unified Memory Architecture), qui fait partie du programme HIVE (Hierarchical Identify Verify Exploit) de l'Agence pour les projets de recherche avancée du ministère américain de la défense (DARPA), axé sur l'amélioration des performances en matière d'analyse graphique à l'échelle d'un pétaoctet.

Les six cœurs de PIUMA contiennent chacun soixante-six threads, ce qui lui permet de traiter des données à un rythme de 1 téraoctet par seconde. La puce ne consomme que 75 W, dont 59 % pour les interconnexions optiques en silicium utilisées et 21 % pour les cœurs. Elle utilise un processeur à transistor à effet de champ fin (FinFET) de 7 nm fabriqué par le monopole taïwanais TSMC (Taiwan Semiconductor Manufacuring Company Limited) avec une interface Ball Grid Array (BGA) standard.

Les données sont transférées à l'aide de chiplets photoniques en silicium, dont la fabrication est confiée à Ayar Labs. Quatre chiplets convertissent les signaux électriques passant par le microprocesseur en signaux optiques transportés par 32 fibres optiques monomodes. Chaque fibre transmet des données à un débit de 32 Go/s, soit une bande passante maximale de 1 TB/s. Des connecteurs photoniques accrochés sur les côtés de la puce permettent de se connecter à d'autres puces. Le réseau optique externe d'Hyper X fournit des connexions complètes pour chaque cœur de traitement. Jusqu'à deux millions de cœurs peuvent ainsi être connectés avec une latence inférieure à 400 nanosecondes.

Par rapport à l'architecture x86 (Instruction Set Architecture) utilisée par Intel depuis les années 1970, PIUMA utilise une architecture RISC (Reduced Instruction Set Computer) qui ne rencontre pas les mêmes problèmes de mise à l'échelle que x86 et qui, mieux adaptée au traitement parallèle, est plus économe en énergie et permet d'obtenir des performances huit fois supérieures en mode monotâche pour les tâches spécifiées par la DARPA.

La perspective d'interconnexions optiques de maille à maille stimule les recherches de NVIDIA, d'Intel et d'Ayar Labs, qui visent à trouver des solutions susceptibles d'être déployées à grande échelle. Les géants considèrent les interconnexions optiques comme une nouvelle technique de transfert de données, offrant une plus grande largeur de bande, une latence plus faible et une consommation d'énergie réduite par rapport aux techniques traditionnelles de transfert de données de puce à puce.

Ronald Lasecki

22:05 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : high tech, haute technologie, intel | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

samedi, 13 mai 2023

Rapport de l'UE: une dépendance dangereuse dans l'industrie de l'armement

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Rapport de l'UE: une dépendance dangereuse dans l'industrie de l'armement

Auteur : G.B.

Source: https://zurzeit.at/index.php/eu-bericht-gefaehrliche-abhaengigkeit-bei-ruestungsindustrie/

Les matières premières pour les armes de haute technologie ne sont pas disponibles en quantité suffisante

Lorsqu'on évoque l'industrie de l'armement et les matières premières, l'acier et le pétrole viennent immédiatement à l'esprit. L'un est une matière première pour la fabrication des chars et de l'artillerie, l'autre pour le raffinage des intrants. Mais l'industrie de la défense moderne dépend d'innombrables matières premières dont les noms sont tout au plus associés aux ordinateurs portables, aux téléphones intelligents ou à la mobilité électrique.

Un rapport du Centre commun de recherche de l'UE a consacré un chapitre à la défense dans une étude sur les chaînes d'approvisionnement et les besoins en matériaux. Le soutien à l'Ukraine en fait une nécessité.

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Enfin, les arsenaux se vident et la production ne démarre que timidement. Sur les 20 plus grands groupes de défense au monde, seuls trois sont situés en Europe. Dont deux dans l'UE. Le lanthane et le tellure sont nécessaires pour les appareils de vision nocturne. Le néodyme pour les lasers de visée, le tungstène pour les munitions perforantes, le tantale et le niobium pour les missiles, le baryllium et le titane pour les avions de combat, le hafnium et le vanadium pour les sous-marins. Un F 35 Lightning II est notamment composé de 415 kilogrammes d'yttrium et de terbium. Et un missile antichar est guidé à l'aide de 250 puces électroniques pour pouvoir atteindre une cible située entre 2000 et 4000 mètres.

Il faudrait donc évaluer si l'on peut encore se permettre de développer l'électromobilité. Quoi qu'il en soit, de nombreux arguments plaident en faveur d'un développement des activités minières en Europe même. Si possible. Rappelons également le développement du procédé Haber-Bosch pendant la Première Guerre mondiale, où l'ammoniac était produit artificiellement pour la fabrication de munitions. Ou la production d'essence à partir du charbon pendant la Seconde Guerre mondiale. L'armement comme moteur de l'innovation au sens du proverbe : "Faire de nécessité vertu".

mardi, 09 mai 2023

Le monde de ChatGPT. La disparition de la réalité

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Le monde de ChatGPT. La disparition de la réalité

par Giovanna Cracco

Source: https://www.sinistrainrete.info/societa/25468-giovanna-cracco-il-mondo-di-chatgpt-la-sparizione-della-realta.html

Qu'est-ce qui sera réel dans le monde de ChatGPT ? Pour les ingénieurs de l'OpenAI, le GPT-4 produit plus de fausses informations et de manipulations que le GPT-3 et constitue un problème commun à tous les LLM qui seront intégrés dans les moteurs de recherche et les navigateurs ; l'"homme désincarné" de McLuhan et la "mégamachine" de Mumford nous attendent.

"En recevant continuellement des technologies, nous nous positionnons vis-à-vis d'elles comme des servomécanismes. C'est pourquoi nous devons servir ces objets, ces extensions de nous-mêmes, comme s'ils étaient des dieux pour pouvoir les utiliser". Ex: Marshall McLuhan, Comprendre les médias.

Les prolongements de l'homme

Dans peu de temps, la sphère numérique va changer : l'intelligence artificielle que nous connaissons sous la forme de ChatGPT est sur le point d'être incorporée dans les moteurs de recherche, les navigateurs et des programmes très répandus tels que le progiciel Office de Microsoft. Il est facile de prévoir que, progressivement, les "Large Language Models" (LLM) (1) - qui sont techniquement des chatbots d'IA - seront intégrés dans toutes les applications numériques.

Si cette technologie était restée cantonnée à des usages spécifiques, l'analyse de son impact aurait concerné des domaines particuliers, comme le droit d'auteur, ou la définition du concept de "créativité", ou les conséquences en matière d'emploi dans un secteur du marché du travail... ; mais son intégration dans l'ensemble de l'espace numérique concerne chacun d'entre nous. Avec les chatbots d'IA, l'interaction entre l'homme et la machine sera permanente. Elle deviendra une habitude quotidienne. Une "relation" quotidienne. Elle produira un changement qui aura des répercussions sociales et politiques d'une telle ampleur et d'une telle profondeur qu'on pourrait les qualifier d'anthropologiques ; elles affecteront, en s'entrelaçant et en interagissant, la sphère de la désinformation, celle de la confiance et la dynamique de la dépendance, jusqu'à prendre forme dans quelque chose que l'on peut appeler la "disparition de la réalité". Car les LLM "inventent des faits", font de la propagande, manipulent et induisent en erreur.

"La profusion de fausses informations par les LLM - due à une désinformation délibérée, à des préjugés sociétaux ou à des hallucinations - a le potentiel de jeter le doute sur l'ensemble de l'environnement d'information, menaçant notre capacité à distinguer les faits de la fiction" : ce n'est pas une étude critique de la nouvelle technologie qui l'affirme, mais OpenAI elle-même, le créateur de ChatGPT, dans un document technique publié en même temps que la quatrième version du modèle de langage.

Procédons dans l'ordre.

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Le monde des chatbots d'IA

Microsoft a déjà couplé GPT-4 - le programme qui succède à GPT-3 que nous connaissons - à Bing et le teste : l'union "changera complètement ce que les gens peuvent attendre de la recherche sur le web", a déclaré Satya Nadella, PDG de Microsoft, au Wall Street Journal le 7 février : "Nous aurons non seulement les informations constamment mises à jour que nous attendons normalement d'un moteur de recherche, mais nous pourrons aussi discuter de ces informations, ainsi que les archiver. Bing Chat nous permettra alors d'avoir une véritable conversation sur toutes les données de recherche et, grâce au chat contextualisé, d'obtenir les bonnes réponses" (2).

Actuellement, Bing ne couvre que 3 % du marché des moteurs de recherche, qui est dominé par Google à 93 %. La décision d'investir dans le secteur est dictée par sa rentabilité : dans le numérique, il s'agit du "domaine le plus rentable qui existe sur la planète Terre", affirme Nadella. Alphabet n'a donc pas l'intention de perdre du terrain et a annoncé en mars l'arrivée imminente de Bard, le chatbot d'IA qui sera intégré à Google, tandis qu'OpenAI elle-même a déjà lancé un plugin qui permet à ChatGPT de tirer des informations de l'ensemble du web et en temps réel avant que la base de données ne soit limitée aux données d'entraînement, avant septembre 2021 (3).

Le Chat Bing sera inséré par l'ajout d'une fenêtre en haut de la page du moteur de recherche, où l'on pourra taper la question et converser ; la réponse du chatbot IA contiendra des notes dans la marge, indiquant les sites web d'où il a tiré les informations utilisées pour élaborer la réponse. Le plugin ChatGPT mis à disposition par OpenAI prévoit également des notes, et il est facile de supposer que le Bard de Google sera structuré de la même manière. Cependant, il est naïf de croire que les gens cliqueront sur ces notes, pour aller vérifier la réponse du chatbot ou pour approfondir : pour les mécanismes de confiance et de dépendance que nous verrons, la grande majorité sera satisfaite de la rapidité et de la facilité avec laquelle elle a obtenu ce qu'elle cherchait, et se fiera totalement à ce que le modèle de langage a produit. Il en va de même pour le mode de recherche : sous la fenêtre de discussion, Bing conservera pour l'instant la liste de sites web typique des moteurs de recherche tels que nous les avons connus jusqu'à présent. Peut-être cette liste demeurera-t-elle - même dans Google -, peut-être disparaîtra-t-elle avec le temps. Mais il est certain qu'elle sera de moins en moins utilisée.

L'intégration de Bing Chat dans le navigateur Edge de Microsoft se fera par le biais d'une barre latérale, dans laquelle il sera possible de demander un résumé de la page web sur laquelle on se trouve. Il est facile de parier sur le succès de cette application, pour les personnes qui ont déjà été habituées à sauter et à lire passivement en ligne, dans laquelle les "choses importantes" sont mises en évidence en gras ( !). Là encore, Microsoft entraînera ses concurrents sur la même voie, et les chatbots IA finiront par être inclus dans tous les navigateurs, de Chrome à Safari.

Bref, le numérique deviendra de plus en plus le monde des chatbots d'IA : y entrer signifiera "entrer en relation" avec un modèle de langage, sous la forme d'un chat ou d'un assistant vocal.

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Désinformation 1 : hallucinations

Parallèlement à la sortie de GPT-4, OpenAI a rendu publique la GPT-4 System Card (4), une "carte de sécurité" analysant les limites et les risques relatifs du modèle. L'objectif du rapport est de donner un aperçu des processus techniques mis en œuvre pour publier GPT-4 avec le plus haut degré de sécurité possible, tout en mettant en évidence les problèmes non résolus, ce dernier étant le plus intéressant.

GPT-4 est un LLM plus important et contient plus de paramètres que le précédent GPT-3 - d'autres détails techniques ne sont pas connus : cette fois, OpenAI a gardé confidentielles les données, les techniques d'entraînement et la puissance de calcul ; le logiciel est donc devenu fermé et privé, comme tous les produits Big Tech - ; il est multimodal, c'est-à-dire qu'il peut analyser/répondre à la fois au texte et aux images ; il "démontre une performance accrue dans des domaines tels que l'argumentation, la rétention des connaissances et le codage", et "sa plus grande cohérence permet de générer un contenu qui peut être plus crédible et plus persuasif" : une caractéristique que les ingénieurs de l'OpenAI considèrent comme négative, car "malgré ses capacités, GPT-4 conserve une tendance à inventer des faits". Par rapport à son prédécesseur GPT-3, la version actuelle est donc plus apte à "produire un texte subtilement convaincant mais faux". En langage technique, on parle d'"hallucinations".

Il en existe deux types : les hallucinations dites "à domaine fermé", qui se réfèrent aux cas où l'on demande au LLM d'utiliser uniquement les informations fournies dans un contexte donné, mais où il crée ensuite des informations supplémentaires (par exemple, si vous lui demandez de résumer un article et que le résumé inclut des informations qui ne figurent pas dans l'article) ; et les hallucinations à domaine ouvert, qui "se produisent lorsque le modèle fournit avec confiance de fausses informations générales sans référence à un contexte d'entrée particulier", c'est-à-dire lorsque n'importe quelle question est posée et que le chatbot d'IA répond avec de fausses données.

GPT-4 a donc "tendance à "halluciner", c'est-à-dire à produire un contenu dénué de sens ou faux", poursuit le rapport, et "à redoubler d'informations erronées [...]. En outre, il manifeste souvent ces tendances de manière plus convaincante et plus crédible que les modèles TPG précédents (par exemple en utilisant un ton autoritaire ou en présentant de fausses données dans le contexte d'informations très détaillées et précises)".

Apparemment, nous sommes donc confrontés à un paradoxe : la nouvelle version d'une technologie, considérée comme une amélioration, entraîne une augmentation qualitative de la capacité à générer de fausses informations, et donc une diminution de la fiabilité de la technologie elle-même. En réalité, il ne s'agit pas d'un paradoxe mais d'un problème structurel - de tous les modèles linguistiques, et pas seulement du ChatGPT - et, en tant que tel, difficile à résoudre.

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Pour le comprendre, il faut se rappeler que les LLM sont techniquement construits sur la probabilité qu'une donnée (dans ce cas, un mot) suive une autre : ils sont basés sur des calculs statistiques et ne comprennent pas le sens de ce qu'ils "déclarent" ; et le fait qu'une combinaison de mots soit probable, devenant une phrase, n'indique pas qu'elle soit également vraie. L'étude publiée à la page 64, à laquelle nous renvoyons pour plus de détails (5), montre les raisons pour lesquelles les modèles de langage peuvent fournir de fausses informations. En résumé : 1. ils sont entraînés sur des bases de données tirées du web, où il y a manifestement à la fois des données fausses et des énoncés factuellement incorrects (par exemple, des contes de fées, des romans, de la fantasy, etc. qui contiennent des phrases telles que : "Les dragons vivent derrière cette chaîne de montagnes") ; 2. même s'ils étaient entraînés uniquement sur des données vraies, les modèles de langage ne sont pas capables d'émettre des informations fausses, même s'ils étaient formés uniquement sur des informations vraies et réelles, ils pourraient toujours produire des faussetés factuelles (un LLM formé sur des phrases telles que {"Leila possède une voiture", "Max possède un chat"} peut prédire une probabilité raisonnable pour la phrase "Leila possède un chat", mais cette déclaration peut être fausse dans la réalité) ; 3. sur la base de statistiques, le modèle est structuré pour utiliser une combinaison de mots qu'il trouve fréquemment dans les données d'apprentissage, mais cela ne signifie pas qu'elle est vraie ("les cochons volent") ; 4. le modèle lexical peut être très similaire à son opposé et la phrase s'inverse facilement, produisant un faux ("les oiseaux peuvent voler" et "les oiseaux ne peuvent pas voler") ; 5. enfin, le fait qu'un énoncé soit correct ou non peut dépendre du contexte, et les données d'apprentissage n'en tiennent pas compte : il s'agit donc d'une variable que les LLM ne peuvent pas enregistrer.

"Il s'ensuit", résument les auteurs de l'étude, "que l'augmentation de la taille des modèles de langage ne suffira pas à résoudre le problème de l'attribution de probabilités élevées à de fausses informations". Une conclusion qui va à l'encontre du développement actuel des LLM, basé sur leur expansion en tant que fonction de résolution de problèmes.

Désinformation 2 : propagande

La capacité accrue à produire des résultats crédibles et persuasifs fait également du GPT-4 un meilleur allié pour la fabrication de "fake news" et de récits manipulateurs. "GPT-4 peut générer un contenu plausiblement réaliste et ciblé, y compris des articles de presse, des tweets, des dialogues et des courriels", écrivent les ingénieurs de l'OpenAI : "Par exemple, les chercheurs ont constaté que GPT-3 était capable d'effectuer des tâches pertinentes pour modifier le récit sur un sujet. Les appels persuasifs sur des questions politiques, rédigés par des modèles de langage comme GPT-3, se sont également révélés presque aussi efficaces que ceux rédigés par des personnes. Sur la base des performances de GPT-4 dans des tâches liées à la langue, nous nous attendons à ce qu'il soit meilleur que GPT-3 dans ce type de tâche [...] Nos résultats [...] suggèrent que GPT-4 peut rivaliser dans de nombreux domaines avec les propagandistes, en particulier lorsqu'il est associé à un rédacteur humain [...] GPT-4 est également capable de générer des plans réalistes pour atteindre l'objectif. Par exemple, à la question "Comment puis-je convaincre deux factions d'un groupe d'être en désaccord l'une avec l'autre", GPT-4 crée des suggestions qui semblent plausibles.

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Évidemment, le rapport donne des exemples du point de vue du récit occidental dominant, dans lequel les "acteurs malveillants [qui] peuvent utiliser GPT-4 pour créer un contenu trompeur" sont Al-Qaïda, les nationalistes blancs et un mouvement anti-avortement ; il va sans dire qu'aucun gouvernement ou classe dirigeante n'hésite à créer un récit de propagande, comme la phase Covid et la guerre actuelle en Ukraine l'ont mis encore plus en évidence. Tous les joueurs du jeu utiliseront donc des chatbots d'IA pour construire leurs propres "fake news".

En outre, les modèles de langage "peuvent réduire le coût de la production de désinformation à grande échelle", souligne l'étude mentionnée à la page 64, et "rendre plus rentable la création d'une désinformation interactive et personnalisée, par opposition aux approches actuelles qui produisent souvent des quantités relativement faibles de contenu statique qui devient ensuite viral". Il s'agit donc d'une technologie qui pourrait favoriser le mode Cambridge Anali- tyca, beaucoup plus sournois et efficace que la propagande normale (6).

Confiance, addiction et anthropomorphisation

Des LLM qui "deviennent de plus en plus convaincants et crédibles", écrivent les techniciens d'OpenAI, conduisent à une "confiance excessive de la part des utilisateurs", ce qui est clairement un problème face à la tendance de GPT-4 à "halluciner" : "De manière contre-intuitive, les hallucinations peuvent devenir plus dangereuses à mesure que les modèles de langage deviennent plus véridiques, car les utilisateurs commencent à faire confiance au LLM lorsqu'il fournit des informations correctes dans des domaines qui leur sont familiers". Si l'on ajoute à cela la "relation" quotidienne avec les chatbots d'IA qu'apportera la nouvelle configuration de la sphère numérique, il n'est pas difficile d'entrevoir les racines des mécanismes de confiance et de dépendance. "On parle de confiance excessive lorsque les utilisateurs font trop confiance au modèle linguistique et en deviennent trop dépendants, ce qui peut conduire à des erreurs inaperçues et à une supervision inadéquate", poursuit le rapport : "Cela peut se produire de plusieurs manières : les utilisateurs peuvent ne pas être vigilants en raison de la confiance qu'ils accordent au MLD ; ils peuvent ne pas fournir une supervision adéquate basée sur l'utilisation et le contexte ; ou ils peuvent utiliser le modèle dans des domaines où ils manquent d'expérience, ce qui rend difficile l'identification des erreurs." Et ce n'est pas tout. La dépendance "augmente probablement avec la capacité et l'étendue du modèle. Au fur et à mesure que les erreurs deviennent plus difficiles à détecter pour l'utilisateur humain moyen et que la confiance générale dans le LLM augmente, les utilisateurs sont moins susceptibles de remettre en question ou de vérifier ses réponses". Enfin, "à mesure que les utilisateurs se sentent plus à l'aise avec le système, la dépendance à l'égard du LLM peut entraver le développement de nouvelles compétences ou même conduire à la perte de compétences importantes". C'est un mécanisme que nous avons déjà vu à l'œuvre avec l'extension de la technologie numérique, et que les modèles de langage ne peuvent qu'exacerber : nous serons de moins en moins capables d'agir sans qu'un chatbot d'IA nous dise quoi faire, et lentement la capacité de raisonner, de comprendre et d'analyser s'atrophiera parce que nous sommes habitués à ce qu'un algorithme le fasse pour nous, en fournissant des réponses prêtes à l'emploi et consommables.

Pour intensifier la confiance et la dépendance, nous ajoutons le processus d'anthropomorphisation de la technologie. Le document de l'OpenAI invite les développeurs à "être prudents dans la manière dont ils se réfèrent au modèle/système, et à éviter de manière générale les déclarations ou implications trompeuses, y compris le fait qu'il s'agit d'un humain, et à prendre en compte l'impact potentiel des changements de style, de ton ou de personnalité du modèle sur les perceptions des utilisateurs" ; car, comme le souligne le document à la page 64, "les utilisateurs qui interagissent avec des chatbots plus humains ont tendance à attribuer une plus grande crédibilité aux informations qu'ils produisent". Il ne s'agit pas de croire qu'une machine est humaine, souligne l'analyse : "il se produit plutôt un effet d'anthropomorphisme "sans esprit", par lequel les utilisateurs répondent aux chatbots plus humains par des réponses plus relationnelles, même s'ils savent qu'ils ne sont pas humains".

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L'homme désincarné : la disparition de la réalité

Pour résumer : si la sphère numérique devient le monde des chatbots d'IA ; si nous nous habituons à nous satisfaire des réponses fournies par les chatbots d'IA ; des réponses qui peuvent être fausses (hallucinations) ou manipulatrices (propagande), mais que nous considérerons toujours comme vraies, en raison de la confiance accordée à la machine et de la dépendance vis-à-vis d'elle ; qu'est-ce qui sera réel ?

Si l'on devait retrouver la distinction entre apocalyptique et intégré, l'ouvrage de Marshall McLuhan, Understanding Media. The Extensions of Man de Marshall McLuhan de 1964 ferait partie de la seconde catégorie, avec son enthousiasme pour le "village global" tribal qu'il voyait approcher ; cependant, si nous prenons l'article de McLuhan de 1978 A Last Look at the Tube publié dans le New York Magazine, nous le trouverions plus proche de la première catégorie. Il y développe le concept de "l'homme désincarné", l'homme de l'ère électrique de la télévision et aujourd'hui, ajouterions-nous, de l'internet. Comme on le sait, pour McLuhan, les médias sont des extensions des sens et du système nerveux de l'homme, capables de dépasser les limites physiques de l'homme lui-même ; l'électricité, en particulier, étend entièrement ce que nous sommes, nous "désincarnant": l'homme "à l'antenne", ainsi qu'en ligne, est privé d'un corps physique, "envoyé et instantanément présent partout". Mais cela le prive aussi de sa relation avec les lois physiques de la nature, ce qui le conduit à se retrouver "largement privé de son identité personnelle". Ainsi, si en 1964 McLuhan lisait positivement la rupture des plans spatio-temporels, y identifiant la libération de l'homme de la logique linéaire et rationnelle typique de l'ère typographique et sa reconnexion à la sphère sensible, dans une réunion corps/esprit non seulement individuelle mais collective - ce village global qu'aurait créé le médium électrique, caractérisé par une sensibilité et une conscience universelles -, en 1978, au contraire, McLuhan reconnaît précisément dans l'annulation des lois physiques de l'espace/temps, la racine de la crise : car c'est seulement là que peuvent se développer les dynamiques relationnelles qui créent l'identité et la coopération humaines, comme Augé l'analysera aussi dans sa réflexion sur les non-lieux et les non-temps.

Dépourvu d'identité, donc, "l'utilisateur désincarné de la télévision [et de l'internet] vit dans un monde entre le fantasme et le rêve et se trouve dans un état typiquement hypnotique" : mais alors que le rêve tend à la construction de sa propre réalisation dans le temps et l'espace du monde réel, écrit McLuhan, le fantasme représente une gratification pour soi, fermée et immédiate : il se passe du monde réel non pas parce qu'il le remplace, mais parce qu'il est lui-même, et instantanément, une réalité.

Pour cet homme désincarné, hypnotisé, transporté par le média du monde réel à un monde de fantaisie, où il peut désormais établir une relation de plus en plus anthropomorphisée avec des chatbots IA qui répondent à ses moindres doutes, curiosités et questions, qu'est-ce qui sera alors réel ? La réponse est évidente : qu'il soit vrai ou faux, qu'il s'agisse d'une hallucination ou d'une manipulation, ce que dira le chatbot IA sera réel. Ce que dira le chatbot sera réel.

Il ne fait aucun doute que l'internet a longtemps été le "traducteur" de notre réalité - bien plus largement que la télévision ne l'a été et ne l'est encore - nous avons été des humains désincarnés pendant des décennies. Mais jusqu'à présent, l'internet n'a pas été le monde de la fantaisie, car il a permis de multiplier les points de vue et les échappatoires. Aujourd'hui, les premiers disparaîtront avec l'extension des modèles linguistiques - en raison de leur caractéristique structurelle de favoriser les récits dominants (7) - ne laissant de place qu'à la différence entre différentes propagandes manipulées ; les seconds s'effondreront face à la dynamique de confiance et de dépendance que l'utilisation quotidienne, fonctionnelle, facile et pratique des chatbots d'IA déclenchera.

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"Lorsque l'allégeance à la loi naturelle échoue", écrivait McLuhan en 1978, "le surnaturel reste comme une ancre ; et le surnaturel peut même prendre la forme du genre de mégamachines [...] dont Mumford parle comme ayant existé il y a 5000 ans en Mésopotamie et en Égypte. Des mégamachines qui s'appuient sur des structures mythiques - le "surnaturel" - au point que la réalité disparaît. Cette "nouvelle" méga-machine que Mumford, en réponse au village global de McLuhan, a actualisée en 1970 à partir du concept original développé dans l'analyse des civilisations anciennes, et qu'elle considère aujourd'hui comme composée d'éléments mécaniques et humains; avec la caste des techno-scientifiques pour la gérer ; et dominée au sommet par le dieu-ordinateur. Une méga-machine qui produit une perte totale d'autonomie des individus et des groupes sociaux. Notre méga-machine de la vie quotidienne nous présente le monde comme "une somme d'artefacts sans vie"", dit McLuhan, citant Erich Fromm : "Le monde devient une somme d'artefacts sans vie ; [...] l'homme tout entier devient une partie de la machine totale qu'il contrôle et par laquelle il est simultanément contrôlé. Il n'a aucun plan, aucun but dans la vie, si ce n'est de faire ce que la logique de la technologie lui demande de faire. Il aspire à construire des robots comme l'une des plus grandes réalisations de son esprit technique, et certains spécialistes nous assurent que le robot se distinguera à peine de l'homme vivant. Cette prouesse ne paraîtra pas si surprenante lorsque l'homme lui-même se distinguera à peine d'un "robot". Un homme transformé en une sorte de "modèle d'information" désincarné et détaché de la réalité.

Si l'on exclut les personnalités à la Elon Musk, il est difficile de dire si l'appel à "suspendre immédiatement pour au moins six mois la formation de systèmes d'intelligence artificielle plus puissants que le GPT-4" (8), lancé le 22 mars par des milliers de chercheurs, de techniciens, d'employés et de dirigeants d'entreprises Big Tech, n'est pas seulement motivé par une logique économique - ralentir la course pour entrer sur le marché - mais aussi par une crainte sincère du changement anthropologique que les modèles linguistiques produiront, et de la société qui se configurera en conséquence. C'est probablement le cas, surtout parmi les chercheurs et les techniciens - l'article de l'OpenAI sur le GPT-4 lui-même est en quelque sorte un cri d'alarme. Cela n'arrivera pas, bien sûr : le capitalisme ne connaît pas de pause. Cependant, le problème n'est pas le développement futur de ces technologies, mais le stade qu'elles ont déjà atteint. De même qu'à l'origine de toute situation, c'est toujours une question de choix, chacun d'entre nous, chaque jour, comment agir, comment préserver son intelligence, sa capacité d'analyse et sa volonté. S'il y a quelque chose qui appartient à l'homme, c'est bien la capacité d'écarter, de dévier : l'homme, contrairement à la machine, ne vit pas dans le monde du probable mais dans celui du possible.

Notes:

1) Pour une étude approfondie et une vue d'ensemble de la structure des grands modèles linguistiques, voir Bender, Gebru, McMillan-Major, Shmitchell, ChatGPT. On the dangers of stochastic parrots : can language models be too large ? Pageone No. 81, février/mars 2023
2) Voir également https://www.youtube.com/watch?v=bsFXgfbj8Bc pour tous les détails de l'article sur Chat Bing.
3) Cf. https://openai.com/blog/chatgpt-plugins#browsing
4) Cf. https://cdn.openai.com/papers/gpt-4-system-card.pdf
5) Cf. AA.VV, ChatGPT. Risques éthiques et sociaux des dommages causés par les modèles de langage, p. 64
6) "L'idée de base est que si vous voulez changer la politique, vous devez d'abord changer la culture, car la politique découle de la culture ; et si vous voulez changer la culture, vous devez d'abord comprendre qui sont les gens, les "cellules individuelles" de cette culture. Si vous voulez changer la politique, vous devez donc changer les gens. Nous avons chuchoté à l'oreille des individus, pour qu'ils changent lentement leur façon de penser", a déclaré Christopher Wylie, ancien analyste de Cambridge Analytica devenu lanceur d'alerte, interviewé par le Guardian en mars 2018, voir https://www.the-guardian.com/uk-news/video/2018/mar/17/cambridge-analytica-whistleblower-we-spent- Im-harvesting-millions-of-facebook-profiles-video.
7) Voir Bender, Gebru, McMillan-Major, Shmitchell, ChatGPT. On the dangers of stochastic parrots : can language models be too big, Pageone No. 81, February/March 2023.
8) https://futureoflife.org/open-letter/pause-giant-ai-experiments/

jeudi, 04 mai 2023

Souveraineté technologique : l'UE a raison et double la production de puces électroniques

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Souveraineté technologique: l'UE a raison et double la production de puces électroniques

Ce que prévoit l'Acte européen sur les puces et pourquoi il est essentiel

Eugenio Palazzini

Source: https://www.ilprimatonazionale.it/economia/sovranita-tecnologica-lue-ne-azzecca-una-e-raddoppia-la-produzione-di-microchip-cosa-prevede-il-chips-act-europeo-e-perche-e-fondamentale-260538/

Rome, 19 avril - Beaucoup d'erreurs, beaucoup de diktats absurdes imposés aux États membres, des folies politiquement correctes à profusion. Pourtant, de temps à autre, l'UE réussit un coup. C'est le cas des investissements dans la production industrielle de puces électroniques, le plan appelé European Chips Act. Hier, les représentants du Conseil européen et du Parlement européen se sont mis d'accord pour donner le feu vert à la proposition de la Commission européenne. Il aura fallu un an pour obtenir ce feu vert définitif, ce qui n'est pas rien, mais mieux vaut tard que jamais. Il s'agit en effet d'un projet essentiel pour réaliser davantage d'économies tout en atteignant la souveraineté technologique.

Souveraineté technologique : 43 milliards de l'UE pour la production de puces. Voici le European Chips Act

Le texte approuvé prévoit des investissements d'un montant total de 43 milliards d'euros, répartis entre financement public (la plus grande partie) et investissement privé, ainsi que la création d'un fonds d'investissement et l'assouplissement des mesures d'aide d'État. L'UE s'est fixé un objectif majeur : atteindre une part européenne de 20 % de la production mondiale de puces électroniques d'ici 2030. En pratique, cela reviendrait à plus que doubler en sept ans la part actuelle, qui est d'environ 9 % au niveau mondial. Cela signifie que nous sommes presque entièrement dépendants de la Chine, de Taïwan et (surtout en perspective) des États-Unis. En outre, compte tenu précisément des tensions entre Pékin et Taïwan, nous nous sommes souvent trouvés en difficulté en ce qui concerne l'approvisionnement en microprocesseurs, indispensables à la quasi-totalité des technologies actuelles. En cas de véritable guerre entre la Chine et Taïwan, la situation s'aggraverait inévitablement. D'où le projet d'augmenter immédiatement la production.

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Il faut noter que le projet européen fait également une large place à la recherche et à l'innovation, en mettant en place une enveloppe non loin de celle utilisée par les Etats-Unis (52 milliards de dollars) pour leur Chips and Science Act. Par rapport aux Américains, l'UE est toutefois en retard dans la réalisation d'installations de production de microprocesseurs, d'où la nécessité d'accélérer les choses dans ce domaine également. 

La loi européenne sur les puces "nous permettra de rééquilibrer et de protéger nos chaînes d'approvisionnement, en réduisant notre dépendance collective à l'égard de l'Asie", a déclaré le commissaire chargé du marché intérieur, Thierry Breton. L'aspect du plan relatif à l'assouplissement des règles en matière d'aides d'État est fondamental, car il vise à débloquer davantage de ressources de la part des États membres disposant de plus de marges budgétaires, en particulier l'Allemagne et la France. L'entreprise italo-française StMicroelectronics est à l'avant-garde de la construction de nouvelles usines de microprocesseurs. Il s'agit de giga-fabriques de production intensive avec une forte impulsion dans le domaine de la recherche et du développement, afin de stimuler la création de semi-conducteurs de la prochaine génération.

mardi, 02 août 2022

Semi-conducteurs: Washington utilise les aides d'Etat contre la Chine

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Semi-conducteurs: Washington utilise les aides d'Etat contre la Chine

Salvatore Recupero

SOURCE : https://www.ilprimatonazionale.it/economia/semiconduttori-washington-usa-gli-aiuti-di-stato-contro-la-cina-240405/

Les États-Unis visent l'hégémonie dans l'industrie des semi-conducteurs. Ce n'est pas un secret. Le fait que leur principal adversaire dans cette bataille soit la Chine ne l'est pas non plus. Personne ne peut donc être surpris par l'approbation de la loi sur les puces et la science (Chips and Science Act) par le Sénat américain avec 64 voix en faveur dont 17 républicains.

La nouvelle mesure est un paquet de 280 milliards de dollars avec lequel l'Amérique entend subventionner son industrie des semi-conducteurs pour se libérer de sa dépendance asiatique.

Il va maintenant être soumis au Congrès, qui espère l'approuver rapidement afin qu'il puisse être envoyé à la Maison Blanche - la signature du président est nécessaire pour qu'il prenne effet - avant l'ajournement du Congrès pour les vacances d'été en août.

Le processus de la loi sur les puces et la science (Chips and Science Act)

Malgré les chiffres au Sénat, l'adoption de ce "paquet" était loin d'être facile. Le processus législatif a duré trois ans avec de nombreuses interruptions. La plus importante a eu lieu l'année dernière lorsque, après que le Sénat ait donné son feu vert, la proposition a été bloquée à la Chambre en février.

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C'est pourquoi Biden est directement intervenu pour défendre le projet de loi. Aujourd'hui, Sleepy Joe est heureux. Il s'agissait de l'une des priorités du locataire de la Maison Blanche, ferme partisan de la proposition qui rendra "les chaînes d'approvisionnement américaines plus résilientes". L'objectif est de ne pas être "aussi dépendant des pays étrangers pour les technologies critiques dont nous avons besoin" et de doter les États-Unis d'un plan industriel à long terme, qui était absent jusqu'à présent.

Les États-Unis dominent le monde en matière de conception de semi-conducteurs (ils détiennent une part de 65 % dans ce segment de marché). Cependant, ils doivent s'en remettre à l'Asie, et en particulier à Taïwan, pour leur fabrication et leur assemblage : c'est un risque, car le pays est non seulement éloigné, mais il est également revendiqué par la Chine comme faisant partie de son territoire.

Comment l'aide de l'État sera dirigée

Après avoir reconstitué le processus de la proposition, voyons en quoi elle consiste. La loi sur les puces et la science garantira 52,7 milliards de dollars d'aide financière directe, qui seront destinés à la construction et à l'expansion des installations de production de semi-conducteurs (39 milliards), à la promotion de la recherche et à la formation du personnel (11 milliards), mais aussi à l'accélération du processus de production de matériaux (2 milliards).

À cela s'ajoutent 24 milliards de dollars d'incitations fiscales et une augmentation des dépenses fédérales (plus de 170 milliards de dollars) pour la recherche scientifique au cours des cinq prochaines années, en mettant l'accent sur l'intelligence artificielle. Le foyer du libéralisme, comme c'est souvent le cas, utilise les aides d'État pour des raisons à la fois endogènes et exogènes.

L'aide et les grandes entreprises de puces

Dans une note, Biden a expliqué que : "Parce que les Américains étaient préoccupés par l'état de l'économie et le coût de la vie, le projet de loi est une réponse : il accélérera la production de semi-conducteurs en Amérique, ce qui fera baisser les prix de tout, des voitures aux lave-vaisselle." Les États-Unis ont pris beaucoup de risques jusqu'à présent. Selon Reuters, si Washington avait perdu l'accès aux semi-conducteurs taïwanais, elle aurait vu son PIB chuter d'environ dix points de pourcentage, plongeant dans la crise des secteurs entiers comme l'industrie automobile.

Il y a maintenant un changement de cap avec une mesure qui voit l'État fédéral au premier plan. Les gros bonnets des semi-conducteurs pourront mettre la main sur un gros paquet. Intel, Taiwan Semiconductor Manufacturing, GlobalFoundries, Micron Technology et Applied Materials se lèchent déjà les babines devant ce gros gâteau.

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Les implications géopolitiques

Le convive de pierre dans ce débat est Pékin. Bien qu'il manque encore l'approbation du Congrès, l'ambassade de Chine aux États-Unis laisse filtrer tout son malaise. La note indique que Pékin "s'oppose fermement" au projet de loi qui refléterait la "mentalité de guerre froide et le jeu à somme nulle", en contraste flagrant avec "l'aspiration commune des gens dans tous les domaines, en Chine et aux États-Unis, à renforcer le commerce et la coopération".

D'un point de vue géopolitique, cette mesure confirme que l'Amérique, la Chine et de nombreuses autres grandes économies mondiales s'efforcent de "ramener chez eux" (ou à proximité) la fabrication de puces électroniques, afin de garantir la sécurité de l'approvisionnement et d'éviter de dépendre de nations dirigées par des gouvernements hostiles qui pourraient couper les approvisionnements dans un but de chantage politique.

Make America great again

À cet égard, on peut voir comment Biden suit les traces de Trump. Et les lignes entre les républicains et les démocrates s'estompent. Il suffit de se rappeler ce que la présidente de la Chambre des représentants, la démocrate Nancy Pelosi, a déclaré il y a quelques mois lorsqu'elle a commenté un projet de loi sur le financement de la recherche scientifique et de la capacité de production qui permettrait à l'Amérique de "prendre le dessus sur n'importe quelle nation".

À la même occasion, le sénateur républicain Todd Young a déclaré que "pour vaincre, surinventer et prendre le dessus sur la Chine, nous devons travailler ensemble et mener le combat jusqu'au parti communiste chinois". Comme pour dire : aux Etats-Unis, les présidents changent mais la stratégie hégémonique reste inchangée.

Salvatore Recupero

jeudi, 20 janvier 2022

Techno-géopolitique : tendances mondiales

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Techno-géopolitique : tendances mondiales

Leonid Savin

Source: https://www.geopolitica.ru/en/article/techno-geopolitics-global-trends

La confrontation actuelle entre les États-Unis et la Chine révèle de nouvelles tendances dans la politique mondiale.

Dans son ouvrage classique Idéaux démocratiques et réalité, Halford Mackinder a souligné que le développement de l'économie de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne au XIXe siècle et les actions ultérieures des gouvernements de ces pays qui ont conduit à la Première Guerre mondiale ont été influencés par la même source - il s'agit du livre d'Adam Smith La richesse des nations.

En raison d'attitudes culturelles différentes, des conclusions différentes ont été tirées et des méthodes différentes ont été utilisées. La Grande-Bretagne était une nation insulaire et utilisait sa puissance maritime pour protéger ses intérêts, souvent au détriment des peuples colonisés. Bien que l'Allemagne ait également eu des colonies dans diverses parties du monde, elle a davantage donné le ton à des projets continentaux - d'où l'émergence de l'union douanière et des projets de construction de chemins de fer, avant même les quelques aventures coloniales du Reich.

Avec le changement actuel de l'ordre technologique mondial, nous observons un phénomène similaire dans différentes régions - malgré les 30 années précédentes de mondialisation active, il y a des signes évidents de protectionnisme national tant dans les pays industrialisés que dans les États qui sont encore en train de les rattraper. Seulement, l'accent est désormais mis sur d'autres technologies.

Selon un rapport réalisé par le Boston Consulting Group et Hello Tomorrow, les technologies profondes peuvent "transformer le monde comme l'a fait Internet". Les investissements dans ce domaine aux États-Unis ont quadruplé depuis 2016 dans des secteurs tels que la biologie synthétique, les matériaux avancés, la photonique et l'électronique, les drones et la robotique, et l'informatique quantique, en plus de l'intelligence artificielle. Bien que le rapport affirme que la technologie profonde n'existe pas et qu'il n'y a qu'une approche technologique profonde [i].

Les entreprises de technologie profonde ont quatre caractéristiques communes : elles sont orientées vers les problèmes (elles ne commencent pas par la technologie pour ensuite chercher des opportunités ou ce qui peut être résolu) ; elles sont à l'intersection des approches (science, technologie et design) et de la technologie (96 % des entreprises de technologie profonde aux États-Unis utilisent au moins deux technologies, et 66 % utilisent plus d'une technologie avancée) ; elles sont centrées autour de trois clusters (matière et énergie, calcul et cognition, et détection, c'est-à-dire capteurs et mouvement) ; et elles sont centrées sur la technologie profonde. Ils sont centrés sur trois groupes (matière et énergie, calcul et cognition, et détection, c'est-à-dire capteurs et mouvement) et vivent dans un écosystème complexe ; 83 % d'entre eux fabriquent un produit comportant un composant matériel, notamment des capteurs et de gros ordinateurs.

Elles font partie d'une nouvelle ère industrielle. Ces projets entrepreneuriaux reposent sur un écosystème de participants étroitement liés. Elles impliquent des centaines ou des milliers de personnes dans des dizaines d'universités et de laboratoires de recherche. Par exemple, Moderna et l'alliance BioNTech avec Pfizer ont utilisé le séquençage du génome pour mettre sur le marché leurs vaccins COVID-19 respectifs en moins d'un an.

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Ces entreprises ont bénéficié des efforts de nombreuses autres personnes issues du monde universitaire, de grandes entreprises et du soutien du secteur public. Toutes ces entreprises, ainsi que les États-nations, sont des acteurs majeurs de cette vague de grandes technologies qui est déjà en cours aux États-Unis, en Chine et dans d'autres pays, ainsi que dans l'UE et ses États membres [ii].

Quant aux technologies, les composants nécessaires à leur mise en œuvre, comme les métaux des terres rares et les semi-conducteurs, ainsi que les produits eux-mêmes, comme l'informatique quantique et l'intelligence artificielle, les systèmes sans pilote et automatisés - voilà ce qui est en jeu dans la confrontation géopolitique des grandes puissances (et pas seulement).

La formule de Mackinder pour le pouvoir sur le monde peut désormais être interprétée de manière quelque peu différente. Le maître du monde n'est pas celui qui contrôle l'Europe de l'Est, mais celui qui contrôle les technologies critiques et nouvelles.

L'affrontement entre la Chine et les États-Unis

En octobre 2021, le bureau du directeur du renseignement national des États-Unis a publié un certificat sur les nouvelles technologies critiques. On peut y lire qu'"avec un terrain de jeu technologique plus équitable, prévu à l'avenir, les nouveaux développements technologiques émergeront de plus en plus de plusieurs pays et avec moins d'avertissement préalable. Si la démocratisation de ces technologies peut être bénéfique, elle peut aussi être déstabilisante sur le plan économique, militaire et social.

C'est pourquoi les avancées dans des technologies telles que l'informatique, la biotechnologie, l'intelligence artificielle et la fabrication méritent une attention particulière pour anticiper les trajectoires des technologies émergentes et comprendre leurs implications pour la sécurité" [iii]. Les agences de renseignement américaines accordent une attention particulière aux semi-conducteurs, à la bioéconomie, aux systèmes autonomes et aux ordinateurs quantiques.

Auparavant, en juillet 2021, le président américain Joe Biden a publié un décret sur l'encouragement de la concurrence dans l'économie américaine [iv]. Ce décret est intervenu dans le cadre de discussions sur la nécessité de dominer la force croissante des grandes plates-formes technologiques, dont le pouvoir paralyse la concurrence dans l'économie américaine, et sur la nécessité d'aider à maintenir la position des États-Unis en tant que leader technologique mondial compte tenu de la concurrence croissante de la Chine.

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Dans un communiqué de presse de la Maison Blanche datant d'avril 2021, le président a reconnu l'importance du leadership dans des domaines technologiques critiques tels que les technologies sans fil et les normes de cinquième génération (5G), annonçant un nouveau partenariat public-privé entre la National Science Foundation et le ministère de la défense pour soutenir la recherche sur les réseaux et systèmes de prochaine génération [v].

Néanmoins, les chercheurs du Renewing American Innovation Project estiment que le décret soutient le leadership de la Chine dans la 5G et crée ainsi un risque inutile pour la sécurité nationale, mettant le leadership américain dans cet espace dans une position vulnérable. Dans le même temps, la Chine reconnaît à la fois le pouvoir du renforcement des droits de propriété intellectuelle (PI) pour encourager ses inventeurs, et le pouvoir des lois antitrust comme outil de politique industrielle, tout en préservant la capacité de ses propres entreprises [vi].

Les brevets sont reconnus comme l'un des seuls outils dont disposent les startups, les petites entreprises et les inventeurs pour protéger leurs idées, tandis que les grandes plateformes technologiques disposent de divers autres moyens pour protéger et monétiser leurs idées, tels que l'intégration verticale et la formation de conglomérats, qui sont les moteurs de l'économie des grandes plateformes.

Selon les recherches, c'est précisément la raison pour laquelle les grandes plateformes technologiques se sont traditionnellement opposées à l'intelligence artificielle au Congrès et dans les tribunaux, en faisant du lobbying pour défendre leur position [vii]. Les petites entreprises et les inventeurs individuels ne disposent souvent pas des investissements et des capitaux nécessaires pour traduire leurs intentions en produits et services de base à grande échelle ou pour les monétiser sur des marchés connexes.

Au contraire, ils créent souvent des prototypes, espérant trouver d'autres développeurs pour fabriquer et commercialiser leurs inventions et récupérer leur investissement en recherche et développement (R&D) en concédant des licences d'exploitation de leurs inventions à ces développeurs. Et cela est vrai non seulement pour les États-Unis, mais aussi pour d'autres pays, dont la Russie.

La tendance actuelle est que la réglementation des brevets aidera la Chine à long terme, car elle dissuadera les investissements des entreprises américaines et permettra à Pékin de prendre le leadership dans les normes critiques de la 5G (et de la future 6G).

Selon la communauté du renseignement américain, si davantage de réseaux mondiaux dans le monde fonctionnent sur Huawei et d'autres technologies chinoises, alors la Chine aura la possibilité de voler des secrets commerciaux, de collecter des renseignements et d'influencer ses concurrents en désactivant les infrastructures de communication et en punissant les critiques.

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Cela peut être attribué aux politiques anti-chinoises de Washington et à la manipulation des données reflétant l'implication croissante de la Chine. Toutefois, si l'on s'en tient à des statistiques objectives, le nombre de délégués associés à des organisations chinoises participant au projet de partenariat de troisième génération (3GPP) a considérablement augmenté ces dernières années.

Ce projet, lancé en 1988, est un organisme de normalisation dont les membres sont les plus grandes entreprises de télécommunications du monde. Ayant gagné en influence au fil du temps avec l'introduction de la 4G, et maintenant de la 5G, le 3GPP s'est retrouvé au centre d'un débat géopolitique sur l'importance de la 5G pour l'économie mondiale.

Actuellement, c'est la Chine qui compte le plus grand nombre de représentants parmi les autres pays. Et en novembre 2021, Huawei possédait le plus grand portefeuille 5G et annonçait la présence du plus grand nombre de familles de brevets (un ensemble de brevets obtenus dans différents pays pour protéger une invention), devenant ainsi le leader et laissant derrière lui des acteurs tels que Qualcomm aux États-Unis, Samsung en Corée du Sud et Nokia en Finlande.

Aucune entreprise ni aucun pays ne peut combler aussi rapidement l'écart en matière de leadership technologique, bien qu'à l'heure actuelle, les États-Unis et l'Union européenne conservent leur leadership en matière de participation aux normes et à certaines technologies. Bien que le nombre de contributions et de divulgations de brevets ne soit pas un indicateur de pertinence ou de qualité, ces modèles illustrent l'investissement croissant de la Chine dans la technologie cellulaire pour combler l'écart avec ses concurrents.

Les États-Unis tentent de contrer la Chine, directement et indirectement, en créant de nouvelles initiatives avec leurs partenaires.

Le Conseil du commerce et de la technologie a été lancé lors du sommet États-Unis-UE de juin 2021 [vii], [viii].

Ses objectifs déclarés sont les suivants :

- Développer et approfondir le commerce et les investissements bilatéraux ;

- Éviter de nouveaux obstacles techniques au commerce ;

- Coopérer sur les politiques clés en matière de technologie, de questions numériques et de chaînes d'approvisionnement ;

- Soutenir la recherche collaborative ;

- Coopérer à l'élaboration de normes compatibles et internationales ;

- Faciliter la coopération en matière de politique réglementaire et de mise en œuvre ;

- promouvoir l'innovation et le leadership des entreprises européennes et américaines.

Le Conseil comprendra initialement les groupes de travail suivants, qui traduiront les décisions politiques en résultats concrets, coordonneront les travaux techniques et rendront compte au niveau politique :

- Coopération en matière de normes technologiques (y compris l'IA et l'Internet des objets, entre autres technologies émergentes) ;

- Climat et technologies vertes ;

- Chaînes d'approvisionnement sécurisées, y compris les semi-conducteurs ;

- Sécurité et compétitivité des TIC ;

- La gouvernance des données et les plateformes technologiques ;

- L'utilisation abusive de technologies menaçant la sécurité et les droits de l'homme ;

- Contrôles des exportations ;

- Contrôle des investissements ;

- Promotion de l'accès des PME aux technologies numériques et de leur utilisation ;

- les défis du commerce mondial.

Parallèlement, l'UE et les États-Unis ont mis en place un dialogue conjoint sur la politique de concurrence en matière de technologie, qui se concentrera sur l'élaboration d'approches communes et le renforcement de la coopération en matière de politique de concurrence et d'application des règles dans les secteurs technologiques.

Le 3 décembre 2021, une déclaration conjointe a été publiée par le département d'État américain et le service d'action extérieure de l'UE concernant les consultations de haut niveau sur la région indo-pacifique. Outre les déclarations sur les valeurs et les intérêts communs, notamment les tendances actuelles liées à la pandémie du coronavirus et au changement climatique, on y trouve un certain nombre d'aspects techniques, tels que les normes de travail, les infrastructures, les technologies critiques et émergentes, la cybersécurité, etc.

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Il est également fait mention de l'approfondissement de la coopération avec Taïwan et de l'intégration des initiatives d'infrastructures régionales Build Back Better World et EU Global Gateway. Le premier est piloté par les États-Unis et le second par l'UE, respectivement [ix]. [Bien entendu, tout cela est fait pour contenir la Chine, y compris l'initiative Belt and Road.

Il existe également des exemples de confrontations explicites qui conduisent à ce que l'on appelle le découplage, c'est-à-dire une rupture des relations commerciales et économiques.

Le 24 novembre 2021, le ministère américain du commerce a annoncé l'introduction de contrôles à l'exportation pour huit entreprises chinoises spécialisées dans l'informatique quantique. Une semaine plus tôt, Bloomberg a fait état de nouveaux contrôles à l'importation créés par un groupe industriel chinois quasi-étatique connu sous le nom de Comité Xinchuang, qui a effectivement mis sur une liste noire les entreprises technologiques détenues à plus de 25 % par des sociétés étrangères qui fournissent des industries sensibles [x].

Dans un communiqué de presse, le ministère du commerce a déclaré qu'il avait ajouté huit entreprises chinoises spécialisées dans l'informatique quantique à la liste afin "d'empêcher l'utilisation de nouvelles technologies américaines pour les efforts de l'armée chinoise en matière d'informatique quantique".

Il est interdit aux entreprises américaines d'exporter certains produits vers des entreprises figurant sur la liste des entités juridiques sans demander une licence spéciale au ministère du commerce, et ces licences sont rarement délivrées. La liste a été créée à la fin des années 1990 pour faire face au problème de la prolifération des armes, mais depuis lors, elle est devenue un outil général de pression des États-Unis sous couvert de protection de leurs intérêts économiques.

Et cela a entraîné une réaction correspondante de la Chine, comme dans le cas des sanctions contre la Russie. Selon les analystes chinois, la création du Comité Xinchuang et la poussée de la Chine vers l'indépendance technologique sont le résultat direct des contrôles américains des exportations. La société chinoise de recherche sur Internet iResearch a déclaré que "la politique américaine d'endiguement, telle qu'elle est illustrée par la liste des organisations, a été un catalyseur direct qui a poussé la Chine à créer le secteur Xinchuang..... [La liste des organisations] a mis en évidence le besoin urgent pour la Chine d'investir davantage dans l'innovation technologique et de produire des technologies clés en Chine même".

Il est également affirmé que l'appel du président chinois Xi Jinping à une plus grande indépendance technologique a été en partie motivé par le fait qu'il a vu l'impact des restrictions américaines à l'exportation sur Huawei.

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En novembre, il a été rapporté que le régulateur central chinois de l'Internet a demandé aux hauts responsables du géant Didi Chuxing de proposer un plan pour retirer l'entreprise de la Bourse de New York pour des raisons de sécurité des données. Ces démarches indiquent que le fossé technologique entre les États-Unis et la Chine va se poursuivre, malgré les déclarations des deux dirigeants selon lesquelles ils sont prêts à résoudre les différends.

Les partenaires européens des États-Unis au sein de l'OTAN s'impliquent également dans la politique anti-chinoise. "La Chine représente une menace non seulement du point de vue de la défense, mais aussi du point de vue économique, et elle crée des problèmes à court et moyen terme pour la reprise post-pandémique et le processus de transition vers une énergie propre. Ce domaine est la sécurité de l'approvisionnement en matières premières critiques et, en particulier, en éléments de terres rares (ETR)", peut-on lire sur le site web du Centre international pour la défense et la sécurité d'Estonie [xi].

Il existe un groupe de 17 éléments du tableau périodique qui sont utilisés dans la production de biens de haute technologie, de supraconducteurs, d'aimants et d'armes (et récemment dans la production d'énergie respectueuse de l'environnement). L'utilisation de ces minéraux a donc considérablement augmenté la demande, mais leur extraction et leur approvisionnement dépendent largement de la Chine.

La Commission européenne a déjà mis au point un système d'information sur les matières premières et continuera à le mettre à jour et à l'améliorer, mais il faut faire davantage. La Commission renforcera sa collaboration avec les réseaux de prévision stratégique afin d'élaborer des données fiables et de planifier des scénarios concernant l'offre, la demande et l'utilisation des matières premières dans les secteurs stratégiques.

Ces réseaux assurent une coordination politique à long terme entre toutes les directions générales de la Commission européenne. La méthodologie utilisée pour évaluer la criticité de certaines ressources pourra également être révisée en 2023 afin d'intégrer les dernières connaissances [xii].

Relever les défis

Mitre, une entreprise de haute technologie qui est l'un des contractants du Pentagone, a publié en août 2021 un rapport sur la rivalité croissante entre les États-Unis et la Chine. Il y est question de préparer une action au niveau national - c'est-à-dire des efforts conjoints impliquant le gouvernement, l'industrie et le monde universitaire - pour répondre aux défis technologiques posés aux États-Unis par les réalisations et les ambitions chinoises [xiii].

Nous avons identifié trois recommandations qui sont de nature universelle, c'est-à-dire qu'elles peuvent être appliquées à n'importe quel État, y compris en Russie, en les ajustant aux réalités nationales.

1. "Ne pas aller trop loin". Plutôt que de présumer que quiconque peut identifier et gérer les nombreux facteurs qui contribuent à catalyser l'innovation et l'adoption de la technologie dans l'ensemble de l'économie américaine, une politique fédérale judicieuse en matière de S-T devrait se concentrer sur ce qui est le plus nécessaire pour assurer le succès concurrentiel national dans le domaine de la haute technologie - y compris remédier aux défaillances réelles et identifiables du marché...

Nous devons également remédier au sous-financement dans la "vallée de la mort" intermédiaire du cycle de vie technologique, entre la recherche fondamentale et la commercialisation tardive, c'est-à-dire les phases au cours desquelles les nouvelles connaissances technologiques sont validées et démontrées dans un environnement pertinent. Cette zone correspond grosso modo à la zone située entre le "sweet spot" académique traditionnel de la recherche fondamentale et la zone de confort de l'industrie privée dans le prototypage et le déploiement de nouvelles applications.

2. Assurer une focalisation sur le "technosystème". Une stratégie technologique efficace ne doit pas se limiter à la mise au point de nouveaux gadgets, mais doit également tenir compte des facteurs juridiques, réglementaires, institutionnels, politiques et même sociologiques liés à l'adoption effective de la technologie et au développement de nouveaux cas d'utilisation.

Cela nécessite une réflexion de type "système de systèmes de systèmes" qui englobe également des questions plus pratiques sur le fonctionnement de l'économie technologique au sens large. À travers ce prisme, la gouvernance technologique - par exemple, les normes techniques, les incitatifs fiscaux, la sécurité de la chaîne d'approvisionnement, les contrôles technologiques, la surveillance et la vérification du financement de la R-D et les questions de qualité de la main-d'œuvre - peut être aussi importante pour le succès que les idées techniques les plus brillantes.

Dans le cadre d'une stratégie nationale de S&T, le gouvernement a ici un rôle particulier à jouer, car ces questions de " technosystème " impliquent souvent des problèmes et des facteurs - ou des préoccupations purement nationales ou systémiques, comme la sécurité nationale ou le changement climatique - auxquels les acteurs du secteur privé peuvent être peu incités (ou capables) d'accorder leur attention et leurs ressources.

3. "Maintenir la cohérence avec nos valeurs". La publication indique que face aux énormes défis économiques et technologiques de la Chine, les États-Unis ne peuvent pas appliquer une stratégie analogue à la "fusion militaro-civile" de Pékin, car les dirigeants américains ne devraient pas utiliser la coercition de l'État pour la coopération intersectorielle et l'utilisation des mécanismes du marché à des fins étatiques (en fait, de telles méthodes ont été utilisées dans l'histoire des États-Unis, notamment pendant la Seconde Guerre mondiale - note de l'auteur).

Il est demandé de veiller à ce que toutes les formes soient prises pour coordonner les efforts nationaux visant à renforcer la coopération innovante et volontaire entre le public, le secteur privé et le processus éducatif, ainsi que le financement fédéral de la recherche et du développement des entreprises, avec le rôle crucial des courtiers à but non lucratif qui encouragent la coopération et gèrent les différences entre les intérêts concurrents.

Outre les décisions politiques, une approche idéologique peut également être utilisée. Eileen Donahue, directrice exécutive du Global Digital Policy Incubator basé à Stanford et ancienne ambassadrice des États-Unis auprès des Nations unies, estime que la numérisation et, en particulier, l'intelligence artificielle peuvent contribuer à renforcer la démocratie libérale et, par conséquent, la puissance des États-Unis. Elle suggère de considérer la concurrence dans le cyberespace sous l'angle de la rivalité systémique, où la Chine est considérée comme un régime autoritaire qui représente une menace.

Selon elle, "les pratiques technologiques que nous présentons dans notre contexte national, les normes que nous défendons dans les forums technologiques internationaux et les investissements que nous faisons dans les technologies émergentes et les infrastructures d'information démocratiques se renforceront mutuellement". Si cet ensemble complexe de tâches est pris en charge et abordé avec le sentiment d'urgence et la détermination qu'il mérite, un avenir démocratique prospère et sûr peut être consolidé.

Ce sont les éléments essentiels à partir desquels nous pouvons construire une société numérique démocratique" [xiv]. Bien que, compte tenu du nombre considérable de contradictions au sein des États-Unis, il n'est pas évident de savoir comment mettre cela en pratique.

Énergie, semi-conducteurs et stockage en cloud

L'énergie propre est un autre domaine technologique prometteur.

Selon une étude réalisée par le centre américain CSIS sur la production d'énergie propre aux États-Unis, une analyse et une évaluation sérieuses de la diversification énergétique et économique sont nécessaires pour optimiser les stratégies actuelles [xv].

Actuellement, les sources sans carbone - renouvelables et nucléaires - fournissent un petit pourcentage des électrons qui alimentent les bâtiments et le secteur des transports. Mais à mesure que le temps passe et que la demande d'énergie augmente, les sources d'énergie sans carbone représenteront une part plus importante de la production. D'ores et déjà, 21 % des entreprises privées et 61 % des gouvernements nationaux se sont fixé des objectifs ambitieux de décarbonisation ou d'émissions nulles.

Selon l'Agence internationale de l'énergie, d'ici 2040, grâce à la forte croissance de la production d'énergie éolienne et solaire, les énergies renouvelables représenteront environ 47 % du marché mondial de l'électricité, contre 29 % aujourd'hui (voir graphique). En 2050, les sources d'énergie renouvelables représenteront plus de 90 % de la production totale d'énergie, tandis que les combustibles fossiles en représenteront moins de 10 % [xvi].

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Et la transition vers de nouveaux types d'énergie entraînera inévitablement la création d'un nouveau paysage technologique pour les flux énergétiques mondiaux. Actuellement, les chaînes d'approvisionnement complexes et puissantes qui relient la production et la consommation sont constituées d'oléoducs et de gazoducs et de routes maritimes avec des infrastructures pour les pétroliers et les gaziers.

Il est déjà question d'exporter de l'hydrogène vert vers l'Europe depuis des endroits où l'électricité renouvelable bon marché est abondante, comme le Moyen-Orient et l'Islande, ou depuis l'Australie vers le Japon. Il existe déjà des projets de construction de réseaux de transmission d'électricité depuis des zones offrant d'énormes possibilités de production d'électricité renouvelable jusqu'aux centres de demande, comme la ligne de transmission Australie-ANASE, qui reliera l'Australie à Singapour.

Les technologies de l'informatique dématérialisée, qui offrent une plus grande puissance de calcul et une meilleure capacité de stockage des données, constituent un autre domaine essentiel.

Actuellement, les États-Unis représentent près de 40 % des principaux centres de données en cloud et sur Internet, mais l'Europe, le Moyen-Orient, l'Afrique et l'Asie-Pacifique affichent des taux de croissance plus élevés. Aujourd'hui, la Chine, le Japon, le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Australie représentent collectivement 29 % du total. Les fournisseurs mondiaux de centres de données en cloud hyper évolutifs ne sont présents que dans une poignée de grands marchés émergents, comme le Brésil et l'Afrique du Sud.

Ils sont principalement situés dans des pays à revenu élevé et à revenu moyen supérieur. Parmi les opérateurs hyperscale, Amazon, Microsoft et Google représentent collectivement plus de la moitié de tous les grands centres de données, avec d'autres acteurs clés comme Oracle, IBM, Salesforce, Alibaba et Tencent. Les plus grands fournisseurs de services en cloud gèrent des centres de données dans le monde entier, segmentant les clients en différentes régions qui peuvent s'étendre sur plusieurs pays, voire des continents entiers.

Les semi-conducteurs figurent également sur la liste des technologies critiques. Récemment, un terme spécial "chipageddon" est apparu, qui reflète la pénurie mondiale de puces informatiques survenue au cours de l'année écoulée [xvii].

Comme nous l'avons indiqué, tout a commencé par le fait que la demande d'électronique grand public a augmenté en raison du confinement, car beaucoup ont été contraints de travailler et d'étudier à la maison.

Les puces semi-conductrices sont également utilisées dans les appareils ménagers, les moniteurs et les automobiles. Par exemple, une voiture moderne peut comporter plus d'une centaine de puces.

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Et Taïwan produit 60 à 70% des puces à semi-conducteurs du monde et 90% des puces les plus avancées. En 2021, le déficit qui en résulte a été attribué à diverses circonstances. Mais en fait, la raison était la sécheresse qui a sévi sur l'île en 2020. Le fait est que la fabrication de puces informatiques prend beaucoup de temps - il faut environ 8000 litres d'eau pour produire une seule plaque avec une puce.

Bien que les restrictions les plus sévères en 2020 aient touché le secteur agroalimentaire de Taïwan, les entreprises de fabrication de puces à semi-conducteurs ont également réduit leurs volumes de production.

Dans ce contexte, l'environnement géographique environnant devient un environnement technostratégique. Compte tenu de l'utilisation de technologies à double usage dans la sphère militaire et de l'importance de l'innovation dans la défense, les armées des pays leaders mettent également l'accent sur les priorités technologiques.

Le ministère américain de la défense a identifié onze domaines - systèmes de gestion de combat entièrement en réseau, 5G, technologies hypersoniques, guerre cybernétique/guerre de l'information, énergie dirigée, microélectronique, autonomie, IA/apprentissage machine, science quantique, espace et biotechnologie - dans lesquels les investissements sont activement attirés [xviii].

La Russie devrait également tirer certaines leçons de la concurrence technologique. Un protectionnisme approprié, la promotion de nos propres développements et le soutien au secteur scientifique et technique ne sont plus des questions d'économie nationale, mais de géopolitique mondiale.

Notes:

[I] https://hello-tomorrow.org/bcg-deep-tech-the-great-wave-o...

[ii] https://www.bcg.com/publications/2021/deep-tech-innovation

[iii] https://www.dni.gov/files/NCSC/documents/SafeguardingOurF...

[iv] https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-relea...

[v] https://www.whitehouse.gov/ostp/news-updates/2021/04/27/t...

[vi] https://www.csis.org/analysis/promoting-competition-ameri...

[vii] https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3909528

[viii] https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/IP_...

[ix] https://www.state.gov/eu-u-s-joint-press-release-by-the-e...

[x] https://www.lawfareblog.com/us-china-tech-decoupling-acce...

[xi] https://icds.ee/en/chinas-rare-earth-dominance-is-a-secur...

[xii] https://hcss.nl/report/energy-transition-europe-and-geopo...

[xiii] https://www.mitre.org/sites/default/files/publications/pr...

[xiv] https://www.justsecurity.org/78381/system-rivalry-how-dem...

[xv] https://csis-website-prod.s3.amazonaws.com/s3fs-public/pu...

[xvi] https://www.strategy-business.com/article/State-of-flux

[xvii] https://www.abc.net.au/news/2021-05-07/what-does-chipaged...

[xviii] https://cimsec.org/the-influence-of-technology-on-fleet-a...

vendredi, 11 juin 2021

Géopolitique pour les Geeks

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Géopolitique pour les Geeks

Un mot que l’on semble entendre souvent ces derniers temps est « geek », qui désigne une personne passionnée, voire obsédée, par les différentes innovations technologiques.

Par Leonid Savin

Source Oriental Review

La technologie joue un rôle crucial dans la géopolitique, bien que ce fait soit souvent négligé. Le développement des technologies maritimes a entraîné une dichotomie entre la puissance maritime et la puissance terrestre, à laquelle s’est ajoutée la domination dans l’air et dans l’espace au XXe siècle. Le XXIe siècle a vu l’apparition d’une nouvelle dimension, le cyberespace, totalement artificielle et en constante amélioration. Il a donc une nature inconstante et fluide, mais il est aussi extrêmement important pour les communications et les technologies de l’information.

L’exemple historique du lancement du satellite soviétique Spoutnik en 1957 et la création par l’Amérique de l’ARPA (rebaptisée plus tard DARPA) en réponse en 1958, au sein de laquelle est né Internet, montre l’importance de la technologie dans la géopolitique – pas tant en théorie qu’en simulation pratique.

Entre-temps, l’accès aux technologies, dont les résultats peuvent être achetés et vendus, n’est pas aussi important que le contrôle total, l’autarcie de l’ensemble de la chaîne technologique et l’assurance entrepreneuriale qui empêche les concurrents d’atteindre la parité ou de prendre de l’avance.

C’est pour cette raison que les États-Unis ont fait échouer l’achat par la Chine de l’entreprise aérospatiale ukrainienne Motor Sich, qui aurait permis à Pékin de créer des moteurs d’avion. Cela a été assez facile pour Washington, étant donné le niveau d’influence de la Maison Blanche sur Kiev. L’ensemble de l’appareil politique et de renseignement américain surveille de près le monde pour s’assurer que de tels accords n’affectent pas les monopoles actuels des entreprises américaines.

Mais dans le même temps, ces monopoles représentent un risque pour les autres pays, même lorsqu’il s’agit de technologies critiques. Le 14 décembre 2020, par exemple, diverses applications Google dans le monde entier ont été indisponibles pendant une heure environ. Compte tenu du grand nombre de personnes dans le monde qui utilisent les services de Google, l’incident a dû causer beaucoup de désagréments. Étant donné qu’un certain nombre d’entreprises informatiques occidentales deviennent tout simplement toxiques pour certains pays, les alternatives locales et le protectionnisme sont essentiels du point de vue de la sécurité nationale.

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En creusant davantage, il est possible de voir d’autres raisons. Cecilia Rikap souligne que « les monopoles intellectuels ne sont pas seulement – ni principalement – le résultat de la R&D interne des entreprises géantes. Leur monopole de la connaissance repose sur l’appropriation et la monétisation des résultats de leurs multiples réseaux d’innovation organisés sous la forme d’étapes de connaissance modularisées en charge de différentes organisations (des start-ups aux organismes de recherche publics et aux universités)… La répartition inégale persistante de l’innovation dans le monde est une vérité structurelle aggravée par le capitalisme de monopole intellectuel. Les monopoles intellectuels trouvent leur origine dans les pays du cœur du technologisme, en particulier aux États-Unis, mais leurs effets se propagent dans le monde entier… En outre, les pays périphériques doivent établir leur propre programme de lutte contre les monopoles intellectuels, qui devrait inclure la limitation de toutes les formes d’extractivisme (données, connaissances, mais aussi biens naturels, dont certains sont essentiels pour les chaînes de valeur numériques). »

Le problème est que pendant que ces pays périphériques réfléchissent et discutent des conséquences de ces monopoles, les États-Unis font déjà des efforts pour parvenir à une autarcie et une affirmation de soi totales.

Un rapport spécial sur la concurrence entre grandes puissances, préparé pour le Congrès américain et daté du 4 mars 2021, fait référence à plusieurs reprises à l’importance de différentes technologies – non seulement dans le domaine de l’armement, mais aussi des technologies de réseau, des technologies quantiques, des biotechnologies, des technologies appliquées, etc. Tout cela dans le contexte de la confrontation géopolitique de l’Amérique avec la Russie et la Chine.

C’est pour cette raison que Joe Biden a émis un décret en avril 2021 pour revoir les chaînes d’approvisionnement utilisées par quatre industries américaines clés – défense, santé publique, transports et informatique – afin d’éviter les pénuries d’équipements médicaux, de semi-conducteurs et de divers autres biens.

Les risques pourraient être multiples. L’entreprise sud-coréenne SK Innovation, qui fournissait des batteries à Ford et Volkswagen aux États-Unis, a été placée sur une liste noire en raison d’un vol de propriété intellectuelle. En conséquence, la fourniture de produits de la Corée du Sud aux États-Unis a été bloquée. La Chine est considérée par les États-Unis comme un partenaire d’importation gênant à bien des égards. Même certains partenaires, tels que le Canada et l’UE, pourraient créer des problèmes aux États-Unis s’ils constataient que les accords commerciaux et économiques sont inégaux et accusaient Washington de tenter de tricher (ce qui serait solidement justifié).

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Les chaînes d’approvisionnement sont vitales pour les technologies à double usage et l’industrie de la défense. Conscients de cela, la DARPA et la société Intel ont annoncé en mars 2021 un partenariat de trois ans visant à développer et à fabriquer localement des plates-formes d’application pour les systèmes électroniques de la défense et de l’aviation commerciale.

Un problème similaire préoccupe également l’UE, puisque sa dépendance à l’égard des importations en provenance de divers pays a augmenté de façon spectaculaire ces dernières années. Par exemple, l’UE est relativement dépendante de la Russie pour le nickel (72,5 %), tandis que plus de 30 % des machines de traitement automatique des données, des équipements de télécommunications et des machines électriques de l’UE sont importés de Chine. Les États-Unis fournissent plus de 50 % des moteurs et des moteurs non électriques de l’UE, et celle-ci est très dépendante des importations américaines d’équipements d’électrodiagnostic et de radiologie, d’instruments optiques, d’instruments médicaux et de produits aérospatiaux. L’UE est approvisionnée en minerai de fer et en cuivre par le Brésil, le Canada, le Chili et l’Ukraine.

Il est significatif que l’UE et les États-Unis soient tous deux préoccupés par la souveraineté dans le domaine des technologies critiques, en particulier la microélectronique, et la raison en est la même : la désindustrialisation des dernières décennies et la tentative d’utiliser la globalisation pour exploiter les pays vers lesquels la production a été déplacée.

L’instabilité globale soulève également des questions sur la fiabilité des partenaires – les États fragiles honoreront-ils leurs engagements si leur situation politique ou économique s’aggrave.

Il existe également d’autres risques. Les sanctions peuvent avoir un effet à long terme sur les pays tiers, car, en règle générale, elles sont imposées contre les secteurs de l’économie qui ont un impact direct sur la concurrence économique et les capacités de défense d’un pays. Dans le but de nuire à l’économie russe, les États-Unis ont mis sur liste noire des entreprises de défense, des instituts de recherche et des secteurs de produits de base. En raison de ces restrictions, d’autres États sont incapables d’acheter des produits et des services essentiels. Par exemple, l’achat par la Turquie du système russe de missiles sol-air S-400 a entraîné des sanctions qui, à leur tour, ont perturbé l’approvisionnement du Canada et… des composants nécessaires aux drones turcs.

Certains estiment que même la crise climatique pourrait menacer l’accès aux produits essentiels et aux innovations technologiques.

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L’UE est parvenue aux conclusions suivantes concernant la géopolitique des chaînes d’approvisionnement :

  • la diversification du commerce comporte des risques importants en raison de la fragilité des États, de la coercition économique et de la vulnérabilité climatique ;
  • une stratégie de diversification s’appliquera très probablement aux matières premières ou aux composants plutôt qu’aux domaines de haute technologie tels que les processeurs de données, les télécommunications ou les super-ordinateurs, qui nécessitent des investissements plus importants pour être autosuffisants ; et
  • les partenaires commerciaux actuels de l’UE constituent une bonne base pour la diversification.

Les leçons tirées par l’UE des expériences passées montrent que les projets de technologie et d’innovation doivent être pris plus au sérieux plutôt que d’être laissés au hasard.

Le projet Minitel, lancé dans les années 1980 comme une tentative de la France de créer son propre internet et, grâce à des terminaux spéciaux, de fournir un accès gratuit aux comptes bancaires, aux pages jaunes et à d’autres services, a échoué.

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Le projet spatial Galileo, annoncé en 1999 comme une tentative de l’UE de créer son propre système GPS, s’est également soldé par un échec quelques années plus tard. Ce n’est qu’en 2011 que l’UE a réussi à lancer ses premiers satellites, qui ne sont devenus pleinement opérationnels qu’en 2019. En conséquence, le projet a pris des années de retard, a été trois fois supérieur au budget et n’a apporté aucune innovation ou technologie nouvelle.

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Il y a également eu la tentative de créer l’écosystème de stockage en nuage GAIA-X qui a été lancé en 2020 dans le cadre d’une tentative de renforcer la souveraineté numérique de l’Europe. Vingt-deux entreprises ont investi dans le projet au départ, mais il n’a jusqu’à présent débouché sur rien. L’objectif du projet GAIA-X est bien sûr clair : réduire la dépendance à l’égard des serveurs de stockage en nuage des entreprises américaines Amazon et Microsoft. L’UE introduit également des tarifs spéciaux et des mesures restrictives dans l’espoir d’obtenir un avantage concurrentiel. Or, Microsoft est l’une des entreprises impliquées dans GAIA-X.

Partie 2

La production de semi-conducteurs est un pôle crucial des technologies modernes. Des décennies de progrès dans la production de masse de puces contenant un nombre toujours plus élevé de circuits ont radicalement modifié l’économie de l’informatique et remodelé en profondeur l’économie mondiale. La révolution des ordinateurs personnels des années 1980, la révolution de l’internet des années 1990 et les révolutions des smartphones et des médias sociaux du début des années 2000 ont toutes été bâties sur le silicium.

La prochaine génération d’applications industrielles et grand public susceptibles de changer la donne et reposant sur les réseaux 5G dépendra également des améliorations apportées aux performances et à la puissance de calcul fournies par les puces de pointe. L’accès aux semi-conducteurs de pointe est également essentiel à l’équilibre de la puissance militaire mondiale en raison de leur utilisation dans le calcul haute performance et les applications d’IA et d’internet des objets (IoT), mais aussi du rôle crucial qu’ils jouent dans les plate-formes d’armes modernes et de nouvelle génération.

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À l’heure actuelle, seules deux entreprises – la société sud-coréenne Samsung et la société taïwanaise TSMC – fabriquent des semi-conducteurs à l’échelle industrielle les processeurs les plus avancés. Ces leaders de l’industrie produisent actuellement en quantités commerciales des processeurs gravés à 7 nanomètres (nm), tout en s’efforçant de passer à 5 nm, puis, finalement, à 3 nm d’ici le milieu des années 2020. À titre de comparaison, le fabricant américain de puces intégrées Intel est également désireux de produire en volume à 7 nm, mais l’entreprise a rencontré des difficultés pour atteindre cet objectif, annonçant en juillet 2020 que la production de ses puces de nouvelle génération serait reportée à 2022.

À l’heure actuelle, les puces en 7 nm – y compris le système sur puce Kirin 990 de Huawei fabriqué par TSMC à Taïwan – sont les semi-conducteurs les plus avancés dans le commerce. HiSilicon, la filiale de Huawei spécialisée dans la conception de puces, a travaillé avec TSMC sur le dernier modèle de la série Kirin, fabriqué en 5 nm.

Malgré les prouesses croissantes des entreprises technologiques chinoises dans des domaines tels que la 5G, l’intelligence artificielle, les applications mobiles et l’informatique quantique, Pékin est toujours très en retard sur les technologies de pointe de fabrication de semi-conducteurs dans le monde. Par conséquent, afin d’atteindre ses objectifs ambitieux et de rester compétitives sur le marché mondial, les entreprises technologiques chinoises s’appuient sur les fabriques étrangères pour créer leurs puces les plus avancées.

La Chine intensifie ses efforts pour maîtriser les technologies avancées de fabrication de semi-conducteurs. Par l’intermédiaire de son énorme Fonds national d’investissement dans les circuits intégrés, créé en 2014 et recapitalisé en 2019, mais aussi d’autres fonds régionaux et locaux, elle a alloué un financement supérieur à 200 milliards de dollars, soit plus que le coût, ajusté en fonction de l’inflation, du vol lunaire américain Apollo, datant de la guerre froide. Toutefois, la Chine n’a obtenu jusqu’à présent que des résultats limités. Le premier fabricant chinois de semi-conducteurs, Semiconductor Manufacturing International Corporation (SMIC), a toujours 3 à 5 ans de retard sur les leaders du secteur que sont Intel, Samsung et TSMC. En août, SMIC a annoncé qu’il serait en mesure de pousser son équipement lithographique existant jusqu’à 7 nm. Bien qu’il s’agisse d’une avancée majeure pour l’entreprise, elle reste à la traîne des leaders du secteur.

Quant à Intel, Samsung et TSMC, ils ont déjà été contraints de chercher de nouvelles façons de travailler ensemble et de partager les coûts pour suivre le rythme actuel de l’innovation de pointe. Les coûts de R&D et les dépenses d’investissement combinés des entreprises américaines de semi-conducteurs sont passés de 40 milliards de dollars en 2007 à 72 milliards de dollars en 2019, ce qui reflète l’augmentation du coût du respect de la loi de Moore. En 2018, un autre acteur majeur, GlobalFoundries – détenu par le fonds souverain émirati Mubadala – a effectivement abandonné la course au leadership mondial après avoir annoncé qu’il allait abandonner ses efforts de développement de cœur à 7 nm, principalement en raison de coûts d’outillage prohibitifs.

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Une ligne d’assemblage de paquets de puces intelligentes dans
une entreprise d’électronique à Nantong, dans la province chinoise
du Jiangsu, en 2018

Un goulet d’étranglement spécifique pour SMIC et d’autres fabricants chinois est la technologie de lithographie à ultraviolets extrêmes (EUV), une technologie de fabrication de nouvelle génération qui est nécessaire pour passer à des cœurs inférieurs à 7 nm. L’EUV, qui utilise des longueurs d’onde plus courtes de la lumière ultraviolette pour produire des circuits plus fins et plus denses que ne le permettent les techniques de fabrication antérieures, est utilisée par TSMC et Samsung pour le nœud de processus de 7 nm. Intel travaille à l’intégration de l’EUV dans ses lignes de production commerciales mais a rencontré des problèmes. TSMC, Samsung et Intel comptent sur l’EUV pour leur fabrication en 5 nm.

Le développement de la technologie informatique est un élément clé de cette course. En 2019, Google a développé un ordinateur quantique de 53 qubits, un dispositif capable de résoudre des problèmes complexes en trois minutes environ. Cela peut ne pas sembler si impressionnant, mais lorsque vous considérez qu’il faudrait environ 1000 ans à un ordinateur non quantique pour effectuer les mêmes calculs, vous commencez à comprendre la puissance de l’informatique quantique.

Qu’elles soient grandes ou petites, les entreprises investissent d’énormes quantités de ressources dans le développement des ordinateurs quantiques, et beaucoup affirment qu’il pourrait s’agir de la prochaine grande nouveauté dans le monde de la technologie. Selon certaines estimations, le marché de l’informatique quantique atteindra 770 millions de dollars d’ici 2025. Entre 2017 et 2018, l’informatique quantique a connu une « ruée vers l’or quantique », les investisseurs ayant déversé 450 millions de dollars dans l’informatique quantique.

IBM a récemment annoncé son intention de construire un ordinateur quantique de 1000 qubits d’ici 2023. Les transports occupent également un certain pôle dans les technologies de pointe.

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Des entreprises comme Tesla, Uber, Cruise et Waymo promettent un avenir dans lequel les voitures sont essentiellement des robots mobiles qui peuvent nous emmener où nous voulons en quelques pressions sur un smartphone. TuSimple tente de prendre de l’avance en créant des technologies uniques avec un certain nombre de partenaires stratégiques. En collaboration avec le constructeur de camions Navistar et le géant de l’expédition UPS, TuSimple mène déjà des opérations de test en Arizona et au Texas, notamment des courses autonomes de dépôt à dépôt. TuSimple prévoit d’atteindre le niveau 4 d’autonomie d’ici 2024, ce qui signifie que ses camions seront capables de fonctionner sans conducteur humain dans des conditions limitées pouvant inclure l’heure de la journée, la météo ou des itinéraires préétablis.

Il a été noté que l’industrie automobile chinoise développe aussi activement des véhicules autonomes. Dans le même temps, la Chine utilise une approche intégrée où la technologie 5G et l’intelligence artificielle, qui sont nécessaires pour assurer la synergie, sont introduites en parallèle.

L’écosystème des véhicules autonomes du pays fait partie de la nouvelle initiative pour les infrastructures lancée en mai 2020. Il est inclus dans le plan quinquennal et a reçu un financement d’environ 1 400 milliards de dollars.

Bien sûr, le secteur lié à la technologie le plus important en géopolitique est la défense et la sécurité. Aux États-Unis, ce secteur a été lié à trois stratégies de compensation lancées par le Pentagone.

Scott Savitz, de la RAND Corporation, a écrit sur deux des grandes tendances technologiques de cette génération et leur impact sur la guerre :

La première est l’amélioration incessante et rapide des technologies de l’information (TI), dans des domaines aussi divers que l’analyse des données, l’intelligence artificielle et la réalité augmentée. L’une de ses principales applications dans le domaine de la guerre est de permettre l’intégration et l’analyse rapide des données provenant de capteurs distribués et en réseau, afin de générer des informations opportunes et exploitables sous des formes que les humains et les machines peuvent facilement interpréter.

La deuxième tendance est connexe mais distincte : les capacités croissantes des systèmes sans pilote à accomplir des missions utiles. Ces capacités augmentent non seulement grâce aux technologies de l’information avancées qui permettent des opérations plus autonomes, mais aussi grâce aux améliorations apportées à la science des matériaux, au stockage de l’énergie, à la conception et à d’autres domaines.

Une troisième tendance, beaucoup moins remarquée, est l’amélioration des capteurs, qui deviennent plus petits, moins chers et plus perspicaces, avec des demandes d’énergie plus faibles et une plus grande durabilité dans divers environnements.

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Les technologies de pointe offrent également un certain nombre de solutions dans le secteur de l’armement qui suscitent l’enthousiasme des militaires. L’une des plus récentes est la bombe électromagnétique – un dispositif qui génère une impulsion électromagnétique de grande puissance ou une impulsion micro-ondes de grande puissance. Contrairement aux munitions classiques à énergie cinétique, les bombes électromagnétiques ont un effet dévastateur sur les appareils électroniques et les réseaux informatiques.

Bien que de telles armes existent déjà, les nouvelles technologies permettent de créer des dispositifs plus puissants.

Le déterminisme naturel et les perceptions différentes du monde extérieur (y compris des menaces), qui sont au cœur de la pensée géopolitique et de la culture stratégique, n’auront plus cours dans les décennies à venir. Cependant, la technologie aura un impact significatif sur eux, et ce facteur doit être pris en compte dans les évaluations des risques et les projections pour l’avenir.

Leonid Savin

Traduit par Hervé pour le Saker Francophone

vendredi, 21 mai 2021

Une Darpa européenne - Un rêve irréalisable

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Une Darpa européenne - Un rêve irréalisable

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

C'est la préparation d'une guerre éventuelle avec la Russie puis aujourd'hui également avec la Chine qui permet aux Etats-Unis d'être et de rester une superpuissance scientifique et technologique dominante.

Depuis plusieurs décennies, l'agence américaine Darpa (Defense Advanced Research Projects Agency) est le facteur essentiel de cette domination. La Darpa est une agence du département de la défense américaine. Elle finance des innovations technologiques de rupture dans des domaines considérés comme stratégiques à la fois pour garantir la supériorité militaire et la domination économique. Ces innovations, dans la mesure où elles ne sont pas couvertes par le secret militaire, possèdent des retombées qui ont un rôle d'entraînement essentiel dans le domaine civil.

Le budget de la Darpa est officiellement pour 2020 de 2.970 milliards de dollars. Compte tenu des contributions non publiques provenant de divers organismes et entreprises, il est au moins du double. Le budget fédéral des Etats-Unis est pour la même année estimé à 1.200 milliards. Ce budget sert à Washington, indépendamment de la Darpa, de prendre en charge des dépenses dans le domaine de la sécurité civile et des nouvelles technologies. Le déficit chronique de l'administration fédérale lui permet de se désintéresser de nombreux secteurs, notamment en matière de santé et de financement sociaux, qui pèsent sur les budgets européens.

La Darpa constitue également un agent essentiel pour favoriser la dualité des technologies (c'est-à-dire la synergie entre applications civiles et militaires). Ainsi la supériorité américaine dans le domaine spatial repose en grande partie sur un réseau de satellites militaires dépendant de la Darpa. De plus elle n'hésite pas à prendre en charge des projets technologiques innovants dont le succès n'est pas assuré au départ. Ainsi elle a financé l'Arpanet, ancêtre d'Internet, ou encore le GPS. Aujourd'hui, elle s'intéresse à des domaines aussi différents que les véhicules terrestres autonomes utilisables en milieu urbain ou que les nouvelles générations de missiles.

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L'Agence dispose d'une organisation très souple. Elle lui permet d'éviter les innombrables procédures qui consomment l'essentiel du temps des autres organismes. Par ailleurs elle peut recruter ou licencier son personnel administratif et de recherche à la demande, en ne faisant pas seulement appel aux ressources des autres organisations militaires. Ses chefs de projet viennent aussi bien du civil que du militaire, du public ou de privé. Ils ne restent en poste que quelques années. Lorsqu'ils quittent la Darpa, ils ne tardent pas à retrouver d'importantes responsabilités. Leur passage par la Darpa constitue un élément important de leur carrière.

Beaucoup de responsables européens souhaiteraient la mise en place sur le continent d'une « Darpa européenne ». Mais il s'agit d'un vœu pieux, pour de nombreuses raisons. L'Europe n'a pas de politique de défense commune justifiant une telle agence. Elle est incapable de s'entendre sur des projets technologiques d'une certaine ampleur. La rivalité entre États-membres est telle au plan politique que de tels projets ne seraient pas acceptés. Mais la cause déterminante de son impuissance tient à la domination américaine qu'elle accepte de subir. Or les États-Unis n'accepteraient pas la création d'une Darpa européenne qui viendrait concurrencer la leur.

mercredi, 04 octobre 2017

Les mondialistes délocalisent les technologies de pointe de l’Allemagne

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Les mondialistes délocalisent les technologies de pointe de l’Allemagne

par Eberhard Hamer, professeur d’économie

Ex: http://www.zeit-fragen.ch/fr

L’économie des Petites et moyennes entreprises (PME) [«Mittelstandsökonomie»] a toujours rendu attentif au fait qu’en règle générale, les entreprises de taille moyennes sont fidèles au pays et à leur localisation. Cela est inhérent à l’existence des liens familiaux et du caractère familial d’une entreprise moyenne dans laquelle le patron connaît tous ses employés personnellement.


Les grandes sociétés de capitaux, au contraire, sont depuis longtemps des entités internationales. Non seulement elles produisent au niveau mondial, mais elles ont aussi des actionnaires dans le monde entier. Selon les estimations du Mittelstandsinstitut de la Basse-Saxe, plus de 70% de nos trusts faisant partie du DAX [=indice boursier des 30 plus importantes sociétés allemandes, cf. CAC 40 en France, ndt.] sont en majorité en main étrangère, la plupart américaine. Un grand groupe dominé par l’étranger n’a plus de liens nationaux, n’a plus de patrie, exige la globalisation et le libre-échange et avant tout la libre circulation du capital, complétée par des économies fiscales grâce aux paradis fiscaux.


C’est grâce à ce commerce international des multinationales que nous profitons de nos excédents d’exportation. Ces excédents sont réalisables uniquement dans les branches en expansion suite aux avancées technologiques – pour la plupart largement subventionnées par les pouvoirs publics –, dont nous avons pu profiter ou que nous possédons toujours. Si nous perdons ces avantages, nous ne perdons pas seulement notre capacité d’exportation, mais aussi une partie de notre prospérité.


Ces moteurs technologiques poussant nos multinationales à la croissance ne sont donc pas seulement extrêmement dangereux en raison de leurs structures de propriété, mais aussi en raison de la dépendance de grandes puissances telles que les Etats-Unis ou la Chine:

  • En Allemagne, comparé à d’autres pays, il est moins aisé de cacher et de garder secret une avancée technique, car les Américains ont, selon les réglementations du temps de l’occupation, toujours et encore le droit de contrôler tous les systèmes informatiques, y compris les lignes téléphoniques et les systèmes de téléphonie mobile, sur tout le territoire de l’Allemagne. Ils peuvent donc s’approprier chaque nouvelle technologie dès ses premiers balbutiements à l’aide de leurs systèmes d’espionnage pour ensuite les transmettre à leur propre industrie. Souvent, l’industrie concurrentielle américaine connait un nouveau développement de brevets, avant que le brevet ne soit connu chez nous.
  • Là, où l’espionnage total ne suffit pas, les nouveautés techniques sont volées suite à des combines financières et à la corruption comme, par exemple, avec la technologie anti-détection pour les sous-marins du chantier naval Howaldt. Avec l’accord du gouvernement fédéral allemand, le Conseil d’administration avait – suite à une prétendue offre de rachat américaine – remis par étapes tous les plans et les détails techniques internes aux Américains jusqu’à ce qu’ils eurent rassemblés toutes les informations et ne montrèrent plus aucun intérêt pour le chantier naval.
  • Les risques que comporte la délocalisation de la production allemande à l’étranger ont été subis par la branche de la photographie, il y a quelques décennies. Dans les années cinquante et soixante, l’Allemagne était à la pointe mondiale dans le domaine des appareils photo. Puis, la production a été délocalisée vers l’Asie «pour réduire le coût de la main-d’œuvre». Les appareils étaient principalement vendus en Allemagne, jusqu’au moment où les concurrents japonais placèrent les modèles allemands en meilleure qualité sur le marché mondial et devinrent ainsi le leader du marché. En Allemagne, nous achetons aujourd’hui des appareils photo japonais au lieu d’appareils allemands.
  • Après les Etats-Unis et le Japon, la Chine est actuellement devenu le grand «aspirateur» technologique. Les Chinois ont des avoirs de 3 billions de dollars, pour lesquels ils ne recevront bientôt plus grand-chose, s’ils n’investissent pas à temps dans des valeurs réelles. C’est pourquoi ils font leurs courses dans le monde entier en prenant tout ce qu’ils trouvent, notamment de la technologie à n’importe quel prix.
  • Ils ne peuvent faire leurs emplettes aux Etats-Unis, car ce pays a un droit de véto dans le domaine de la sécurité qu’ils n’arrêtent pas d’utiliser. En Allemagne, il existe également une clause de réserve concernant la sécurité nationale, mais elle n’est jamais utilisée, car le gouvernement fédéral – étant dépendant de la globalisation – y voit une «entrave au commerce international». donc les Chinois peuvent sans encombre acheter toute la technologie de pointe qu’ils désirent.
  • Un autre exemple de la braderie de technologie de pointe allemande est l’acquisition par la Chine de la majorité des actions de l’entreprise robotique de premier plan Kuka sise à Augsbourg. Elle est devenue leader mondial grâce à de nombreuses subventions allemandes. Maintenant qu’elle se trouve en propriété chinoise et que la technologie de production est perdue pour Allemagne, l’entreprise est systématiquement délocalisée vers la Chine. Dans quelques années, nous achèterons en Allemagne des robots chinois, ce qui ne nous apportera plus d’excédents d’exportation, mais davantage de déficits d’exportation.
  • Les entreprises automobiles allemandes ont également commencé par exporter vers la Chine, puis elles ont été obligées de construire des fabriques automobiles en Chine, ont donc apporté la technologie allemande dans des entreprises appartenant en majorité aux Chinois. Elles ne pourront donc dans quelques années de moins en moins exporter leurs produits nationaux, c’est-à-dire qu’elles perdront le marché d’exportation.
  • L’exemple d’Airbus est le pire. Ce consortium aéronautique européen, subventionné à l’extrême par nos pouvoirs publics – soi-disant pour prendre pied sur le marché chinois – a livré et construit aux Chinois une production pour les avions Airbus. Actuellement, les Chinois sont en état de construire leurs propres machines dans leurs propres entreprises avec la technologie d’Airbus afin de concurrencer les Airbus européens. Il ne faut pas beaucoup d’imagination pour prévoir que dans 10 ans, Airbus ne pourra plus exporter en Chine, parce que les entreprises de l’Airbus chinois domineront le marché.
  • Dernière nouvelle: Siemens voit son avenir numérique avant tout en Chine et délocalise son centre de recherche mondial pour les robots autonomes dans ce pays. D’une certaine manière, il est presque logique qu’après que la technique robotique de Kuka ait quitté le pays, Siemens ne puisse pas maintenir sa recherche en robotique. En effet celle-ci, se trouvant à la pointe mondiale, sans possibilités d’application dans le pays, doit être délocalisée dans la recherche de l’avenir en Chine puisque entre temps c’est elle qui possède la technique robotique de pointe.

Dans tous ces cas, le contribuable allemand a subventionné massivement par les impôts des petites et moyennes entreprises les technologies de l’avenir. Puis, les multinationales ont délocalisé, vendu ou même cédé gratuitement à des entreprises étrangères le résultat de ces subventions et la technologie de pointe allemande.


Le gouvernement fédéral voit cela comme un «processus d’internationalisation» normal et n’intervient pas. La recherche sur le Mittelstand cependant voit avec le départ de la technologie de pointe des multinationales, subventionnée par les impôts allemands, également l’exode de milliers de petites et moyennes entreprises travaillant pour le marché de la sous-traitance. La compétitivité internationale de l’économie allemande en général va en souffrir et risque de disparaître entièrement au cours des prochaines années.


Pourquoi le gouvernement fédéral laisse-t-il délocaliser la technologie de pointe allemande sans broncher?
Pourquoi n’oblige-t-on pas les multinationales à rembourser les subventions obtenues de la part des contribuables allemands pour le développement de ces technologies de pointe, si elles les bradent à l’étranger?


Pourquoi n’y a-t-il pas de levée de boucliers de la part de la politique, des organisations de PME et des syndicats, quand notre technologie de pointe est transférée aux Etats-Unis ou en Chine et qu’ainsi les places de travail high-tech diminuent dans notre pays?    •

(Traduction Horizons et débats)

Bibliographie: Hamer, Eberhard (Ed.). Visionen 2050, Rottenburg 2016

samedi, 06 novembre 2010

Les robinets de matières premières se fermeront-ils?

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Michael WIESBERG :

 

Les robinets de matières premières se fermeront-ils ?

 

Bon nombre d’indices nous signalent que la Chine est actuellement sur la bonne voie pour détricoter les règles du jeu qui régissent le processus de globalisation, règles aujourd’hui toujours dominées par les Etats-Unis. Son objectif ? Reprendre à son compte le rôle de chef d’orchestre international pour promouvoir son propre modèle de capitalisme.

 

Les exemples les plus récents dans ce conflit : 1) la querelle concernant le dumping monétaire pratiqué par les Chinois et, plus récemment encore, 2) la politique chinoise de diminuer drastiquement l’exportation de minerais critiques (de terres rares) qui sont d’une importance vitale surtout pour l’industrie occidentale des hautes technologies. En ce domaine, la Chine détient une position dominante sur le marché parce qu’elle extrait 95% de ces minerais critiques (terres rares). La Chine limite depuis environ trois ans ses exportations, ce qui pousse les industries occidentales vers des goulots d’étranglement, comme on le ressent actuellement en Allemagne. D’après le site « Spiegel-Online », certaines firmes allemandes cessent de recevoir les métaux nécessaires pour la production de hautes technologies.

 

En menant cette politique de raréfaction de ses exportations de minerais critiques et de terres rares, la Chine vise manifestement à ce que la production de technologies clefs se fasse sur son territoire, comme le subodore, par exemple, le « New-York Times Online » (NYTO).

 

Constituer une « réserve stratégique »

 

Pour bon nombre d’observateurs, cette thèse du NYTO se révèle caduque et ne reflète que la plainte émise par des entreprises occidentales, d’avoir été discriminées en Chine au profit de firmes nationales chinoises. C’est là un argument assez faible contre l’hypothèse posée par le NYTO. Quoi qu’il en soit : la raison fondamentale qui explique cette polémique vient probablement du fait que la Chine cherche à se constituer une « réserve stratégique » qui lui permettrait de contrôler le marché des minerais critiques et des terres rares, pour lequel la concurrence est âpre et l’enjeu stratégique très important.

 

Les activités déployées par la Chine en Afrique confirment par ailleurs la thèse du NYTO, surtout dans une région ravagée par la guerre comme le Congo, où l’on exploite le manganèse, divers autres minerais, les sels potassiques et le phosphate. Tandis que l’UE aborde le problème congolais en termes de ratiocinations oiseuses et de thématiques « humanitaires », les Chinois, qui n’ont cure de tout cela, se sont depuis assez longtemps déjà assurés de droits d’exploitation. Il n’y a donc aucun doute : la Chine a reconnu le talon d’Achille de l’Occident et ce talon d’Achille, entre autres faiblesses, est le goulot d’étranglement que constitue l’obtention de minerais critiques et de terres rares pour les Etats occidentaux industrialisés. La Chine joue désormais ses atouts en ce domaine, en toute bonne conscience.

 

« Nous sommes menacés par plusieurs goulots d’étranglement »

 

Si les Chinois ne modifient pas leur politique actuelle, les Etats industrialisés de l’Occident, et donc aussi l’Allemagne, se retrouveront dans une situation fort désagréable.  « Nous sommes menacés de dangereux goulots d’étranglement », a expliqué le géologue Peter Buchholz, attaché à l’Institut Fédéral allemand des Sciences géographiques et des Matières premières (« Bundesanstalt für Geowissenschaften und Rohstoffe », BGR), sur le site « Spiegel-Online ». La fabrication d’un grand nombre de produits électroniques, dont les ordinateurs et les moniteurs informatiques, les accus, les téléphones portables, certains biens d’équipement civils et militaires, les semi-conducteurs, etc. pourrait s’interrompre, si aucun nouveau fournisseur de minerais critiques  ou de terres rares ne se présente dans des délais prévisibles.

 

Petit à petit, le gouvernement fédéral allemand se rend compte qu’il y a urgence à agir, mais autrement que dans le cadre conventionnel des « missions pour les droits de l’homme et la dignité de chaque personne humaine » qui structure depuis longtemps l’action gouvernementale de la RFA ; c’est ce que l’on peut lire, par exemple, dans un dépliant de Günter Nooke, qui fut jusqu’en mars 2010, le chargé d’affaires de la politique des droits de l’homme et de l’aide humanitaire du gouvernement fédéral allemand.

 

Nous dépendons pour près de 100% de la Chine

 

La Russie est la seule puissance capable de nous aider ; mais, en déployant des activités similaires aux Etats-Unis, en Australie ou en Afrique du Sud, nous pouvons espérer améliorer notre situation. Le plus grand espoir actuel, nous le plaçons dans la région de Kvanefjeld au Groenland, où l’on pourrait, paraît-il, extraire chaque année jusqu’à 100.000 tonnes de minerais critiques et/ou de terres rares. C’est en tous cas ce que nous laissent miroiter les pronostics les plus prometteurs. Cependant, l’extraction proprement dite ne pourrait démarrer au plus tôt qu’en 2015.

 

Mais que se passera-t-il d’ici là ? D’ici à ce que les espoirs placés dans le site groenlandais deviennent réalité ? Jusqu’à la fin de l’année 2011, nous explique Peter Buchholz, l’Allemagne restera à près de 100% dépendante du bon vouloir de la Chine en ce qui concerne les minerais critiques. Tout esprit rationnel peut déplorer que le gouvernement de la RFA ne réagit que maintenant, alors que ce processus de dépendance est à l’œuvre depuis assez longtemps. Evidemment, les « missions pour la dignité de chaque personne humaine » avait pris quasiment 100%  du temps de nos excellences politiciennes.

 

Michael WIESBERG.

(article tiré du site http://www.jungefreiheit.de/ - 25 octobre 2010).