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lundi, 11 décembre 2023

L'Europe, une économie sans âme et sans culture

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L'Europe, une économie sans âme et sans culture

Gennaro Malgieri

Source: https://electomagazine.it/europa-uneconomia-senza-anima-e-senza-cultura/#google_vignette

Le vide qui caractérise la discussion sur le destin de l'Europe nous invite à reprendre en main des livres "intemporels", heureusement réédités par des maisons d'édition aussi pertinentes que raffinées. Rien de tel, en ces temps d'asphyxie politique plus que climatique, que de se "plonger" dans les pages de La Genèse de l'Europe de Christopher Dawson, l'un des plus grands historiens anglais du XXe siècle, méritoirement réédité par Lindau (pp. 409, euro 34.00), où l'introduction à l'histoire de l'unité européenne du IVe au XIe siècle - véritablement cruciale dans la construction de l'identité continentale - est considérée à juste titre comme un âge de renaissance, puisque l'intégration complexe entre l'Empire romain et l'Église catholique, la tradition classique et les sociétés essentiellement "barbares" mais soumises à la romanité a favorisé la naissance d'une civilisation vivante, comme l'a magistralement décrit Gioacchino Volpe dans ses études sur le Moyen Âge et les débuts de la nation italienne, une partie de la nation européenne qui a existé malgré tout comme un esprit d'entreprise dans la construction d'un édifice sur des ruines qui n'ont pas été enlevées, mais revitalisées grâce aussi au monachisme en tant que générateur de foi et de culture.

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Christopher Dawson et Gioacchino Volpe, deux historiens à redécouvrir.

On peut discuter de la politique de Dawson, suscitée par des contingences qu'il convient d'historiciser, mais on ne peut manquer de discerner dans son analyse la recherche des fondements unitaires des nations elles-mêmes dans le cadre d'une Europe qui vivait au sein d'un "empire intérieur" qui attend toujours d'être ravivé. Ce même "empire" qui a suggéré à Paul Valéry les pages denses et passionnantes sur l'Europe disséminées dans les nombreux ouvrages consacrés au thème de la décadence de notre civilisation. Le désarroi est tel qu'une immersion dans la sagesse du grand poète et philosophe français est presque thérapeutique : "Nos civilisations savent maintenant qu'elles sont mortelles", lisais-je il y a quelques jours dans son célèbre Cahiers. Malheureusement, ceux qui ont la capacité de voir venir la tempête s'en remettent à des sourciers politiques qui, à l'aide de bâtons improbables, indiquent des atterrissages qui devraient être sûrs. Mais qu'est-ce qui est sûr quand le "travail de l'esprit", pour reprendre les mots de Valéry, ne produit plus rien pour façonner une civilisation qui se désagrège ?

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Devant les Cahiers fermés, j'ouvre un autre recueil d'informations précieuses sur notre avenir, formulées à la veille de la première grande guerre civile européenne par un jeune Valéry dont la vie intense (1871-1945) lui a permis de recueillir les fruits de ses diagnostics pour conclure qu'il avait raisonné sur l'esprit européen en formulant des pronostics que personne ne semble vouloir prendre en compte aujourd'hui. Voici donc In morte di una civiltà (Aragno editore) qui comprend le scintillant essai en deux parties - issu de deux lettres publiées dans la revue londonienne Athenaeum en 1919 - La crisi dello spirito et d'autres écrits "quasi-politiques" où l'on puise des méditations non superficielles sur l'identité d'être européen et sur ce que signifie cette attitude de "conquête" de soi, d'abord, et ensuite projeter "prométhéennement" les résultats d'une éducation - je ne sais pas si elle est "humaine, trop humaine" ou même "divine" - qui a donné un sens au monde, sans jactance et sans exagérations rhétoriques.

Et "la crise de civilisation" nous introduit dans une considération du Vieux Continent qui ne peut certainement pas être optimiste aujourd'hui, comme Massimo Carloni, éditeur du volume, nous le fait comprendre en réfléchissant sur le "drame de l'esprit" en conclusion de l'essai composite de Valéry. Il écrit : "L'Europe née avortée des cendres de la Seconde Guerre mondiale, dans ses diverses métamorphoses comme l'Europe du charbon et de l'acier, de l'énergie atomique, de la Communauté économique, puis de la Banque centrale et de la finance, est une parodie décourageante, un simulacre bureaucratique du rêve de Valéry. L'homo europaeus, synthèse de liberté et de rigueur, d'imagination et d'intelligence, dont la Grèce a fourni le modèle parfait et Léonard la célèbre représentation, est aujourd'hui misérablement réduit à l'effigie d'une pièce de monnaie. Tandis que la Méditerranée, de creuset et de carrefour des civilisations, est devenue un lugubre cimetière marin jonchés de tombes... Ces signes décourageants suffisent à mesurer la distance abyssale qui nous sépare des origines de l'esprit européen que nous avons misérablement trahi.

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Valéry l'avait-il prévu ? Je le crois. Pour conclure qu'"une économie n'est pas une société", il présupposait qu'elle devait avoir, pour ne pas risquer de périr rapidement, une culture, la conscience d'une histoire, une vision du monde et de la vie. Et au fond de lui, il espère que l'Europe redeviendra ce qu'elle a été par son esprit. "Tous les peuples qui ont débarqué sur ses rivages l'ont fait leur ; ils ont échangé des biens et des coups ; ils ont fondé des ports et des colonies où, non seulement les objets du commerce, mais les croyances, les langues, les coutumes, les acquisitions techniques, étaient des éléments de l'échange. Avant même que l'Europe actuelle ne prenne la forme que nous lui connaissons, la Méditerranée, dans son bassin oriental, avait vu naître une sorte de "proto-Europe". Et c'est là que l'Europe s'arrête aujourd'hui ? Où est-elle née du mythe, de la mer, de l'amour d'un dieu et des similitudes de peuples qui se reconnaissaient originaires d'un monde ancestral que nous aurions appelé indo-européen ? Nous ne pouvons pas y renoncer. L'heure n'est pas aux funérailles, mais aux renaissances. En y croyant, bien sûr.

Valéry écrit : "Notre Europe, qui n'était au départ qu'un marché méditerranéen, devient ainsi une immense usine ; usine au sens propre, machine à transformations, mais aussi usine intellectuelle sans équivalent. Cette usine intellectuelle reçoit de partout toutes les choses spirituelles ; elle les distribue à ses innombrables organes. Les uns saisissent les nouveautés avec espoir, avec avidité, en exagérant leur valeur ; les autres résistent, opposant à l'invasion des nouveautés la splendeur et la solidité des richesses déjà établies. Entre l'acquisition et la conservation, il faut sans cesse rétablir un équilibre mouvant, mais le sens critique s'attaque à l'une ou l'autre tendance, méconnaît les idées possédées et valorisées ; il teste et discute sans pitié les tendances de cet "ajustement" toujours en cours. Est-ce là le destin de l'Europe, oublieuse de l'équilibre raisonnable qui l'a amenée à être le sel de la terre ?

L'Europe, en somme, s'autodétruit. Du passé, on ne sait que faire. De l'avenir, on n'a pas la moindre perception. C'est comme si les Européens s'étaient construit une prison qui les oblige en quelque sorte à regarder à travers les barreaux ce qui se passe autour d'eux, le temps et l'espace s'amenuisant. Ils deviennent insignifiants, tandis que le monde construit par ceux qui les ont précédés devient babélique, en proie à des intérêts voraces, objet des appétits de nouveaux colonisateurs appartenant à d'autres univers culturels et anthropologiques. Comme par le passé, la civilisation européenne est elle aussi destinée à disparaître de la manière la plus lente et la plus sanglante : en renonçant à son existence, à sa capacité de se reproduire par des naissances, en abdiquant le rôle qu'elle devrait humainement conserver. Dans les années 1920, le livre d'un spécialiste des civilisations et de la décadence, Richard Korherr : Régression des naissances, mort des peuples, a fait sensation en Allemagne et en Italie. Korherr y montrait, en appliquant la méthode comparative, comment et dans quelle mesure la stérilité intentionnelle et programmée, motivée par l'égoïsme et par l'habitude de satisfaire des besoins immédiats fictifs, a fait tomber dans l'abîme des cultures qui avaient dominé de vastes régions de la planète et contribué à la formation de la civilisation euro-méditerranéenne.

Aujourd'hui, dans l'indifférence des peuples et de leurs classes dirigeantes, la même chose est en train de se produire, et il n'est donc pas abusif ou alarmiste d'affirmer que la désintégration de l'Europe est liée à deux facteurs principaux : le taux de natalité et la crise d'identité. Le premier et la seconde sont étroitement liés et donnent une idée du déclin sur lequel se trouvent les analystes capables de discerner entre les plis du malaise européen ce que sera l'avenir d'un continent qui, année après année, semble prendre les connotations d'une lande désolée dans laquelle peu de chercheurs tentent de s'accrocher à une certaine idée de l'Europe qui séduise, sans grand espoir, il faut bien le dire, surtout pour les jeunes générations dont l'indifférence manifeste à l'égard de leur avenir dans un contexte géopolitique et culturel en pleine mutation est le symptôme le plus douloureux d'un déclin inéluctable.

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Parmi les observateurs les plus attentifs de la mutation européenne depuis quelque temps, on trouve Giulio Meotti, dont le livre au titre évocateur Notre-Dame brucia. L'autodistruzione dell'Europa (Giubilei Regnani editori, préface de Richard Millet), s'intéresse aux raisons d'une catastrophe annoncée depuis longtemps et devant laquelle la culture européenne, la politique étatique et la parodie de l'Union ont gardé les yeux fermés.

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L'incendie qui a détruit une grande partie de la cathédrale française est une métaphore, pour Meotti, de la fin de l'Europe. On a l'impression que Notre-Dame brûle vraiment : "Le problème, observe Meotti, ne sera pas maintenant de reconstruire Notre-Dame, mais l'identité que représentait cette église". Devant la cathédrale en feu, nous pleurons l'image d'une civilisation brisée. "La déliquescence de l'Europe". C'est la conscience de l'Europe - et, si l'on veut, de l'Europe chrétienne - qui a brûlé à Paris. Et elle brûle encore, pour ceux qui savent voir la tragédie qu'elle a emblématiquement mise en lumière en nous parlant d'un monde qui n'a plus de raison d'être, dominé par des dévalorisations que la technologie exalte sans les freiner. Et surtout, elle démolit les fondements d'une civilisation. En un mot : l'Europe est malade du relativisme culturel. Le prix en est devenu douloureusement quantifiable, au point que la décomposition progressive des États-nations occidentaux est désormais possible", écrit Mme Meotti. Le multiculturalisme - construit sur fond de décadence démographique, de déchristianisation massive et de répudiation culturelle - n'est rien d'autre qu'une phase transitoire qui risque de conduire à la fragmentation de l'Occident. Avec l'effondrement de l'Église catholique et l'abandon des bergers, la "trahison des clercs", la destruction de la famille naturelle, la fin des idéologies et un politiquement correct qui fait tabula rasa de toute référence culturelle restante, la vague de populisme en Occident n'a été qu'une réaction à ce "choc civilisationnel".

Dans quelle mesure le populisme affecte-t-il l'espoir d'un retournement ? Je ne pense pas. Au contraire, d'après ce que nous comprenons, il semble vouloir exacerber le problème. Il n'a pas de recettes à opposer à la crise, pas d'horizons à montrer, pas de visions à proposer. C'est un cri. Il n'est donc pas suffisant.

lundi, 02 novembre 2020

Paul Valéry, Analyst of Western Decline

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Paul Valéry, Analyst of Western Decline

Ex: https://www.unz.com

Paul Valéry was a French poet and essayist, famous in the first half of the last century. Growing up in France, I knew Valéry chiefly because of a somewhat trite slogan attributed to him. He more recently came to my attention by the praise of the Romanian philosopher Emil Cioran.

41lEoolhHaL._SX310_BO1,204,203,200_.jpgValéry is one of the most eminent figures in the French tradition of the moralistes – who are generally not, as the name might suggest, moralistic – those philosophers, going back to Montaigne and La Rochefoucauld and continuing right up to Cioran, known for their observations, more or less detached, good-natured, or biting, on social life and conventions.

Valéry had the distinction of living in perhaps the most decisive and consequential time in Western history, a time of catastrophic wars and political revolutions, culminating in the world we know today. He wrote a number of political essays commenting, more or less obliquely, on these developments, living through them as uncertain of the outcome as we are today.

Valéry dedicates Perspectives on Today’s World, his book of (mostly) political essays, to “those who have neither system nor party; who are thereby still free to doubt of what is dubious and to not reject what is not.”[1]

The book includes Valéry’s deep and subtle meditations on a vast medley of topics: of European exceptionalism, disunity, and decline (the industrial rise of Asia and colonial blowback are already foreseen), the bankruptcy of history as a field (lack of method, an excessive focus on high politics rather than long-term trends, hindsight being 20/20), freedom of thought and the life of the mind, the miseries of politics (antithetical to the mind), modernity as a great technical and socio-cultural phenomenon, France and her culture, Paris (“which continuousy attracts the flower and the dregs of the race”[2]), and much else.

On all these and more, Valéry commits to nothing, observing and analyzing with the philosophical detachment declared in his opening salvo. He is famously indifferent to the day-to-day flurry of events, “the froth of things,” being only interested in the deeper currents underlying human existence. Using this method, Valéry provides his reader with a continuous flow of thought, with often great insights and surprising parallels.

005494986.jpgOne is struck at how many of the problems Valéry raises are still with us. He speaks of the globalization of politics (distant powers responding to every local conflict, a new universal interdependence), the excessive stimulation and fads of modern media and culture, and the sheer speed of technological and social change, making it extremely difficult to base politics on sound predictions. From the vantage point of today, this almost seems quaint, given how much these trends have intensified in the age of borderlessness and social media.

The common thread running through many of Valéry’s quite diverse texts is the decline of Europe. Already at the end of nineteenth century, the first glimmers of Valéry’s European consciousness appeared with Japan’s war on China and the United States of America’s seizure of Spain’s colonial possessions, Valéry was troubled by these first (re)assertions of . . . non-Europe.

Valéry’s most famous saying is from the opening line of a 1919 essay, reflecting on European’s intellectual confusion in the wake of the First World War: “We civilizations know that we are mortal.”[3] He was distinctly aware of living at the high-water mark of European power, that just as that extraordinary tide had risen over the past four centuries, so that tide had begun receding . . . far more quickly than Europeans realized.

Before going into the causes and reaction to Europe’s decline, it is worth reflecting on the nature of her rise and what I do not hesitate to call her exceptionalism. Valéry is ready to concede the achievements of Hindu spirituality and Chinese technology and civilization. However, in terms of speed and explosive power, there is nothing to rival the Greek miracle of antiquity, especially in the fifth century before Christ, and European modernity since the 1400s.

The small European region has been at the top of the leagues, for several centuries. Despite her small size, even though the her soil is not markedly rich, she dominates the field. By what miracle? Certainly this miracle must lie in the quality of her population. This quality must compensate for the smallness of the population, the lack of square meters, the lack of minerals, which are assigned to Europe. Put on one scale the Empire of India and on the other the United Kingdom: the balance tips in favor of the smaller![4]

 

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The Western and Japanese empires in 1914

Valéry identifies a number of factors behind the West’s rise. Concerning the ancient Mediterranean, he notes that this sea was small and clear enough to be navigable even with fairly primitive means, the climate was temperate and hospitable, and finally this body of water connected three continents with very diverse peoples and civilizations, thus enabling great exchange of wealth, ideas, technology and craft. Thus, the ancient Mediterranean was the perfect setting for civilizational achievement, especially when a gifted and spirited people like the Greeks burst upon the scene, rapidly taking on many Egyptian and Phoenician innovations, and then surpassing them entirely.

For modern times, Valéry is struck by the contrast in China between slow but steady technological innovation and social and scientific stagnation:

How can one invent the compass, asks the European, without pushing further one’s curiosity and attention up to the science of magnetism; and how, having invented it, could one not think of leading a fleet far away to discover and master the lands beyond the seas? The same who invented gunpowder do not advance in chemistry and do not make cannons: they dissipate it with fireworks and vain nighttime amusements.

The compass, gunpowder, and the printing press have changed the face of the world. The Chinese who discovered them did not realize that they had the means of forever disturbing the world’s peace.[5]

Chinese civilization is marked by accretions, Western civilization by explosions.

Valéry often identifies Western psychological traits as a critical factor:

I cannot analyze this [European] quality [enabling exceptionalism] in detail; but I find by a cursory examination that active greediness,[6] burning and disinterested curiosity, a fortuitous mix of imagination and logical rigor, a certain non-pessimistic skepticism, an unresigned mysticism . . . are the most specifically active traits of the European Psyche.[7]

He attributes a kind of restless nervousness and ambition to the White race, a great factor of instability and accomplishment:

For fear of nullity, contempt, or boredom, we compel ourselves to become always more advanced in the arts, in manners, in politics, and in ideas, and we have shaped ourselves so as to only value astonishment and the momentary effect of shock. Caesar who considered that nothing had been achieved, given how much remained to be done and Napoleon who wrote: “I live only for the next two years,”[8] seem to have communicated this anxiousness, this intolerance towards everything that is, to almost the entire White race.[9]

imagespvpoemes.jpgValéry seems to suggest European decline is an inevitable process, related to the spread of the scientific techniques she had innovated to the rest of the world and perhaps to the a very Tocquevillean decline in elevating cultural traditions. We, living a century later, of course can only be struck that only in East Asia have foreign nations been fully able to replicate Western technical, economic, and organizational prowess.

Europe’s decline was caused, or perhaps accelerated, by her division. Valéry has only the harshest words for the Petits-Européens who have constantly fought among themselves, our little nation-states engaging in recurring wars and having recourse to non-European powers and soldiers. Napoleon is cited as a rare example of a European statesman of genuinely continental vision.

One might dismiss Valéry as a décadent, and perhaps a slightly pretentious one at that. His writing style may seem a touch too refined and intricate, like women’s lace. His distaste for systems and his horrified aversion to politics, however justified, make him politically quite inert. This is a serious matter.

After all, there were politicians and poets who, in the 1920s and 30s, made vigorous assays against decadence. One wonders what Valéry made of D’Annunzio and Ezra Pound.

High-Europeans of Valéry’s ilk make me think of Tolkien’s Elves: beautiful, ethereal, not meant for the world, and doomed to fade away . . .

Still, one would be foolish to dismiss Valéry’s philosophical method. The practice of detached, clinical, and unprejudiced – because lacking an a priori ideological system – analysis is a potent one. Its use leads Valéry to make some very nuanced, indeed exquisite, reflections on the the appeal, virtues, and limits of dictatorship.[10] The technique also leads him to a very Buddhistic denial of even an essential and continuous self.

Valéry’s method also leads him to understand, very early on, that politicians and citizens were working with words, a view of the world, which however solid they appeared, no longer corresponded to the realities of the world:

The political phenomena of our time are accompanied and complicated by an unparalleled change in the order of magnitude, or rather a change in the scheme of things. The world which we are beginning to be a part of, men and nations, has only a similar appearance to the world which is familiar to us.[11]

When I think of Hitler, Churchill, or De Gaulle, I see three skillful politicians, none of whom could sense that the very earth beneath them was about to give way.

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World maps with territories proportional to population in 1900 and 2100 (forecast).

These trends have only radicalized and accelerated since the 1930s. We are living in an epoch of rapid socio-cultural transformation: the diversification of Western nations, the population collapse of much of the developed world, the breakdown of the traditional family, the feminization of corporate and government life, the disintegration of each nation into a thousand online (often borderless) subcultures, the destruction of biological sex itself with the transsexual movement . . .

When we use the terms “Europe,” “the West,” “civilization,” “nation,” “race,” “religion,” “men,” “women,” we evoke connotations and associated symbols carried by past history and the myths and impressions we were brought up with. But can we face the new realities beneath words?

005658564.jpgIf I seem obscure, I can only say that we live in obscure times. We are on the cusp of further technological changes – virtual reality, genetic modification, mass human and/or female obsolescence – which will enable yet more socio-cultural change and, indeed, open up unimagined, and often disturbing, possibilities to change what it means to be human.

Anyway, the European is by all accounts a brilliant and flawed breed. We have known a good century of decline. Yet our critical and idealistic spirit, which has in many ways led to our current sad state of decomposition, may yet enable another unsuspected great enterprise of renewal. Valéry wrote in 1919:

[The European] is torn between marvelous memories and immoderate hopes, and if he sometimes slips into pessimism, he thinks despite himself that pessimism has produced some works of the first order. Instead of sinking into mental nothingness, he draws from this a song of his despair. He sometimes draws from this a hard and formidable will, a motivation for paradoxical actions founded on contempt for men and for life.[12]

And a decade later:

The most pessimistic assessment of man, and things, of life and its value, accords itself wonderfully with action and the optimism it demands. – This is European.[13] (p. 54)

Notes

[1] Paul Valéry, “Avant-Propos” (1931), Regards sur le monde actuel et autres essais (Paris: Gallimard, 1945), p. 9.

[2] Valéry, “Fonction de Paris” (1927) in Regards, p. 124.

[3] Paul Valéry, “La crise de l’esprit” (1919) in Variété I et II (Paris: Gallimard, 1998), p. 13.

[4] Valéry, ibid., p. 25.

[5] Valéry, “Orient et Occident” (1928) in Regards, p. 148.

[6] Avidité active.

[7] Valéry, “La crise de l’esprit” in Variété I, pp. 25-26.

[8] Je ne vis jamais que dans deux ans.

[9] Valéry, “Orient et Occident” in Regards, p. 149.

[10] For what it is worth, Valéry has a high opinion of the “wise” sayings of Salazar and the “depth” of Cromwell.

[11] Valéry, “De l’Histoire” (1931) in Regards, p. 35.

[12] Valéry, “Crise” in Variété I, p. 41.

[13] Valéry, “Des partis” (1931) in Regards, p. 54.

dimanche, 28 septembre 2014

Tutto il pensiero in versi dell'antifilosofo Valéry

 
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Paul Valéry è l'intelligenza più acuta del '900. Era un poeta, un filosofo, uno scienziato, uno scrittore, un giornalista o che? Valéry era un'intelligenza pura, e usava sia l'emisfero destro dell'intuizione che l'emisfero sinistro dell'analisi, penetrando il linguaggio e il pensiero.

La sua può definirsi proprio filosofia dell'intelligenza, tesa a comprendere il mondo; l'idealismo e il realismo, lo spiritualismo e il materialismo, il positivismo e il nichilismo, e ogni «ismo» che ci viene in mente, regrediscono a fantasmi, o a sciocchezze, come lui diceva, perché in Valéry c'è la tensione a capire i fenomeni e i noumeni, le cose reali e le cose pensate. Senza umanesimi né filosofemi.

È uscita di recente la prima vera biografia filosofica di Paul Valéry. La scrisse nel 1971, centenario della sua nascita, un filosofo vero, Karl Lövith, e fu il suo ultimo libro prima di morire nel '73. È bello vedere un filosofo d'accademia, già sulle tracce di Nietzsche e Heidegger, chinarsi a cogliere i frutti dell'antifilosofo Valéry e ritenerli più gustosi di quelli offerti dai filosofi di professione. Lovith non azzarda critiche ma ne espone il pensiero, notando che è «il pensatore più libero e più indipendente», più attuale e più inattuale. I Quaderni di Valéry sono uno spettacolo unico dell'intelligenza, il pensiero di una vita, un lavorìo geniale di osservazione e penetrazione durato più di mezzo secolo; cominciato quando aveva vent'anni, e finito oltre i settant'anni, con la sua morte, nel 1945, quando la metà tremenda del Novecento volgeva alla fine. Non è un diario - «mi annoierebbe troppo scrivere quello che intendo dimenticare» - né un emporio di opinioni, ma un lavoro necessario e inutile, come la tela di Penelope, un puro esercizio mentale applicato a osservare il mondo nel suo versante visibile e nel suo versante invisibile. «Avevo vent'anni e credevo alla forza del pensiero - scrive Valéry -. Stranamente soffrivo di essere e di non essere... Ero tetro, leggero, facile alla superficie, duro al fondo, estremo nel disprezzo, assoluto nell'ammirazione».

Non sposa nessun dio, nessun io, nessuna rivoluzione, nessun progresso e nessuna tradizione, né li demolisce. Valéry non ha una sua teoria, e tantomeno un sistema, è puro occhio pensante e voce poetante. Scrive oltre 26mila pagine, 261 quaderni, dalle 5 alle 8 del mattino quando gli sembra «di aver già vissuto con la mente tutta una giornata, e guadagnato il diritto di essere stupido fino alla sera». È quella l'ora al servizio della mente, il primo momento del giorno, «ancora puro e distaccato, poiché le cose di questo mondo, gli avvenimenti, i miei affari non s'impicciano ancora di me». Bisogna tentare di vivere, in raccolta solitudine. «Noi siamo il giocattolo di cose assenti che non hanno nemmeno bisogno di esistere per agire».

Valéry seguì il cammino della poesia assoluta di Mallarmé, ben sapendo che il poeta è il personaggio più vulnerabile della creazione, «cammina sulle mani». Gli dei, sostenne, ci concedono la grazia del primo verso, poi tocca a noi modellare il secondo. Valéry ritenne l'idea della morte la molla delle leggi, la madre delle religioni, l'agente della politica, l'essenziale eccitante della gloria e dei grandi amori, l'origine di tante ricerche e meditazioni. Senza di lei, la vita nuda è pura noia. Noi umani «ansiosi di sapere, troppo felici d'ignorare, cerchiamo in quel che è un rimedio a quel che non è, e in quel che non è un sollievo a quel che è». Sintesi perfetta della nostra imperfezione.
Lo splendore della sua intelligenza si acuisce nei suoi appunti dedicati all'amore, ai corpi, ai sogni. Il cammino del pensiero si accompagna alla musica che «desta e assopisce i sentimenti, si prende gioco dei ricordi e delle emozioni di cui sollecita, mescola, intreccia e scioglie i segreti comandi». Se i Quaderni, usciti in cinque volumi da Adelphi, sono la spina dorsale dell'opera di Valéry, le sue opere poetiche, incluso il poema Il cimitero marino, ne costituiscono il canto. E poi i suoi sparsi scritti, raccolti in antologie e florilegi di aforismi. Restò celebre di Valéry il richiamo alla fine delle civiltà in La crisi del pensiero: «Noi le civiltà ora sappiamo che siamo mortali», scrisse nel 1919. Così Valéry fu iscritto nella letteratura della crisi, avviata da Il tramonto dell'Occidente di Spengler. Nato a Cetty da gente di mare, metà còrso e metà italiano, Valéry colse le tre fonti dell'Europa nella Grecia, in Roma e nella cristianità e trovò nel Mediterraneo il cuore pensante dell'Europa. Per Valéry la nostra epoca è segnata dalla fine della durata, l'avvento del provvisorio e dell'ubiquità, il dominio dell'istante. Per sfuggire a questa tirannide non resterà che costruire chiostri rigorosamente isolati dai media e dalla realtà circostante: «è lì che in determinati giorni si andrà a osservare, attraverso le grate, alcuni esemplari di uomini liberi». Il Medioevo venturo.

Poi c'è il lato occultato di Valéry: il suo elogio della dittatura, in una prefazione a un libro di Salazar, «risposta inevitabile dello spirito quando non riconosce più nella conduzione degli affari, l'autorità, la continuità, l'unità». La visita a Mussolini e poi sulla scia della visione fascista, la fondazione del centro universitario mediterraneo nel '33, come scrive suo figlio François introducendo il taccuino I principi d'an-archia pura e applicata (uscito nell'82 da Guerini e Associati). Vicino a Pétain e poi a de Gaulle, Valéry si sentiva «di sinistra tra quelli di destra, di destra fra quelli di sinistra», anarchico e antipartitico - «più un uomo è intelligente, meno appartiene al suo partito» -, «di nessun colore politico. Io amo solamente la luce bianca». Difatti il pensiero di Valéry non dispensa tesi ma culmina nella luce bianca del Mediterraneo. Non condensa il pensiero in un testo ma nel paesaggio e nelle sue «tre o quattro divinità incontestabili: il Mare, il Cielo, il Sole». La verità esce dalla mente, dai libri e dal tempo e abita quello spazio luminoso. E tuttavia, anche là dove l'umano attinge la sua gioiosa perfezione, nell'armonia col paesaggio e nel ristoro dell'acqua e della luce, la mente non s'abbandona; e avverte che il sole illumina il mondo tramite un atroce dolore: «il tuo bagliore è un grido acuto, e il tuo supplizio brucia i nostri occhi». Lo splendore sorge dal dolore: la gioia della luce ha una fonte dolorosa. Il mistero del sole: nel suo fulgore, il poeta coglie l'incanto divino della luce, il pensatore penetra l'essenza tragica del mondo.

(Il Giornale, 12/11/2012)