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vendredi, 25 novembre 2022

Le deuxième monde, la semi-périphérie et l'État-civilisation dans la théorie du monde multipolaire

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Le deuxième monde, la semi-périphérie et l'État-civilisation dans la théorie du monde multipolaire

Première partie

Alexander Douguine

Source: https://www.geopolitika.ru/article/vtoroy-mir-poluperiferiya-i-gosudarstvo-civilizaciya-v-teorii-mnogopolyarnogo-mira-pervaya

Le présent article examine trois concepts : "second monde", semi-périphérie et État-civilisation comme concepts de base de la théorie du monde multipolaire. La publication de cet essai comportera trois parties.

La transition de la phase de l'unipolarité à la phase de la multipolarité et les trois concepts

Pour comprendre la transformation fondamentale de l'ordre mondial qui se déroule sous nos yeux, et surtout le passage d'un modèle unipolaire (mondialiste) à un modèle multipolaire, différentes unités conceptuelles et méthodes peuvent être utilisées. Ils devraient progressivement se développer en une théorie plus ou moins cohérente d'un monde multipolaire. J'ai proposé la première version de cette théorie dans mes livres "Multi-polar World Theory" [1] et "Multi-polar World Geopolitics" [2]. Mais ce ne sont que les premières approches d'un sujet très sérieux.

Dans cet article, j'ai voulu attirer l'attention sur trois concepts qui aideront le mieux à comprendre le contenu fondamental de la transition globale qui se déroule dans le système des relations internationales. C'est ce qui explique les grandes tendances, les conflits et les problèmes de notre époque - du conflit en Ukraine au problème de Taïwan et bien d'autres plus locaux. Si nous comprenons la structure de la transition par phase, nous comprendrons la signification des événements actuels. Mais cette transition elle-même nécessite également une description conceptuelle. C'est à cela que servent les trois concepts abordés dans cet article.

Le premier, le deuxième et le troisième monde

Tout d'abord, nous devons prêter attention à la théorie quelque peu oubliée aujourd'hui des "trois mondes", populaire à l'époque de la "guerre froide". C'est la base de la notion de "tiers monde" qui est devenue un concept populaire et persistant dans les théories des relations internationales et, plus largement, dans le langage politique [3]. Toutefois, l'expression "premier monde" n'a pas fait l'objet d'une élaboration similaire, tandis que le concept de "deuxième monde" n'a pratiquement jamais été utilisé. Toutefois, c'est le concept de "deuxième monde" et ses principales caractéristiques qui correspondent le mieux à l'ordre multipolaire et décrivent le mieux les principaux acteurs de la multipolarité.

La théorie des "trois mondes" - premier, deuxième et troisième - repose sur une évaluation du niveau de progrès technologique, de l'efficacité économique et des taux de croissance, de l'industrialisation et de la post-industrialisation, ainsi que de la place d'un pays dans la répartition mondiale de la main-d'œuvre.

"Le "premier monde" était considéré, à l'époque de la guerre froide, comme l'Occident, les États-Unis et leurs principaux alliés, y compris le Japon. L'"Occident" était considéré ici non pas géographiquement, mais civilisationnellement. La catégorie du "premier monde" comprenait les pays dotés d'une économie capitaliste développée, de régimes libéraux-démocratiques, d'une forte prévalence de centres urbains et industriels (haut niveau d'urbanisation), mais surtout de taux élevés de croissance économique, de potentiel scientifique et technique, de leadership financier, de possession des dernières formes d'armement, de domination dans la sphère stratégique, de médecine avancée, etc. qui dépassaient les autres "mondes". "Le Premier Monde était considéré comme le modèle ultime de la société humaine, l'avant-garde du progrès et l'expression visible de la destinée de toute l'humanité. Les deux autres mondes étaient considérés comme destinés à rattraper le "premier monde", en s'en rapprochant de plus en plus.

Puisque c'est le "premier monde" qui a été pris comme modèle universel, les "deux autres mondes" ont été décrits par comparaison avec lui.

Le "tiers monde" était l'exact opposé du "premier monde". Il s'agissait d'une zone très en retard par rapport à l'Occident, avec une économie stagnante et à faible développement (ou pas de développement du tout), avec un développement scientifique et technologique minimal, avec une monnaie instable, avec un stade initial de démocratie combiné à des institutions politiques archaïques, avec une armée faible et incapable, une faible industrialisation, avec une corruption omniprésente, une médecine peu développée, un analphabétisme généralisé et une population majoritairement rurale [4]. Le "tiers monde" était totalement dépendant du "premier monde" et parfois du "deuxième monde", et la souveraineté des pays appartenant au "tiers monde" était une simple convention sans contenu réel [5]. Le "premier monde" a estimé qu'il était de son devoir de prendre en charge le "tiers monde", d'où la théorie du "développement dépendant" [6], les gigantesques prêts non remboursables, l'instauration d'une curatelle directe sur les élites politiques, économiques et intellectuelles de ces pays, en partie intégrée dans les systèmes éducatifs du "premier monde".

Mais le "deuxième monde" à l'époque de la guerre froide était doté de certaines caractéristiques particulières. Il faisait référence aux régimes socialistes qui, bien que rejetant l'économie politique du capitalisme, c'est-à-dire en opposition idéologique directe avec le "premier monde", ont néanmoins atteint un niveau de développement comparable à celui des pays du "premier monde". Cependant, en termes d'indicateurs agrégés (dont les critères ont été formulés par le Premier Monde, ce qui permet un certain parti pris et une motivation idéologique), le Second Monde était toujours inférieur au Premier Monde. Toutefois, le décalage n'était pas aussi important que dans le cas du "tiers monde".

Le "deuxième monde" était compris comme désignant principalement l'URSS, mais aussi les pays du bloc de l'Est (surtout en Europe de l'Est).

Le concept de "deuxième monde" était important en tant que précédent pour que le "premier monde" reconnaisse que, même en suivant un scénario de développement alternatif au capitalisme libéral, il était possible d'obtenir des résultats cumulativement comparables à ceux de l'Occident. C'est ce qui distingue le "deuxième monde" du "troisième monde". Le "deuxième monde" avait le potentiel de s'opposer efficacement au premier et de contester l'universalité de son modèle. Et cette efficacité s'est traduite très concrètement en termes de taux de croissance économique, de nombre d'armes nucléaires, de niveau de potentiel scientifique, d'éducation, de protection sociale, d'urbanisation, d'industrialisation, etc.

Le "premier monde" correspondait au camp capitaliste occidental, le "second monde" au bloc de l'Est et aux pays socialistes.

Les deux mondes étaient en équilibre instable. Elle était instable parce que le "Premier Monde" insistait sur sa suprématie et que le "Second Monde" n'avait qu'à s'y opposer, en adoptant partiellement du "Premier Monde" certains éléments en matière d'économie, de technologie, etc.

"Le Premier Monde et le Second Monde ont projeté leur influence sur le Tiers Monde, qui était la principale zone de leur affrontement.

Tous les pays du tiers-monde étaient divisés en pays capitalistes et socialistes, bien qu'il existait également un "Mouvement des non-alignés" dont les membres tentaient de justifier leur propre stratégie de développement - sans capitalisme et socialisme dogmatiques. Mais celle-ci ne s'est pas constituée en une théorie indépendante et est devenue un système de compromis et de combinaisons en fonction de la situation spécifique. Les critères du "premier monde" (capitalisme) ou leur réinterprétation doctrinale dans l'idéologie du "second monde" (socialisme) ont tout de même servi de modèle.

L'axe principal de la politique internationale de l'époque de la guerre froide était donc la confrontation entre le "premier monde" et le "second monde". Cela s'est traduit par le modèle bipolaire.

Il est important de noter, comme le fait John Hobbson [7], que ce zonage des types de sociétés correspond à la triade classique de l'anthropologie raciste du 19ème siècle (Morgan [8], Tylor [9], etc.), qui distinguait la "civilisation", la "barbarie" et la "sauvagerie". Dans le même temps, le "blanc" correspondait à la "civilisation", le jaune à la "barbarie" et le noir à la "sauvagerie". Ce modèle n'a été définitivement abandonné dans l'anthropologie occidentale qu'après la Seconde Guerre mondiale, mais il a été conservé dans le but d'évaluer le développement politique et économique des pays et des sociétés.

Ainsi, le "premier monde" en est venu à être identifié aux "civilisations" (auparavant, à "l'homme blanc" et son "fardeau" chez Kipling) ; le "deuxième monde" à la "barbarie" (d'où le proverbe raciste "grattez un Russe et vous trouverez un Tatar") ; le "troisième monde" à la "sauvagerie" - aux "peuples d'Afrique et d'Océanie" (généralement aux "Noirs").

Le deuxième monde : une définition élargie

Une chose à noter ici est qu'à l'époque de la guerre froide, les choses étaient généralement ignorées. L'Empire russe du XVIIIe siècle et du début du XXe siècle était également un tel "deuxième monde" par rapport à l'Occident. Alors que l'industrialisation bat son plein en Europe occidentale, l'Empire russe est encore un pays essentiellement agraire. Le capitalisme et la démocratie bourgeoise sont établis en Europe occidentale, tandis que l'Empire russe maintient la monarchie. Des centres scientifiques autonomes fonctionnaient en Europe occidentale, tandis que l'Empire russe copiait assidûment la science et l'éducation européennes. Mais néanmoins, l'Empire russe était tout à fait capable de tenir tête à l'Occident, de défendre sa souveraineté et son mode de vie, et de gagner des guerres.

Cette observation modifie considérablement le contenu du concept de "deuxième monde". S'il est applicable à la fois à l'URSS et aux pays sous son influence et à l'Empire russe, qui occupaient approximativement le même territoire, il doit être compris comme quelque chose de plus généralisé que l'URSS.

"Le Second Monde", au sens large, est un modèle politico-économique et idéologique alternatif au capitalisme mondial qui conteste la domination et l'hégémonie de l'Occident (le Premier Monde).

En ce sens, la chute de l'URSS, bien qu'elle ait été une catastrophe pour le "deuxième monde" (comme la chute de l'Empire russe avant elle), n'a pas été sa fin. Déjà après 1991, de nouveaux contours du "deuxième monde" ont commencé à se dessiner. Un certain nombre de pays qui avaient été considérés comme le "tiers monde" pendant la guerre froide - la Chine, l'Inde, le Brésil, l'Afrique du Sud - ont fait une percée fulgurante et ont atteint un niveau de développement comparable à celui du "premier monde" en trois décennies. Bien sûr, ils ont surtout utilisé la boîte à outils du capitalisme mondial pour y parvenir, mais ils ont su adapter cette boîte à outils de manière à préserver leur souveraineté et à faire bon usage du capitalisme (plutôt que l'inverse - comme avec les réformes libérales en Europe de l'Est et en Russie dans les années 1990).

Depuis le début des années 2000, avec l'accession au pouvoir de Vladimir Poutine en Russie, la Russie, héritière du "deuxième monde" de l'étape précédente, a progressivement commencé à restaurer sa souveraineté géopolitique. Mais cette fois, un modèle multipolaire plutôt que bipolaire a commencé à prendre forme. Ici, le "premier monde" n'était pas opposé à une seule puissance, mais à plusieurs. Et l'idéologie de cette confrontation (qui s'est réalisée dans chaque centre du "deuxième monde" avec des degrés variables de radicalité et de clarté idéologique) n'était pas le socialisme (à l'exception de la Chine), mais un antimondialisme indéfini et un rejet purement réaliste de l'hégémonie occidentale (principalement nord-américaine).

Les pays du "second monde" ne formaient pas un bloc idéologique. Ils sont devenus une ceinture objective de puissances, revendiquant leur propre voie, qualitativement différente du mondialisme du "premier monde".

Les politologues et les économistes ont constaté ce phénomène comme un fait accompli, réunissant les pays du "deuxième monde" de l'ère post-bipolaire dans la construction conventionnelle du BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), puis après l'inclusion de l'Afrique du Sud, du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud).

À un certain moment, les gouvernements des BRICS ont compris le raisonnement objectif derrière ce zonage de la civilisation et ont commencé à développer leurs relations dans le cadre de ce paradigme. Ainsi a commencé la formation prudente et progressive d'un nouveau modèle de "deuxième monde". Cette fois-ci multipolaire, car chaque membre des BRICS est un phénomène souverain, indépendant des autres membres du club.

Dans le système des BRICS, la Russie est le leader militaire incontesté et en partie le leader en matière de ressources.

La Chine est le leader économique incontesté.

L'Inde est le troisième pôle le plus important, avec une infrastructure économique et industrielle solide, une démographie impressionnante et une société hautement consolidée sur le plan politique.

Le Brésil représente symboliquement l'ensemble de l'Amérique latine et son énorme potentiel (pas encore totalement révélé), ainsi qu'une puissance forte à forte composante militaire, commerciale et scientifique.

L'Afrique du Sud, étant l'un des pays les plus développés du continent africain, représente aussi symboliquement la nouvelle Afrique post-coloniale - avec son énorme potentiel.

A suivre

Notes:

[1] Dugin A.  The Theory of a Multipolar World.  Budapest: Arktos Media Ltd, 2021.

[2] Dugin A.   Geopolítica del mundo multipolar Santiago de Chile: . Ignacio Carrera Pinto Ediciones, 2022.

[3] Aijaz Ch. K. The political economy of development and underdevelopment. New York: Random House, 1973.

[4] Rangel C. Third World Ideology and Western Reality. New Brunswick: Transaction Books, 1986.

[5] Krasner S.D. Sovereignty: Organized Hypocrisy. Princeton: Princeton University Press, 1999.

[6] Cardoso F., Falleto E. Dependency and Development in Latin America. Berkeley: University of California Press. 1979; Ghosh, B.N. Dependency Theory Revisited. Farnham, UK: Ashgate Press. 2001.

[7] Hobson J. The Eurocentric Conception of World Politics: Western International Theory,

1760–2010. Cambridge: Cambridge University Press, 2012.

[8] Morgan Lewis Henry. Ancient Society. Tucson: The University of. Arizona Press, 1995.

[9] Tylor Edward Burnett. Researches into the Early History of Mankind and the Development of Civilization. London J. Murray, 1865.

vendredi, 24 septembre 2010

Samir Amin et la notion de "déconnexion"

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1986

Samir Amin et la notion de "déconnexion"

Les thèses de l'économiste égyptien Samir AMIN, dont la réputation internatio- nale est désormais un fait acquis, demeurent objets de débat de fond. Ce qui indique leur importance. Dans La déconnexion, livre essentiellement consacré aux différentes hypothèses sérieuses de "sortie" hors du système mondial, Samir AMIN passe en revue les différentes expériences de "déconnexion" tentées dans plusieurs régions du Tiers Monde et nous propose une grille analytique inspirée du marxisme.

 

Il ne s'agit pas, pour l'auteur, de plaquer sur la diversité du réel une grille théorique et dogmatique. Comme Alain LIPIETZ, Samir AMIN ne croit pas que le marxisme soit une idéologie réductrice de la réalité à des déterminismes socio-économi- ques. Autrement dit, appuyant ses réflexions sur les écrits des "papes" du marxisme (MARX, LENINE mais aussi et surtout MAO ZEDONG), AMIN nie que, selon le principe orthodoxe bien connu, "l'économie, ce soit le destin".

 

La prise en compte nécessaire des cri- tères quantitatifs que sont les faits économiques et sociaux (investissements productifs, capital financier international, niveau de développement des nations selon les indices mondiaux que sont le PNB, le revenu par tête, etc.) ne signifie pas que l'on débouche obligatoirement sur un réductionnisme économique. Comme chez LIPIETZ, le "marxisme" de Samir AMIN est une méthodologie. Bien évidemment, nous ne suivrons pas l'économiste égyptien quand il affirme que le "matérialisme historique" est une clef essentielle d'appréhension du réel. Pourtant, il est utile de bien lire l'évolution de cette école "néo-marxiste" (eux-mêmes préférant se proclamer vrais continuateurs du marxisme-léninisme) qui tend à intégrer de nouveaux champs dans la tentative de compréhension du réel.

 

Un des champs nouveaux explorés par cette école est celui des peuples et des nations. Selon eux, il est autant impossible de faire l'impasse sur l'existence de communautés humaines structurées par une histoire et une langue commune, qu'il peut être indispensable de souligner l'hétérogénéi- té culturelle positive de ces peuples. Le "marxisme" orthodoxe refusait cette prise en compte au nom d'une démonie de l'économie qui, selon les néo-marxistes, était "anti-scientifique".

 

En appuyant ses recherches sur cette nouvelle réflexion, AMIN tente donc de faire le bilan des diverses voies choisies pour échapper au système de mondialisation économiste. Critiquant avec vigueur certaines écoles d'obédience marxiste, il constate que le capitalisme a engendré deux phénomènes apparemment contradictoires mais au fond analogues dans leurs effets: d'une part, un phénomène dit "d'hétérogénéi- sation" qui tend à diviser le monde en deux groupes économiques et humains différents et, d'autre part, un phénomène "d'homogé- néisation" ou encore de "mondialisation".

 

La première tendance est la conséquence du phénomène de "dualisation" du monde. D'un côté, un hémisphère développé économiquement, où les niveaux de vie moyens des citoyens assurent la satisfaction non seulement des besoins essentiels (nourriture, soins, éducation) mais de besoins plus artificiels (possession de biens de con- sommation à moyenne valeur ajoutée et à rapide obsolescence: télévisions, voitures automobiles à large diffusion, etc...). Cet hémisphère, Samir AMIN le nomme "euro- péen", puisque le capitalisme a été et reste encore synonyme de l'expansion européenne et du néo-colonialisme. Nous préférons, pour notre part, en nous référant à d'autres séries de critères, le nommer occidental. L'Europe fait bien sûr partie des régions ayant un très haut niveau de vie, et ayant quasi totalement éliminé les grands risques de misère collective à grande échelle que subissent encore les populations du Tiers Monde.

 

Mais d'un autre point de vue, l'Europe est aussi partie intégrante de ce même "Tiers Monde". Si on veut bien refuser le critère exclusivement économique, ou même le critère racial, les Européens sont autant victimes de la croissance du capitalisme mondial que les peuples exploités du Tiers Monde. Prenons, par exemple, le critère culturel. L'éradication des cultures autochtones au profit d'une conception "civilisatrice" mondialisée, véhiculée par les médias occidentaux, touche autant les peuples européens que ceux du Tiers Monde. La manipulation médiatique constitue même une étape supérieure de colonisation que ne connaissent pas tous les citoyens des peuples moins avancés (PMA), en ce sens que les réseaux de diffusion et d'alphabétisation limitent encore cette stratégie de pénétration culturelle par les grandes firmes de production transnationalisées.

 

Face à ce premier hémisphère, une nébuleuse unie par une même situation de dépendance économique et financière: le Tiers Monde. La volonté déclarée pour ces derniers d'assurer à leurs peuples un niveau de vie décent leur permettant la satisfaction des besoins minimaux à chaque être humain, induit les dirigeants des pays concernés à choisir une politique de libération nationale. La décolonisation opérée dans les années 50 et 60 en est l'exemple historique le plus évident. Mais cette étape "politique" de conquête de l'indépendance nationale est-elle suffisante? Non, répond AMIN. Elle est l'étape préliminaire, mais ne résoud aucun des vrais problèmes qui se posent dans notre économie-monde.

 

En effet, l'interdépendance croissante entre les Etats indépendants (juridiquement parlant) assure une nouvelle forme de domination sur les peuples pauvres par les firmes transnationales et les Etats capitalistes d'Occident. Le vrai problème qu'il faut alors résoudre est d'intégrer ou de déconnecter par rapport à ce système dominant qui est précisément le système capitaliste.

 

Intégration qui peut signifier soit surexploitation des forces de travail (les stratégies de délocalisation se justifient alors en termes de coût) soit surexploitation des richesses locales (les profits sont en général transférés à l'extérieur et profitent très médiocrement à l'expansion locale) soit, enfin, augmentation réelle du niveau de vie des habitants (le cas des pays semi-industrialisés comme la Corée du Sud ou Singapour). En fait, les cas d'espèces se traduisent en général par les deux premières hypothèses. Le pouvoir politique local peut alors se tourner vers trois hypothèses majeures: dans un premier cas, il peut "jouer le jeu" du système; on constate alors le développement d'une bourgeoisie locale et quelquefois même de classes moyennes. Il y a aussi, concomittant à ce fait, aggravation des inégalités, augmentation de la migration rurale vers les villes et phénomènes indirects de "mondialisation" culturelle, en particulier consommatoires. Le pouvoir peut ensuite tenter de prendre le contrôle des richesses nationales afin de mieux répartir les bénéfices de la croissance. Selon AMIN, il ne s'agit pas encore de "construire le socialisme" mais de mieux équilibrer la croissance. La bourgeoisie devient alors "nationaliste" et prétend représenter les intérêts du peuple. Loin de condamner cette tendance nationale et populaire de certains Etats et dirigeants du Tiers Monde (NASSER en Egypte, SOEKARNO en Indonésie, etc.) au nom d'un marxisme pur et dur, AMIN considère cette étape comme globalement positive et réfute les critiques dogmatiques portées à leur encontre. A ce propos, il ne se prive pas de critiquer les thèses de "marxistes occidentaux" qui, tel Bill WARREN, ont une position hostile à tout mouvement national, au nom d'une orthodoxie idéologique et qui, AMIN le souligne, rejoint bizarrement les thèses mondialistes des ultra-conservateurs néo-libéraux des dirigeants des organismes financiers internationaux (FMI, Banque Mondiale, etc...).

 

Enfin, les dirigeants peuvent décider la déconnexion. Celle-ci n'est pas une rupture brutale, pas plus d'ailleurs qu'un régime strict d'autarcie absolue. La déconnexion se présente comme la création politique d'une économie autocentrée et autorégulée. La rupture est le résultat de cette volonté de ne plus se plier aux règles établies par les bénéficiaires du système capitaliste. Par exemple en substituant à la loi de la valeur internationale la loi de la valeur nationale. A ce titre, Samir AMIN donne en exemple la voie maoïste. La déconnexion opérée pendant de nombreuses années par le gouvernement chinois a permis à la société chinoise de mettre en pratique un principe essentiel: ne compter que sur ses propres forces. Pour MAO, la révolution soviétique de Russie avait commis une grossière erreur: elle avait refusé de s'appuyer sur le binôme campagnes/villes en suivant une politique planifiée de ponctions sur la production rurale. D'où, selon MAO, la tendance dite "révisionniste" du soviétisme, qui assurait la prédominance de la ville sur la campagne.

 

Enfin, Samir AMIN propose une analyse sur quelques tentatives selon lui incohérentes de déconnexion: le mouvement des Verts en RFA et la révolution populaire islamique. On regrettera la faiblesse et la légereté avec lesquelles ces deux sujets sont ici traités. Mais, globalement, le livre d'AMIN est richissime en pistes idéologiques.

 

Ange SAMPIERU.

 

Samir AMIN, La déconnexion. Pour sortir du système mondial, Editions La Découverte, Paris, 1986, 120 FF.

 

vendredi, 02 octobre 2009

Charles Michel en denken op lange termijn...

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Charles Michel en denken op lange termijn...

Geplaatst door yvespernet op 23 september 2009

…blijkt geen goede combinatie. En waar blijkt dit uit?

…blijkt geen goede combinatie. Aanleiding hiervoor?
http://www.hln.be/hln/nl/2659/Voedselcrisis/article/detail/1000036/2009/09/22/Eindelijk-Michel-pleit-om-honger-te-bestrijden-met-melk-die-boeren-wegkappen.dhtml
Elke vijf seconden overlijdt in de wereld een kind van de honger, en boze boeren gieten hier in Europa de melk met de miljoenen liters uit op hun akkers: heel veel mensen hebben het hier bijzonder moeilijk mee en ze worden eindelijk bijgetreden door een politicus.
Pleidooi
Onze minister voor Ontwikkelingssamenwerking Charles Michel gaat bij EU-voorzitter Zweden en bij de Verenigde Naties bepleiten om de melk die boze boeren nu op hun akkers lozen naar landen te sturen waar hongersnood heerst, zoals Somalië, Ethiopië en Kenia….blijkt geen goede combinatie. Aanleiding hiervoor?

http://www.hln.be/hln/nl/2659/Voedselcrisis/article/detail/1000036/2009/09/22/Eindelijk-Michel-pleit-om-honger-te-bestrijden-met-melk-die-boeren-wegkappen.dhtml

Elke vijf seconden overlijdt in de wereld een kind van de honger, en boze boeren gieten hier in Europa de melk met de miljoenen liters uit op hun akkers: heel veel mensen hebben het hier bijzonder moeilijk mee en ze worden eindelijk bijgetreden door een politicus. [...] Onze minister voor Ontwikkelingssamenwerking Charles Michel gaat bij EU-voorzitter Zweden en bij de Verenigde Naties bepleiten om de melk die boze boeren nu op hun akkers lozen naar landen te sturen waar hongersnood heerst, zoals Somalië, Ethiopië en Kenia.

lk geef toe, het klinkt allemaal simpel en heel nobel. Wij hebben voedsel te veel, zij hebben voedsel teveel. Maar door de landbouwoverschotten te gaan weggeven, ga je niets oplossen. Sterker nog, dan ga je de zaken veel erger maken. Één van de grootste problemen van Afrika zit immers in de kapitaalsconcentratie. Je hebt een kleine topklasse met enorm veel geld, een enorme onderlaag met niets en daartussen zit amper iemand. Er is in andere woorden geen middenstand in Afrika, geen lokale ondernemers, geen “burgerij” (in de mate dat die term volledig toepasbaar is hier).

Wat gaat gratis voedsel weggeven veroorzaken? In gebieden waar enkel een economische woestenij is, kan dat inderdaad problemen op korte termijn oplossen. In gebieden waar er nog een iewat onafhankelijk economisch leven is, onafhankelijk van de grote elites aan de top en waar de middenstand genoeg kapitaal kan vergaren om te overleven, is dit soort beleid een regelrechte ramp! Laten we ons even verplaatsen in de geest van de gemiddelde Afrikaanse consument in die laatste gebieden. Je hebt honger en je kan kiezen:

  1. Voedsel bij de lokale winkel kopen en kapitaal verliezen.
  2. Voedsel krijgen bij de voedselbedeling uit westerse landen.

Het overgrote merendeel zal voor optie twee kiezen. Dit zorgt echter voor een verarming van de lokale Afrikaanse economie en een verergering van de economische toestand in Afrika. Iets dat destijds ook gebeurd is in de vleesmarkten rond de Sahel-landen waar de gratis voedseloverschotten vanuit Europa uiteindelijk een economische sector in opbouw, die op lange termijn had kunnen zorgen voor een onafhankelijkheid van die landen voor voedselvoorraad, instortte. Men zou beter dit voedsel aan goedkope prijzen verkopen aan de lokale middenstand gecombineerd met een beleid waarbij microkredieten een prominente rol spelen.

 

vendredi, 05 juin 2009

L'Afrique malade de ses hommes politiques

« L'Afrique malade de ses hommes politiques »

Ex: http://www.polemia.com/

Robert Dussey, Ddocteur en philosophie politique, propose une analyse de la situation politique et économique du continent africain qu’il voudrait dégagée de tout préjugé. Comme le titre de son ouvrage pourrait le laisser penser, l’étude entreprise devrait porter sur l’élite politique africaine et les travers de cette société qui portent une large responsabilité dans les difficultés et retards que connaît ce continent.

D’emblée l’auteur  fait preuve de lucidité en reconnaissant que la reconstruction de l’Afrique sera longue, aléatoire et difficile, résultant de l’instauration d’un Etat de droit et d’institutions démocratiques. Pour être durable, elle doit être avant tout assumée par les Africains eux-mêmes et sortir de la marginalité qui la caractérise. Les conditions déterminantes restant la paix, facteur de stabilité, et l’intégrité de dirigeants soucieux de servir. Cette approche nouvelle et courageuse ne résiste toutefois guère aux stéréotypes et glisse très vite vers la mise en accusation de l’Occident. Si l’irresponsabilité des hommes politiques y est dénoncée, le lecteur comprend également que les intellectuels, à l’instar de l’auteur, ne parviennent pas à pousser suffisamment l’analyse pour se contenter de trouver des boucs émissaires faciles et complaisants, à savoir les ex-puissances coloniales. On y revient toujours sans pour autant faire avancer la réflexion ni vraiment contribuer à sortir l’Afrique des ses retards et de sa marginalité.

A défaut de traiter un sujet de grand intérêt, cet écrit a le mérite d’illustrer les travers de la vision conformiste portée sur l’Afrique depuis plus de quarante ans.

L’Afrique : une souveraineté au rabais

Après avoir une nouvelle fois constaté que la guerre, l’instabilité et la dégradation des conditions économiques et sociales ont marqué depuis les indépendances une constante dans ces pays, on retrouve l’habituelle accusation à l’égard des anciennes puissances coloniales qui ont sauvegardé leurs intérêts stratégiques en accordant aux africains une souveraineté au rabais. Les conflits qui ont redoublés depuis la fin de la guerre froide sont bien entendu l’héritage du colonialisme et des actions agressives de l’Occident qui gênent la progression des pays africains dans la voie de l’indépendance politique et du renouveau économique et social.

L’auteur cherche les raisons de la volonté de domination de l’Occident et s’attaque à la pensée hégélienne. Pour celle-ci, la raison gouvernant le monde, « le monde de l’Esprit » domine les sociétés. Ce monde est celui de la culture qui s’oppose à l’état de nature. L’Afrique, proche de l’état de nature, ne fait pas partie du « monde de l’Esprit » et se situe de ce fait hors du champ de l’Histoire. L’auteur nous affirme même que pour les hégéliens, parce que la Grèce est la terre natale de la pensée occidentale, toute pensée qui ne viendrait pas de l’Occident serait considérée comme fausse et serait donc à l’origine de son complexe de supériorité, de son mépris pour l’Afrique et de sa méconnaissance de l’histoire africaine.

Si l’Occident, comme toute grande civilisation, a pu avoir un complexe de supériorité il est inexacte de prétendre qu’il considère toute autre pensée comme fausse. Dès le Moyen-âge celui-ci s’est penché sur les différentes pensées originaires d’Orient ou même d’Extrême-Orient ; la réciproque n’étant pas toujours vraie. Par ailleurs, ce n’est pas en prétendant que l’Afrique aurait assumé le premier rôle civilisateur du monde, et donc en cherchant stupidement à renverser ce complexe de supériorité, que l’auteur fera avancer la réflexion. Affirmer derechef que les Africains auraient perdu leur dynamisme à cause de la brutalité de la colonisation et qu’ils seraient traumatiser en raison de la domination axée sur la force des armes modernes est une excuse plus que surannée. Ce n’est pas en ayant recours à ce type de raisonnement que l’élite intellectuelle africaine va aider ses peuples. Rappelons que les peuples d’Asie ont eux aussi connu la colonisation avec les mêmes moyens et qu’ils ne manquent pas pour autant de dynamisme, ni ne passe leur temps à expliquer leurs échecs comme étant la conséquence d’une colonisation qu’une majorité d’entre eux n’a jamais connue. On peut d’ailleurs se demander à juste titre si cela ne serait pas dû au haut degré de civilisation auquel étaient parvenus les peuples d’Asie avant leur colonisation par les puissances occidentales. Et que dire de l’Occident lui-même qui a subit deux conflits successifs d’une violence sans égale par ailleurs et qui a su retrouver les ressources et le dynamisme nécessaires pour se reconstruire.

De plus, établir naïvement une différence entre ceux qui prennent sans rien donner, les Occidentaux, et ceux qui comme les Chinois et les Soviétiques concevraient la coopération en termes d’échange et d’intérêts réciproques est une preuve supplémentaire d’un acharnement contre l’Occident.

L’Afrique est certainement soumise à des influences et des tentatives de domination comme le sont tous les autres peuples. Est-il nécessaire de répéter qu’il n’y a qu’une lutte de tous contre tous et que la puissance de certaines n’est que le résultat de leur propre capacité et de leur volonté ? Les jeux d’influence ont toujours existé et existeront toujours.

L’Afrique : héritage d’autoritarisme légué par l’administration coloniale.

Affirmer encore, comme le fait Robert Dussey, que la situation dans laquelle se trouve l’Afrique est le résultat d’un appauvrissement systématique qui a été rigoureusement planifié dans le cadre de la domination capitaliste relève là encore d’un discours formaté, séquelle de la propagande des années 70.

La conjonction de l’attitude des impérialistes et de la gestion déprédatrice des élites dirigeantes africaines aurait, selon lui, une influence négative sur l’attitude des populations à l’égard du travail. Le sujet mériterait d’être approfondi et répondrait parfaitement à l’objet du livre mais encore une fois ce n’est pas ce que fait l’auteur. Il se contente de renchérir en avançant que les sources de l’autoritarisme ne tiennent pas de la tradition africaine, mais sont bien évidemment une résultante de l’intrusion européenne. Si l’Etat en Afrique fonctionne la plupart du temps sur la mode prébendier et parasitaire c’est là encore une conséquence de l’Etat colonial qui a joué un rôle par l’intermédiaire des élites mise en place. Ainsi, les relations difficiles qui existent entre l’Etat et la société devraient beaucoup à l’héritage d’autoritarisme légué par l’administration coloniale.

A ceci s’ajoute le clientélisme qui étouffe toute velléité démocratique. Ce clientélisme est essentiellement ethnique et est considéré par certains gouvernants comme une variable incontournable de l’espace politique africain. Cela ne faisant qu’amplifier les innombrables tensions sociales, la concurrence économique y est également étouffée et maintient donc un état de pauvreté ne laissant comme seule alternative de se tourner vers la communauté internationale.

Inutile de préciser que ces bailleurs de fonds sont les Etats honnis de l’Occident. Ceux-ci finissant par s’opposer à ces pratiques et à promouvoir la démocratie dans le seul but de protéger leurs intérêts.

L’auteur admet cependant qu’à tous les niveaux de la vie sociale, politique et économique le sentiment tribaliste prime sur le sentiment national. Ce caractère constitutif se retrouve pratiquement dans l’ensemble des pays africains. Il n’est pas le seul. D’un point de vue social et culturel, on y retrouve des situations désuètes, un niveau général d’instruction extrêmement faible, une sous-administration, un état sanitaire défectueux, une croissance démographique galopante et le transfert de certains profits en Occident au lieu de les réinvestir. En outre, toujours selon lui, les responsables politiques africains ayant un niveau intellectuel indispensable pour assumer la tâche du redressement sont peu nombreux. A l’échelle du continent même, les africains sont incapables de s’entendre pour former une véritable Union africaine. Pour lui, sur presque tous les points les pays africains sont en retard. l’Organisation de l’unité africaine a échoué.

Echec de l’Organisation de l’unité africaine et de l’Union africaine.

Non seulement l’OUA a échoué mais la nouvelle Union africaine déçoit déjà. Elle ne parvient pas à créer les conditions d’une véritable unité politique, économique et culturelle. Il n’existe toujours pas de véritable coopération technique, politique, économique et culturelle entre Etats. L’Union africaine reste prisonnière d’une majorité d’Etats non-démocratiques.

En l’an 2000, environ 75.1% d’entre eux vivaient en dessous du seuil de pauvreté et 60.3% dans une extrême pauvreté. Les Etats discrédités tendent à se retirer de la sphère sociale et les dépenses publiques ne cessent de diminuer. Leurs dirigeants n’ont pas eu de vision économique stratégique ou prospective. La discussion se focalise sur la variable politique comme s’il s’agissait de la seule dimension. De 1965 à 1985, puis de 1985 à 2003, la croissance annuelle du PNB africain par tête n’a été en moyenne que de 2%. La production alimentaire n’a pas suivi la croissance démographique.

Cet échec économique trouverait son origine dans l’attitude des élites africaines à l’égard du colonialisme considéré comme « mauvais » et à travers lui du libéralisme. Par rejet de ce dernier ces élites se sont tournées vers l’économie planifiée où l’Etat s’est doté d’importants pouvoirs économiques qui se sont progressivement concentrés entre les mains d’un seul. Mauvaises orientations et restrictions ont miné ces économies alors qu’en parallèle les dépenses militaires connaissaient une forte augmentation.

Une telle situation de faiblesse a mis le continent à la merci des grandes sociétés étrangères qui aujourd’hui le dominent et l’exploitent. L’auteur va même jusqu’à affirmer que les guerres étant un facteur efficace de déstabilisation, toute une politique de création de conflits permanents a été élaborée par les ennemis de l’Afrique en vue de l’affaiblir encore. L’Afrique serait devenue un champ de bataille pour les compagnies occidentales souvent soutenues par leurs états respectifs. Ce point, pertinent, mériterait d’être développé et illustré, même si cela doit être fait avec précaution. C’est d’ailleurs sur de tels points que l’auteur devrait mettre l’emphase mais malheureusement le lecteur reste sur sa fin. Plutôt que de ratiociner sur le colonialisme, une analyse claire et sans parti pris sur la situation actuelle apporterait plus et permettrait d’identifier les acteurs de ces manipulations et leurs complices locaux. Cela n’est certes pas chose facile et sans doute sans danger mais éviterait de s’égarer dans des réflexions dépassées qui détournent des vrais enjeux actuels.

Corruption et inaptitude

Reconnaissons cependant la dénonciation que fait Robert Dussey du coût économique de la corruption et de l’inaptitude de plus de la moitié des hommes politiques africains à gouverner. Ceux-ci sont incapables de fournir les biens collectifs essentiels ni d’imposer la primauté du droit ou d’assurer la sécurité. Cet abandon - ou hélas cette volonté de ne rien faire pour améliorer la situation – a généré une irresponsabilité collective qui se manifeste par la privatisation par chacun de la parcelle d’Etat dont il dispose, sans respect du bien commun. Une complicité plus ou moins mafieuse finissant par s’établir entre les dirigeants politiques et les opérateurs économiques.

La conséquence de tout cela est que l’Afrique a perdu de son importance économique. La communauté internationale, par le biais d’organismes comme la Banque mondiale ou le Front monétaire international, est devenue plus interventionniste tant sur le plan économique que budgétaire. L’endettement est chronique – sa dette extérieure a triplée de 1980 à 2000 - et l’Afrique ne parvient pas à s’adapter au marché mondial. La part de l’Afrique dans le marché mondial ne cesse d’ailleurs de décroitre, passant de 4.5% dans les années soixante à 2% actuellement. Ce qui relativise les affirmations de l’auteur sur l’obsession de domination économique de l’Occident.

Les raisons de ce recul seraient l’application des accords du cycle de l’Uruguay qui font perdre à L’Afrique noire son statue privilégié sur le marché européen et accélèrent son exclusion définitive. A la différence de la majorité des autres pays de Tiers-Monde, L’Afrique n’a pas modifié la structure de ses exportations, elle a perdu en compétitivité. La chute de ses exportations s’est accompagnée d’une baisse de 50% des importations par tête. L’Afrique représentait 2.4% des exportations mondiales en 1970, 1.7% en 1986 et seulement 1% en 2004. Elle est désormais directement concurrencée par les autres pays en voie de développement, notamment les pays asiatiques. Les investissements directs étrangers ont représenté entre 1990 et 2000 1% du total des investissements contre 40% pour l’Asie.

C’est donc plus d’un désintérêt croissant de la part de l’Occident que devraient s’inquiéter les intellectuels Africains. Et si l’Aide publique au développement (APD) apparait pour eux comme une mise sous tutelle qui déresponsabilise les africains la cause ne teint-elle pas plus à l’Afrique elle-même plutôt qu’à la volonté de domination de puissances tiers?

L’Afrique aurait, toujours selon l’auteur, une masse critique de chercheurs et de praticiens de tous niveaux qui serait détournée au profit de l’étranger. Là encore, ne renverse-t-on pas la logique des faits ? Ne serait-ce pas ces chercheurs et praticiens qui fuient l’Afrique vers des pays étrangers qui ont déjà des difficultés pour fournir des emplois décents à leurs propres élites? Ce n’est certainement pas l’Occident qui arrache les chercheurs et praticiens africains à leurs continents mais biens ceux-ci qui veulent s’y installer alors qu’il n’y a pas de véritable demande les concernant. C’est sur ces points importants que l’on était en droit d’attendre une réflexion approfondie de la part de Robert Dussey. Les élites politiques ne sont pas les seuls à porter la responsabilité du naufrage de leur continent. Les intellectuels africains portent dans leur ensemble une part de responsabilité dans la situation actuelle. Ne nions pas les influences extérieures qui s’exercent à son encontre, comme sur tous les continents, mais puisque Robert Dussey évoque les pays asiatiques à plusieurs reprises, une analyse comparative sur leur évolution depuis la fin du colonialisme serait la bienvenue. Certes, comparaison n’est pas raison, mais une telle démarche permettrait sans aucun doute d’identifier les facteurs qui ont conduit l’Afrique vers sa marginalisation.


Admettons le en toute honnêteté, ce livre est décevant et n’apporte rien de fondamentalement nouveau sur le sujet. On y trouve certes quelques chiffres utiles mais non la réflexion pertinente ni l’approche nouvelle que pouvait laisser entrevoir le titre. L’auteur, à travers sa mise en accusation répétée de l’Occident, illustre parfaitement cette irresponsabilité des intellectuels qui cherchent plus des boucs émissaires qu’à identifier froidement les raisons de leurs échecs. Dénoncer le prétendu complexe de supériorité de l’Occident n’exonère pas du comportement indigent de l’élite africaine. L’incapacité de certains hommes politiques africains à diriger leur Etat est trop souvent une incitation à l’interventionnisme. C’est l’assistanat qui est à la source de cet interventionnisme. Comment ne pas se substituer à ces acteurs ineptes alors que les moyens financiers mis à disposition ne sont pas les leurs ? Ne pas intervenir serait pire et équivaudrait à  non assistance à continent en faillite.

Bruno Odier
22/05/09
Polémia
25/05/09

Docteur en philosophie politique, Robert Dussey est universitaire : il enseigne à l'université de Lomé et à l'ENA du Togo, notamment sur les questions de paix, de gestion et de résolution des conflits. Il est actuellement conseiller diplomatique du Président de la République du Togo.

Robert Dussey, L'Afrique malade de ses hommes politiques : Inconscience, irresponsabilité, ignorance ou innocence ?, Picollec, 2008, 252p.

dimanche, 07 décembre 2008

Occidentalisme

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Occidentalisme

Gevonden op: http://yvespernet.wordpress.com

Een paar dagen geleden heb ik nieuwe aankopen gedaan in De Groene Waterman. Één van mijn aankopen was het volgende boek: “Occidentalisme: het Westen in de ogen van zijn vijanden” van Uitgeverij Olympus. Autheurs zijn Ian Buruma en Ashivai Margalit. Het geeft een interessante kijk op de vijandige denkwijzes tegenover het Westen. Van de anti-modernistische conferentie van Kyoto van 1942 tot en met het huidige islamisme. Ook het stuk over het verschil in denkwijze, en de onmogelijkheid om elkaar te verstaan, tussen de Russisch-Orthodoxen en de Amerikaanse protestanten is interessant. Het geeft ook goed weer hoe de aanslagen van 11 september 2001 enorme hoeveelheden symboliek met zich meedroegen.

Ook de afkeer van traditionalisten en anderen tegenover steden komt uitgebreid aan bod, met vaak verrassende citaten en anekdotes tot gevolg. Op pagina 30 bijvoorbeeld:

Friedrich Engels zag iets ‘afstotelijks’ in de stedelijke massa’s van Manchester en Londen, ‘iets waartegen de menselijke natuur rebelleert’. De stad is waar mensen van ‘alle rangen en standen langs elkaar heen drommen’, lukraak, willekeurig en vooral onverschillig”.

Een visie die ook gedeeld wordt T.S. Eliot die in zijn poëzie uithaalde tegenover de goddeloosheid van de steden. Maar ook een Sayyid Qutb, islamitisch denker, die in 1948 New York bezocht, vond de steden een afgrijselijk iets. Hij nam aanstoot aan “de atmosfeer van verleiding, de schokkende sensualiteit van het dagelijks leven en het onbetamelijke gedrag van Amerikaanse vrouwen” (pagina 36).

Een rode lijn in het boek is de clash tussen de traditionalisten, ongeacht hun culturele en religieuze achtergrond, die de “modernisten” hoogmoed verwijten. Steden worden beschouwd als plaatsen van verderf, waar de islam ze in het verleden als bakens van kennis tenmidde van woestijnen nomadische onwetendheid zag, de hoogmoed en speculatiedrang van handelaars op de beurs wordt verworpen. Wat de modernisten achterlijkheid noemen, zal door de traditionalisten als een rijkdom worden gezien. Het boek is ook een aanrader omdat het de dingen wat in perspectief zet, wat zeker nodig als men de aanslagen in Mumbai e.d. in perspectief wilt plaatsen.

Ik raad het boek dan ook zeer aan, voor de prijs (€10) moet je het alvast niet laten!