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mardi, 13 janvier 2015

Benutzt euer Gehirn!

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Benutzt euer Gehirn!

von Moritz Scholtysik

Ex: http://www.blauenarzisse.de

Der bekannte Gehirnforscher Manfred Spitzer warnt in seinem Buch vor „digitaler Demenz“. Und erklärt Ursachen und Folgen. Neu ist nicht alles – aber wichtig.

Digitale Medien sind ein fester Bestandteil unseres Lebens. Kaum einer mag noch bestreiten, dass sie keine Auswirkungen auf unser Denken und Handeln hätten. Die Frage ist nur: Sind sie positiv oder negativ zu bewerten? Für das populärwissenschaftliche Magazin Geo steht jedenfalls fest: „Digital macht schlau!“

Allerdings ist auch Kritik an der Elektronisierung aller Lebensbereiche nicht selten – vor allem in kultureller Hinsicht. Spitzer argumentiert seinem Beruf entsprechend vor allem aus psychologischer und medizinischer Perspektive. Gerade der in den Neurowissenschaften Unkundige erfährt in Digitale Demenz Grundlegendes über die Funktionsweise des Gehirns – auf bewusst einfache Weise.

Wesentliches statt Multitasking

Spitzer entlarvt zwei hartnäckige Mythen: Zum einen den der „Digital Natives“, dieser vermeintlichen „Generation von digitalen Wunderkindern“. Sie gebe es nicht. Diese Generation sei mehr von Bildungsverfall als von Medienkompetenz gekennzeichnet. Zum anderen wendet sich Spitzer den angeblichen Vorzügen des Multitaskings zu: Dieses führe zu Störungen der Selbstkontrolle sowie zu „Oberflächlichkeit und Ineffektivität“. Des Psychiaters Appell: „Konzentrieren wir uns lieber ganz auf das Wesentliche!“

Apropos Selbstkontrolle: Diese gehe bei übermäßigem Konsum digitaler Medien verloren, was mit Stress gleichzusetzen sei und zu Aufmerksamkeitsstörungen sowie mehreren chronischen Erkrankungen führen könnte. Beispiele sind Sucht, Schlaflosigkeit, Übergewicht, Probleme im Herz-​Kreislauf-​System, Demenz. Bei all diesen Erläuterungen und Ausführungen spricht Spitzer immer wieder mögliche Einwände und Fragen an und vermeidet meist allzu komplizierte Formulierungen und Fachtermini.

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Keine Laptops für Schulen

Spitzer, Leiter der Psychiatrischen Universitätsklinik in Ulm und des Transferzentrums für Neurowissenschaften und Lernen, ist vielen Lesern bereits durch sein Buch Vorsicht Bildschirm! und zahlreiche Fernsehauftritte bekannt. In Digitale Demenz zeigt er auf, dass sich unser Gehirn durch dessen Nutzung, also durch Lernen, an den sogenannten Synapsen verändert. Dies führe zu einem Wachstum einzelner, spezialisierter Bereiche. Gebrauche man sie jedoch nicht, verkümmerten sie. Unser geistiges Leistungsvermögen hänge also von unserer geistigen Betätigung ab. Und wir lernten besser, je mehr und je tiefer wir uns mit dem Gegenstand des Lernens auseinandersetzten. Computer jedoch nähmen uns viel geistige Arbeit ab und ließen uns oberflächlicher lernen. Die Verfügbarkeit gespeicherter Daten führe zudem dazu, dass wir uns sie weniger merkten. Spitzer verwirft daher auch den vielfach forcierten und teuren Plan, Schulen mit Laptops und Smartboards, also digitalen Tafeln, auszurüsten.

Teletubbies und „Killerspiele“

Bei Kindern und Jugendlichen steht vor allem die private Nutzung von Computer und Internet im Vordergrund. Darunter können nicht nur die Schulnoten leiden, sondern auch eine gesunde Entwicklung des noch nicht ausgereiften Sozialverhaltens. Es klingt ironisch, wenn Letzteres gerade durch die sogenannten sozialen Netzwerke gefährdet sei. Als mögliche Folgen nennt Spitzer „mangelnde Selbstregulation, Einsamkeit und Depression“. Auch die Kleinsten seien von den negativen Auswirkungen betroffen. „Baby-​TV“ störe die Sprachentwicklung und Computernutzung im Vorschulalter beeinträchtige die Lese– und Schreibfähigkeit.

In den letzten Jahren wurde besonders kontrovers über die Auswirkungen von Computerspielen, insbesondere der Ego-​Shooter, diskutiert. Spitzer weist als Folge dieser Spiele „zunehmende Gewaltbereitschaft, Abstumpfung gegenüber realer Gewalt, soziale Vereinsamung und eine geringere Chance auf Bildung“ nach. Es mag ihn bestätigen, wenn die Reaktionen auf diese Erkenntnis oftmals aggressiv und beleidigend ausfallen – wie viele Kommentare im Netz zeigen.

Nichts neues, aber grundlegend

In den letzten beiden Kapiteln des Buches lässt Spitzer etwas nach: Er wiederholt sich, betont zu oft die Wissenschaftlichkeit der von ihm vorgestellten Studien und wird bei seiner Kritik an Politikern polemisch. Andererseits kann man diesen Ärger gut nachvollziehen, kennt man doch deren Untätigkeit aktuell aus vielen anderen Bereichen.

Er schließt das Buch jedoch gelungen, indem er einige praktische Tipps zur Prävention des geistigen wie körperlichen Abstieges gibt, den digitale Medien mitverursachen. Neben der einleuchtenden Empfehlung, diese zu meiden, schlägt er unter anderem gesunde Ernährung, tägliche körperliche Bewegung, Singen, den bewussten Genuss von Musik und den Gang in die freie Natur vor. Nichts wirklich neues, aber grundlegend.

Manfred Spitzer: Digitale Demenz. Wie wir uns und unsere Kinder um den Verstand bringen. Taschenbuch. 368 Seiten. München: Droemer Knaur 2014. 12,99 Euro.

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Ils sont “Charlie” ? Ils sont déjà morts

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Ils sont “Charlie”? Ils sont déjà morts

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Ulysse, cueilli sur Novopress et consacré à la mort symbolique du nihilisme libéral libertaire...

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Charlie Hebdo représentait la pire forme de l’idéologie libertaire qui, sous couvert de contestation et de transgression, était sanctuarisée par le pouvoir actuellement en place dont elle était l’insigne agent symbolique et moral. En une image, Charlie Hebdo, c’était le « beauf » de Cabu : ce sale franchouillard raciste moustachu dont on cherchait à faire croire qu’il était la lie de l’humanité et sur lequel on tapait sans fin comme s’il était le tortionnaire malfaisant des gentilles populations immigrées venues enrichir la France. Oui mais voilà, le moustachu cachait un barbu, et le beauf consumériste, un fanatique impitoyable. Le xénophobe d’apparat cachait un fondamentaliste et s’il arrivait à Charlie Hebdo de brocarder le second, c’était en le mettant sur le même plan que le premier ; ainsi d’une couverture à l’autre, une Marine le Pen nazifiée pouvait-elle croiser un Pape pédophile sodomite suivi d’un Mahomet explosif…

Sale beauf, sale babtou

Les prétendus défenseurs de la « liberté d’expression » n’étaient en vérité rien d’autre que les défenseurs sectaires de l’expression libertaire, et ils étaient prêts à toutes les vilénies dès lors qu’il s’agissait de conspuer ce qui contrevenait à leur propre idéologie. Ce faisant, ils ne se rendaient même pas compte, ou si peu et si mal, qu’ils entretenaient précisément les clichés racistes mêmes qu’ils prétendaient par ailleurs combattre. Car enfin, quelle différence y a-t-il entre le « sale beauf » de Cabu et le « sale babtou » des réseaux sociaux et des banlieues? Les deux, dans les yeux de leurs adversaires, n’étaient somme toute rien d’autre que des « gros porcs »…

Le premier était seulement l’archétype matriciel du second dont il a (entre autres facteurs) favorisé l’apparition. Ainsi, les clichés anti-racistes de Charlie Hebdo ont accompagné et avalisé les clichés racistes des « cités », qui, on expliquera pourquoi plus loin, le lui ont bien rendu.

Crachoir de la gauche cléricale

Charlie Hebdo, c’était donc cela : une grande soupe relativiste où tout ce qui ne ressemblait pas à une exigence compassionnelle humanitariste très vaguement étayée par des postulats marxistes devenait immédiatement fasciste ; où tout ce qui ne s’apparentait pas aux mouvements du cœur de belles âmes nihilistes boboïsées apparaissait alors comme les prémisses d’une dictature… En vérité, cette contestation anarcho-nihiliste de tous les ordres en cachait bien un d’ordre : celui d’un pouvoir qui subventionnait le journal et sans lequel il aurait déjà eu disparu depuis beau temps. C’est qu’au fond, Charlie Hebdo incarnait les aspirations morales (moralement anti-morales devrait-on dire) de la génération 68 qui, embourgeoisée jusqu’à l’overdose, gardait comme un animal de compagnie attendrissant cette sorte de souvenir de sa fougue transgressive de jeunesse ; une « potiche » du pouvoir, ponctuellement utile pour victimiser le patriotisme, utile parfois aussi pour servir de caution de « tolérance » universaliste lorsqu’il s’agissait de prétendre défendre un humanisme dont on se demandait bien ce qu’il avait encore à voir avec celui de Pic de la Mirandole.

Ce qui a été tué, c’est donc l’animal de compagnie du système. Son caniche. Son fétiche aussi, son objet magique, une de ses innombrables cautions libertaires progressistes. Pas étonnant donc que le glas (l’ironie symbolique cache une évidence littérale) ait pu résonner pour lui. C’est qu’en effet Charlie Hebdo était bien le seuil d’une Eglise, ou du moins sa crypte : le lieu où la gauche cléricale entreposait ses trésors obscènes et vulgairement conformistes, l’auge où elle lançait ses crachats fatigués de vieux soixante-huitards lassés de vivre. Ils crachaient sur tout ce qui ressemble à de l’ordre, mais ce faisant promouvaient réellement un ordre : celui de l’individu détaché de tout et donc ré-ingurgité immédiatement par le dispositif technico-financier qui flatte ses intentions et ses projets.

Ce qui a été pulvérisé, c’est le temple-crachoir d’une gauche dont la revendication de liberté n’était que le cache-misère du mondialisme le plus aliénant.

Libéralisme du sens contre littéralisme du sens : le retour du négatif 

En attaquant Charlie Hebdo, les djihadistes n’ont donc pas attaqué la liberté d’expression. Ils ont attaqué par ordre sémantique d’importance : des personnes (les victimes objectives),  l’Etat – ou plutôt les derniers restes d’un Etat presqu’entièrement dominé par les forces internationales de la finance et du numérique (mais il s’agit tout de même d’une attaque contre les institutions de Justice et de Police) -, et enfin la théologie implicite qui sous-tend cet Etat moribond et le projet universaliste du progressisme libertaire : l’idée que l’individu n’est libre que lorsqu’il a la licence de vomir tout ce qui n’est pas lui, au point d’ailleurs de se faire, quand il le juge utile, le censeur de ses contradicteurs (Charlie Hebdo avait demandé l’interdiction du Front national).

Que signifie donc la mort de Charlie Hebdo ?

Que l’idéologie progressiste libertaire, alibi de l’ordre prométhéen mondialisé, est morte. Qu’à vouloir évacuer du réel tout ce qui nous dérange en lui, c’est le réel qui finit par nous évacuer. Que celui qui croit qu’il peut chasser de l’expérience, par simple décret arbitraire, tout ce qui contrarie ses desseins, se retrouve bientôt ravalé par ce que l’expérience contient de plus irréductible : la violence brute, aveugle, injuste. Charlie Hebdo voulait une vie de jouissance, sans attaches à quoi que ce soit d’autre que soi-même, Charlie Hebdo a été détruit de manière immanente par ce négatif qu’il s’efforçait à tout prix de nier : le littéralisme mahométan, soit la forme la plus brutale et la plus bête de la détermination historique. Ils ont moqué le beauf moustachu, ils ont eu le fanatique barbu. Ils ont promu la liberté en criminalisant tout ce qui n’était pas conforme à leur propre licence, ils ont eu l’aliénation effrayante et cruelle d’un jugement théocratique. Ils ont méprisé le patriotisme, leur mort révèle un mouvement du peuple français. Ils ont conchié l’Eglise, et c’est le glas de Notre-Dame de Paris qui a résonné pour eux. Bref, Charlie Hebdo qui meurt dans une explosion de contradictions, c’est la revanche de l’Histoire contre tous ceux qui pensaient en être sortis pour flotter sans but dans le non-lieu de leur quant-à-soi hédonisto-technoïde. Il est tragique que cette revanche passe ici par la vengeance d’une secte mahométane malfaisante et cruelle. Il était cependant inéluctable qu’un jour ou l’autre, ce nihilisme de l’individu rendu fou sans Dieu, rencontrât ce nihilisme de la secte des fous de Dieu…

Le littéralisme religieux le plus fou est la réponse la plus simple qu’a donné l’Histoire au libéralisme moral le plus bête.

Crise identitaire : ils sont Charlie et ils sont morts

Ce que révèle enfin cette défaite idéologique transparaît aussi dans la prolifération écœurante des « Je suis » (Charlie, Kouachi, Charles Martel, juif etc.). Cette inflation revendicatrice a au moins un mérite objectif : révéler que dans ce conflit interne au nihilisme, c’est bien l’identité qui est en jeu et rien d’autre. C’est bien d’être dont il s’agit dans l’élément de l’Histoire, toujours, tout le temps, partout. D’être, personnel, familial, collectif, national, civilisationnel. Ceux qui manifesteront dimanche, eux, ont choisi leur camp. Ils sont Charlie ? Ils excluent les patriotes et préviennent des dangers de l’islamophobie et du racisme au moment même où l’islam les détruit et déploie sa haine anti-occidentale ? Alors oui, cela est bien clair, ils sont Charlie, c’est-à-dire qu’ils sont déjà morts.

Ils n’ont rien compris, ils n’ont tiré aucune leçon, pas saisi que le libéralisme-libertaire et le fanatisme littéraliste sont les deux faces d’une même pièce : une culture de mort, morale, par l’atomisation individualiste, une culture de mort, physique, par le massacre aveugle. En proclamant qu’ils sont Charlie, ils prolongent la nuit de cette obscurité progressiste qui n’est que le contrepoint de l’obscurantisme mahométan. Ils contribuent, encore et toujours, à favoriser les conditions de développement du négatif qui pourtant les a presque déjà complètement détruits.

Notre être à nous, lui, est bien vivant, parce qu’il est français. Qu’il ne croit pas à la fable du progrès, au multiculturalisme, à la République abstraite, au mondialisme souriant. Ce qui sauve de l’affrontement de Charlie et de la charia, ce n’est pas Charlie. Lui a déjà perdu la bataille. L’imposture soixante-huitarde a pris fin il y a trois jours. Non, le nom qui sauve de ce conflit des nuits, c’est François. Parce que dans ce nom se loge l’héritage d’une nation, l’exigence d’une foi, la promesse d’une vie qui a déjà démontré par le passé qu’elle avait la noblesse rigoureuse d’un destin.

Réveil

Nos adversaires ont été extrêmement intelligents en commençant par tuer ceux qui collaboraient depuis des décennies à notre extinction. Car ce faisant, ils veulent que nous nous identifions encore plus à ceux qui, ici-même, nient que nous existions. La stratégie est limpide : provoquer par la stupeur du massacre un réflexe d’identification aux valeurs d’un organe qui, justement, s’évertue déjà à nous combattre de l’intérieur. A nous d’être plus déterminés et intelligents qu’eux. A nous de contredire cette secte mahométane en reconnaissant que Charlie, avec ses coups de crayons contre les « sales beaufs » préparait de fait les coups de couteaux contre les « sales babtous ». A nous d’assumer enfin que si la France survit à Charlie c’est justement parce qu’elle ne s’y est jamais réduite et qu’elle ne s’est jamais identifiée à lui.

Charlie est mort et ceux qui continuent de s’en revendiquer sont morts aussi. Les autres sont éveillés et vivants. Ils sont la France. Et ce sont eux qui gagneront la guerre qui advient.

Ulysse (Novopress, 11 janvier 2015)

Les rentes et la guerre sont-elles sœurs jumelles?

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UN HOMMAGE DISCRET A SILVIO GESELL
 
Les rentes et la guerre sont-elles sœurs jumelles?

Auran Derien
Ex: http://metamag.fr
 
La Suisse, l’Allemagne, bientôt la France lancent les taux d’intérêt négatifs, soit en valeur nominale, soit en valeur réelle (entre le nominal et le réel, la différence tient au taux d’inflation). Il convient alors de mentionner le grand esprit méconnu, mort en 1930, Silvio Gesell, dont seul le talentueux Irving Fischer avait reconnu la valeur quoique Lord Keynes ait bien voulu lui dédier une ligne élogieuse en écrivant « Nous estimons que l’avenir aura plus à tirer de la pensée de Gesell que de celle de Marx» (Cité par Johannes FINCKH dans les Cahiers de DECTA III, Nº1, p.15. Université de Bordeaux I, 1987).

Deux fonctions incompatibles

Il revient à Gesell d’avoir clairement expliqué, dans l’ouvrage fondamental “l’ordre économique naturel”*, l’incompatibilité entre les deux fonctions de la monnaie, équivalent de tous les biens et réserve de valeur. La monnaie que l’on nous impose possède un vice fondamental: Elle est à la fois un instrument des échanges qui doivent circuler et un instrument d’épargne qui doit stationner. Il affirme qu’il convient d’éliminer la fonction de réservoir de richesse afin que la monnaie ressemble aux marchandises qui vieillissent, rouillent, se gâtent et se rompent. Si la monnaie a les mêmes propriétés, alors elle devient un instrument sûr, rapide et bon marché des échanges puisque nul ne la préférera aux marchandises.
 
La monnaie selon Gesell doit perdre sa valeur après avoir rendu service au moment de l’échange. Si un individu transforme de la monnaie d’échange en monnaie d’épargne c’est à cause du taux d’intérêt positif proposé qui bloque le circuit monétaire. La mesure adéquate consiste à imposer une taxe mensuelle sur les sommes détenues. Les banques qui recourent à l’intérêt négatif sont en train de promouvoir une idée de Gesell: inciter les détenteurs d’encaisses oisives à écouler leurs stocks pour acquérir des biens physiques plus utiles au bien-être des individus.

Il est évident que Keynes avait compris le bien fondé de la théorie de Gesell et qu’il l’a généralisée à tous les autres actifs liquides. Il soutenait qu’il fallait contrôler les mouvements de capitaux sinon des taux d’intérêt négatifs iraient accroître la spéculation financière, celle-là même à l’origine de la crise.
 
Il faut neutraliser les rentiers

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Les banques sont devenues parasitaires. Elles contrôlent seulement l’économie mondiale comme l’ont montré Stefania Vitali, James B. Glattfelder et Stefano Battiston de l’Institut Fédéral de Technologie de Zurich dans leur étude de 2007. Le seul avenir possible pour l’humanité, pas seulement pour l’Europe ou les BRICS, consiste à limiter le poids du capitalisme rentier parasitaire. Ce dernier, à travers les dettes et la bourse, s’empare du monde et achète tout à partir de l’argent créé ex nihilo par les banques centrales qui lui appartiennent. Par les dettes en particulier est organisée l’insolvabilité de multiples agents, notamment les salariés, ce qui génère l’arrêt du commerce qui ne redémarrera plus tant qu’il n’y aura pas de “réajustement”, ce que prépare discrètement l’oligarchie kleptocratique et ses domestiques tels Mme Christine Lagarde au FMI.


Gesell pourrait servir de guide à la reconstruction monétaire si des élites comprenaient clairement les bienfaits de sa théorie. La monnaie “fondante” proposée est gérable en fonction de données économiques simples et claires: l’indice des prix et la situation de la zone (progrès technique, population,…). Le rendement productif devient lié à la faisabilité d’un projet et seuls les amortissements entrent en ligne de compte pour le calcul du profit. Si la monnaie fond, le placement productif est le seul refuge possible de l’épargne. On observe une demande constante et soutenue de biens de tous types et un soutien massif au progrès technique, seul moyen de prendre un avantage sur le concurrent.

Il est normal finalement que la spéculation financière ait attiré, depuis des années, un nombre important de petits bourgeois qui affirment, à travers les médias dont ils sont propriétaires, qu’ils veulent jouir des délices de la paix sociale et internationale tout en vivant grassement de l’intérêt de leurs placements. Mais cet espoir est une chimère car les canailles en possession de l’occident nous montrent chaque jour que les rentes et la guerre sont sœurs jumelles. Nous nous plaçons évidemment du côté des épris de paix et de justice qui veulent que le travail soit récompensé. Si la bêtise qui domine l’Europe ne peut s’émanciper des voyous parasitaires, l’Asie le fera d’ici la fin du siècle. Mais à ce moment là il n’y aura plus d’européens et les idées de Gesell auront servi à d’autres populations moins aliénées. 

* Silvio GESELL : L’ordre économique naturel. Paris, M.Issautier, 1948 fac similé électronique mis en ligne par l'Autre Edition
 

Will Turkmenistan Become a Shield in Jihadists’ Way?

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Author: Stanislav Ivanov

Will Turkmenistan Become a Shield in Jihadists’ Way?

After withdrawal of NATO’s forces from Afghanistan increasing radical Islamist activity is expected in that country and in the region as a whole. Washington and its Western allies failed to inflict any serious defeat on the Afghan Taliban movement, moreover, the latter could be able not only to retain its control over a number of Afghan provinces but also developed quite close ties with the Pakistani Taliban movement and the leaders of the Islamic caliphate created in the territory of Syria and Iraq. Today, the so-called “jihadists” seek to maximally expand the area of their influence, including by penetrating to the countries of Central Asia and the Caucasus. Experts and political scientists are more actively discussing the possibility of repeating the “Arab spring” events – this time in the countries of Central Asia and in Azerbaijan.

These states have some features in common with those countries which have fallen victims to the “Arab spring”. Can Turkmenistan become such weak link or will it, on the contrary, become a shield in the way of “jihadists” to the countries of Central Asia and to the Caucasus?

Turkmenistan occupies a special place in the regional safety system. The characteristic feature of its post-Soviet history is its constant neutrality status, recognized by the United Nations, the consequence of the same being the country’s non-participation in any military and political alliances and associations. The absence of potential outside adversaries allows the country’s govermnent to keep insignificant – in terms of their size and strength – armed forces. Ashgabat’s equidistance from all global and regional centers and the country’s stocks of hydrocarbons of global significance allow it also to successfully build mutually profitable trade and economic relations with more than one hundred states of the world; at that, the countries which have become Turkmenistan’s key trade partners are Iran (21.7 %), Russia (18 %), Turkey (16.4 %), and China (10.8 %). The main export item for Turkmenistan remains natural gas, however there is a tendency to diversification of the country’s exports by increasing production of oil and oil products, electric energy, construction materials, cotton and other goods. The USA and EU countries show interest in development of trade economic as well as other relations with Turkmenistan. There are plans to build new gas pipelines, in addition to the existing North – South and East – West pipelines, in particular, TAPI gas pipeline 1,735 km long from Turkmenistan to Afganistan, Pakistan and India. Its project capacity is 33 bn cubic meters of gas per year, the estimated project cost is USD 7.9 bn.

Turkey plays a special role in Turkmenistan’s bilateral relations with other countries. The similarity of culture, language, religion, traditions, morals and customs favour further close approach of the states in all areas. In particular, during the visit of the Turkish President R.Erdogan to Ashgabat in November 2014 attention was drawn to the fact that more than 600 Turkish enterprises and companies work successfully in the country, while the overall cost of the project realized by Turkish companies in Turkmenistan amounted USD 42 bn.

Certainly, the quite fierce competition remains among the interested countries for the Turkmenian hydrocarbons and the commodity and services market; however this competition is not accompanied by attempts to strengthen any particular country’s, or an alliance of countries, military influence here. The competition is mostly limited to lobbying some gas pipeline routes (to the EU, Turkey, Iran, Pakistan, China, India). It looks like all the international players are satisfied with Ashgabat’s neutrality in foreign policy and its accentuated neutral status. The Turkmenian government believes that the country will manage to remain on the sidelines in case of any regional or international conflict, thereby retaining its territorial integrity and sovereignty.

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However, it is becoming more and more clear in Ashgabat that the threat to the country’s security may come from non-state actors, too, in the first turn from foreign Islamic groups. It has been established that Turkmen fight together with Afghan and Pakistani Taliban militants in Syria and Iraq, and that “The Islamic Movement of Eastern Turkestan” and “The Islamic Movement of Uzbekistan” have been created in the territory of Northern Waziristan (Pakistan). News have come that “the Turkmenian Taliban” has taken under their control almost all the territories in which the TAPI gas pipeline can potentially be constructed (parts in the Afghan and Pakistani territories).

In 2014 attacks on the Turkmenian border control posts in the Afghan-Turkmen border became more often. Hundreds of peaceful citizens were killed, some of them beheaded, their property was looted, their cattle was driven away, dozens of houses were burnt. The Turkmen border control guards not only suffer losses, but they are taken prisoners by the Islamists. One can speak about beginning of “sweeping” operations on the part of the militants, who are ousting the local populations from the areas adjoining the border and preparing corridors for further breaking through deep inside the country. They are controlling the automobile road going along the Turkmenian border and are able, at any moment, to march both to the Murgaba (Bagdis) valley and Andkhoya (Faryab) district. The Afghan and Turkmenian authorities are no longer controlling their common border, in terms of drug trafficking, smuggling and penetrating of Islamic groups, nor are they able to control the movement of local cattle breeders for grazing their cattle on both sides of the border. One should bear in mind that in the period when the Basmachi movement was defeated in the USSR in the 20th-30th years of the last century, a number of large and influential Turkmenian clans fled to Afghanistan, to the regions near the border. They are still lodging claims for return of their ancestral lands, being the subject of constant blackmail against the government of Turkmenistan. The issue has acquired special importance as two large natural gas deposits – the Serakh and Murgab oases – have proved to be near the lands claimed by the Afghan Turkmen. So, there is the ever increasing possibility of attack of Afghan Talibs and “jihadists” of every stripe and colour on Turkmenistan in spring of 2015. The many peoples who are permanently residing there – Hazara, Turkmens, Kurds, Uzbeks and Tajiks – are joined, as of late, by increasing numbers of persons originating from other provinces of Afghanistan and foreign “jihadists”. It is expected that they may invade Turkmenistan from Bagdis velayat along the Murgab River valley. Notwithstanding the fact that the area in this place has strong engineering fortifications and a border guards units is staying there, the Murgab valley is attractive for the militants as the most efficient route for subsequent march to the north. There is civil population there (who might be taken hostages), a lot of cattle, product warehouse, good roads, a large number of vehicles and even arms. From Takhta-Bazar, one can quite easily arrive, by an asphalted road, to the strategically important city of Iolotan, near which is located a large natural gas and oil deposit Galkynysh site – the resource base for “TransCaspiy” to Europe. It is from this place exactly that the new strategic “East – West” gas pipeline towards the Caspian sea-shore.

The Turkmenian government, though with some delay, is reacting to the increased threat from Afghanistan. Prompt measures were taken to strengthen the border control and other defense and law enforcement agencies at this part of the state border, new fortifications are being built. A ditch, four meters wide and five meters deep, has been dug along the Afghan border, reinforced with metal meshwork shields.

Along with that, contacts with potential allies in the fight against Islamists are being developed. Thus, on September 14, 2014, General Khossein Dehgan, the Iranian Minister of Defense, paid a visit to Turkmenistan for coordination of the two countries’ efforts in the sphere of regional security. The main topic of the Iran-Turkmen negotiations became the interaction of Turkmenistan and Iran in case of invasion of “jihadist” militants to Turkmenistan from Afghanistan. The Iranian side expressed its readiness to carry out, within the nearest period, maneuvers of the Iranian army in its north-east province, inviting the Turkmen military as observers.

On September 11, 2014, the President of Turkmenistan G.M.Berdymukhammedov suddenly arrived in Dushanbe to participate in the SCO summit as a guest of honour, though the country headed by him is not a member of this Organisation and earlier has demonstratively distanced itself from any all-regional initiatives. In the course of the summit, the President of Turkmenistan met the Presidents of Iran, Mongolia, the Chairman of the PRC as well as representatives of India and Pakistan. It may be suggested that regional security issues were discussed at these meetings as well.

In August 2014, the Turkmenian government effected “de-Islamisation” of its education system. In the framework of implementation of the bilateral treaty On Cooperation in the Sphere of Education, concluded between the governments of Turkmenistan and Turkey on August 15, 2014, were closed the Turkmenian-Turkish school and the Turkmenian-Turkish University. The Turkish school was left only for children of the Embassy employees and employees of the Turkish companies working in Turkmenistan. The University was converted into a national university, its curricula were revised and substantial (in terms of local estimates) fee was charged for studies.

At the same time, the new treaty concluded between Turkmenistan and Turkey in the sphere of education has fully eliminated any non-state interference. Subjects related to religious studies have been removed from school curricula, the prayer hours (which were obligatory between the classes) have been abolished. All the innovations in the education of children, introduced on the initiative of the well-known Turkish religious scholar Fethullah Gulen, have been liquidated.

Therefore, the government of Turkmenistan is taking preventive measures to defend the state against any possible attempts on its sovereignty on the part of radical Islamist groups from the Afghan direction. Notwithstanding the still preserved authoritarian character of the government in place and some elements of the “Arab spring” inherent in it, one should not expect violent overthrowing of the government and “jihadist” expansion to Turkmenistan in the next few years. The country has formed quite sustained traditions of secular power to which, as of today, there is no visible alternative or organized opposition. The majority of Turkmens practice moderate-tradition Islam, the 5 million population of the country is diversified as per tribal characteristics and lives in a common territory, the necessary life-sustaining minimal wages for all categories of citizens is sustained, the government pays attention to development of industry, infrastructure, housing construction, improvement of education and healthcare systems and other vitally important aspects of social life.

In case of direct invasion of “jihadists” to Turkmenistan, Ashgabat relies on urgent assistance on the part of authoritative international organizations, first of all the United Nations Organisation, as well as great powers (Russia, China, the USA) and its regional partners (Turkey, Iran, etc.).

Stanislav Ivanov, a senior research fellow at the Institute of Oriental Studies at the Russian Academy of Sciences, PhD in history and columnist for the “New Eastern Outlook”.

 

Du bioconservatisme

 

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Du bioconservatisme

par Georges FELTIN-TRACOL

 

 

L’histoire des idées politiques contemporaines en Europe et en Amérique du Nord insiste sur la très grande plasticité sémantique du « conservatisme ». Si, pour François Huguenin, le conservatisme est impossible en France (1), celui-ci diffère tant aux États-Unis qu’en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Espagne ou en Italie (2). Chaque conservatisme suit la spécificité de son esprit national et de son époque. Par exemple, le conservatisme de l’Anglais Disraeli, tenant d’une alliance entre le peuple et la Couronne, n’est pas celui, oligarchique et sociétaliste, du fade et incapable David Cameron qui légalise le mariage pour tous, promeut l’atlantisme et encourage le multiculturalisme de marché. En Allemagne, le conservatisme organique de Bismarck ne correspond ni au « jeune-conservatisme » inclus dans la Révolution conservatrice du temps de Weimar, ni au pseudo-conservatisme chrétien d’une Angela Merkel, véritable tenancière pour le parrain yankee de l’ergastule soi-disant européen.

 

Il est donc très difficile de définir le conservatisme hors de tout contexte socio-historique précis. Et voilà que dans le cahier scientifique du Monde, un chirurgien urologue belge, Laurent Alexandre, range le député Vert français au Parlement européen José Bové parmi les « ultra-bioconservateurs (3) » ! Laurent Alexandre est très certainement un médecin émérite, expert dans son domaine. En revanche, dès qu’il quitte son champ de compétence professionnelle pour s’aventurer dans le monde des idées, son avis n’est que celui d’un citoyen lambda. S’il catalogue ainsi l’action de l’ancien éleveur du Larzac, c’est parce que son propos se veut assez favorable au transhumanisme. « Plutôt transhumains que morts devient notre devise, s’exclame-t-il (4) ! » Parce que « la manipulation technologique de l’homme a déjà bien commencé, […] des rapprochements inattendus apparaissent. Ainsi, José Bové était jusqu’à présent un militant d’extrême gauche. Dans le nouvel ordre biopolitique, il se retrouve, avec les catholiques intégristes, parmi les ultra-bioconservateurs. Il est résolument contre la fécondation in vitro (F.I.V.) pour les couples hétérosexuels stériles ou homosexuels et il s’oppose aux thérapies géniques pour le traitement des maladies génétiques. Il a déclaré, le 1er mai 2014, sur la chaîne catholique KTO : “ Je crois que tout ce qui est manipulation sur le vivant, qu’il soit végétal, animal et encore plus humain, doit être combattu ” (5) ».

 

Cette prise de position a surpris le petit milieu des Verts. Elle est pourtant conforme au personnage, méfiant envers toute technique. Rares sont ceux qui savent que José Bové a écouté au sein d’un cénacle libertaire informel bordelais entre 1971 et 1973 le philosophe, théologien protestant et professeur d’histoire du droit Jacques Ellul (1912 – 1994). Le journaliste Jean-Luc Porquet qualifie d’ailleurs le syndicaliste paysan d’« Ellul mis en pratique (6) ». À travers une remarquable trilogie philosophique, Ellul avertit ses contemporains de la nature profonde de la tekné (7).

 

En 2003, alors secrétaire exécutive du conseil du développement durable de l’U.M.P., le député de l’Essonne, Nathalie Kosciusko – Morizet qui prétend admirer l’œuvre de la philosophe Simone Weil dont son essai magistral L’Enracinement, osait déclarer que « parler de la France réelle, comme le fait Bové, a des relents d’idéologie maurrassienne (8) ». Avant Patrick Buisson et peut-être bientôt l’arriviste ponot droitard Laurent Wauquiez, Bové se voyait assimilé à un disciple du penseur de Martigues… Gageons que l’ineffable N.K.M. n’a jamais pris la peine d’ouvrir le moindre livre de Maurras, pas même L’Avenir de l’intelligence. Peut-être par crainte de se retrouver dépassée, submergée, engloutie par les analyses remarquables de cet essai majeur écrit en 1905 ?

 

José Bové aurait pu se voir reproché bien plus. En effet, au printemps 2002, il a estimé que « la résistance menée par les chouans était légitime et juste. Si j’avais été à ce moment-là en Vendée, j’aurais été chouan (9) ». C’est au fond somme toute logique puisqu’il veut d’abord et avant tout « se battre contre la mondialisation et faire avancer le droit pour les paysans et pour les peuples de se nourrir comme ils l’entendent (10) ». Cette affirmation d’attachement au sol, à la terre, aux terroirs est gaussée et minorée par un Britannique, un certain Robert Acroyd qui avance « que vous, les Français, vous êtes pour nous des paysans. Pour les Anglais, les Français sont des bouseux accrochés à leur lopin de terre, anxieux de l’agrandir par tous les moyens. Prêts à tuer frère, oncle, neveu, nièce pour quelques arpents. […] Les Anglais, eux, se voient avant tout comme des marins. Ils ont sillonné les mers, grimpé dans les cordages par gros temps, pris les vaisseaux ennemis à l’abordage. Les Anglais ont d’eux-mêmes l’image d’un peuple viril. Un peuple de guerriers qui se moque de vous parce que vos ancêtres étaient des serfs attachés à la plèbe (11). » Les Rosbifs, un peuple de guerriers ? Surtout des couards, inventeurs de l’embargo économique, du droit comme arme de guerre totale et du bombardement aérien de terreur…

 

Certaines causes défendues par José Bové sont de facto des combats conservateurs en faveur de la préservation de toutes les formes naturelles du vivant. « Depuis la création des O.G.M. et des animaux transgéniques à la fin du XXe siècle, écrit Yves Eudes, on sait que l’unité fondamentale du vivant permet des mélanges entre toutes les créatures, même les plus éloignées sur la chaîne de l’évolution. En théorie, un humain pourrait donc être doté d’une vue aussi perçante qu’un aigle, de l’odorat d’un chien de chasse, de l’ouïe d’un lièvre, de la force d’un orang-outang ou de la faculté de navigation d’un oiseau migrateur (12). » Il faut rapprocher le fantasme transhumaniste à une réflexion de Trotsky qui vécut aux États-Unis, d’où le tropisme américanocentré inhérent aux trotskistes. Dans une société future surgie de la « Révolution communiste mondiale », le fondateur de la IVe Internationale se félicitait par avance que « l’homme sera plus fort, beaucoup plus perspicace, beaucoup plus fin. Son corps sera plus harmonieux, ses mouvements plus rythmiques, sa voix plus musicale. La moyenne humaine s’élèvera au niveau d’Aristote, de Gœthe, de Marx. Et au-dessus de cette crête de montagne s’élèveront de nouveaux sommets (13) ».

 

Certes, « il n’y a plus de conservateurs, objecte Pierre Drieu la Rochelle, parce qu’il n’y a plus rien à conserver. Religion, famille, aristocratie, toutes les anciennes incarnations du principe d’autorité, ce n’est que ruine et poudre (14) ». Et pourtant ! Il y a encore à conserver la vie, les milieux naturels, les paysages sans lesquels toute communauté humaine s’étiolerait définitivement. Si le conservatisme politique a failli, a trahi et rallié le Progrès mortifère, une nouvelle réponse adaptée émerge : le bioconservatisme, ultra ou non. Sous ce nouveau vocable devraient se rejoindre l’identitaire et l’écologiste. « L’écologiste comme l’identitaire ont des approches en “ contexte ”. Une volonté d’assurer, de respecter ou de s’inspirer des permanences (traditions, coutumes, équilibres naturels, etc.). L’inverse exact de l’utopie (u-topos : sans le lieu). L’un et l’autre sont des conservateurs face à un monde qui se détruit, perd de sa grâce, de sa beauté, de sa mémoire chaque jour. La synthèse de ces deux sensibilités semble évidente (15). »

 

Ce rapprochement, plus que souhaitable, est proprement révolutionnaire et donc réfractaire aux hochets et autres sinécures brandis par le Système qui a su si bien apprivoiser l’extrême gauche du Capital. Une inclination conservatrice et/ou identitaire apparaît parfois au sein de certains courants écologistes. Les Français connaissent-ils Winfried Kretschmann ? Depuis mai 2011, grande première en Allemagne !, ce Vert est le ministre-président du Land du Bade-Wurtemberg. Catholique convaincu, professeur d’éthique en retraite et chef de file des « réalistes » au sein de son parti, il estimait que « les Verts n’ont pas besoin de devenir conservateurs pour remporter les élections du Bade-Wurtemberg. Nous sommes conservateurs. Notre ambition est de préserver la planète. Notre programme d’énergies renouvelables est une révolution industrielle. Nous voulons faire de notre pays le modèle d’une modernisation basée sur un développement durable. Cela ne concerne pas que l’écologie, mais également la finance, le système social et la démographie. Ce sont des concepts qui privilégient le long terme, constituent notre éthique et nous distinguent des autres partis. Nous sommes donc conservateurs mais pas dans le sens habituel du monde politique. […] Avec notre “ green new deal ”, nous sommes bien plus proches de ce tissu de P.M.E. qui constituent le Mittelstand allemand que les partis conservateurs (16) ». Le 30 novembre dernier, les électeurs suisses se prononçaient sur une votation intitulée « Halte à la surpopulation – Oui à la préservation durable des ressources naturelles » qui proposait une limitation de l’immigration nette en Suisse à un taux de 0,2 % par an en moyenne afin de protéger la nature et de limiter le besoin en constructions nouvelles. Cette initiative populaire revenait au groupe Écopop (Écologie et Population). La consultation ne reçut l’approbation d’aucun parti politique, pas même l’U.D.C., cette incarnation des nationaux-pétochards. Elle fut rejetée par 74 % des électeurs. Les médiats, bien sûr, désinformèrent énormément. Ainsi peut-on lire que  « les experts s’évertuent de démontrer qu’immigration et dégradation de l’environnement ne sont pas liés et que l’économie a besoin de main-d’œuvre étrangère (17) ». Un gigantesque mensonge soutenu et approuvé par les libéraux dont Nicolas Lecaussin de l’Institut de recherches économiques et fiscales (18).

 

La convergence de l’écologie, du « conservatisme » culturel, de la cause identitaire et de la réfutation du libéralisme constitue une magnifique occasion de renouvellement des idées à un moment où « certains mouvements révolutionnaires, remarque Christophe Bourseiller, semblent avoir fait le deuil de la révolution et se perçoivent davantage comme des forces réformatrices, ou des laboratoires d’idées. De même, l’altermondialisme, produit de l’extrême gauche, n’est en réalité qu’un courant réformateur, appelant de ses vœux ce que Raoul Vaneigem nomme un néo-capitalisme régulé par l’éthique (19) ». Le positionnement bioconservateur de José Bové n’est pas qu’écologique, il est aussi politique puisque, à l’instar des premiers conservateurs nourris aux penseurs de la Contre-Révolution, il estime que la logique interne de l’État est, aujourd’hui, « totalement dictée par l’économie. Ceux qui gèrent se voient imposer d’énormes contraintes. L’État n’est plus le lien des réponses aux questions que nous nous posons : les organismes génétiquement modifiés, la modification des règles de l’O.M.C. et leur réappropriation par les  citoyens. L’État-nation peut disparaître, cela ne changera pas grand-chose (20) ».

 

Plus que révolutionnaire, on perçoit vite que ce bioconservatisme se veut radical. Pour l’ancien situationniste exclu, ex-« Enragé de Nanterre », aujourd’hui proche de L’Encyclopédie des Nuisances, René Riesel, « radical » signifie « prendre les choses à la racine, c’est critiquer les bases techno-scientifiques de la société moderne, comprendre la parenté idéologique profonde entre le progressisme politique ou social (c’est-à-dire la “ mentalité de gauche ” telle que la définit Theodore Kaczynski) et le progressisme scientifique. L’industrialisation est depuis la “ révolution industrielle ” en Angleterre une rupture absolument fondamentale avec l’essentiel du processus d’humanisation. Sans civilisation paysanne, c’est la civilisation tout court qui se défait, on le constate aujourd’hui (21) ». Naguère responsable de la Confédération paysanne qu’il quitta dès 1999 en désaccord complet avec Bové qu’il qualifie de « clown à moustaches », Riesel considère dorénavant la lutte du Larzac comme « l’avant-garde de la domestication, une distribution de Prozac généralisée (22) ».

 

Toutefois, chantre des souverainetés alimentaire, agricole et énergétique, José Bové persiste paradoxalement à souhaiter une autre mondialisation et des sociétés ouvertes aux flux migratoires. Or, au soir de sa vie, Jacques Ellul lui-même s’interrogeait sur les étrangers immigrés qui « exécutent souvent un travail que les Français ne voudraient plus faire les besognes les plus pénibles ou les plus répugnantes, si bien qu’ils sont des “ pauvres ” (même s’ils ont assez d’argent pour en envoyer à leurs familles restées dans le pays d’origine, on le sait parfaitement). Ce sont les pauvres de notre société d’opulence (quoique, le fait est remarquable, on n’en trouve pas chez les “ clochards ”) (23) ». Par un parallélisme étonnant, des analyses de Jacques Ellul se recoupent avec certaines réflexions du sociologue Jules Monnerot. « On pouvait être tranquille tant que le tiers monde n’avait pas d’idéologie mobilisatrice. Une révolte anticoloniale de tel ou tel pays, ce n’était pas très grave. Mais maintenant, le tiers monde est muni d’une idéologie puissante mobilisatrice, l’islam. Celui-ci a toutes les chances de réussir contrairement au communisme qui était encore importé d’Occident. Et c’est pourquoi le communisme échoue peu à peu dans les pays d’Amérique latine qui l’avaient adopté […]. Au contraire, l’islam est du tiers monde. Il gagne à une vitesse extraordinaire toute l’Afrique noire, il mord de plus en plus largement en Asie. Or, c’est une idéologie à la fois unificatrice, mobilisatrice, et combattante. À partir de ce moment, nous allons être engagés dans une véritable guerre menée par le tiers monde contre les pays développés. Une guerre qui s’exprimera de plus en plus par le terrorisme, et aussi par “ l’invasion pacifique ”. […] Et en même temps se produira inévitablement l’infiltration croissante des immigrés, travailleurs et autres, qui par leur misère même attirent la sympathie et créent chez les Occidentaux des noyaux forts de militants tiers-mondistes. Les intellectuels, les Églises, le P.C., pour des raisons diverses, seront les alliés des immigrés et chercheront à leur ouvrir les portes plus largement. […] Cette présence des immigrés, avec la diffusion de l’islam en Europe, conduira sans aucun doute à l’effritement de la société occidentale entière. Par suite de la déraison manifestée depuis vingt ans par nous, l’Occident va se trouver, sur le plan mondial, d’ici vingt-cinq ans, dans l’exacte situation actuelle de la minorité blanche d’Afrique du Sud, face à la majorité noire (24). » Il est probable que les prochaines années voient la figure d’Ellul devenir une référence néo-conservatrice anti-musulmane appropriée au choc délétère des civilisations… Le penseur réformé atteint peut-être là ses limites d’autant qu’il a tenu des positions pro-sionistes.

 

N’en déplaise aux décroissants chrétiens, le christianisme ne peut pas répondre totalement au défi de la mondialisation. En revanche, « l’hindouisme, avec ses dieux faiseurs de miracles, est peut-être mieux armé que les monothéismes pour combattre la mondialisation, pense l’écrivain indien Tahir Shah (25) ». L’hindouisme, c’est-à-dire une forme particulière vivante de polythéisme que devraient retrouver les Européens.

 

Un processus est certainement en cours comme en témoigne l’inquiétude de Nicolas Truong. « Une autre force révolutionnaire se déploie en Occident, celle des néofascistes qui, à l’aide d’une critique anticapitaliste adossée à une pensée de l’identité, des affinités électives relayées par des mots d’ordre guerriers, prône une sorte de soulèvement conservateur et qui, eux aussi, se socialisent dans les luttes. De ce conflit des insurrections pourrait naître un monstre inquiétant (26). » Concevons donc ce monstre ! Le discours antilibéral, écologiste, identitaire et, en dernière analyse, anti-mondialiste est crucial, car « la mondialisation, explique Jean Malaurie, expression habile du libéralisme, favorise des régimes mafieux où l’information est normalisée (27) ». Dans ces conditions difficiles, « sont écologistes ceux qui savent que nous faisons partie d’une chaîne de vie complexe qu’il nous faut comprendre et respecter dans son organisation et sa diversité. Sont localistes ceux qui savent que le local est le niveau d’organisation où peuvent se réaliser le mieux et simultanément les aspirations à la liberté, à la responsabilité et donc à l’efficacité raisonnable. Sont identitaires ceux qui savent que nous sommes une substance de population plus ancienne que nos institutions, dérivées et secondaires (28) ». Valoriser le peuple est dorénavant essentiel, car « la pensée vient toujours de l’arrière : du peuple (29) ». Avis aux Z.A.D.istes de Roybon, Sivens et Notre-Dame-des-Landes, l’avenir du bioconservatisme ne peut être que populaire !

 

Georges Feltin-Tracol

 

Notes

 

1 : François Huguenin, Histoire intellectuelle des droites. Le conservatisme impossible, Perrin, 2013.

 

2 : Sur ce vaste sujet, lire Philippe Beneton, Le conservatisme, P.U.F., coll. « Que sais-je ? », n° 2410, 1988; Luc Gaffié, Les idées du conservatisme américain, New Forums, 1990; Nicolas Kessler, Le conservatisme américain, P.U.F., coll. « Que sais-je ? », n° 3364, 1998.

 

3 : Laurent Alexandre, « José Bové, ultra-bioconservateur », dans Le Monde, le 15 octobre 2014.

 

4 : Idem.

 

5 : art. cit.

 

6 : Jean-Luc Porquet, Jacques Ellul, l’homme qui avait presque tout prévu, Le Cherche Midi, coll. « Documents », 2003, p. 232.

 

7 : Cette trilogie se compose de La technique. Ou l’enjeu du siècle (1954), Économica, coll. « Classiques des Sciences Sociales », 1990; Le système technicienne, Calmann-Lévy, coll. « Liberté de l’Esprit », 1977; Le bluff technologique, Hachette, coll. « La Force des Idées », 1988. Une autre personnalité politique française qui aurait suivi l’enseignement ellulien serait le député – maire de Bègles, apparenté Vert et chantre du laïcisme et du gendérisme, Noël Mamère, que Bruno Gollnisch renomme avec facétie sur son site officiel de « Fête de fin d’année Parent 1 ».

 

8 : dans Le Figaro, le 11 août 2003.

 

9 : dans La Lozère nouvelle, le 8 mars 2002.

 

10 : dans Libération, le 20 août 1999.

 

11 : dans Le Nouvel Observateur, les 6 – 12 mars 2003.

 

12 : dans Le Monde, le 6 août 2005.

 

13 : Léon Trotsky, Littérature et Révolution, Vienne, 1924, édition allemande, p. 179, cité par Jules Monnerot, Sociologie de la Révolution, Fayard, coll. « Les grandes études contemporaines », 1969, p. 251.

 

14 : Pierre Drieu la Rochelle, Mesure de la France, Grasset, 1964, p. 93.

 

15 : Laurent Ozon, France, les années décisives. Entretiens 2013 – 2014, Éditions Bios, 2014, p. 25.

 

16 : dans Le Monde, les 21 et 22 novembre 2010, souligné par nous. Sur les Verts allemands et certaines de leurs tendances conservatrices, voir Thomas Keller, Les Verts allemands. Un conservatisme alternatif, L’Harmattan, coll. « Environnement », 2000.

 

17 : Christian Salvadi, « La Suisse vote de nouveau sur l’immigration », dans Le Monde, le 29 novembre 2014.

 

18 : Nicolas Lecaussin, « Oui à l’immigration… sans État-providence », dans Le Figaro, le 18 décembre 2014. Il est toujours grotesque d’observer que les chantres les plus exaltés du libéralisme sont des fonctionnaires d’université ou des membres d’instituts d’onanisme neuronal et non des patrons de petites ou moyennes entreprises, des artisans ou des membres de professions libérales…

 

19 : dans Le Point, le 19 octobre 2006. Ancien situationniste, Raoul Vaneigem est bien l’anti-Guy Debord puisqu’il a accepté d’être récupéré et intégré dans la Société du spectacle.

 

20 : dans Le Nouvel Observateur, les 17 – 23 février 2000.

 

21 : dans Libération, les 3 – 4 février 2001. Alias Unabomber, Theodore John Kaczynski est un terroriste néo-luddite emprisonné à vie dans les prisons fédérales de haute sécurité des États-Unis, cf. Theodore Kaczynski, L’effondrement du système technologique, Xenia, 2008, qui réunit l’ensemble de ses écrits.

 

22 : dans Marianne, les 18 – 24 août 2002.

 

23 : Jacques Ellul, Islam et judéo-christianisme, P.U.F., 2004, p. 43, souligné par l’auteur.

 

24 : Jacques Ellul, Le bluff technologique, op. cit., pp. 280 – 281. Dans une longue note de cet ouvrage, Ellul estime qu’« aujourd’hui, le grand thème d’une France multiraciale, avec l’invasion musulmane, achève cette destruction de la cohérence culturelle française (n. 26, p. 181) ».

 

25 : dans Le Figaro littéraire, le 24 mai 2001.

 

26 : Nicolas Truong, « Un désir de soulèvement », dans Le Monde, le 5 décembre 2014.

 

27 : Jean Malaurie, dans Le Nouvel Observateur, les 23 – 29 décembre 1999.

 

28 : Laurent Ozon, op. cit., pp. 26 – 27.

 

29 : Jean Malaurie, art. cit.

 


 

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